Tribologie/Lubrifiants/Lubrifiants solides et vernis
Lubrifiants solides
modifierPropriétés fondamentales
modifierCes produits, d'origine naturelle ou synthétique, sont rarement utilisés tels quels mais surtout à l'état de suspension dans les graisses et les huiles. Quand ils sont dits purs, ils sont cependant presque toujours associés à un liant qui facilite leur adhésion ou leur mise en place directe par brunissage, sous forme de films secs épais de 5 à 15 micromètres.
On utilise également leurs propriétés en les incorporant comme charges dans les polymères, ou dans des matrices métalliques frittées, ou encore dans des vernis de glissement.
Les coefficients de frottement varient de 0,01 à 0,4 ; on ne recherche pas forcément des valeurs très basses et bien souvent on accepte des coefficients élevés, particulièrement à chaud, s'ils s'accompagnent d'une grande sécurité de fonctionnement.
Un lubrifiant solide doit posséder les qualités suivantes :
- capacité à former une couche adsorbée très adhérente,
- faible dureté, car cette propriété est associée à une faible résistance au cisaillement, donc à un coefficient de frottement peu important,
- structure lamellaire qui permet une orientation préférentielle et un clivage facile correspondant à la faible résistance au cisaillement (ce n'est pas vrai pour le graphite qui devient abrasif s'il est privé d'humidité).
- point de fusion élevé et maintien de ses propriétés malgré les variations de température.
- solubilité limitée dans les métaux,
- inertie chimique aussi grande que possible pour ne pas attaquer les surfaces,
- élasticité des films formés,
- qualités anticorrosion,
- constitution en particules de faible dimension,
- grande pureté qui évite la présence de particules étrangères et plus particulièrement abrasives.
Les lubrifiants solides sont devenus indispensables pour la lubrification, ils jouent un rôle essentiel pour la formation d'un troisième corps.
Le graphite et le bisulfure de molybdène MoS2, tous deux d'origine naturelle, sont les lubrifiants solides les plus utilisés et les moins chers. On utilise aussi des produits synthétiques, qui ont tous une structure hexagonale : bisulfure de tungstène, nitrure de bore, biséléniures de tungstène, de molybdène et de niobium, iodure et bisulfure de titane.
Le fluorure de graphite est semisynthétique et résulte de la fluoration du graphite.
Talc
modifierLe talc, connu du grand public pour adoucir la peau, a depuis longtemps été utilisé dans de nombreux secteurs industriels : papier, peintures, plastiques, etc. Des applications nouvelles apparaissent, comme le revêtement de pièces métalliques soumises à de fortes contraintes. Trois laboratoires associés au CNRS en étudient actuellement les propriétés tribologiques de manière approfondie.
Du point de vue chimique, il s'agit d'un silicate de magnésium naturel ; sa structure est constituée de feuillets faiblement liés et donc susceptibles de glisser facilement les uns par rapport aux autres. Par rapport au PTFE, au graphite ou à d'autres lubrifiants solides, il possède une excellente tenue aux températures élevées (950 °C), une totale résistance à l'oxydation et il n'engendre aucune pollution. On cherche aujourd'hui à l'incorporer dans les revêtements de surface d'objets métalliques soumis à des frottements, de manière qu'il puisse être libéré dans l'interface des pièces frottantes ; il devrait en résulter une meilleure aptitude au glissement et une diminution de certaines formes d'usure comme la corrosion de contact.
Un nouveau revêtement de surface à base de phosphore, de nickel et de talc a été breveté en 2004. Dans le domaine de la visserie aéronautique, il devrait remplacer les revêtements à base de cadmium et de chrome, qui sont très efficaces mais aussi très polluants. D'autres applications sont envisagées, en particulier pour la lubrification des roulements à billes et de certains assemblages rivetés.
Graphite
modifierPropriétés
modifierLe graphite est la plus stable des quatre variétés allotropiques du carbone. À l'état naturel, il se présente sous la forme de masses noires, douces ou même graisseuses au toucher, et qui noircissent les doigts. On le rencontre dans les roches métamorphiques comme les schistes et sous forme de petits cristaux dans d'autres minéraux comme les marbres. Il est usuellement commercialisé sous forme de paillettes contenant entre 90 et 95 % de carbone pur.
