Leçon : la chute ralentie le long d'un plan incliné

Cette leçon est une des plus importantes du cours car on y présente la philosophie d'un physicien en action.

Pour faire bref, disons que Galilée reprend l'idée de Stevin que pour une masse glissant sans frottement sur un plan incliné d'angle , l'accélération était g .sin .

Tout le reste est semblable aux paragraphes de la leçon chute libre avec a = g .

[Note historique: il est évident qu'obtenir un glissement sans frottement est quasi-impossible. On se demande alors si Galilée a vraiment vérifié expérimentalement sa loi; bien sûr la notation g est un anachronisme, puisque les unités n'existaient pas encore à cette époque ; mais ce n'est pas cela qui est en cause. Bien sûr, il y a aussi des prédecesseurs de Stevin].

Expérience de pensée

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La loi : accélération = g. sin   dite loi des cordes est typiquement une gedanken-loi . Voici pourquoi Galilée y "croyait" :

imaginons 2 pistes de skate-board face à face d'angle différents   et  . Imaginons qu'une planche de skate "soit comme" une luge sans frottement(les petites roues bien huilées servant à cela). Le planchiste partant du haut de la piste de gauche , nonobstant la résistance de l'air, remonte exactement de la même hauteur sur la piste de droite; pas plus disait Galilée, sinon il suffirait de mettre des pierres sur le skate , on monterait progressivement des pierres en recommençant, aussi haut que l'on voudrait, en allant de gauche à droite : cela se saurait depuis longtemps ! Mais pas moins, a dit Galilée: car s'il n'y a pas de frottement du tout, l'opération inverse se produisant, on pourrait amener les pierres plus haut de droite à gauche.

La conclusion fût donc : il n'y a aucun moyen (sans frottement) d'aller plus haut ou plus bas. Ce genre de "raisonnement" est très puissant. Il est gedanken , car il y a toujours la résistance de l'air à vaincre ; mais Galilée y avait déjà répondu : "je me place dans la situation idéale, où elle n'existe pas. Je ne dis pas que c'est possible, mais je l'imagine possible".

Évidemment , en prenant   très petit, cela permet d'amener les pierres très loin à droite, et même très, très loin si   est très très petit, et même si   est nul , alors les pierres sont lancées à une vitesse Vo et ne peuvent pas s'arrêter : on dit qu'elles ont de l'INERTIE : toute personne qui a manipulé une brouette de terre le sait bien : en allant assez vite, avec la vitesse Vo , il pourra remonter , en gros, à la hauteur h = Vo²/2g , grâce à la quantité d'inertie (cela s'appelle la masse en physique) de la brouette(et il est très bizarre-et cela s'appelle la Loi de Galilée- que cette hauteur soit indépendante de la quantité d'inertie : cette apparente contradiction est choquante. C'est le grand mérite de Galilée d'avoir insisté sur ce point : il n'y a pas de contradiction!).

Il faut que tout ceci , avec les lois du choc (leçon choc frontal) forme un système de lois auto-cohérentes : il restera à les vérifier expérimentalement, en se rapprochant aussi parfaitement que possible de ces conditions idéales.

Aparté : La pensée philosophique de Galilée :

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Ainsi se présente Galilée :

Je suis un philosophe des choses de la Nature ; je pense et je dialogue sur des idées et des concepts, et je vais aussi loin que je peux dans les conséquences MATHÉMATIQUES de ce que je dis : s'il n'y a pas d'auto-contradiction , je continue , car cette construction , ce JEU de l'esprit est BEAU et m'enchante.

Évidemment , cela n'est admissible que si l'expérience le CONFIRME.

Un système auto-cohérent dans TOUT ce à quoi il peut conduire et que l'expérience confirme , voilà une partie du sens des DIALOGUES de Galilée en 1638.

Certes, LORD IS SUBTLE (dixit Einstein):le Grand Horloger qui a minutieusement donné ce système de compréhension de la Nature à l'Homme est subtil . Même aujourd'hui encore , des physiciens imaginent des gedanken-experiments pour tester l'auto-cohérence de cette "re-présentation" du monde.

Le monde existe avec ses Lois : le philosophe de la Nature doit mener une enquête très serrée pour les découvrir, "soulever un coin du voile" ; dans cette QUÊTE , les mathématiques l'aident beaucoup à les re-présenter.

