Tribologie/Applications pratiques/Fabrications mécaniques
Usinage par enlèvement de matière
modifierOutils de coupe en général
modifierMatériaux
modifierEn 1990, 35 % des outils de coupe utilisés au Japon sont des cermets contre 5 % en Europe. Les cermets progressent en Europe au détriment des carbures, au Japon c'est l'inverse. Sandvik Coromant et Norton exploitent une technique basée sur la CVD : des plaquettes en carbure métallique ou nitrure de silicium sont revêtues d'une fine couche de diamant (de 2 à 50 micromètres).
Deux familles de céramiques sont utilisées dans les outils de coupe :
- l'alumine sous forme « blanche » (pure), « noire », avec 15 à 30 % de carbure de titane, de nitrure de titane, parfois de zircone, ou sous forme de « wiskers », alumine renforcée par des fibres de carbure de silicium
- le nitrure de silicium.
- le carbure de bore est très cher et son utilisation est très rare.
On recherche le meilleur couple métal à usiner/céramique. Il n'existe à ce jour aucune règle précise et chacun a sa recette. Avec les céramiques, on peut atteindre des vitesses de coupe de 500 m/min dans l'acier au lieu de 120 pour les outils carbure, et de 600 m/min dans la fonte grise. Il faut des machines à la fois très puissantes et très rigides, un équilibrage dynamique soigné des broches et des outils est indispensable. Problème : comment déceler l'usure des plaquettes ?
Une plaquette de wisker coûte trois fois plus cher qu'un carbure mais l'usinage est trois fois plus rapide. On diminue non pas le coût de l'usinage mais le temps machine.
Pendant l'usinage des alliages légers, le copeau emmagasine bien plus de chaleur que l'outil, il faut réduire le frottement et le temps de contact outil-copeau. En usinage extérieur, on tourne très vite pour éliminer les copeaux, en usinage intérieur on peut traiter l'outil par sulfinuzation pour diminuer la quantité de chaleur produite.
L'intérêt des revêtements de surfaces
modifierLes outils de coupe sont maintenant presque tous munis de revêtements qui sont devenus l'un des principaux facteurs de leur efficacité. Pour assurer un usinage efficace il ne suffit plus de savoir choisir la meilleure forme d'outil pour la fabrication envisagée, il faut aussi déterminer le revêtement le mieux approprié. Il ne suffit pas que l'outil enlève des surépaisseurs de métal, il faut aussi qu'il laisse derrière lui une surface utilisable et que l'opération soit aussi peu coûteuse que possible. Un bon revêtement doit limiter les échauffements, éviter les soudures à froid, augmenter les vitesses de coupe et les profondeurs de passe, diminuer les efforts de coupe et contribuer à l'obtention d'un bon état de surface. Il doit aussi s'user lui-même très peu.
- la dureté : c'est un facteur essentiel car les plus grandes durées de vie ne peuvent être obtenues qu'avec des surfaces très dures. Toutefois, une très grande dureté ne garantit nullement une grande durée car bien d'autres facteurs entrent en jeu. Il s'agit d'une qualité nécessaire mais pas suffisante. Les dépôts de diamant par CVD ont une durée qui peut atteindre 20 fois celle des dépôts PVD ; la vitesse de coupe est pratiquement triplée par rapport aux mêmes outils non revêtus et ils constituent le meilleur choix pour l'usinage de beaucoup de métaux non ferreux.
- la résistance à l'usure : il s'agit avant tout de la résistance à l'abrasion, mais elle ne garantit pas les outils contre le bris des arêtes ou la formation d'arêtes rapportées par soudure à froid.
- le coefficient de frottement : il doit être aussi faible que possible pour limiter les échauffements qui sont toujours nuisibles à la durée de vie des outils. Un faible coefficient de frottement favorise l'écoulement des copeaux sur les plaquettes de coupe et permet d'obtenir de meilleurs états de surfaces.
- la résistance à l'oxydation à chaud : elle permet entre autres d'augmenter les vitesses de coupe.
- la résistance au grippage : elle doit être étudiée en fonction du matériau à travailler, il s'agit avant tout d'éviter la formation des arêtes rapportées qui se produisent souvent lors de l'usinage de l'aluminium, du cuivre ou des aciers inoxydables.
