Tribologie/Genèse des frottements


Les causes du frottement, telles qu'on les imagine de nos jours, sont multiples et interdépendantes. De tous temps on a cherché à comprendre ce phénomène, avec plus ou moins de succès, par la spéculation intellectuelle et par l'expérience.


TRIBOLOGIE

Science et technologie du frottement, de l'usure et de la lubrification.

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Plan du livre :
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Quoi de neuf Docteur ?

C'est aux Anglais Bowden et Tabor que l'on doit (à partir de 1950) d'avoir énoncé pour la première fois des idées claires sur le sujet, mais il est intéressant de considérer les cheminements intellectuels qui ont été suivis au cours des siècles.

Une étude complète du problème ne saurait se limiter aux seules surfaces d'objets réputés secs et propres, puisqu'une partie au moins des résistances passives a son origine à l'intérieur même des matériaux et dans les films lubrifiants solides, liquides et gazeux dont on fait largement usage dans les machines. Le frottement immédiat entre deux pièces mécaniques, c'est-à-dire celui qui a lieu sans interposition du moindre produit, lubrifiant ou autre, est l'exception. Le frottement médiat, qui met en jeu d'autres éléments que les deux pièces dont on veut assurer le contact, est la règle.


Imbrication des aspérités

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Jusqu'au XVIIIe siècle, c'est la cause du frottement la plus fréquemment invoquée : on peut citer les travaux de Léonard de Vinci (vers 1500), Guillaume Amontons (1699), Antoine Parent (1704), Bernard Forest de Bélidor (1737), Leonhard Euler (1748), Charles-Augustin de Coulomb (1781).

Léonard de Vinci s'intéressa à l'étude de la mécanique, pratiquement abandonnée depuis l'époque des grecs antiques. Ses recherches sur les mouvements l'ont amené à pressentir les notions d'inertie, de moment, de rendement, de frottement, de centre de gravité. Cent ans avant Galilée, il entrevit également la notion de conservation de l'énergie.

 
Tribomètre de Vinci (vers 1500)
 
Frottement selon Belidor (1737)
 
Atomes selon Belidor (1737)

Contrairement à une idée reçue, Léonard de Vinci a beaucoup plus dessiné de mécanismes qu'il n'en a réalisés. Ses esquisses de machines à mesurer les forces de frottement, très semblables à celles qui seront réalisées par Coulomb trois siècles plus tard, sont les ancêtres des tribomètres.

Les lois fondamentales de Léonard de Vinci, qui furent redécouvertes deux siècles plus tard par Amontons, s'énoncent ainsi :

  • les forces de frottement varient en proportion des forces normales aux surfaces en contact ;
  • elles sont indépendantes de l'aire apparente de contact des surfaces en présence ;
  • elles dépendent des matériaux et de l'état de leurs surfaces.

Amontons remarqua que l'effort des polisseurs de glace ne dépendait pas de l'aire du polissoir mais seulement de l'effort normal de pression.

Bélidor imaginait les surfaces comme formées d'aspérités hémisphériques régulières (sans doute pensait-il à des atomes), celles d'une surface devant être franchies par celles de l'autre.

Si l'on dispose trois sphères selon un arrangement triangulaire, une quatrième sphère venant se loger dans la « niche » formée par les trois premières doit franchir un obstacle avant qu'on puisse la faire glisser. Une fois qu'elle est « montée » au-dessus des autres, le déplacement doit être plus facile.

Bélidor rapporta la valeur de l'effort tangentiel nécessaire pour déplacer une rangée de sphères par rapport à l'autre à l'effort normal qui presse les deux rangées, et trouva la valeur :

 

Cette valeur, issue d'une théorie qui peut nous paraître aujourd'hui bien naïve, correspond tout de même assez bien aux valeurs du facteur de frottement obtenues avec des matériaux communs comme le bois, le fer, la pierre frottant à sec dans l'air. Non seulement elle fournit des valeurs réalistes, mais de plus elle rend compte du fait que le facteur de frottement statique est généralement un peu plus fort que le facteur de frottement dynamique : il est généralement plus facile d'entretenir un mouvement que de le provoquer.

Henri Poincaré ne disait-il pas « qu'une théorie n'a pas besoin d'être juste, pourvu qu'elle soit utile » ?

La théorie de Bélidor fut assez vite contestée et Navier, qui réédita en 1819 les travaux de Bélidor, écrivit dans une note de bas de page : « Les expériences d'Amontons, dont Bélidor vient de parler, se trouvent dans les Mémoires de l'Académie des Sciences pour 1699. L'auteur conclut que la résistance provenant du frottement est indépendante de la grandeur des surfaces en contact, ce qui a été confirmé depuis ; qu'elle est à peu près la même pour le bois, le fer, le cuivre, le plomb, etc., quand ces diverses substances sont enduites de vieux oing, et environ le tiers de la pression : on va voir plus bas les rectifications dont ce dernier résultat est susceptible. Il n'est pas besoin de dire combien la supposition des demi-sphères hérissant la surface des corps, sur laquelle Bélidor peut appuyer le résultat expérimental d'Amontons, mérite peu d'attention. Je ne m'arrêterai pas non plus, pour ne point charger ces notes de remarques inutiles, à la démonstration géométrique fondée sur cette hypothèse, démonstration qui est très fautive. »

Il est en effet assez facile d'imaginer que pour que la théorie de Bélidor ait un sens, les atomes des deux pièces doivent s'imbriquer les uns dans les autres, ce qui est hautement improbable avec les objets usuels. Non seulement il faudrait que les atomes aient la même organisation au niveau des deux surfaces, ce qui n'est guère possible qu'avec des cristaux parfaits, mais ils devraient en outre avoir des structures de même dimension et convenablement orientées. Cela fait beaucoup de conditions. Néanmoins, comme nous le verrons plus loin dans le paragraphe dédié aux frottements ultra faibles, les études sur le frottement à l'échelle atomique sont revenues à la mode depuis quelques années.

 
Appareil de Coulomb

Les lois de Léonard de Vinci et Guillaume Amontons ont été complétées par Coulomb qui, remarquant la différence réelle mais souvent légère des efforts de frottement statique et dynamique, a admis qu'en outre :

  • les forces de frottement sont pratiquement indépendantes de la vitesse de glissement des surfaces.

Coulomb réalisa de nombreuses expériences à l'Arsenal de Rochefort, vers 1780. Quelques éléments de son appareillage sont reproduits dans la figure ci-contre.

À cette époque on estimait le coefficient de frottement sec des métaux à des valeurs de l'ordre de 1/3 à 1/4. Les travaux ont été souvent repris par la suite, en particulier par Arthur Morin qui effectua un grand nombre de mesures sur des corps très variés, lubrifiés ou non, confirmant que les lois de Coulomb doivent être regardées « comme exactement conformes aux effets naturels et non plus comme des règles approchées dont on pouvait faire usage dans les applications aux arts sans s'exposer à des erreurs dangereuses ».

D'après certaines sources, les lois du frottement auraient été énoncées par Arthur Morin en 1831, avant Coulomb.

Gustave-Adolphe Hirn, en 1847, distinguait le frottement médiat et le frottement immédiat, suivant la présence ou non de lubrifiant. S'il put confirmer les résultats de Coulomb relatifs au frottement sec, en revanche il reconnut l'influence d'autres facteurs en présence de lubrifiant : étendue des surfaces en regard, charge, vitesse, durée des essais, température. Il essaya même l'air comme lubrifiant, trouvant alors des coefficients de frottement de 1/10 000.