La densité du graphite est 2,25. Il est insoluble dans les solvants usuels, conducteur de la chaleur et de l'électricité, ce qui l'apparente aux métaux, dont il se rapproche aussi par l'« éclat métallique ». Son point de fusion est très élevé (3 550 °C) et il fait preuve d'une grande neutralité chimique sauf avec les oxydants. Sa structure est un empilage de plaques parallèles formées d'hexagones réguliers et pouvant glisser sous un effort très faible. Ces plaques, liées par des forces de van der Waals, sont distantes de 0,335 nm et elles peuvent laisser pénétrer entre elles des ions ou des molécules formant des composés d'intercalation appelés « lamellars ».
Le graphite artificiel, obtenu à partir du pétrole, est beaucoup plus pur que le graphite naturel et communément constitué de 99,9 % de carbone. On s'en sert pour fabriquer des électrodes pour les piles électriques ou la métallurgie, des balais pour les moteurs électriques (charbons), des matériaux réfractaires, etc. Sous forme de fibres, il est largement utilisé pour la fabrication de matériaux composites.
Applications
modifierLe graphite est utilisable comme matériau de frottement de -180 à +650 °C et jusqu'à 750 °C en atmosphère neutre mais il n'est efficace que s'il adsorbe un film de gaz, d'huiles ou surtout d'eau ; ses qualités frottantes sont donc diminuées à chaud, sous vide ou dans les milieux anhydres (il tend alors à devenir abrasif).
L'adsorption des films de graphite nécessite une action énergique et prolongée, moyennant quoi ils résistent à des pressions considérables : 25 000 bars en cas d'écrasement sous déplacements lents et 7 000 sous charges variables ou mouvements rapides. Ces films favorisent l'adsorption d'autres lubrifiants mais ils n'assurent aucune protection contre la corrosion et peuvent être éliminés par des détergents suffisamment puissants. Le pouvoir lubrifiant du graphite est augmenté par l'oxydation des surfaces lubrifiées ou par adjonction d'oxydes de plomb, de cadmium ou d'antimoine, ou encore par d'autres adjuvants comme des poudres de métaux mous.
Outre ses nombreuses applications dans le domaine des lubrifiants industriels, le graphite rend des services dans la vie courante, on l'utilise par exemple sous forme de poudre pour la lubrification sèche des serrures ou pour empêcher le collage des joints de caoutchouc des portières et des coffres des automobiles.
La société Dylon a mis au point un nouveau produit graphité concentré à base d'eau qui peut servir aussi bien d'antiadhésif que d'agent de démoulage. Ce produit, appelé Dylon Grade AA Ultra Graphite Coat, peut être appliqué à la brosse, par pulvérisation ou au trempé sur des surfaces dont la température peut atteindre 540 °C. Une fois qu'il a séché, on obtient une surface offrant un frottement très doux, avec un bas coefficient et une bonne conductivité électrique. Il n'y a aucune émission d'odeur, de fumée ou de pollution.
Le Grade AA ne craquèle pas, ne fond pas, quelle que soit la température, et les impuretés ne s'y accrochent pas. On peut lui donner un fini miroir si nécessaire. Lorsqu'on n'en a plus besoin, il suffit de rincer les surfaces à l'eau froide pour l'éliminer. C'est aussi un excellent agent de démoulage, la plupart des métaux fondus, le quartz, le verre, le béton ou les céramiques ne collent pas sur les surfaces traitées. Des pièces de fonderie en aluminium, en cuivre, en plomb, en zinc, en argent ou autres métaux non ferreux démoulent sans effort lorsque les moules sont traités.
Bisulfure de molybdène
modifierCe produit de densité 4,8, de formule MoS2, résiste à la plupart des solvants et produits chimiques mais pas au chlore ni aux bases fortes, ni aux oxydants, ni à l'air au-dessus de 450 °C. On l'emploie de -180 °C à + 300 °C dans l'air, jusqu'à 650 °C en atmosphère neutre et 1 100 °C sous vide (lubrification des parties tournantes des tubes à rayons X). En cas d'oxydation, il se forme de l'acide sulfurique H2SO4 qui corrode les pièces, tandis que leur coefficient de frottement augmente.
