Mécanique, enseignée via l'Histoire des Sciences/La chute libre

Cette première leçon est élémentaire. Son niveau est bac – 2, bac – 1, bac, et bac + 1. Les exercices et les commentaires sont de niveau variable.

  • Attention : une bonne partie de la réflexion est actuellement dans la discussion. Elle en sortira quand elle aura été suffisamment critiquée.

Loi de Galilée

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Expérience

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Soit un plomb, P, soutenu par une ficelle mince.

On le laisse bien au repos, au ras du sol. On marque à la craie la position au sol, disons A. Le plomb est relevé de 2m environ, bien à la verticale de A en un point O.

Il est immobile en O. On brûle la ficelle. Le plomb tombe de O en A. En « chute libre », dit-on ; en réalité, l'air perturbe le mouvement en le ralentissant.

Galilée(1564-1642) eût l'idée, géniale pour l'époque, d'imaginer ce mouvement à la limite où il n'y aurait pas d'air ! Le plomb tomberait alors dans le vide : c'est la chute libre verticale, dont Galilée donna la loi en 1604.

Soit z(t) la hauteur de chute, v la vitesse de chute, et a l'accélération.

L'accélération est constante.

On l'appelle g.

À Paris, elle vaut 9,81 m/s².

La vitesse initiale est nulle.

On en déduit :

 


(De plus, si on élimine la variable t entre v(t) et z(t), on obtient : v² = 2gz ; Torricelli(1640)).

Avec des conditions initiales quelconques, on obtiendrait :

 

Remarque : en réalité, le pivotement de la Terre en un jour sidéral provoque une minuscule déviation vers l'Est.

Notes historiques

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Penser le vide

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Aujourd'hui, on sait faire cette expérience dans un tube privé d'air (grâce à une pompe aspirante). On a des caméras pour enregistrer le mouvement. On peut refaire l'expérience à loisir avec d'autres dispositifs. On l'a même refaite sur la Lune, qui n'a pas d'atmosphère. À l'époque (avant 1644), penser le vide était assez révolutionnaire, voire hérétique (la discussion en est passionnante, cf article sur le vide) ; Galilée lui-même n'y croyait pas trop ; son élève Torricelli(1609-1647) mit en évidence le « vide grosso » dans la « chambre barométrique » en 1644, ceci après avoir compris le problème des fontainiers (de la ville de Sienne) qui n'arrivaient pas à faire fonctionner leurs siphons.

Le génie de Galilée fût de penser la loi comme une loi-limite qui existerait à la limite du vide absolu. En effet, dès que la vitesse est grande, la résistance de l'air vient limiter la vitesse. Cette vitesse-limite est différente selon les corps. La loi de Galilée devient fausse. Chacun peut le vérifier ; et Galilée, et ses contemporains, le savaient. L'affirmation de Galilée, v = g⋅t, est donc une décision, correspondant à une loi approximative de début de mouvement dans l'air résiduel.

La masse n'intervient pas

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La lettre de Galilée à Sarpi (16/10/1604) présente en réalité deux lois :

  1. Le mouvement a une accélération constante.
  2. Un fait extraordinaire, peu crédible, mais pourtant vrai : la loi ne dépend pas du plomb !

On peut prendre une pierre, un sac lesté de plomb, de sable ou de papier, ou de polystyrène, une fleur de pissenlit, une plume. Dans un tube de verre de 2m de long, dont l'air a été pompé, on fait chuter la plume et le plomb ; on parle de l'expérience du « tube de Newton ». Il faut avoir vu cette plume tomber vertigineusement vite :

  1. Elle accélère de 10 m/s chaque seconde.
  2. La plume tombe exactement comme le plomb !

Évidemment, ce qui est le plus curieux dans cette loi est que ni la masse ni la densité du corps n'interviennent : ceci paraît absurde. Et la lumière tombe-t-elle dans le vide ? Et l'air, pourquoi ne tombe-t-il pas ? Voir l'exercice.