Attraction interatomique ou intermoléculaire

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Si le frottement à charge faible et vitesse lente résulte pour beaucoup de l'imbrication des aspérités, cette cause n'est pas la seule. En effet, le frottement des corps polis n'est pas nul, bien au contraire, il y a même un optimum de rugosité ...

 
Rugosité optimale

L'effet de l'attraction moléculaire a été signalé pour la première fois en 1751 par Jean-Théophile Desaguliers. Il a été chiffré par Coulomb qui a représenté ses résultats sous la forme :

 

T et N sont respectivement les charges tangentielle et normale, β est le coefficient de frottement, A est un effort tangentiel supplémentaire dû à l'adhésion.

Coulomb écrit : « Le frottement ne peut provenir que de l'engrenage des surfaces et la cohérence ne doit y influer que très peu ; car nous trouvons que le frottement est, dans tous les cas, à peu près proportionnel aux pressions et indépendant de l'étendue des surfaces. Or la cohérence agirait nécessairement suivant le nombre de points de contact ou suivant l'étendue des surfaces. Nous trouvons cependant que cette cohérence n'est pas précisément nulle et nous avons eu soin de la déterminer dans les différents genres d'expériences qui ont précédé. Nous l'avons trouvée d'une livre 2/3 par pied carré pour des surfaces de chêne non encastrées. Mais, dans la pratique, la résistance qui peut venir de cette cohérence peut être négligée toutes les fois que chaque pied carré est chargé de plusieurs quintaux ».


Ce sont les forces d'attraction intermoléculaire, ou forces de van der Waals, du nom du physicien hollandais Johannes Diderik van der Waals, qui permettent la cohésion des solides. Chaque atome ou molécule vibre autour d'une position d'équilibre déterminée par des forces de répulsion et d'attraction agissant simultanément ; ces dernières ne sont décelables entre deux surfaces que lorsque celles-ci sont séparées par une distance inférieure à 0,2 micromètre.

Dans l'immense majorité des cas, la rugosité des pièces mécaniques est telle que leur portée ne se fait que sur quelques rares sommets d'aspérités et que partout ailleurs, leurs surfaces sont éloignées de plus de 0,2 micromètre. Les forces de cohésion restent alors pratiquement négligeables devant les autres effets.

Le poli, d'ailleurs, ne change rien s'il s'accompagne de défauts de forme. Pour les cales-étalons utilisées en métrologie ou certaines pièces d'étanchéité, le haut degré de poli est associé à une excellente correction géométrique et ces surfaces adhèrent très facilement.

Mise en évidence des forces d'attraction
 
Ces deux plaquettes d'alumine sont les pièces maîtresses des mitigeurs modernes, comme ceux dont on équipe actuellement les sanitaires. La plus grande mesure 46x26x4 mm. Elle porte deux arrivées d'eau trapézoïdales et un orifice de sortie d'eau rectangulaire.
 
En faisant glisser la petite plaquette sur la grande, on peut démasquer plus ou moins les ouvertures trapézoïdales et donc régler à volonté les débits d'eau froide et d'eau chaude. L'étanchéité se fait directement entre les plaquettes, qui doivent donc être dotées à la fois d'un excellent poli de surface et d'une excellente planéité.
 
On parle ici de « poli optique », avec des défauts inférieurs au dixième de la longueur d'onde de la lumière (λ = 0,4 micromètre pour le violet). La distance moyenne des deux surfaces est largement inférieure à 0,2 micromètre, limite en dessous de laquelle on constate les effets des forces d'attraction. Même si ces forces n'agissent que sur une fraction de la surface, elles sont suffisantes pour que l'on puisse supporter une des plaquettes par l'intermédiaire de l'autre. Il ne s'agit absolument pas d'un effet de « ventouse », l'adhérence serait d'ailleurs beaucoup plus intense dans le vide ...

Beaucoup de professeurs de mécanique font donc une grossière erreur lorsque, souhaitant négliger le frottement dans tel ou tel mécanisme, ils font l'hypothèse que les surfaces en contact sont parfaitement polies.

P. Appell écrit dans son « Traité de mécanique rationnelle » (1926-28) que :

« Les deux corps subissent des déformations, généralement très petites, qui les mettent en contact suivant une petite portion de surface : ces déformations, permanentes si les corps sont en équilibre, sont variables quand les corps glissent les uns sur les autres ; il se produit alors des vibrations moléculaires et il se développe également de la chaleur ou de l'électricité, dont la production absorbe une partie du travail des forces motrices. »

Pour Marcel Brillouin (1899), le caractère micropériodique des champs de forces intermoléculaires superficiels fait que les atomes en regard passent par une série de positions d'équilibre instables débouchant sur des phénomènes vibratoires et une perte d'énergie. Deryaguine, en 1934, a retrouvé la formulation à deux termes de Coulomb sous une forme un peu différente.

Richard Feynman (1961) explique également la force de frottement à sec par le mouvement vibratoire des atomes transformant en chaleur l'énergie perdue lors du glissement.

Les forces inter atomiques sont maximales lors du contact intime, sous vide, de pièces métalliques parfaitement polies et dégazées. Les atomes de deux surfaces de cuivre, par exemple, ne « savent » alors plus très bien à quelle pièce ils appartiennent ... et cela donne évidemment une soudure puisque les forces mises en jeu sont précisément celles qui font que le cuivre est un solide.

Le Professeur Courtel et son équipe du CNRS ont beaucoup travaillé à partir de la théorie de l'adhésion élastique développée par Johnson, Kendall et Roberts (1971).

Formation et cisaillement de jonctions

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Le Français Fichter écrivait en 1924 : « de même que l'on peut constater, sur deux corps rugueux frottant l'un sur l'autre, l'arrachement de petites particules, de même on trouve que deux surfaces polies, adhérant l'une à l'autre, par cohésion, ne peuvent être séparées par traction normale (à sec ...) sans l'arrachement de parties de ces surfaces. On est en droit de conclure qu'il y a eu, en ces points, soudure véritable ».

On doit aux Britanniques Frank P. Bowden et David Tabor (à partir de 1950) la plus célèbre des théories fondées sur l'adhésion.

Dans le frottement de glissement des métaux et/ou d'autres matériaux, outre les phénomènes d'enchevêtrement des rugosités, il se produirait une succession de soudures partielles suivie de l'arrachement des éléments amenés en contact. Cette théorie explique de nombreux phénomènes comme le transfert de matière entre deux corps et le frottement sur les films minces solides, mais en laisse d'autres dans l'ombre.

Aire et charge de contact
Charge Aire effective de contact
en daN en cm2
500 0,0500
100 0,0100
5 0,0005
2 0,0002

La première idée est l'exiguïté des zones de contact : les mesures de Bowden pour une aire théorique de contact de 21 cm² (telle que l'on pourrait la dessiner sur un plan) donnent le tableau ci-contre

L'aire réelle de contact est mesurable à partir de la résistance électrique. Elle est minuscule, indépendante de l'aire théorique, et dans un large domaine elle varie proportionnellement à la charge. Il en résulte de très fortes pressions (ici, 1 000 N/mm²) qui, paradoxalement, ne changent guère avec la charge.