Le bisulfure de molybdène est meilleur que le graphite mais plus cher : il présente un facteur de frottement moins élevé sur l'acier, adhère davantage aux surfaces et surtout, il peut frotter dans le vide et les milieux anhydres. Il est bien moins sensible aux effets d'adsorption, mais son facteur de frottement augmente en présence d'humidité, contrairement au graphite. Il croît avec la vitesse de glissement et décroît si la pression augmente.
Ce produit a une structure en lamelles dont chacune comporte une couche d'atomes de molybdène entre deux couches d'atomes de soufre (on en compte 1 640 par micromètre d'épaisseur). Ces lamelles ont peu d'affinité entre elles, d'où le clivage facile et la faible résistance au cisaillement des films, mais elles présentent une affinité pour les métaux bien supérieure à celle du graphite. Au contraire de ce dernier, le bisulfure de molybdène ne provoque aucune surépaisseur : ses lamelles n'ont pas tendance à s'empiler, elles sont par ailleurs assez dures pour pénétrer la structure du métal.
La grande affinité du bisulfure de molybdène pour les surfaces métalliques rend son incorporation possible par frottement à sec ou par projection dans un liquide volatil, le métal devant être soigneusement nettoyé. L'adsorption nécessite toutefois une grande énergie, elle n'est effective que par une pression d'au moins 15 bars, assurée par friction à la main ou dans certains cas dès la mise en service. On suppose que cette pression est nécessaire pour chasser les gaz adsorbés, d'ailleurs la durée de vie des films est triplée dans l'argon, gaz qui est bien moins adsorbé que l'oxygène de l'air.
La désorption du film est particulièrement difficile : il résiste jusqu'à 280 °C dans l'ultravide et on ne peut guère l'enlever que par usinage. Il ne constitue cependant pas une protection contre la corrosion.
L'application se pratique bien sur des surfaces rectifiées ou sablées, la rugosité optimale avoisinant 50 micromètres. La phosphatation des aciers donne une structure poreuse qui facilite l'accrochage et augmente la durée du film. On peut également traiter l'acier après sulfinuzation, le titane, l'aluminium anodisé, les aciers inoxydables, les alliages de cuivre ou de magnésium, l'adsorption se fait aussi sur diverses matières plastiques, nylon et polyamides, P.T.F.E., ...
Le nettoyage préliminaire des surfaces est très important pour préserver la pureté du produit, toutefois certains manteaux se révèlent intéressants car ils diminuent le coefficient de frottement. La présence de graphite augmente ou diminue la durée de vie des films, selon les matériaux traités.
Les suspensions colloïdales de bisulfure de molybdène ont une efficacité très différente selon les supports. Il ne suffit pas d'en mettre dans une huile ou une graisse pour améliorer les performances. Le coefficient de frottement peut être beaucoup abaissé par greffage de molécules de polymères : polystyrène, polyméthacrylate de méthyle ... mais avec une diminution de la dureté apparente du film. L'avantage du polymère greffé est qu'il permet la dispersion dans l'huile des produits oléophobes.
Le bisulfure de molybdène est un produit de grande valeur pour lutter contre la corrosion de contact, il facilite le galetage et surtout se révèle très intéressant lors du rodage. Pendant ce dernier, l'usure d'abord rapide se stabilise et il faut attendre la fin du processus pour connaître la valeur réelle du mécanisme, sa précision, son rendement. Des variations se produisent dans les séries malgré tous les contrôles. Avec le bisulfure de molybdène qui constitue des placages inarrachables lors du rodage, on peut utiliser le matériel dans les conditions normales sans échauffement ni incident.
Il est possible de travailler de 184 °C à 425 °C en associant 77 % de MoS2, 7 % de graphite, 22 % de silicate de sodium.
Le bisulfure de molybdène est utilisé dans les graisses lubrifiantes destinées au frottement des métaux sur les matières plastiques et au frottement des matières plastiques sur elles-mêmes.