En réalité, Galilée n'a pas pu vérifier la loi. Il a même « triché » sciemment. Ses contemporains avaient déjà vérifié amplement certaines caractéristiques de la chute dans l'air. Galilée a ignoré ces critiques. Comme il l'a réaffirmé dans le Dialogo, il se place dans une situation théorique, où le vide est parfait.

Que la masse inerte soit égale à la masse pesante sera la base du principe d’équivalence, en théorie de la relativité générale d'Einstein, en 1915 ; mais c'est bien plus savant.

La Tour de Pise

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Il faut tordre le cou à ce faux compte-rendu de Viviani dans son hagiographie de la vie du grand Maître : Galilée n'a vraisemblablement jamais vérifié sa loi à la tour de Pise. Koyré le démontre très bien : Galilée, tout comme Beeckman, sait l'existence d'une vitesse-limite. Plomb et sureau ne tombent pas à la même vitesse. Deux billes de plomb non plus. À quoi eût donc servi une telle expérience ?

De fait, la grande idée expérimentale de Galilée fût en réalité celle de ralentir la chute, via le plan incliné (voir leçon ultérieure), et de penser théoriquement une gedanken-experiment : faire remonter ensuite la masse sur un autre plan incliné : alors, il était crédible que la bille allait remonter à la même hauteur, à supposer que l'influence des frottements fût négligeable. Cette supposition est ce qui permet d'épurer le mouvement : la loi devient simple. Puis dans une seconde partie (laissée inachevée !), la perturbation due à l'air vient modifier le comportement. D'autres que Galilée eurent des idées, elles aussi très ingénieuses, plus proches même de la réalité expérimentale. L'Histoire n'a retenu que Galilée, parce que sa démarche s'est avérée la plus fructueuse. Mais ne pas oublier les autres.

Les difficultés liées au calculus

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La présentation donnée, v = gt ; z = ½gt², est anachronique, très loin de la formulation de 1604. S'il faut attendre 1640 pour trouver la formule de Torricelli, v² = 2gz, c'est que ce n'est pas simple, pour l'époque. Il y a au moins trois difficultés.

La notion d'unité, de dimension est précaire (les Discorsi sont écrits en 1638). Nos montres n'existent pas. La mesure du temps est rudimentaire : on fait chanter une chorale et on se base sur son tempo. Un peu plus tard, on utilisera le pendule ( sans même discuter la circularité du raisonnement, car le pendule utilise aussi la chute ). Galilée n'utilisera jamais « l'axe des temps ». Et bien sûr, la notation g n'existe pas en 1604 !

La notion de fonction n'existe pas vraiment. On a simplement deux tableaux numériques : z(k) positions échelonnées aussi régulièrement que possible versus temps de passage t(k). Mais pourquoi ne pas utiliser des temps espacés régulièrement ? Comment interpoler pour passer d'un tableau à l'autre ? etc. Et on se rend compte très vite que le point initial est grande source d'erreur, à cause du déclenchement du ""chronomètre"". D'où l'idée de procéder avec les différences_premières ; l'erreur systématique est moindre ; mais alors mesurer des différences augmente l'erreur expérimentale. Mais doit-on afficher les temps à des positions espacées régulièrement ? ou bien les positions à des dates échelonnées régulièrement ? Ce que Galilée va finalement privilégier, ce sont des dates échelonnées : alors, les différences d'espace augmentent comme 1, 3, 5, 7, … (et ceci, quel que soit le choix de l'intervalle de temps). Or il sait que la somme des impairs est un carré. Il en déduit z ~ t².

La troisième difficulté est la notion de calculus (le calcul différentiel et intégral) : la notion de vitesse instantanée, à la date t, à un instant déterminé, dans le « moment » examiné, etc., n'existe pas encore. Il faudra attendre Newton, et surtout Leibniz pour écrire la dérivée v = dz / dt, via la limite ultime des durées petites, ou des distances infimes ; et comment la déduire des t(k), z(k) ? Et si on définit la lenteur comme limite de Δt / Δz, a-t-on la lenteur égale à 1/v ?