C'est par ailleurs au voisinage des petites zones de contact que la puissance perdue par frottement se transforme en chaleur. Si des phénomènes comme le polissage montrent que l'on atteint au moins la température de fusion du matériau le plus fusible, certains auteurs parlent de plasma (milieu gazeux ionisé avec des concentrations électroniques et ioniques à peu près équilibrées), avançant des valeurs telles que 100 000 °C, sur des épaisseurs de quelques dizaines de diamètres atomiques. De toute manière, les températures sont très élevées.

Les fortes pressions et les fortes températures sont deux facteurs favorables à la diffusion mutuelle des atomes des deux pièces. Elles se produisent ici simultanément. Si une filiation cristalline est possible, des micro soudures se forment et il faut les cisailler ou les arracher pour que le glissement se poursuive.

Cela différencie deux modes de frottement, le frottement par cisaillement, acceptable, et le frottement par soudure, généralement très néfaste, dont nous reparlerons à propos de l'usure. Dans les cas extrêmes il y aura grippage, arrêt du mouvement relatif par frottement interfacial.

Energie de déformation

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Des auteurs comme sir John Leslie (1804), Gumbel (1921), Epifanov (1934) ou Ling (1967) attribuent la résistance de frottement au travail de déformation des solides et en particulier, d'après Ling, au travail de déformation plastique. Le frottement n'est pas une simple action superficielle : il concerne aussi les pièces sur une certaine profondeur, du fait des lois de l'élasticité et de la résistance des matériaux.

Il n'est cependant pas facile de faire la part des pertes d'énergie superficielles et internes. L'énergie de déformation est l'un des phénomènes prépondérants dans le cas des matériaux visco-élastiques comme les caoutchoucs ou les plastiques, ainsi que dans le frottement de roulement. Les phénomènes d'hystérésis élastique ont été largement étudiés par Tabor.

Ce que les joueurs de pelote basque appellent une balle vive, est une sphère de caoutchouc qui rebondit sur un sol dur à une hauteur proche de celle d'où on l'a lâchée. Il est facile de vérifier que parmi des balles apparemment identiques, les plus vives roulent plus vite que les autres le long d'un plan incliné.

Par défaut d'élasticité, les pneumatiques d'une automobile de puissance moyenne roulant à 90 km/h, sur un sol plan, dans les conditions normales de roulage, consomment jusqu'au tiers de la puissance fournie par le moteur.

Dans les roulements à billes ou à rouleaux, le lubrifiant sert avant tout à prévenir le grippage des surfaces. Contrairement à une idée reçue, pour le cas des roulements, son effet sur la diminution des frottements est minime : il ne peut bien évidemment pas diminuer les pertes par hystérésis dans l'acier. Au contraire, trop lubrifier un roulement aboutit au résultat inverse, le brassage du lubrifiant qui en résulte consomme beaucoup d'énergie et peut même provoquer un échauffement excessif capable, dans certains cas, d'accélérer les dégradations ! L'idéal reste la lubrification par brouillard d'huile, hélas inapplicable en-dehors de quelques cas particuliers.

Les déformations pouvant survenir sous l'effet du frottement sont de deux sortes : irréversibles, lorsqu'elles entraînent des déformations qui persistent après que leur cause a été supprimée, et réversibles, lorsque le matériau n'est sorti nulle part de son domaine élastique. Le niveau de contraintes atteint dans les zones de contact fait que l'apparition de déformations plastiques irréversibles est dans tous les cas hautement probable, même dans des matériaux réputés fragiles, car ces derniers peuvent parfois se déformer sans se rompre lorsqu'ils sont soumis à des compressions triaxiales suffisamment importantes.

La notion de « résistance aux glissements moléculaires » prend ici toute son importance. Dans les matériaux ductiles, celle-ci est plusieurs dizaines de fois plus faible que les contraintes qui amènent à la rupture et caractérisent ce que l'on appelle parfois « résistance à l'éclatement » ; ainsi, le glissement interne n'entraîne aucune décohésion. Dans les matériaux fragiles, en revanche, la résistance au glissement moléculaire et la résistance à l'éclatement sont voisines, la rupture se produit de préférence à la déformation permanente.

La résistance aux glissements moléculaires est relativement faible dans les matériaux homogènes et constitués d'arrangements ordonnés de particules de même taille (comme cela se produit pour les structures cubiques à face centrées et hexagonales compactes, par exemple). On montre que les glissements sont plus faciles lorsqu'ils se produisent dans les directions de plus fortes densités atomiques. Par contre, pour les matériaux hétérogènes, les glissements sont plus difficiles : le fer pur, par exemple, est relativement mou, on peut le durcir en substituant dans le réseau cristallin des atomes plus petits ou plus gros que les atomes de fer, ou encore en insérant de petits atomes dans les interstices que laissent entre eux les gros atomes métalliques. Ceci doit être soigneusement dosé : un excès d'atomes étrangers augmente en effet la fragilité.

Frottement dans les fluides

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Les fluides se distinguent des solides, des pâtes et des pseudo-fluides par le fait que lorsqu'ils sont au repos, ils ne sont le siège d'aucune contrainte de cisaillement. Il en résulte qu'ils n'ont pas de forme propre mais aussi que l'on n'a besoin d'aucune énergie pour les déformer, pourvu que cette déformation soit infiniment lente.

Il n'en va pas de même au sein d'un volume de fluide que l'on déforme avec une certaine rapidité. On constate alors l'apparition d'actions mécaniques internes qui freinent cette déformation. Ces résistances passives correspondent à la viscosité du fluide, elles résultent de frottements internes et correspondent à des contraintes de cisaillement.

L'étude détaillée des phénomènes de viscosité se trouve dans le chapitre du wikilivre consacré aux lubrifiants liquides.

Dans un fluide parfait, les éléments de volume infiniment petits que l'on peut découper par la pensée ne sont soumis qu'à des actions de contact normales à leurs surfaces extérieures, qu'ils soient ou non en mouvement. Dans un fluide visqueux, ceci n'est vrai qu'à l'arrêt ; en mouvement, ces actions ne sont pas partout normales.

L'existence de la viscosité implique que tout déplacement d'un élément de fluide, au sein de ce dernier ou par rapport à une paroi, nécessite la dépense d'une certaine énergie. L'action des frottements dans les fluides concerne aussi bien les liquides que les gaz. Duhen a signalé qu'une partie de la viscosité n'était qu'apparente et due à de petits mouvements tourbillonnaires, l'autre partie étant due à ce qu'il a appelé la « viscosité intrinsèque ». Beaucoup d'auteurs se sont penchés sur ces questions, et non des moindres : Daniel Bernoulli, Jean Bernoulli, d'Alembert, Leonhard Euler, Barré de Saint-Venant, Osborne Reynolds, Sommerfeld, etc.

On ne dispose d'aucune théorie satisfaisante sur la véritable nature des frottements dans les fluides, ce qui explique la prolifération des travaux expérimentaux et la rareté des études théoriques convaincantes.

La viscosité dépend avant tout de la nature du fluide, elle est faible pour les liquides dits « mobiles » comme l'eau, l'essence, l'éther éthylique, et beaucoup plus forte pour les sirops, les huiles, l'acide sulfurique concentré ou la glycérine. Elle dépend de nombreux facteurs, dont le plus important pour les applications pratiques est la température.

Une étude beaucoup plus complète de la viscosité est présentée dans le chapitre consacré aux lubrifiants.