Fluorure de graphite
modifierC'est un produit obtenu par fluoration du graphite, de formule (CFx)n. Il se présente sous forme d'un solide pulvérulent gris foncé à structure lamellaire de graphite et de fluor qui a de bonnes qualités lubrifiantes jusqu'à 400 °C. Au-delà, se forment des oxydes épais et fragiles ; il y a décomposition à 450 °C avec formation de gaz fluorés inertes et d'un résidu de carbone. Le mécanisme du frottement est inexpliqué et le fluorure de graphite se révèle meilleur que le graphite ou le bisulfure de molybdène à toutes les températures, malgré un coefficient de frottement égal ou supérieur. On sait aussi que plus de fluor diminue l'usure.
Ce produit possède un fort caractère hydrofuge et oléofuge, d'où des problèmes de dispersion dans l'eau et dans les huiles. Il améliore la température maximale de fonctionnement des graisses aux savons de lithium avec huiles de base diester, 340 °C au lieu de 215. Le film s'applique de préférence au frotté, il a une durée de vie au moins six fois supérieure à celle du bisulfure de molybdène.
Le comportement est excellent dans les matrices de forgeage à froid, plus particulièrement dans des outillages de frappe de visserie inoxydable. Il améliore la tenue des systèmes cames-poussoirs ou des engrenages.
Autres lubrifiants solides et produits spéciaux
modifierBeaucoup d'entre eux offrent des ressources intéressantes, en particulier pour le frottement à haute température où l'on fait appel à des oxydes, sulfures, fluorures ou nitrures, ainsi que dans le vide.
- alliages spéciaux et matériaux réfractaires : au-dessus de 650 °C, le choix des matériaux est aussi important que celui des lubrifiants : céramiques, cermets, alliages spéciaux de béryllium jusqu'à 1 600 °C, alliages de colombium, tantale, molybdène, tungstène.
- métaux mous pour le frottement sec : l'or, l'argent, le plomb, donnent des coefficients de frottement de l'ordre de 0,3 sur d'autres métaux. Les typographes utilisaient la poudre de plomb pour lubrifier à sec les matrices de cuivre servant à la coulée des caractères sur les linotypes.
- métaux liquides : on a essayé le mercure, le potassium, le rubidium, le césium, le sodium.
- disulfure de tungstène WS2 : il a des utilisations semblables au bisulfure de molybdène.
- biséléniures de tungstène et de niobium : ils ont un bon comportement dans le vide.
- oxyde de plomb PbO : il sert au-delà de 600 °C, associé au carbone, avec la silice comme liant pour augmenter l'adhérence du film. Il est intéressant, en particulier sur les aciers inoxydables, entre 670 °C et 815 °C : en dessous, il se transforme en minium Pb3O4 non lubrifiant, au-dessus, il est volatil.
- sulfure de plomb PbS : il convient jusque vers 500 °C, avec de l'oxyde borique B2O3 comme liant.
- fluorures de calcium CaF2, de baryum BaF, de lithium LiF, à chaud avec des liants à bases d'oxydes métalliques. Le premier a des applications en France dans le domaine nucléaire.
- nitrure de bore BN : il présente un coefficient de frottement élevé de 0,35 à 0,4 mais on peut l'utiliser jusqu'à 980 °C dans l'air et 1 650 °C dans le vide. On fabrique des roulements à billes en nitrure de bore fritté.
- phtalocyanine : utilisable de 30 °C à 500 °C, et même jusqu'à 650, voire 800 °C, si la quantité évacuée par sublimation est continuellement remplacée par entraînement dans un courant d'azote. On peut l'associer au graphite, à l'oxyde de plomb.
- oxyde de bore B2O3 : à l'état solide, il sépare les matériaux à lubrifier, à chaud il s'amollit en agissant comme un lubrifiant classique avec de bonnes propriétés en graissage limite jusque vers 1 100 °C. Son utilisation est possible en combinaison avec du graphite ou du sulfure de plomb.
- le verre est utilisé comme lubrifiant vers 1 000 °C pour certaines opérations de travail des métaux.
Les Sermalubes constituent la vaste gamme de produits de la société Sermetel pour le frottement à température élevée. Dans des liants inorganiques céramisants entre 300 et 400 °C, on trouve des produits divers : graphite, oxyde de plomb, bisulfure de molybdène, PTFE, etc.