Les principaux revêtements utilisables
modifier- Nitrure de titane (TiN) :
- C'est un traitement standard obtenu par déposition physique en phase vapeur (physical vapor deposition ou PVD). La dureté de surface atteint 81 HRc, le coefficient de frottement lors de la coupe est d'environ 0,4 et la stabilité thermique est assurée jusqu'à environ 550 °C. Ce traitement est adapté à la coupe de beaucoup de matériaux, en particulier les métaux ferreux, les aciers courants alliés et non alliés, les aciers durs et les aciers rapides (high-speed steel, HSS).
- Carbonitrure de titane (TiCN) :
- La dureté est plus importante, jusqu'à 90 HRc et le coefficient de frottement plus faible, environ 0,3. Ce revêtement convient parfaitement pour la coupe de matériaux réputés difficiles comme les aciers moulés, les alliages d'aluminium, les aciers à outils, le cuivre, l'inconel, les alliages de titane et les métaux non ferreux en général.
- Nitrure de titane et d'aluminium (TiAlN) :
- Ce revêtement à hautes performances procure une dureté de surface pouvant atteindre 80 HRC. Il garde sa dureté à haute température grâce à la formation d'une couche d'alumine mauvaise conductrice de la chaleur qui permet d'évacuer un maximum de calories en les transférant dans les copeaux plutôt que dans l'outil lui-même. Il devient possible d'atteindre des vitesses de coupe très élevée avec très peu de liquide de refroidissement, ou même pas du tout. Le faible coefficient de frottement permet d'usiner des matériaux abrasifs comme l'acier moulé, les alliages d'aluminium, les aciers à outils ou encore les alliages de nickel.
- Nitrure d'aluminium et de titane (AlTiN) :
- La proportion d'aluminium est plus grande, la surface est plus dure et le revêtement est mieux protégé de l'oxydation car la couche d'alumine qui se forme est plus épaisse. La coupe à haute température et à haute vitesse devient possible.
- Borure de titane(TiB2) :
- Ce revêtement est plus dur que les précédents et sa surface est très lisse, ce qui procure un coefficient de frottement très bas, un très bon écoulement des copeaux et une grande résistance à l'usure. Par son caractère anti-adhésif avec de nombreux métaux, il évite la formation d'arêtes rapportées et on l'apprécie pour l'usinage des alliages aluminium-silicium, du titane, du magnésium et des alliages de cuivre.
- Nitrure de chrome (CrN) :
- Il prend un aspect irisé qui lui vaut le surnom de rainbow coating, traitement arc-en-ciel. Malgré une très faible épaisseur, les caractéristiques sont encore meilleures que pour les revêtements précédents ; il résiste très bien à la corrosion, possède une dureté de 90 à 92 HRc, une très bonne résistance à l'abrasion et aux chocs et un coefficient de frottement extrêmement bas qui peut descendre jusqu'à 0,027. Ce revêtement est indiqué pour les alliages d'aluminium très chargés en silicium, les aciers inoxydables, les aciers à haute teneur en nickel, le titane et de nombreux matériaux composites. En outre, ils s'adaptent très bien aux situations difficiles qui amènent à la formation d'arêtes rapportées.
- Diamant :
- Les revêtements adamantins obtenus par dépôt chimique en phase vapeur (chemical vapor deposition, CVD) offrent actuellement les meilleures performances pour la coupe des métaux non ferreux, le graphite, les matériaux composites à matrice métallique, les alliages légers à haute teneur en silicium et de nombreux autres matériaux abrasifs. Il ne faut pas les utiliser pour usiner les aciers car la chaleur dégagée favorise la dissolution du carbone dans les copeaux et détruit rapidement le revêtement.
Perçage
modifierLes forets à lubrification interne résolvent beaucoup de problèmes de perçage, en particulier pour les matériaux réputés difficiles à usiner et l'usinage à grande vitesse. Ils sont disponibles aujourd'hui même pour de tous petits diamètres.
Par exemple, le foret CrazyDrill Cool ® de Mikron Tool SA Agno est vendu revêtu pour le travail des aciers et non revêtus pour les métaux non ferreux. Les diamètres disponibles vont de 1 à 4 mm et il existe 3 catégories de longueurs : 6.d, 10.d et 15.d. Le fabricant donne un exemple : pour un perçage de diamètre 1,5 mm et de profondeur 22,5 mm dans l’acier inoxydable, il suffit de 3 débourrages lorsque le foret travaille à une vitesse de coupe de 40 à 45 m/min avec une avance de 0,05 mm/tour.