Admettons que l'on forme un tableau de ces vi « au mieux » ; ce tableau formé, faut-il considérer les v(k) fonction des t(k) ou bien des z(k) ? Galilée est hésitant. Cela en est touchant. Mais l'affaire est importante, car au coup suivant, pour la « différence des différences », il faudra aussi faire attention ; est-ce v(t) ou bien lenteur(z)? auquel cas d(lenteur(z)) / dz ne donne rien de bien simple ! C'est bien dv(t) / dt qui est simple. On affouille, bafouille, cafouille. On patouille. Clairement, 50 après, on a progressé. Mais combien d'efforts de savants illustres ! Le terrain aplani, nous perdons conscience de cette difficulté immense : la construction du calculus.

Exercices

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On prendra g = 10 m/s² approximativement.

(* signale un exercice plus difficile)

quelques exercices simples

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1/. Simple AN : Trouver la hauteur de chute si le temps de chute est 2 s.

Réponse : h = ½⋅10⋅4 = 20 m ! et la vitesse à l'arrivée est v = 20 m/s soit 72 km/h : malheur à vous, c'est fatal !



2/. Ex.Relation v(x) : Éliminer le temps entre z(t) et v(t) pour trouver la relation dite de Torricelli(1608-1647) : v² = 2g⋅z (c'est la quatrième formulation de la loi, dans le résumé).

En déduire la compréhension du slogan de la Sécurité routière : arriver sur un obstacle à 36 km/h « c'est comme » chuter de 5 m (2e étage environ), mais à 72 km/h, c'est comme chuter de 20 m ! Mortel sans ceinture et air-bag.

Montrer plus généralement que v² – v0² = 2g⋅(zz0) [loi de Torricelli(1608-1647)].

Solution : en reportant t = v/g dans z = ½⋅gt², on obtient z = ½⋅g(v / g)² , soit v²= 2gz.

2g⋅(zz0) = 2g⋅v0t + g²t² ; et v² = (v0o + gt)² = v0² + 2g⋅v0t + g²t² , d'où v² – v0² = 2g⋅(zz0).

Appliquer le théorème de l'énergie cinétique serait ici anachronique. Leibniz ne l'énoncera que vers 1700 !


3/. Ex. Croisement : c'est un teaser classique. On lance une pierre P vers le haut. Elle atteint la hauteur H. Juste à cet instant, on lance une deuxième pierre Q de la même manière. De tête, où les 2 pierres se rencontrent-elles ?

solution ex. Croisement : Tracer le diagramme horaire de P, zP(t) et celui de Q, zQ(t) : ces deux courbes identiques sont décalées de sorte que le sommet de l'une est au pied de l'autre, la symétrie montre que la rencontre a lieu à T/2 ; le résultat devient évident :[Réponse : rencontre à z = 3/4⋅H].


4/. Exercice Beeckman(1618) : Beeckman connaît x ~ t² , mais pas encore v² ~ x. Alors il se pose la question suivante : on lâche une pierre du 8eme étage et le temps de chute est T = 2 s, et sa vitesse v0 . Quelle est la durée du 4e au sol ? Et la vitesse au 4e ?

Réponse : pour Beeckman , le raisonnement est tout à fait laborieux ; en 1641, pour Torricelli c'est évident. En 20 ans, il y a grand progrès sur la notion de vitesse instantanée ! Ici, pour la moitié d'espace, le temps de passage au 4e est T / √2, et donc la durée demandée est T(1 – 1 / √2) . La vitesse est linéaire en temps , donc V(au 4{e}}) = v0 / √2.


5/. Exercice saut à la perche : On dit que la perche sert juste à transférer la vitesse horizontale en vitesse verticale v0. En ordre de grandeur, montrer qu'un record sportif H = 8 m est improbable.

Réponse : oui , improbable, car H = 8 m correspond à une vitesse v0 ~ 12 à 13 m/s , soit 43−46 km/h, pas trop crédible. De fait, il faudrait pouvoir alors maîtriser le saut…


Pour avoir la hauteur H d'un puits, on y laisse choir un caillou au temps t = 0 ; on entend le son au bout de T = 2 s : trouver la hauteur H (on prend la célérité du son, c, égale à 1 000/3 m/s ; et g = 10 m/s² ; on appellera α la quantité sans dimension gT/2c).