Nanoparticules
modifierDivers produits font actuellement l'objet d'études en vue de leur incorporation dans des lubrifiants tels que les huiles, les graisses et les vernis de glissement.
Les nanoparticules de bisulfure de molybdène ou d'autres matériaux produites par la société israélienne Nanomaterials procurent des capacités lubrifiantes aussi bonnes que les meilleurs revêtements connus. Elles remplacent avantageusement des additifs beaucoup plus polluants.
Ces particules microscopiques ont des diamètres de l'ordre de 100 nm, environ mille fois plus petits que le diamètre d'un cheveu. Elles sont extrêmement résistantes à la pression et aux chocs et leurs applications sont très diverses ; elles peuvent servir pour fabriquer des casques de protection, des gilets pare-balles ou des additifs pour les lubrifiants.
La structure de base est celle des fullerènes, dans lesquels les atomes ne sont pas associés selon des structures planes, mais selon des structures sphériques comparables à celles des ballons de football. Ces sphères sont d'autant plus grosses qu'elles comportent des particules plus nombreuses et on peut les enfermer les unes dans les autres pour obtenir des structures en couches concentriques comparables à celles des oignons ou encore des poupées russes, et très résistantes aux sollicitations mécaniques (environ 4 à 5 fois plus que l'acier et 2 fois plus que les meilleurs matériaux utilisés en armurerie).
Lorsqu'elles sont introduites entre deux surfaces, ces particules se comportent comme autant de microbilles capables de rouler les unes sur les autres et de faciliter les mouvements de glissement tout en réduisant l'usure. Ce sont donc d'excellents « troisièmes corps ».
Les matériaux utilisés pour la réalisation de ces structures ne semblent pas toxiques mais, comme pour les fullerènes et les nanotubes de carbone, il faut attendre les résultats des recherches en cours et, dans l'immédiat, rester prudent.
Bore
modifierLe bore, indépendamment de la place qu'il tient en tribologie sous forme de nitrure, pourrait jouer dans l'avenir un rôle semblable à celui du carbone.
Vernis de glissement
modifierCe sont des dispersions fines de lubrifiants solides ou d'huile dans un liant approprié, avec un solvant qui s'évapore et laisse un feuil très mince, quelques micromètres seulement, et très adhérent sur des surfaces spécialement usinées ou sur matériaux dits de frottement.
Ils forment une réserve plus importante que les lubrifiants solides adsorbés et assurent une bonne protection contre la corrosion. Le coefficient de frottement, de l'ordre de 0,04 si la pression est élevée, permet de remplacer la lubrification dans des ambiances particulières : vide poussé, radiations nucléaires, très basses ou très hautes températures, ambiances poussiéreuses, vitesses faibles...
La mise en œuvre sur l'acier comporte les opérations de dégraissage, sablage ou grenaillage, phosphatation. Sur l'acier inoxydable la phosphatation est remplacée par la gravure, comme sur l'aluminium que l'on peut aussi anodiser. Les caoutchoucs ou plastiques sont nettoyés aux solvants et les seconds subissent un sablage léger. L'application peut se faire au pinceau ou à la brosse, au rouleau, au trempé, par pulvérisation.
Les rugosités acceptables vont de 0,02 à 50 micromètres, l'optimum se situant entre 0,5 et 2 µm. Les surfaces plus finies doivent être lubrifiées autrement.
Certains vernis de glissement à matrices organiques permettent d'obtenir une isolation électrique, ils résistent à des tensions de l'ordre de 500 V pour des épaisseurs de 15 à 30 µm.
Liants
modifierOn utilise surtout des liants organiques pour les températures basses et modérées, et à chaud des liants inorganiques :
- les liants organiques diffèrent par leur température de durcissement et leur tenue à la chaleur. Les résines cellusosiques, alkydes, uréthannes ou acryliques qui durcissent ou polymérisent à l'air à 20 °C ; les alkydes et uréthannes ne tiennent pas au-delà de 70 °C. Parmi les résines polymérisables à chaud, les phénoliques ne dépassent pas 160 °C, les époxydes 200 °C, les polyimides 350 °C, les silicones 300-400 °C. Ces dernières présentent de bonnes qualités contre la corrosion de contact des tribocontacts en titane ;
- les liants inorganiques sont essentiellement des sels comme le silicate de sodium, des phosphates ou des titanates. Ces derniers permettent un séchage et un durcissement rapides dans l'air et conviennent jusqu'à 400 à 500 °C. Les silicates donnent des feuils résistants aux radiations nucléaires.