Retenons pour l'instant quelques idées :

  • un fluide présentant une faible affinité pour une surface solide va glisser sur cette surface, comme fait le mercure sur le verre, dans ce cas l'aptitude de ce fluide à lubrifier ce solide sera mauvaise ;
  • dans un fluide soumis à une déformation trop énergique il peut y avoir rupture par cisaillement, ce qui là encore pose des problèmes pour la lubrification.

Frottement entre un fluide et un solide

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Lorsque l'on cherche à obtenir une lubrification du solide par le fluide, il est impératif que les couches superficielles du fluide soient aussi solidement que possible liées au solide. Ceci met en jeu une propriété conjointe des deux matériaux, l'onctuosité, propriété qui sera examinée dans le chapitre consacré aux lubrifiants.

Si au contraire on souhaite faciliter la pénétration du solide dans le fluide, alors il faut éviter au maximum de telles liaisons et faire en sorte que le fluide glisse facilement sur le solide. Ce dernier doit non seulement éviter l'adhérence mais aussi être aussi lisse et propre que possible. On a pu montrer, par exemple, que le simple fait de laver régulièrement les ailes d'un avion permet de réduire le frottement dans l'air et d'économiser 12 tonnes de carburant par an et par appareil.

Phénomènes aérodynamiques

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En dessous de 1 000 km/h, le frottement de l'air sur les ailes des avions ne pose pas de problème particulier mais il n'en est pas de même aux vitesses supersoniques. La dilatation de la structure est le premier problème auquel doivent faire face les ingénieurs. L'avion supersonique Concorde volant à sa vitesse de croisière s'allongeait de quelques 25 cm sous l'effet du frottement de l'air, ce qui est évidemment loin d'être négligeable.

Les conditions deviennent particulièrement sévères lorsqu'un véhicule spatial lancé à plusieurs kilomètres par seconde pénètre dans l'atmosphère de la Terre ou d'un autre corps céleste. Chacun a encore en mémoire les problèmes posés par le bouclier spatial des véhicules lunaires Apollo et ceux des navettes spatiales états-uniennes. On sait par exemple que la perte de la navette Columbia a été causée par l'endommagement du bouclier par un morceau de mousse issu d'un réservoir externe, au moment du lancement. Lors du retour, l'air chauffé à plus de 1 500 °C s'est engouffré dans la brèche et a fait fondre la structure d'aluminium.

Un exemple plus récent est celui du bouclier thermique qui a permis à la sonde Huygens de se poser sur Titan, un satellite de la planète Saturne, le 14 janvier 2005. Ce bouclier a été le premier fabriqué en Europe. En trois minutes environ, le frottement atmosphérique sur ce bouclier a permis de faire passer la vitesse de la sonde de 6 km/s à 400 m/s.

De telles décélérations correspondent à la dissipation d'une énorme énergie. Une partie de celle-ci échauffe l'atmosphère traversée, évidemment sans conséquence, mais le reste est absorbé par le véhicule lui-même, d'où un échauffement très important. Pour éviter que les véhicules spatiaux soient désintégrés ou consumés à la manière des météorites qui se transforment en étoiles filantes dans l'atmosphère terrestre, il est important de calculer la trajectoire de pénétration de façon à réduire le plus possible les pics de température, mais aussi d'utiliser des formes appropriées et surtout des matériaux très particuliers. Des données sur ce sujet figurent dans les applications pratiques de la tribologie.

Le frottement dans l'atmosphère n'a pas que des mauvais côtés. L'environnement de la Terre est en effet pollué par d'innombrables débris mis en orbite au cours des quelques 5 000 lancements (reconnus) d'engins spatiaux de tous types. Parmi ces débris, dont la masse totale est estimée à environ 3 000 tonnes, ceux qui se trouvent aux altitudes les plus basses sont freinés de plus en plus efficacement et promis à la désintégration dans les couches plus denses de l'atmosphère ; seuls quelques éléments plus massifs que les autres atteignent le sol de notre planète. Ce processus peut demander quelques jours, quelques mois ou quelques années, mais il aboutit toujours à « nettoyer » la très haute atmosphère.

Il n'en va pas de même pour les débris qui tournent à très haute altitude, par exemple sur des orbites géostationnaires (36 000 km). Ceux-là ont des durées de vie beaucoup plus importantes, ils ne redescendront pas avant des milliers ou des millions d'années, ce qui les rend pratiquement éternels à l'échelle humaine du temps. Comme les hommes, les sociétés sont mortelles.

Indépendamment des dangers que représentent ces débris pour les véhicules et équipements spatiaux en activité, ils provoqueront peut-être un jour la perplexité des archéologues de l'espace qui se demanderont comment une civilisation a pu, simultanément, produire des objets aussi évolués et détruire par inconscience sa planète nourricière.

Circulation des fluides et production de charges électriques

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Les frottements qui surviennent au niveau moléculaire lors de la circulation des fluides dans les canalisations engendrent des charges électriques plus ou moins importantes selon les conditions matérielles et les facteurs d'environnement. Ces charges peuvent être produites par exemple lors de la filtration des liquides hydrauliques ou des carburants, mais aussi dans toutes sortes de circonstances beaucoup plus communes. Les manifestations de ce phénomène sont multiples, les plus évidentes étant les crépitements (clicking sounds) qui accompagnent les décharges électriques brutales survenant à l'intérieur même du fluide.

Parmi les facteurs susceptibles d'intervenir, on peut noter les conditions de circulation du fluide dans les tubulures ou dans les milieux poreux (en particulier la vitesse), les turbulences, les conditions d'arrivée d'un fluide tombant sur la surface libre d'un réservoir, la présence d'air ou de gaz entraîné par l'écoulement, etc.

Dans les conduites ou les réservoirs, les flux électriques sont plus ou moins facilement neutralisés au niveau des parois. Le processus dépend des charges et des constantes diélectriques du fluide, il est évidemment plus lent pour les isolants. Si les parois sont conductrices, elles acquièrent une polarité opposée à celle du fluide. Si elles sont mises à la terre, la charge d'ensemble du circuit est nulle, dans le cas contraire les charges peuvent s'accumuler et engendrer des décharges brutales, accompagnées d'étincelles à haute énergie qui peuvent avoir des effets dévastateurs, en particulier si elles se produisent dans des milieux inflammables.

Ces décharges se manifestent par des bruits de claquement à peu près périodiques d'autant plus fréquents que la vitesse de production des charges est élevée. Dans les lubrifiants, elles s'accompagnent d'une érosion des surfaces et le cas échéant de dépôts de carbone. Dans le cas des engrenages, surtout lorsque le lubrifiant contient de l'air, elles peuvent prendre une part non négligeable dans l'apparition des phénomènes de piqûres (pitting)

La génération de charges lors de la filtration des hydrocarbures a été assez bien étudiée. Dans ces produits dont la conductivité électrique est très faible, les charges peuvent être entraînées dans l'écoulement sans être immédiatement neutralisées. Une vitesse élevée, une forte viscosité, une basse température et la présence de certains additifs, renforcent le phénomène. Si le filtre est constitué d'un matériau conducteur, la neutralisation des charges est facilitée mais dans le cas contraire il se comporte comme un condensateur et les décharges sont alors susceptibles de provoquer des dégâts importants. Les remèdes sont de divers ordres. Il faut d'abord mettre l'installation à la terre pour prévenir les dégâts extérieurs et placer une grille conductrice dans l'écoulement, à la sortie du filtre, pour récupérer le plus de charges possibles. En augmentant la taille du filtre, on diminue la vitesse de passage du fluide et l'importance des charges. Des additifs antistatiques comme les dialkyldithiophosphates de zinc (ZDDP), quand ils sont tolérables, rendent le fluide plus conducteur et améliorent les choses.