Solution ex. Puits  :

la durée de chute t₁ est telle que H = ½ g t₁² , et la durée de retour du son t₂ telle que H = ct₂ ; soit T = durée totale = t₁ + t₂ = sqrt(2H/g) + H/c, équation du deuxième degré en sqrt(H) = x > 0 ; soit x² + x⋅sqrt(2c²/g) – cT = 0 , dont on prend la racine positive, x = 4,345 46, d'où H = 18,883 m.

remarque-annexe sur les chiffres significatifs : la résistance de l'air rend ces calculs au centimètre près fictifs. Par ailleurs, on n'a pas poussé au-delà, (quid de la margelle du puits ?), et car il y a ambiguïté sur les ChS : on aurait dû donner T = 2,00 s par exemple ; passons, d'ailleurs on a pris g = 10 m/s² ; on se contente de H = 18,9 m.

Ali, 15 ans, a proposé la solution suivante : le paramètre α est petit, voire négligeable, alors H = H0 = 20 m ; donc H < H0. Mais alors, la durée t₂ est inférieure à H0/c et donc H est supérieur à ½⋅g⋅(T – H0/c)² = 18,82 m, soit H1. Conclusion H1 = 18,82 m < H < H0 = 20m .

Béa, renchérit : mais on peut poursuivre ce raisonnement ! et cette fois soit H2 = ½⋅g⋅(T – H1/c)² = 18,885 m, on aura H1 < H < H2 ; soit H = 18,9 m.

Cat, 17 ans, intervient : l'équation peut se réécrire aisément H = ½⋅g⋅(T – t₂)² = ½⋅g⋅(T – H/c)², et, au fond, cela consiste à trouver la solution itérative de cette équation Z = ƒ(Z) par le théorème du point fixe. La suite récurrente Hn converge en « araignée » vers la solution d'autant plus vite que |ƒ’(x)| est inférieure à 1. On a successivement 20, puis 18,82, puis 18,885 m… Hlimite = 18,883 m.

Dédé, 17 ans , renchérit : et si on est près du point fixe, on peut raisonner ainsi : la première réduction est –1,2 m ; si les réductions sont en progression géométrique de raison k = –6/1 000 , alors H = 20 / (1 + k) = 18,87 ; soit H = 18,9 m avec 3 ChS.

Eva, 19 ans , remarque : oui, mais il vaut mieux sortir explicitement la physique hors des équations , en posant H = ½⋅g⋅T²⋅z ; alors Z sans dimension satisfait l'équation Z = (1 – α⋅Z)² = 1 – 2⋅αZ + α²⋅Z² , ce qui se réécrit Z = 1/(1 + 2α) + … négligeable.

Fifi, 20 ans , poursuit : oui, l'avantage de raisonner en termes a-dimensionnés est que les équations à traiter « parlent » mieux à un matheux ; il peut même les reconnaître ! Ici, c'est un peu fat et prétentieux ; mais si on raisonne sur X = sqrt(H) / sqrt(½⋅g⋅T²) , l'équation de départ s'écrit : X = 1 – α⋅X² , équation du second degré « connue », dont la solution positive est c(–α) , fonction génératrice des nombres-de-Catalan ( cf la Wp) :

X = c(-α) = 1 - α + 2 α² - 5 α³ + … ; et bien sûr Z = c(–α)².

Gégé conclut : oui, fort intéressant ; car cela permet maintenant de calculer de tête la solution du problème historique suivant : Mersenne (1645 à Rome) lâchait des poids depuis les coursives de la cathédrale Saint-Pierre. Si T était 2 × 2 s, quelle était la hauteur H ?

On peut répondre immédiatement 2² × 20 m × c(–2α)² = ~ 70 m ; mais là la résistance de l'air ne peut être négligée ! Ce fût le casse-tête de Mersenne.