Rectification
modifierUne meule incorrectement dressée ou mal choisie ne coupe pas et des frottements intenses apparaissent, allant jusqu'à provoquer des tapures dans les cas graves, avec éventuellement des couches de métal retrempé. On estime que 70 à 80 % de l'énergie mise en jeu est dissipée dans la pièce rectifiée.
Déformation plastique à chaud
modifierLes outillages de travail à chaud seraient probablement inutilisables sans les couches d'oxydes qui les protègent. Dans les matrices de forgeage un film d'oxyde FeO se forme lors du « rodage », après exécution d'une dizaine de pièces. Les outillages, soumis à la fatigue thermique qui craquelle leur surface, doivent être refroidis.
- La lubrification réduit les efforts en abaissant le coefficient de frottement mais augmente du même coup le glissement du métal et l'usure par abrasion. Les huiles graphitées stabilisent le frottement après quelques dizaines de pièces, des lubrifiants à base d'eau, d'hydrocarbures ou même de sciure, facilitent l'éjection de la pièce en fin de forgeage par effet diesel.
Extrusion et filage à chaud
modifierLors de l'extrusion du cuivre les filières en acier non traité sont immédiatement détruites à 15 000 bars et 780°C, mais elles supportent 50 extrusions sans dommage avec un traitement enrichissant la surface en chrome : l'acier à au moins 3 % de carbone est placé pendant 15 heures à 980°C dans un cément à base d'alumine et de chrome, activé par des chlorures, en atmosphère d'hydrogène, puis trempé à l'huile à 1 050 °C. Il en résulte des couches de 10 micromètres de carbures de chrome Cr7C3, Cr23C6, dont la dureté dépasse 1500 HV.
- L'acier peut être lubrifié par le verre, mais pas le cuivre en raison des couches d'oxydes.
Traitement des outillages
modifierUn usinage par électroérosion mal conduit peut causer des dommages à la surface des outils, par exemple une retrempe du métal conduisant à l'écaillage. La trempe à cœur est totalement proscrite car elle donne des contraintes résiduelles de traction rendant l'acier inapte non seulement au travail, mais encore à la rectification par suite de sensibilité exagérée à l'échauffement par meulage. Il faut faire les revenus à une température aussi élevée que le permet la dureté voulue pour l'outillage. Pour éviter la décarburation ou la surcarburation, on peut empaqueter les pièces à traiter dans de minces feuilles d'acier inoxydable.
Déformation plastique à froid
modifierFormage des métaux
modifierLes contraintes doivent provoquer l'écoulement du métal pour obtenir, avec ou sans perte, des formes nouvelles, des propriétés mécaniques particulières, des états de surface voulus. Les outils voient défiler à leur contact un métal qui se renouvelle. Le frottement qui gène son écoulement est en général néfaste, sauf pour le laminage où il est au contraire utile.
- Un film épais de lubrifiant très visqueux ou plastique évite les contacts, abaisse le frottement et l'usure. La rugosité du produit augmente, il est d'aspect mat à la sortie des outils. En lubrification par film mince, le frottement et l'usure sont forts et il faut veiller à la compatibilité des matériaux pour éviter les transferts. Le lubrifiant évacue les calories. La rugosité de la pièce, matée par l'outil très dur, s'améliore et le produit qui sort est brillant.
- Il est très difficile de prévoir les rugosités exactes et de calculer les épaisseurs de film. Les modifications de la surface doivent être prises en compte pour les traitements ultérieurs.
Travail des métaux en feuilles
modifier- Les lubrifiants pour le travail des métaux en feuilles sont relativement nombreux :
- solutions savonneuses d'oléate et stéarate de sodium ou de potassium déposées à la brosse et rincées ultérieurement,
- émulsions grasses comprenant de 25 à 60 % de graisse dans l'eau, avec éventuellement du talc, de la craie, du mica.
- huiles solubles qui ne supportent qu'une faible pression, avec adjonction de composés de lubrification onctueuse ou extrême pression, mais dans ce dernier cas il faut bien nettoyer sous peine de corrosion,
- huiles minérales avec éventuellement des huiles chlorurées ou sulfurées pour permettre le régime onctueux, ou des composés phosphorés,
- huiles végétales plus onctueuses et efficaces que les huiles minérales mais plus coûteuses et difficiles à nettoyer,
- huiles extrême pression chlorurées ou sulfurées, qui se révèlent souvent très difficiles à éliminer : attention au nettoyage !