Nanotubes de carbone et circulation des fluides

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Structure d'un nanotube de carbone

On sait que le carbone forme naturellement, à l'état de graphite, des structures lamellaires où les atomes sont répartis selon un réseau hexagonal. Dans certaines conditions il est possible que ces plans s'« enroulent » pour former des tubes cylindriques de quelques nm de diamètre, d'où le nom de « nanotubes » qu'on leur a attribué. Ceux-ci apparaissent spontanément dans les suies produites par une décharge électrique entre deux électrodes placées dans un gaz rare à une pression relativement basse. Les minuscules feuilles carbonées sont conformées en cylindres concentriques emboîtés les uns dans les autres. C'est le Japonais Sumio Iijima qui les a observés pour la première fois au microscope électronique, en 1991.

Les nanotubes sont de 100 à 1 000 fois plus longs que larges et leurs extrémités sont fermées par des surfaces hémisphériques comportant 6 pentagones et dont les propriétés sont différentes de celles des tubes eux-mêmes. De nombreux laboratoires travaillent actuellement sur ces structures dont les propriétés sont très spéciales et parfois inattendues.

Des chercheurs de l'université du Kentucky ont mis au point des nanotubes autorisant la circulation d'eau à une vitesse de l'ordre du mètre par seconde, c'est-à-dire 10 000 fois plus vite que ce que l'on obtient normalement dans des tubes « ordinaires » de même diamètre tels que ceux qui véhiculent les fluides dans les cellules des organismes vivants. Ils envisagent la possibilité d'utiliser de tels tubes pour des applications médicales, par exemple pour administrer des médicaments directement dans le corps.

Des membranes sont obtenues en juxtaposant des milliards de nanotubes assemblés avec une résine synthétique. Il est possible de leur associer des récepteurs chimiques capables de permettre ou d'interdire le passage de certaines molécules, par exemple des protéines.

Les propriétés exceptionnelles de transmission des fluides à grande vitesse sont attribuées à un frottement particulièrement bas sur les parois internes des nanotubes.

Interactions au niveau moléculaire

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« Solidification » de l'eau à l'échelle nanométrique

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Lorsque le taux d'humidité ambiant est suffisamment élevé, la vapeur d'eau peut se condenser au niveau des minuscules zones de contact des aspérités solides. Au niveau macrogéométrique, cette eau se trouve à l'état liquide et elle peut faciliter le glissement, comme cela se produit lors du frottement d'un patin sur la glace. En revanche, à l'échelle du nanomètre, la mince pellicule d'eau prise en sandwich entre les aspérités des pièces ne reste pas liquide, mais elle se solidifie pour adopter à température ambiante la structure de la glace.

Les jonctions ainsi réalisées s'apparentent à un collage, il en résulte un frottement et une usure très importants qui peuvent suffire à mettre rapidement hors service de nombreux micromécanismes. La condensation peut se produire non seulement entre des pièces qui se touchent mais aussi entre des pièces très voisines qui se trouvent alors attirées l'une vers l'autre par de puissantes forces de capillarité.

Cette « nuisance » peut toutefois être mise à profit, par exemple lorsqu'elle favorise le maintien en place de prothèses dentaires, ou lorsqu'elle permet la manipulation de minuscules objets à l'aide de pointes sur lesquelles ils adhèrent par simple contact.

Modes de frottement particuliers

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Frottement sur la glace

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Il a été souvent étudié et l'on a proposé, à son sujet, de nombreuses hypothèses pour expliquer le coefficient de frottement particulièrement bas que l'on connaît.

Le frottement sur la glace dépend beaucoup de la température. Si celle-ci n'est pas trop basse, le frottement dégage de la chaleur et la glace fond sous le frotteur. Cette fusion est favorisée par les pressions de contact élevées qui règnent au niveau des aspérités en contact car l'eau, contrairement à l'immense majorité des autres corps, occupe plus de volume à l'état solide qu'à l'état liquide. Sous l'effet de la pression, la glace tend à occuper moins de volume et donc à se liquéfier.

La très fine pellicule d'eau liquide formée dans le contact sert de lubrifiant et permet aux objets de mieux glisser sur la glace ; le coefficient de frottement atteint alors des valeurs de l'ordre de 0,02, très inférieures à celles qui sont généralement constatées entre les solides. Lorsque les températures ne sont pas très basses (-5 à -10 °C par exemple), le frottement produit des ondulations prouvant qu'un peu de glace a fondu puis regelé derrière le frotteur. Aux températures nettement plus basses (-30 °C ou moins) la fusion superficielle cesse, le coefficient de frottement reprend des valeurs plus habituelles, de l'ordre de 0,1 à 0,3, le glissement est beaucoup plus difficile et les traces d'usure sont marquées par des fractures perpendiculaires à la direction du glissement, signe que la glace a été le siège de contraintes de traction notables.

Il existe de multiples manières de faire avancer les connaissances. Le Centre de science des matériaux et de science de l'ingénieur de l'université d'Edimbourg s'est intéressé à ce sujet, en essayant de comprendre comment le balayage de la glace pouvait modifier la vitesse des pierres de curling. C'est peut-être grâce aux travaux du Dr Jane Blackford, chercheuse dans ce centre, que l'équipe britannique de curling a remporté la médaille d'or aux jeux olympiques d'hiver de Salt Lake City en 2002.

Un tribomètre particulier a été conçu pour ce travail, afin de maîtriser ou de mesurer les multiples paramètres intervenant dans le glissement de divers matériaux sur la glace. Après l'essai, les surfaces de glace portant différentes traces d'usure peuvent être examinées grâce à un microscope électronique à balayage adapté aux basses températures (Low Temperature Scanning Electron Microscope ou LTSEM).

Ces recherches concernent de nombreux secteurs industriels, la conception de skis et de patins présentant un frottement toujours plus réduit, mais aussi l'industrie de la chaussure ou du pneumatique automobile.

Frottement sur les couches minces « spongieuses »

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On sait que la présence d'une couche fluide séparant deux surfaces a pour effet de diminuer considérablement les frottements et/ou l'adhérence (ce qui n'est d'ailleurs pas toujours favorable, comme dans le cas de l'aquaplaning qui provoque chaque année des dizaines d'accidents de la route). En outre, les surfaces étant séparées par le fluide, l'usure est quasi nulle. Malheureusement, sous l'effet de la pression, en l'absence d'un système d'alimentation de la couche fluide, celle-ci voit son épaisseur diminuer jusqu'à devenir nulle à cause des fuites qui se produisent à la périphérie de la zone de contact.

Les couches « spongieuses » dont il est question ici comportent une « structure » relativement dense, facilement déformable, très poreuse, « imprégnée » d'un fluide liquide ou gazeux. On peut ranger dans cette catégorie des matériaux en apparence aussi différents que le cartilage qui garnit les articulations des animaux, la neige pas trop compactée, les « mousses » et autres « plumes » susceptibles de participer au guidage de véhicules à grande vitesse, etc.