Expérimentation(*)

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Une caméra prend des photos d'une bille en chute libre à des tops réguliers, d'intervalle T. Une règle verticale photographiée en même temps que la bille donne 3 valeurs z1, z2 et z3 pour des temps t1, t2 = t1 + T, t3 = t2 + T. Montrer que, quel que soit t1 et T , [(z3z2)/T – (z2z11)/T ]/T = g. En déduire une manière de mesurer g avec avantage. La réciproque est-elle vraie(**), c'est à dire : si l'accélération discrète est constante, le mouvement discret est-il celui de Galilée ?


solution expérimentation :

Comme la vitesse v0 n'intervient pas,cela se vérifie d'ailleurs aisément, il reste en prenant t2 comme origine,

z3 – 2z2 + z1 = ½⋅g⋅[(t2 + T)² – 2(t2)² + (t2 – T)²] = ½⋅g⋅[2T²].

On appelle dérivée discrète seconde au pointz2 la quantité (z3 – 2z2 + z1)/T².

On constate qu'elle vaut g, ceci quel que soit z2 et T !

(**) Et réciproquement, une suite récurrente z(n + 1) = 2z(n) – z(n – 1) + G0(T)² est effectivement une suite du type z(n) = ½⋅G0⋅(n⋅T)² + A(n⋅T) + B.

Tout ceci permet d'intéressantes comparaisons expérimentales et permet de valoriser certains TP (travaux pratiques). Admettons par exemple que la caméra donne 25 + 1 photos sur une seconde (soit une chute de 5 m devant une règle graduée) : voici une méthode parmi d'autres, via un logiciel de traitement de données : la caméra a donné la k-ième photo au temps k/25.

Donc, on possède un tableau de valeurs numériques, 26 valeurs de l'abscisse z(k) au temps t(k). De ces 26 valeurs, il faut tirer une valeur de g. C'est de manière très usuelle le problème d'un TP : la théorie est faite. On veut la vérifier et en tirer la valeur d'un paramètre du problème, au mieux.

Pour cela, on calcule les 24 dérivées discrètes. Par exemple, pour calculer a(4) on calcule les valeurs sensiblement identiques : (z(0) – 2z(4) + z(8))/16 ; (z(1) – 2z(4) + z(7))/9 ; (z(2) – 2z(4) + z(6))/4 ; (z(3) – 2z(4) + z(5))/1 ; et on extrapolera. On portera alors ces valeurs a(k) en fonction de v(k)² [avec les v(k) calculées de même façon] : la courbe est « sensiblement linéaire » : son extrapolation pour les faibles vitesses donne la valeur de g. On a ainsi défini une procédure algorithmique, qui, éventuellement, peut s'automatiser.

Les résultats d'une classe (2 × 2 × 12 élèves) sont honnêtes et valent bien le résultat obtenu avec le pendule réversible, dit de Kater. Ne pas espérer 3 ChS (chiffres significatifs) !

D'autres dispositifs équipés de photodiodes donnent le temps de passage à telle ou telle altitude (t(k) = T(z(k))). Certaines méthodes lancent le projectile vers le haut ; il retombe ; au passage il a coupé les deux faisceaux de deux photodiodes distantes de H, aux temps t1, t3, t3, et t4. On forme les deux durées D1 = t4t1 et D2 = t3t2. Montrer que g = 8H / (D1² – D2²).

Note : Actuellement(2015), la méthode de chute libre est utilisée mais en faisant tomber « le coin de cube d'un Michelson », servant de miroir réflecteur : les franges défilent et sont enregistrées. On arrive à une précision relative de 11 ChS (chiffres significatifs), depuis la mise au point du dispositif par Sakuma, en 1970, au BIPM (Bureau international des poids et mesures , installé au parc de Saint-Cloud, Paris). Inutile de dire qu'il faut de multiples précautions.

Une autre méthode consiste à laisser tomber un « atome-froid », et on étudie sa fonction d'onde quantique : précision , 10–12.

La gravimétrie est donc devenue une science très précise, utilisée par les géologues. Voir plus loin, leçon sur la gravimétrie (de niveau nettement plus élevé).