Les a priori aident très peu.Il faut de temps à autre les bousculer : jamais personne n'a vu une brouette lancée à Vo continuer éternellement à transporter ses pierres vers la droite ;

et pourtant chacun sent bien, qu'on n'a pas à laisser un poids lourd chargé dans une descente : il y aura du dégât à l'arrivée, s'il ne peut freiner! on installe même sur les descentes d'autoroute des voies de dégagement pour cela.

Cette tension permanente entre un réel épuré, re-construit et le réel vécu est LA caractéristique fondamentale du philosophe de la Nature : ces axiomes seront des Principes. S'ils s'avèrent auto-logiquement faux ou en contradiction avec l'expérience menée parfois de manière très sophistiquée dans des laboratoires spécialisés (par exemple des tours à vide aussi vides que possible pour vérifier la loi de chute), alors il faudra ABANDONNER ces Principes , et les modifier de manière à obtenir une nouvelle présentation de la Nature, plus précise que la première.

L'exemple est resté fort célèbre : après que Galilée eût énoncé cette manière de discourir, on a construit la mécanique ici décrite (dite newtonienne). En 1905 , Einstein a démontré qu'elle était logiquement fausse, pour le mouvement : aucune particule ne peut aller plus vite que la vitesse de la lumière (et cela est parfaitement vérifié expérimentalement). Et il a rebâti toute une autre mécanique en 1905. La réaction fût la même que du temps de Galilée : on mît un "certain temps" à le croire , comme pour les dialogues et les discours de Galilée. Mais sa théorie était auto-cohérente, de très belle architecture et surtout expliquait mieux la Nature aux très grandes vitesses.

Il a fallu abandonner certaines choses dites par Galilée , mais le schéma de base du raisonnement [ la tension entre le penser auto-cohérent re-présentant la Nature et l'expérience] n'a absolument jamais été remis en cause , bien au contraire : Galilée est ENCORE présent parmi nous.

Résumé: loi des cordes : a = g.sin

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Exercices

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En combinant les leçons 1 , 2 et 3 , il y a beaucoup de jolis exercices ; on supposera toujours qu'à la jointure entre deux plans inclinés, un alésage permet de passer la jointure sans perdre de vitesse.

Exercice : triangle égyptien

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Deux skieurs Tortor et Jeannot partent de D (départ) pour arriver en A (arrivée) : T suit la piste rectiligne DA de longueur 5. Mais J est un fou de la glisse : il se laisse tomber quasi-verticalement de D en O (DO = 3) , et glisse horizontalement selon OA = 4 : lequel arrive premier ?

Parcours d'Alexandre le Bienheureux

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On convient d'appeler ainsi un parcours tel que chaque étape dure le même temps. Évidemment comme, dans la réalité, il y a un peu de frottement, un mécanisme extérieur écrase la mémoire du premier tour et injecte la particule au début du parcours. En voici un assez jubilatoire: à vous de jouer!

Un petit skate (pour l'instant , on le considérera comme un palet glissant sans frottement ; on verra la différence plus tard) est lancé à la vitesse Vo sur une voie horizontale de longueur a ; il met donc le temps T = a/Vo à la parcourir. Et voilà , c'est parti , à vous d'imaginer ce qui va arriver à ce petit esquif !

Un exemple :

  • il descend un plan incliné d'un petit angle alpha donné (enroulé en spirale (mais cela ne change rien ici)sur une hauteur h.
  • il arrive en terrain plat de longueur b ,
  • remonte une piste de longueur c et arrive à la hauteur h/2 ,
  • à nouveau un terrain plat de longueur d ,
  • tombe dans le vide sur une plaque parfaitement rebondissante située en aval à la distance l et
  • rebondit dans un petit entonnoir et en sort sur un petit logement où il est bloqué, cette étape étant calibrée pour durer le temps T.
  • Un ascenseur le remonte en un temps T à la case départ où il sera lancé à la vitesse Vo.

Sur ce rythme à 8.T , il continue perpétuellement :

Calculer h , b , c , d ,l

Solution du parcours d'Alexandre

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  • h /sin  = 1/2. g .sin .T²
  • V1 = Vo +sqrt(2gh) ; donc b = V1.T
  • au bout de la piste c , sa vitesse sera V2 = V1- sqrt(2g.h/2); donc

c = [(V1+V2)/2].T

  • d = V2.T
  • chute parabolique de vitesse horizontale V2 pendant le temps T :l =V2.T
  • rebond ,remontée , et rechute dans l'entonnoir pendant le temps T.
  • ascenseur durée T
  • soit 8.T

Ludique , non ? Alors , on continue?