La structure spongieuse ne saurait supporter toute seule les charges, car elle est très déformable. Lorsqu'elle est imprégnée d'un fluide, celui-ci est mis en pression et soutient les pièces frottantes. L'« éponge » intervient alors pour ralentir l'écoulement du fluide vers l'extérieur ; elle doit avoir une structure ouverte, mais pas trop. C'est ainsi, par exemple, que le glissement des cartilages est en fait un glissement sur le liquide synovial, que le frottement des skis sur la neige fraîche est, pour l'essentiel, un frottement sur un film d'air, et c'est ce qui fait que l'on se casse facilement la figure en glissant sur du bois mouillé.

Les « applications » anatomiques, médicales et/ou industrielles sont évoquées dans le chapitre consacré aux guidages par glissement.

Frottement sur la neige

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Lors du glissement sur la neige, le poids du système glissant (skieur, avion, véhicule spécialisé, etc.) est supporté en proportions variables par un solide très spécial, la glace, et par une couche d'air plus ou moins « enfermée par surprise » sous les surfaces glissantes. La part des deux modes de sustentation qui créent la portance est éminemment variable en fonction de l'état de la neige, des surfaces en présence, des pressions, des vitesses, etc.

Bien que le frottement sur la neige soit très faible, du moins quand il ne fait pas trop froid, on pourrait penser qu'un skieur de descente a tout intérêt à s'« envoler » le plus souvent possible au-dessus de la piste, pour aller plus vite et gagner un peu de temps. Or, il n'en est rien, pour deux raisons :

  • en décollant, le skieur perd toujours plus ou moins la position aérodynamique de recherche de vitesse (l'« œuf » de Jean Vuarnet), de sorte qu'il se trouve davantage freiné par la résistance de l'air ;
  • le frottement des skis sur la neige est très faible en raison de la fusion superficielle des cristaux de glace lors du glissement ; il disparaît lorsque le skieur n'est plus en contact avec la neige mais reprend avec une valeur beaucoup plus forte lors de l'atterrissage à cause du refroidissement de la semelle des skis pendant le saut, de sorte que là encore le bilan est finalement négatif.

Il faut ajouter que la perte du contrôle de la trajectoire pendant le saut n'arrange généralement pas les choses.

Théories globales

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En URSS, Deryaguine et Kragelsky ont jeté les bases d'une théorie synthétique du frottement et de l'usure. D'après Kragelsky, le frottement a une double nature, mécanico-moléculaire. Il est déterminé par la déformation en volume du matériau et par le fait de surmonter les liens adhésifs (jonctions soudées) développés entre les parties de surfaces frottantes au contact (1965).

Il s'agit en fait à la fois d'un raisonnement pragmatique pour découvrir les lois de comportement des mécanismes frottants et d'une sorte d'aveu d'impuissance, par une certaine renonciation à approfondir les phénomènes qui surviennent à l'échelle moléculaire. Kragelsky a rassemblé dans un livre daté de 1978 tous les calculs qui permettent d'aborder qualitativement les problèmes de frottement et d'usure.


Le frottement à l'échelle macroscopique est donc un phénomène complexe, jamais assimilable à un processus simple ou à une succession de processus simples, même en se bornant à des corps physiquement et chimiquement mieux définis que les matériaux industriels. Il doit être considéré comme le résultat statistique de divers phénomènes thermodynamiques élémentaires agissant simultanément en de nombreux points des couches superficielles ou sub-superficielles.

La tribologie des interfaces

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Les conceptions tribologiques ont beaucoup évolué, surtout depuis le milieu du XXe siècle. Au départ on s'occupait surtout des volumes, des corps massifs, des matériaux. Plus tard, on est passé à la tribologie des surfaces puis, sous l'impulsion du regretté Maurice Godet (1984), à la tribologie des interfaces.

Les conceptions modernes, dont il ne faut attendre aucun mode de calcul nouveau utilisable dans les bureaux d'études, ni aucune solution miracle pour résoudre les problèmes industriels, ont simplement le mérite de mieux rendre compte des phénomènes. Elles tiennent l'interface pour une zone à part dans le système frottant, distincte des corps frottants eux-mêmes, avec des propriétés différentes. La tribologie des interfaces inclut bien sûr la lubrification, de sorte que les notions de « frottement sec » et de « frottement fluide » deviennent de simples cas particuliers.

Les conceptions classiques de l'usure sont remises en question, dans le cadre d'un enchaînement de phénomènes qui commence par le détachement de particules émises par les corps en présence, le piégeage de ces particules dans la zone de frottement, l'établissement d'un régime stationnaire où la vitesse d'émission des particules équivaut à leur vitesse d'élimination. Il y a là une notion de débit, entre les pièces en présence qui constituent des sources et le milieu extérieur qui constitue un puits.

On considère que les surfaces, qui ont une composition différente de celle des volumes, jouent un rôle d'écran entre ces derniers. Ces écrans peuvent être détruits par le frottement et reconstitués par réaction avec l'environnement. Sans eux, la plupart des pièces mécaniques se souderaient purement et simplement, ce qui heureusement n'arrive pas très souvent en pratique.

La constitution d'un troisième corps séparant les deux premiers commence lorsque des débris d'usure (ou des éléments étrangers) sont piégés dans les zones frottantes. En général, la composition de cette couche de séparation n'est pas du tout homogène.

Souvent, mais pas toujours, la formation d'un troisième corps au détriment des deux premiers aboutit à protéger ceux-ci de l'usure. Ce phénomène est particulièrement important lorsque le troisième corps circule dans le contact, ou si l'objet frottant effectue plusieurs passages. On comprend mieux avec un exemple : au premier passage, un bâton de craie laissera un maximum de dépôt sur un tableau rugueux. Si l'on repasse la craie sur les zones où l'on a déjà écrit, les creux de la surface du tableau étant déjà remplis de poudre de craie, c'est-à-dire des débris d'usure du bâton, alors ce dernier perdra moins de matière qu'au premier passage.

Les modes d'accommodation

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Lors du déplacement tangentiel d'un corps par rapport à un autre, des mécanismes d'accommodation jouent au sein du 3e corps. Berthier (1988) en distingue 4, qui peuvent survenir isolément ou simultanément :

  • mode élastique : le déplacement d'une pièce par rapport à l'autre se fait par une déformation réversible de l'interface, il n'y a pas de glissement ;
  • mode rupture : l'interface se brise brutalement avec séparation des surfaces ; ce mode survient après les déformations élastiques, quand une certaine limite a été atteinte, il est évidemment irréversible ;
  • mode cisaillement : le mouvement s'opère à l'aide d'une différence de vitesses brutale et irréversible au sein de l'interface, à un certain niveau, sans perte de contact des surfaces ; les écoulements qui en résultent ne sont pas forcément parallèles à la direction du glissement global ;
  • mode rouleaux : les pièces se déplacent sur des « éléments roulants », le frottement et l'usure diminuent. Ce mode survient dans de nombreuses situations, entre autres avec les polymères. Une gomme effectuant une série d'allers-retours sur une table adhère fortement au début, puis de moins en moins, au fur et à mesure que se forment, au détriment de sa matière, de petits « rouleaux » de caoutchouc. Lorsque ceux-ci sont créés, la gomme ne s'use pratiquement plus.

Gérard Zambelli et Léo Vincent écrivent que le troisième corps est un opérateur qui transmet la charge (portance) d'un premier corps à l'autre et accommode, en s'écoulant (débit) d'une façon dissipative (frottement) l'essentiel de la différence de vitesse entre ces deux corps.