Lubrifiants
modifierLa quasi totalité des lubrifiants solides utilisés sont le bisulfure de molybdène, le PTFE, le graphite, le fluorure de graphite, mais on trouve aussi du talc et du mica. L'addition de trioxyde d'antimoine Sb2O3 permet de réduire considérablement les risques de corrosion tout en améliorant le comportement du feuil à base de MoS2.
Les émaux de frottement, utilisés jusqu'à 1 000 °C, renferment des fluorures de calcium ou de baryum ou encore de l'oxyde de plomb, ...
Depuis peu, on utilise aussi des vernis à inclusion d'huiles. Ces dernières ne sont pas dissoutes mais dispersées dans des liants du type résines époxyde à raison de 3 à 7 % (10 % est un maximum). Le frottement est bien meilleur qu'avec des lubrifiants solides et cette technique constitue un progrès considérable.
Applications
modifierElles sont très diverses : axes de rotors d'hélicoptères, boulonnerie aéronautique en titane, jupes de pistons de moteurs, ceintures à enrouleurs, assemblages Silentbloc, arbre primaire de boîte de vitesses, pivots, ressorts, charnières, noyaux plongeurs d'électroaimants, gâchettes de fusils, arbres cannelés, cames, rotules, engrenages, filage et calibrage à froid de profilés d'acier, formage du titane.
On les utilise aussi en présence de radiations ionisantes dans l'industrie nucléaire : vis de commande, boulons, ... dans le vide spatial, en présence de vibrations : plaques de dilatation, plaquettes de freins, ... dans le cas de températures extrêmes : chaînes de convoyeurs, ... en ambiance poussiéreuse ...
- Revêtement Graphoil (Snecma) : vernis thermostable à base de bisulfure de molybdène, qui s'applique sur des pièces fonctionnant dans les carburants et les huiles à moyenne température. Ses performances sont supérieures à celles des lubrifiants traditionnels à base de graphite (tenue sans écaillage dans le kérosène TRO à 150 °C pendant 24 heures).
- Revêtement Ni-Ag/MOS2 (Brevet Snecma industrialisé par Snecma Services) : ce procédé a été développé pour optimiser la lubrification des pièces fonctionnant à très basse température, notamment dans l'hydrogène liquide à -253 °C.
Frottement ultrafaible, suprafriction
modifierLes bases théoriques des phénomènes décrits ci-dessous se trouvent dans le chapitre Tribologie - Genèse des frottements.
Les études des structures lamellaires du graphite et du bisulfure de molybdène confirment que le facteur de frottement varie de façon périodique avec leur inclinaison relative. Dans le cas de réseaux cubiques, le plus faible frottement a lieu lorsque le décalage angulaire est de 45°. Pour le graphite, dont la structure est hexagonale, le facteur de frottement passe par un maximum tous les 60°, ce qui est conforme à l'intuition.
Jean-Michel Martin et son équipe de l'École Centrale de Lyon ont montré que lors du glissement, les feuillets de bisulfure de molybdène subissaient une double rotation par rapport à la direction du mouvement et par rapport aux autres feuillets, pour arriver à une position d'incommensurabilité. Ils ont découvert également que le dithiocarbamate de molybdène largement utilisé comme additif des huiles au Japon et aux États-Unis avait la propriété de former à la surface des pièces, sous l'effet du frottement, de petits feuillets de bisulfure de molybdène formés d'une seule couche de molécules. Outre leurs diverses actions protectrices, ces feuillets permettent d'abaisser le frottement jusqu'à des valeurs de l'ordre de 0,05.
D'importantes réductions du facteur de frottement sont obtenues sur des couches minces de carbone adamantin qui ont également l'avantage de diminuer considérablement l'usure. L'industrie japonaise utilise d'ores et déjà cette technique pour traiter les contacts cames/poussoirs de moteurs automobiles de série.