Un raisonnement de Torricelli(**)

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Galilée défendit la thèse suivante, appelée depuis « principe de relativité galiléenne » : si un bateau se déplace à la vitesse constante v0, alors on ne peut pas s'en apercevoir depuis l'intérieur du bateau ; on pourrait continuer à jouer au ping-pong, à faire de la GRS, etc. RIEN ne permet de distinguer le mouvement du bateau. « Un mouvement uniforme, c'est comme RIEN ». Familièrement, on dirait aujourd'hui, ça compte pour du beurre.

Torricelli(1608-1647) est le premier à avoir appliqué ce principe à la chute libre.

  • [Note historique : dans son de Motu, 1641, il l'a signalé à Castelli (1577-1644) , qui en rendit compte à Galilée. Galilée, très admiratif, demanda à Torricelli de devenir son élève, en 1641 ; bien que très fier d'être choisi, Torricelli était mort de trouille, à cause de l'Inquisition : rappelons que dire du mouvement de la Terre, c'est comme rien, revenait à accréditer la thèse de Copernic. Or le Vatican venait de condamner cette thèse en 1618].

Torricelli admet que z(t) = h(t) + v0t + z0 , avec h(t) fonction inconnue, mais indépendante de z0 ET de v0. Ce faisant, il admet beaucoup. Mais alors, grâce au principe de relativité, montrer que h(t) = kt².

solution :

Commençons par le résultat suivant :

si le mouvement d'un corps chutant au départ comme z = ½⋅g⋅t² est avec une nouvelle origine des temps, z = ƒ(t, Z0, V0)= ½⋅g⋅t² + V0t +Z0 ,

alors à un instant T1, il sera en z1 = ƒ(T1, z0, v0) avec la vitesse v1 = g⋅T1 + v0.

Puisque la vitesse v1 joue à cet instant le même rôle que v0 à l'instant t = 0 pris pour origine, Torricelli dit que :

z = ƒ(t + T1, z0, v0) = ƒ(t, z1, v1), avec la même fonction ƒ(., . , .), soit :

½⋅g⋅(t + T1)² + v0⋅(t + T1) + z0 = ? = ½⋅g⋅t² + v1t + z1,

avec v1 = g⋅T1 + v0 et z1 = ½⋅g⋅T1² + v0⋅T1 + z0 :

Après simplification, z0 s'élimine ainsi que v0⋅t, puis v0⋅T1. Il reste à vérifier :

½⋅g⋅(t + T1)² = ? = ½⋅g⋅t² + g⋅T1t + ½⋅g⋅T1², ce qui est vrai.

Mais ce n'est pas la réponse demandée ! bien que cela soit perçu par beaucoup d'étudiants comme la bonne réponse ! Le calcul est en effet pertinent et exact ; mais il ne répond pas à la question ! On ne fait que vérifier l'auto-pertinence de la formule, mais on ne démontre pas h(t) = kt² !

Voici ce que Torricelli a dit :

z = h(t + T1) + z0 + v0⋅(t + T1) = h(t)+ z1 + v1t, ceci quel que soit t, avec z1 = h(T1) + z0 + v0⋅T1, et avec v1 = h’(T1) + v0 (exprimé en formalisme moderne). Ce qui conduit à l'équation fonctionnelle :

h(t + T1) = h(t) + h(T1) + h’(T1)⋅t,

pour tout t et pour tout T1.

Alors , par symétrie de rôle de t et de T1, on peut écrire :

h(t + T1) = h(T1) + h(t) + h’(t)⋅T1

ce qui conduit à h’(t)⋅T1 = h’(T1)⋅t et donc h’(t)/t = h’(T1)/T1 = cste donc, appelons-la… g ! Alors h’(t) = gt

La vitesse ne pouvait être que linéaire en t.

Du reste, si on prend l'origine du référentiel galiléen tangent à l'instant de départ, donc avec une vitesse nulle, cela paraît « naturel » ! Remarquable raisonnement de Torricelli en 1641 (De Motu).