Les bons troisièmes corps doivent adhérer aux surfaces frottantes et être capables d'accommoder la majeure partie de leurs déplacements relatifs.

Frottements ultrafaibles, suprafriction

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La recherche de nouvelles méthodes pour diminuer les facteurs de frottement, mise en sommeil relatif pendant quelques décennies en raison du faible coût de l'énergie et d'une certaine indifférence vis-à-vis des problèmes d'écologie, semble repartir sur de nouvelles bases.

Les normes antipollution ont à juste titre conduit à l'élimination des additifs au plomb dans les carburants ; on remet aujourd'hui en question l'usage des produits soufrés et phosphorés utilisés comme additifs anti-usure dans toutes les huiles pour moteurs thermiques.

Selon les ingénieurs de Nissan Motors, une diminution de quelques centièmes des facteurs de frottement qui règnent dans les zones les plus sollicitées des moteurs permettrait de réduire de 5 % la consommation de carburants, qui, extrapolée au niveau mondial, ferait économiser trente milliards de litres de carburants.

D'autres besoins justifient également de telles recherches, comme les prothèses où l'on voudrait bien faire approcher les performances des cartilages naturels ou les micromécanismes qui connaissent actuellement un très fort développement : en effet, plus un mécanisme est petit, plus le rapport entre les forces de surface et les forces de volume devient important.

On savait depuis assez longtemps qu'en faisant frotter deux cristaux l'un contre l'autre, le frottement pouvait varier selon l'orientation relative de leurs structures. Une autre découverte, qui remonte aux années 1990, est actuellement étudiée un peu partout dans le monde : en faisant frotter certains cristaux dans l'ultravide, le frottement disparaît presque complètement. Par analogie avec la superfluidité (disparition de la viscosité de certains fluides) et la supraconductivité (disparition de la résistance électrique), ce phénomène a été appelé suprafriction. Le frottement est dit « ultrafaible » lorsque le coefficient est inférieur à 1/20e, soit 0,05. Actuellement, on ne peut travailler dans ce domaine que si le frottement met en jeu un fluide séparant les surfaces (hormis, bien sûr, l'utilisation de corps roulants ou de champs magnétiques, il s'agit ici de frottement de glissement).

L'incommensurabilité

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La suprafriction (en anglais superlubricity) a été prédite aux États-Unis vers 1990 par Jeffrey Sokoloff à partir du modèle de Tomlinson, puis par Motohisa Hirano et Kazumasa Shinjo de la compagnie japonaise NTT. La première condition pour qu'elle se produise est une propreté absolue des surfaces, et en particulier l'absence de produits adsorbés. La seconde condition est l'incommensurabilité des structures atomiques des surfaces en présence.

Sont incommensurables, au sens étymologique du terme, deux grandeurs de même espèce qui n'ont pas de sous-multiple commun, pas de mesure commune, comme par exemple deux nombres irrationnels dont le rapport ne peut être exprimé ni par un nombre entier, ni par une fraction. Le terme n'est pas très approprié au problème mais il est difficile d'en trouver un meilleur. L'exemple des alvéoles d'une mousse d'emballage permet de se représenter assez bien ce qui se passe dans le contact.


 
À quelques « légers » détails près, la plaque de mousse est conforme au modèle de Tomlinson, dans lequel les atomes sont représentés par de petites sphères organisées selon un motif géométrique périodique et reliées au support par des liaisons élastiques.
 
Lorsque les structures ont les mêmes dimensions et la même orientation, lorsqu'elles sont en d'autres termes commensurables, elles s'imbriquent l'une dans l'autre selon un schéma qui n'est pas sans rappeler les suggestions de Bélidor.
 
La pénétration vue de plus près. Il est clair que le glissement des deux structures sera pour le moins difficile, mais ... ne perdons pas de vue qu'il s'agit là d'un modèle et que nous raisonnons par analogie.
Dans le cas des atomes, ceux-ci vont s'attirer ou se repousser « en phase », tous en même temps, d'où un frottement élevé.
 
Il suffit de changer les dimensions du réseau ou, comme ici, l'orientation des structures, pour que l'imbrication ne se produise plus. Les structures sont devenues incommensurables, leur glissement est beaucoup plus facile que dans le cas précédent car, statistiquement, le nombre des atomes qui se repoussent équivaut à celui des atomes qui s'attirent, d'où une sorte de compensation et un frottement plus faible.
 
L'incommensurabilité vue de près. On peut noter que l'absence d'imbrication n'est pas totale, en raison de l'élasticité des éléments et des déformations provoquées par les charges. Si les liaisons avec le substrat sont suffisamment élastiques, les atomes en contact vont se déplacer quelque peu, se contourner ou s'effacer l'un devant l'autre, la perte d'énergie lors du glissement sera minime et le facteur de frottement relativement bas. La présence d'atomes étrangers créera autant d'obstacles au glissement, un peu comme si l'on ajoutait des balles de ping-pong entre les plaques de mousse, d'où la nécessité de disposer de structures extrêmement propres.


Hirano et Shinjo ont mis en évidence des variations du facteur de frottement d'un facteur 25 entre une pointe de tungstène et une surface de silicium.

Les études actuelles portent beaucoup sur le frottement de couches minces sous vide poussé, avec des applications attendues pour les mécanismes destinés à fonctionner dans le vide spatial (actuellement, toutes les solutions pour le guidage des éléments mécaniques dans le vide reposent sur le roulement et non sur le glissement, ce qui complique et alourdit les structures).

D'autres précisions sur les recherches actuelles ont été incluses dans le chapitre Tribologie - Lubrifiants solides et vernis. On pourra aussi consulter le chapitre Tribologie - Revêtements anti-usure.

Les recherches sur les quasi cristaux

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Jusqu'en 1984, on pensait que les métaux ne pouvaient se présenter que sous une forme cristalline classique, mais la découverte des quasi cristaux remit tout en question. Les quasi cristaux, tout comme les cristaux normaux, sont formés d'atomes qui s'assemblent selon différentes structures géométriques ( triangles, carrés, hexagones, etc.), mais ces structures, au lieu de se répéter à intervalles réguliers, ne forment plus un réseau répétitif. De ce fait, l'alignement et l'imbrication des atomes devient impossible et il en résulte des forces de frottement plus faibles.

Les alliages métalliques quasi cristallins sont aujourd'hui utilisés dans de nombreux produits manufacturés, par exemple sous forme de revêtement pour les poëles à frire où ils allient leurs propriétés antiadhésives à une très bonne résistance thermique, ce qui n'est pas le cas pour les revêtements à base de PTFE (Teflon).

Le principal obstacle à l'utilisation des quasi cristaux pour minimiser le frottement semble être la présence de contaminants à la surface des pièces, en particulier les gaz de l'air qui, en s'adsorbant selon des motifs organisés, masquent les propriétés des revêtements.

Des études ont lieu actuellement pour quantifier l'effet des gaz adsorbés sur des quasi cristaux d'alliage aluminium-nickel-cobalt.

Frottement, microstructures et recherche tribologique

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Le Professeur Robert Courtel et son équipe ont réalisé de nombreuses expériences pour évaluer les phénomènes qui se produisent au niveau des cristaux élémentaires formant les métaux.