- revêtements de phosphates ou d'oxalates, ou de films solides, savons, polymères, PTFE en feuilles,
- suspension de lubrifiants solides dans l'eau,
- voire ... une simple feuille de papier entre le flan et l'outil, pour des travaux peu sévères.
Emboutissage
modifierLes frottements sont particulièrement sévères dans les zones où les tôles sont en quelque sorte «avalées» par les outils. Ces zones sont le siège d'importantes dissipations d'énergie et leur état de surface conditionne l'aspect final et la précision géométrique des pièces fabriquées.
Les outils d'emboutissage sont soumis à des conditions d'usure particulièrement sévères et la protection de leur surface contre le grippage et l'abrasion est une nécessité vitale pour les entreprises. Si l'abrasion est un processus relativement prévisible, progressif et rarement catastrophique, il en va tout autrement du grippage qui, à lui seul, est responsable de 20 à 25 % des arrêts de lignes de production. Quand il survient, il impose une reprise des outils pour éliminer le métal transféré, un repolissage, voire le rechargement et/ou un nouveau traitement thermique de la zone touchée. Le personnel chargé de ces opérations est nécessairement d'une haute qualification et au bout du compte l'addition est lourde ! En outre, les pièces portant des rayures ou des traces de grippage doivent être rebutées impitoyablement car, outre leur aspect défectueux, elles présentent des risques de faiblesse mécanique et d'inaptitude à l'usage. Parfois, pour des fabrications où une haute qualité est nécessaire, un tri manuel à 100 % doit être réalisé ...
Le grippage résulte de la rupture du film lubrifiant chargé d'éviter le contact du flan et de l'outil. Cette rupture permet aux deux matériaux en présence de constituer des jonctions intermétalliques, autrement dit des microsoudures. Les aciers à haute limite élastique, les aciers inoxydables et surtout les alliages d'aluminium sont parmi les matériaux les plus sensibles à ce phénomène, en revanche les tôles électrozinguées ou galvanisées donnent de bien meilleurs résultats grâce aux propriétés anti-adhérentes du dépôt de zinc.
Les parties des outillages les plus sensibles au grippage sont généralement celles qui présentent les plus faibles rayons de courbure, en raison des pressions et des glissements qui s'y produisent. Les zones où la tôle subit une déformation de rétreint propise à la formation de plis sont particulièrement défavorables.
Les huiles utilisées en emboutissage représentent des tonnages énormes et posent des problèmes lors des phases suivantes de la fabrication (application de peintures, de colles, de mastics, ...) et lors de leur élimination, car les produits qu'elles contiennent et les agents de dégraissage sont parfois très toxiques. Des états de surface spécifiques permettent de piéger aussi bien les débris d'usure que les lubrifiants, on les obtient en gravant au laser des «puits» de forme appropriée, mais cette solution a des limites, en particulier dans les zones les plus délicates.
On s'oriente plutôt aujourd'hui vers des procédés de lubrification sèche et des revêtements appropriés que l'on met en œuvre sur les outils. Il s'agit essentiellement de dépôts physiques en phase vapeur (Physical Vapor Deposition ou PVD) de nitrure de titane TiN, de carbonitrure de titane TiCN et de nitrure de chrome CrN. Les grippages sont pratiquement supprimés, la durée de vie des outillages est multipliée dans des proportions énormes, pouvant aller jusqu'à 20 fois. La lubrification peut être totalement supprimée ou, dans les cas les plus difficiles, limitée à une pulvérisation au niveau des seules zones à risque.
Cintrage de tubes
modifierPendant des décennies les industriels ont été forcés d'utiliser des lubrifiants hautement chargés en chlore pour les opérations de cintrage de tubes réalisés en matériaux « difficiles » comme le titane ou certains aciers inoxydables. Certains lubrifiants synthétiques sans chlore et biodégradables permettent aujourd'hui de réaliser ces opérations avec de meilleurs états de surface, tout en diminuant l'usure des outillages. Ces produits sont pulvérisés au cours du cintrage et disparaissent ensuite sans que l'on ait besoin de procéder à un dégraissage avant les opérations ultérieures ; on peut d'ailleurs les utiliser pour d'autres opérations de formage comme l'emboutissage profond.