Au final, si h’(t) = gt, h(t) = ½⋅g⋅t² :

Rappelons ce qui a été utilisé : l'invariance galiléenne et l'invariance du mouvement par translation (ce qui revient à dire : pesanteur constante).

Il est évident que Galilée était ravi que son ami Castelli eût un élève aussi doué ! D'autant que Torricelli n'avait pas ces notations modernes !


Un autre joli raisonnement de Torricelli(1647) : à la veille de sa mort, Torricelli possédait très bien la relation v² = 2g⋅x, et même v² – v0² = 2g⋅(zz0). Voici ce qu'il disait du cas g(z), pesanteur non uniforme. Lâchons une pierre sur une hauteur 2H, où sur le premier intervalle H, g = g1, et sur le deuxième g = g2. Trouver la vitesse finale. Généraliser à 3 intervalles, puis N intervalles. Conclure si g = g(z) , v² = 2 ∫ g(z)⋅dz.

Réponse : sur le premier intervalle, v1² = 2g1H ; sur le deuxième, la vitesse s'accroît et devient telle que v2² = v1² + 2 g2H = 2 (g1 + g2)H.

Ceci se généralise en v(nH)² = 2 (somme des gi)Δz. Ce que des étudiants de L1 comprendront vite comme v² = 2 ∫ g(z)⋅dz. Malheureusement, Torricelli, qui vient de publier un livre de stéréotomie (la découpe des pierres), et qui a parfaitement maîtrisé l'enseignement de son maître, Cavalier, meurt subitement en 1647. Mersenne meurt peu après. Et Pascal ne saura pas récupérer cet héritage ; ni Fermat ; ni Huygens ; dommage… il s'agissait des prémisses du calculus.

Exercices, deuxième série

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ex. Pseudoparadoxe de la vitesse nulle(**)

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Marin Mersenne (1588-1648) [un des plus célèbres correspondants scientifiques de l'époque] n'arrivait pas à comprendre la loi v = g⋅t, car disait-il, si v = 0 au départ, le plomb ne peut pas avancer ! Huygens(à 17 ans!) lui répondit(1646). Imaginer sa lettre de réponse.

Mersenne ne comprenait pas non plus v² = 2gx, et en x = 0, v est nulle. Donc le mobile n'avance pas.

Solution : Essentiellement, le jeune Huygens répondit que la loi générale était v = v0 + gt, même si v0 est négatif (la pierre est lancée vers le haut) : la loi est tout aussi vraie, mais c'est une loi affine dans ce cas, avec vraiment rien de particulier au moment où v(t) = v0. Au sommet de la parabole du diagramme horaire, il ne se passe donc strictement rien de particulier, même si ce point fût l'objet de spéculations intellectuelles très passionnées, pour savoir si le temps passé en ce point était FINI.

Torricelli, lui, invoquera le raisonnement suivant : par invariance galiléenne, on peut se placer dans n'importe quel référentiel de vitesse v0 ; alors le sommet du diagramme horaire est n'importe quel point. Le « sommet » devient un point ordinaire ; ainsi, on a banalisé ce point. Alors, plus personne n'a d'objection ; on dit qu'on a « réduit » le pseudo-paradoxe. Progressivement, avec les siècles, la question n'est même plus soulevée. Les contradicteurs sont morts.

La deuxième question est plus délicate, pour l'époque : si v(x) = sqrt(2gx), comment l'intégrer ? De nos jours, on dit l'équation est de Cauchy-Lipschitz, et le tour est joué. En 1620, dt = dx/sqrt(2gx) n'est pas encore intégrable en t = sqrt(2x/g).

Quelques années auparavant, la confusion v(x) ou v(t) est bien plus grande. Il faut bien voir que la notion de fonction n'est pas affermie. On a des tableaux numériques : à t(k) correspond z(k). On peut en faire des tableaux de différences, les Δt et les Δx. Puis dt/dx ( càd 1/v) fonction de t ou de x ? Pourquoi est-ce v = dx/dt = ƒ(t) qui s'impose ; et non pas 1/v = ƒ(x) ? Ces questions n'ont rien d'anodin. Galilée s'est fait piéger. Descartes aussi. La science cafouille souvent, mais progresse !


ex. sur la loi de Sarpi(***)

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La loi de Galilée dans son deuxième énoncé semble absurde : quelle que soit la masse du corps, le corps tombe de la même manière dans le vide ! Question 1 : la lumière (c'est-à-dire un photon) tombe-t-elle dans le vide ? Question 2 : l'air tombe-t-il ?