D'après lui, l'adhésion ne fait pas le frottement, elle y contribue seulement. Il semble bien que les défauts des réseaux cristallins jouent un rôle primordial dans les mécanismes de la dissipation énergétique. Cette dernière serait provoquée par la formation de dislocations lors de l'écrouissage du matériau, ou par la nouvelle répartition de dislocations existantes.

Il faut aussi prendre en compte la composition physico-chimique de la surface, qui subit des modifications incessantes lorsqu'elle est soumise au frottement. L'étude du frottement des métaux parfaitement propres est rendue à peu près impossible par les transferts de matière d'une pièce sur l'autre, or justement c'est la couche transférée qui conditionne entièrement les mécanismes du frottement sec ...

Lors du frottement des matériaux composites, les transferts de matière prennent le pas sur toute autre considération.

Les recherches de Buckley à la NASA l'ont conduit à écrire : les jonctions à l'interface, l'adhésion et le transfert à travers l'interface, sont extrêmement importants pour la compréhension de l'usure. Ces processus se placent fréquemment au niveau atomique, et il est par suite nécessaire d'examiner à ce niveau les surfaces en contact. L'auteur décrit ensuite quelques appareils et procédés d'étude indispensables :

  • microscope ionique à effet de champ : avec une résolution de 0,25 nm, il permet de voir les atomes, et le cas échéant, couplé avec un spectrographe de masse à temps de vol, de les identifier ;
  • la diffraction des électrons lents révèle les couches monomoléculaires à la surface des cristaux et, en association avec la spectrométrie Auger, permet d'en connaître les constituants. C'est l'outil privilégié pour étudier l'adsorption, rétention de molécules à la surface des solides et phénomène de base de la lubrification limite des métaux ;
  • la spectroscopie d'électrons pour l'analyse chimique analyse les électrons émis par un échantillon frappé par un faisceau monochromatique de rayons X. On peut ainsi mettre en évidence l'action des additifs extrême-pression et, en association avec un spectromètre Auger, déterminer les liaisons chimiques et donc la composition de la surface ;
  • le canon à ions permet le nettoyage des surfaces par enlèvement des couches superficielles et, par suite, l'analyse du matériau par niveaux successifs à partir de la surface ;
  • le microscope électronique à balayage est l'un des outils les plus utiles pour le tribologue. Par mise en valeur du relief des surfaces il est possible d'étudier point par point les traces de frottement sec ;
  • la microsonde de Castaing analyse les rayons X émis par un échantillon frappé par un faisceau d'électrons, avec une surface d'impact de l'ordre de 1 micromètre carré. Elle fournit une analyse quantitative exacte des éléments présents. On peut ainsi déceler la répartition d'éléments actifs provenant des lubrifiants ou d'éléments transférés à partir de la pièce antagoniste.


En 1968, le Professeur Robert Courtel fait remarquer, après avoir donné une rapide liste des laboratoires français disposant de l'un ou l'autre de ces matériels, que « ces appareils sont en général coûteux et encombrants : chaque nouveau modèle tombe très vite en désuétude ; les utilisateurs potentiels n'en sont pas nécessairement les possesseurs. Il y a donc une politique à définir en haut lieu, pour que les tribologues soient admis aux bénéfices de ces belles recherches ».

Cet appareil a fait récemment son apparition dans les laboratoires de tribologie. On parlera de MFA dans les textes français ou de AFM (atomic force microscope) dans les textes anglais. Les renseignements fournis par cet appareil sont ceux que l'on aurait en balayant la surface avec un stylet dont la pointe serait à l'échelle du nanomètre. Ses applications sont diverses :

  • visualisation tridimensionnelle directe de traces ou de rayures de frottement. Les effets du frottement à l'échelle nanométrique ou atomique deviennent de plus en plus importants pour la construction des machines, au fur et à mesure que celles-ci deviennent de plus en plus petites et de plus en plus précises. Les microscopes traditionnels, optiques ou électroniques à balayage fournissent essentiellement des informations à deux dimensions mais les images des MFA permettent d'accéder beaucoup plus facilement aux configurations tridimensionnelles ;
  • mesure de l'épaisseur de couches lubrifiantes liquides ou solides très fines, à l'échelle du nanomètre et jusqu'aux films monoatomiques ou monomoléculaires. On sait que les propriétés de ces couches, particulièrement lorsque leur épaisseur est inférieure à 100 nm, ont une influence prépondérante sur le comportement tribologique des surfaces. Les méthodes de mesure optique sont inopérantes sur des couches aussi minces ;
  • mesure des forces de frottement à l'échelle nanométrique. Ces forces dépendent des interactions chimiques et mécaniques entre les surfaces et elles sont accessibles au MFA. Le capteur peut non seulement apprécier les variations des forces latérales en fonction de la composition chimique de la zone où il se trouve (par exemple sur un matériau composite) mais aussi établir la relation entre les forces mises en jeu et la topographie ;
  • caractérisation des états de surface selon des critères de morphologie, de texture et de rugosité. le MFA permet d'accéder aux structures fines de surfaces perçues comme lisses et polies par les microscopes optiques et les microscopes électroniques à balayage. Ces structures peuvent être mises en perspective et visualisées aisément ;
  • détermination des caractéristiques mécaniques de matériaux. La dureté, la rigidité, la compressibilité, l'aptitude à la déformation plastique sont mesurables à l'échelle du nanomètre. La visualisation de micro-indentations est facile, et l'on peut aussi étudier les faciès de rupture.


Le microscope à force atomique peut être utilisé à l'air libre pour étudier des matériaux très variés tels que les métaux, les céramiques, les polymères ou les biomatériaux. On peut aussi faire des mesures dans le vide ou dans les liquides.

Le frottement à distance

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Des phénomènes de frottement se produisent entre des objets qui ne sont pas en contact mais dont les distances sont de l'ordre du nanomètre. Ce phénomène est peu connu et difficile à interpréter. Des chercheurs de l'université Cornell, aux États-Unis en ont entrepris l'étude.

Diverses interprétations ont cours actuellement. Il semble selon certains avis qu'un processus d'accrochage se produise entre les atomes des « bosses » d'une des surfaces et ceux des « vallées » de l'autre, un peu à la manière d'un « Velcro » miniature. On sait de façon certaine que ce phénomène dépend étroitement de la composition chimique des surfaces et donc des faibles champs électriques engendrés par le mouvement des molécules des échantillons étudiés.

Commande des forces de frottement dans les nanomécanismes

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Lorsque les mécanismes se miniaturisent à l'extrême, on ne peut plus traiter les phénomènes de friction et d'usure comme on le fait pour la mécanique courante. Les forces de surface deviennent très importantes par rapport aux forces de volume, la quantité de matière consommable par usure avant la mise hors service est très réduite, les lubrifiants confinés dans de très petits espaces deviennent très visqueux, etc.

La possibilité de modifier à volonté les forces de frottement par des procédés électriques est désormais prouvée, des recherches sont actuellement conduites aux États-Unis et en Suisse (université de Bâle) en vue de l'appliquer aux nanomécanismes comportant des éléments mobiles. Il serait possible d'activer ou de désactiver les frottements, un peu comme on allume ou éteint une lampe.

On connaît le rôle des atomes superficiels dans les phénomènes de frottement. En provoquant leur vibration perpendiculairement à la surface de contact des pièces, on diminue considérablement les forces de frottement et on supprime le « stick-slip », sans faire usage du moindre lubrifiant. Ces effets disparaissent en même temps que la vibration.