Exercice choc sur plans inclinés

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Une descente inclinée d'angle 30°, raccordée à une montée d'angle beta dont le sinus vaut 1/4. Même hauteur h . A gauche un skate G de masse 2m , à droite un skate D de masse 3m , lâchés de sorte que le choc ait lieu à droite à l'altitude h/2. Si le choc a un coefficient de restitution e= 1/2 , trouver l'altitude où remonte chaque skate.

Solution choc sur plans inclinés

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Évidemment l'exercice est largement simplifié par les mots ["de sorte que"]! Alors G a une vitesse sqrt(gh)=Vo et D la vitesse opposée. La vitesse relative est donc 2Vo avant le choc et devient Vo après le choc. La conservation de l'impulsion donne alors, après le choc , Vg = -4/5.Vo et Vd = 1/5 .Vo (on peut vérifier, la solution est unique !). Donc G remonte à gauche jusqu'à l'altitude h/2 +8/25 h = h(41/50); et D remonte à h/2+ 1/50 .h = 26/50 .h : l'effet sur le skate de Gauche est donc très spectaculaire. Évidemment, il y a eu perte d'énergie.

Exercice:horloge de Torricelli

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Il s'agit tout simplement d'une cuvette symétrique formée de deux plans inclinés d'angle 30°, de hauteur h , de longueur 2h : un skate y glisse perpétuellement avec la période T = 4. sqrt(2.2h/(g/2)) = sqrt(h/g).8sqrt(2).Le vérifier. En fait, il faut maintenir la remontée à la hauteur h par une légère manœuvre du V , que l'on incline à droite dans la descente à droite et à gauche dans la descente à gauche, très légèrement. L'horloge est donc légèrement fausse, mais erreur de justesse n'est point grave : il suffit qu'elle soit régulière : pas d'irrégularité sur sa période T'(légèrement voisine de T), c'est tout ce qu'on demande à une horloge!

Horloge de Galilée

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Galilée dès 1602 énonça une célèbre loi, dont on dit qu'il l'établit en regardant les oscillations des luminaires dans les églises. Effectivement, à la Sainte-Chapelle de Paris, par grand vent, on peut voir de telles oscillations; et on peut chronométrer leurs oscillations : elles ont toutes à peu près la même période , MEME si leur amplitude (de qq centimètres !) est différente. Il s'agit de la très célèbre loi : le long d'une cuvette circulaire de rayon l , les petites oscillations ont pour période:

 

Évidemment , Galilée ne trouva pas cette formule (les unités n'existaient pas, non plus que l'expression accélération de la pesanteur = g =~9.81 m/s²). C'est Huygens qui trouva le facteur 2Pi ; et enfin Galilée croyait que la formule était vraie pour toute amplitude "raisonnable", ce qui est "presque vrai" , donc FAUX.

Un pas en direction de cette formule fût fait par Torricelli : il imagina que la cuvette était une succession infinie de plans inclinés. Nous reverrons ce problème un peu plus tard (Leçon : diagramme des espaces). Néanmoins par ce type d'argument en choisissant convenablement les plans inclinés , on trouve des résultats approchés tels que Pi =~ 2+sqrt(2), ce qui n'est pas si mal, pour une théorie aussi simpliste.

Exercice : une horloge de Huygens (1609-1695) : la courbe tautochrone

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Huygens avait parfaitement assimilé, enfant, les leçons de Torricelli. Il imagina une cuvette symétrique où la vitesse v(s) à la distance curviligne s du fond [donc v(s)= sqrt(v(0)² -2gh(s))] soit telle que v²(s) + w² s² = cste : une telle horloge est telle que s varie sinusoïdalement : s = a cos wt est solution : le vérifier! Il réalisa une telle horloge dont la période était exactement T =2Pi/w . malheureusement, elle aussi s'amortissait, et l'on revînt à l'horloge à balancier munie de son échappement à ancre (inventée elle aussi par Huygens, et qui est le principe des franc-comtoises).

Exercice : la brachistochrone de Johan Bernoulli

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Johan Bernoulli a remarqué que la même courbe ( la cycloïde retournée en cuvette ) était la courbe brachistochrone , à savoir : soient deux points Départ-D et Arrivée-A , situés à des cotes différentes et tels que V(D)² + 2g y(D) = V(M)² + 2g. y = cste . Montrer que la courbe qui donne le minimum de temps entre les deux points ( càd le trajet devant être suivi par un skieur pour gagner, départ lancé, est celui de LA cycloïde passant par D et A .