Solution : Oui ! ce sont des questions un peu shadokes, quasi-impertinentes ! Mais il convient de les poser.

Question 1 : oui, la lumière tombe dans le vide, MAIS ce n'est pas sa vitesse qui change, puisqu'elle reste immuable : c = {{unité|299792458|m/s}. C'est son impulsion ; il vaut mieux parler de photon : ainsi l'impulsion du photon change, c'est parfaitement vérifié aujourd'hui (il faut en tenir compte dans l'envoi des signaux GPS, sous peine de voir la qualité des résultats être entachée d'une erreur systématique). Par ailleurs, l'énergie change corrélativement, c'est le red-shift, le décalage vers le rouge gravitationnel d'Einstein, vérifié lui aussi.

Question 2 : oui bien sûr, une molécule de dioxygène tombe. Si l'air globalement ne tombe pas, c'est qu'il est déjà tombé depuis longtemps : on sait bien que l'air est situé essentiellement à basse altitude ; mais précisément, comme il y en a plus en bas qu'en haut, la diffusion en fait plus remonter du bas vers le haut que du haut vers le bas ; ce que nous voyons est l'équilibre dynamique stationnaire entre ces deux phénomènes : la chute vers le bas et la diffusion globalement vers le haut (Einstein, 1905). On peut relire l'explication magnifique de Feynman, dans Lectures on physics.

À quoi est due la pesanteur ?

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Bonne question !

La pesanteur est essentiellement due à l'attraction terrestre et partiellement au pivotement de la Terre (et encore un peu à tous les astres, mais usuellement, on met cette partie dans « l'action de marée »).

Il est hors de question dans cette première leçon de parler de la gravimétrie.

Pour faire simple, on peut dire ceci : si la Terre était sphérique et ne pivotait pas, alors la pesanteur se réduirait à une attraction (verticale par définition), centrale (c'est-à-dire dirigée vers le centre O de la Terre) de valeur : G⋅M / r² = g(r) (théorème dit remarquable de Newton, 1685) ; comme la Terre pivote, elle s'aplatit légèrement en forme de géoïde (aplatissement =~ 1/298), et la gravité est légèrement plus élevée au pôle qu'à l'équateur.

Cavendish (1731-1810) mesurera G en 1798 avec énormément de difficulté : G = 6,67⋅10–11 N⋅m²/kg² environ. On en déduit la valeur de la masse de la Terre si l'on connaît son rayon : M = ~6⋅1024 kg. Truc mnémotechnique, retenir que la masse volumique de la Terre est intermédiaire entre celle de l'eau (1 kg/L) et dix fois plus (10 kg/L), soit 5,5 kg/L.

Ceci dit, à quoi est due l'attraction de la Terre, cette étrange action à distance ? Newton, après y avoir réfléchi longtemps, déclara forfait : hypotheses non fingo, je ne fais aucune hypothèse. Il la posa comme postulat, il en généralisa la portée. Il en formula toutes les conséquences. Il fondait ainsi une discipline, la mécanique dite « rationnelle » qui sera, pour des siècles et des siècles, la discipline-phare des sciences physiques. Euler, Lagrange, Hamilton, Poincaré et des milliers d'autres poursuivront les travaux de Newton. Puis Einstein, en 1915, donna une interprétation de l'attraction gravitationnelle, en termes géométriques : la matière distord l'espace-temps, et tous calculs faits, on retrouve dans le cas de faible distorsion, la loi de Newton. Satisfaisant, mais cette théorie ne cadre pas encore avec la mécanique quantique. La science doit continuer à progresser.

Rappel : la page de discussion contient pas mal de matériaux bibliographiques.