Ce problème est très beau, dans le cas suivant : les points D et A sont à la même cote et distants de DA = d = 2b . De plus, la vitesse en D est "négligeable ( V(D) << sqrt( g.b) ). Alors , la trajectoire est assez majestueuse, car le skieur devra descendre jusqu'à la cote - d/ PI , càd si d = 400 m , une chute de 4*31.8 m ~ 120 m assez spectaculaire , et que l'on voit dans les grands spectacles de ski ; mais la vitesse théorique de sqrt(2g. d/PI) = ~ 200 km/h est rarement atteinte à cause de la résistance de l'air, (il faut aussi réduire par le facteur sqrt(sin(alpha)) pour un pendage alpha, ce qui ramène pour 30° à "seulement" 140 km/h ! ). Ce faisant, le skieur le plus rapide exécute un chemin "optimal" , càd suffisamment "profond" , mais pas au point d'allonger trop le trajet ; le skieur parcourt le trajet 8/2PI . d = 4/PI d = 4 hauteurs de chute. Ce résultat fût obtenu, pour la première fois, par WREN ( 16xx - 16yy), architecte connu de la reconstruction de Londres après le Grand-Incendie, et par ailleurs fin mathématicien.En effet , l'analyse de la rectification des courbes était à son balbutiement à cette époque. Pascal ( sous le pseudo de Dettonville ) fût aussi un très grand promoteur de la "roulette" ( cf la WP ).

Juste pour rappel, sans reprendre dans le détail toute cette analyse pourtant admirable ( mais peut-être un jour... ), voici qq éléments sur la cycloïde : (on pourra trouver dans des livres sur les "courbes remarquables" , énormément de détails subtils, qui faisaient les délices des taupins d'autrefois ! ) :

il s'agit d'un cercle qui roule sans glisser ; soit u l'angle dont il a tourné ( il a donc avancé de R.u ), alors le point le plus bas est venu en {x = R[u-sin u] et y = R[1 - cos u ]}. D'où la vitesse MH . w, puis l'accélération MC w² + w.(dw/dt)^ CM ( résultats somptueux obtenu par Huygens en 1673 !). Le rayon de courbure est 2 MI , donc l'accélération normale est w². MH² / 2MI = w²R. sin(u/2); on en déduit facilement l'accélération tangentielle. Comme s² = 4.MI², on obtient s² = 4 rho² ( équation dite caractéristique(1)); et aussi s² = ky(2) ; on obtient aussi v² + 2w²R.y = cste ( équation caractéristique(3)) et v² + w²s²/4 = cste(4) ; et enfin v/ cos(alpha) = cste ( équation (5)caractéristique aussi ).Ces résultats se déduisent tous des 2 équations de départ, et seront bien utiles pour comprendre la "physique" .

La propriété tautochrone se déduit aisément de (4) et la propriété brachistochrone de (5). Remarque : on voit souvent ces deux propriétés être démontrées à grand renfort d'équations différentielles. CE N'EST PAS DU TOUT dans l'esprit de l'époque, où les propriétés sont considérées comme "d'évidence" conduisant à une solution qui existe-et-est-unique. Il "suffit" donc alors d'exhiber LA solution , ce qui vient d'être fait précédemment.

Rappelons que tous ces résultats étaient obtenus au XVII ème , uniquement par la géométrie ! Aussi quand JohanB. posa son challenge à la communauté scientifique, LEIBNIZ, JacquesB, l'HOPITAL et bien sûr NEWTON répondirent.( Ne pas s'étonner de l'absence de Huygens, il décède en 1695 ! Gageons qu'il aurait trouvé aussi ! )

C'est avec ce problème, puis le conflit qui va opposer Johan et Jacques, que va se construire en Allemagne le calcul-des-variations, bientôt dominé par EULER, et enfin par LAGRANGE. Avec ces deux génies,l'histoire du calculus est consommée. Il restera certes des progrès à accomplir, mais il viendra plus de la théorie de la variable complexe ( Cauchy, 1821 ); les physiciens-mécaniciens ont désormais , avec la "mechanique-analytique" de Lagrange, puis le "système du monde" de Laplace, les outils essentiels pour travailler 2 siècles. Le renouveau apparaît vers 1980, avec de nouvelles solutions, dites périodiques dans des espaces de phases plus complexes ( la notion d'espace des phases fût introduite par Hamilton et Jacobi vers 1830).

Qui pourrait croire que d'un simple problème de chute ralentie ..., cherrerait une telle profusion de résultats !