Mécanique, enseignée via l'Histoire des Sciences/PFD
C'est évidemment LA leçon principale ; mais nous avions choisi de l'introduire par toutes les leçons précédentes
Énoncé du PFD
modifierLe PFD (Principe Fondamental de la Dynamique) a été énoncé par Newton (1687) dans les Principia. Aujourd'hui, on lui donne une forme plus compacte via l'objet mathématique le plus adapté : les torseurs. Il s'énonce donc simplement :
- le mouvement d'un système (S) dans un référentiel galiléen est donné par les six équations scalaires :
- Torseur dynamique = Torseur des forces extérieures agissant sur (S).
- Si le point O où sont calculés les éléments du Torseur dynamique est fixe dans le galiléen , alors :
- Torseur dynamique = d/dt Torseur cinétique.
Il ne reste plus qu'à donner la définition du Torseur cinétique :
sa somme est .
son moment en O est .
Ensuite appliquer cette "recette" pour obtenir les équations différentielles à résoudre , et les résoudre compte-tenu des C.I. (conditions initiales).le reste est une affaire de mathématiques: comment les résoudre? sont-elles intégrables? problèmes redoutables où la théorie de Galois différentielle (Ramis-Morales,1998) a apporté une contribution notable.
- Dans le cas du point matériel, le PFD se réduit aux 3 premières équations , souvent appelées PFDT (Principe Fondamental de la Dynamique de Translation) puisqu'un point ne peut tourner par définition !(on sait comment adapter la situation aux ferrofluides):
alors étant donné F(M,v(M),t), on a 3 équations différentielles du second ordre à résoudre, ce qui revient à dire (sous condition de régularité de Cauchy-Lipschitz) : toute la mécanique du point M se réduit à la connaissance à chaque instant de sa position (l'ensemble constitue la Trajectoire de M) ET de sa vitesse (l'ensemble constitue l'Hodographe), soit donc d'un point de l'espace des phases (R^6) (l'ensemble constituant l'orbite de phase qui ne se recoupe jamais : Principe du Déterminisme causal)
On démontre alors le théorème du moment cinétique :
- Pour n points matériels, il suffit d'ajouter toutes les équations pour obtenir la deuxième partie du PFD, MAIS il faut rajouter le torseur des forces intérieures !
Or c'est ce que précise la deuxième loi de Newton : F1/2 +F2/1 = 0 , donc le torseur des forces intérieures est NUL. D'où l'expression condensée donnée au début.
- Note d'histoire : Newton n'a jamais revendiqué être l'auteur de cet énoncé, non plus que d'être l'inventeur de la loi de gravitation [ Hooke l'avait énoncée avant lui (1667)], loi dont il n'était pas fier (Hypothèses non fingo résume sa détresse : il n'a trouvé aucun moyen d'expliquer la CAUSE de cette extraordinaire loi à distance, d'action instantanée : cela était invraisemblable à l'époque et même pour nous, et il fallût l'effort d'Einstein(1915) pour progresser). Par contre les Principia sont une somme formidable de travaux somptueux, mais extrêmement difficiles à comprendre : la réception des Principia prît environ 30 ans, des noms prestigieux du XVIIème siècle les ayant cautionnés : Leibniz, Euler , Bernoulli, Mac Laurin, d'Alembert, Clairaut,...
En France, la traduction tardive des Principia par Émilie du Châtelet, en 1756, est l'aveu d'un retard français dû aux conceptions de Descartes, s'appuyant sur Aristote, qui contestait l'action à distance instantanée comme "magique" : il fallait au moins des lignes d'action, des tourbillons,...
Mais ce retard se rattrape grâce à d'Alembert, Maupertuis, Clairaut et surtout LAGRANGE (mécanique analytique) , puis Laplace (mécanique , traité du système du monde).
Néanmoins l'immense figure d'Euler (1707-1783) domine le XVIIIème siècle.
- Actuellement, grâce à quelques petites corrections relativistes, les éphémérides de la Lune sont connues à quelques mètres près (Chapront 1997). Par contre , dans le domaine des atomes, la mécanique newtonienne perd tout sens, car l'ESPACE des PHASES n'existe pas : une particule ne peut avoir à la fois position et vitesse déterminées. Une refonte gigantesque via la géométrie non commutative permet de reformuler toute la mécanique dite quantique et la théorie quantique des champs (Quantum Fields Theory) (Connes 2003). Néanmoins, on ne sait toujours pas allier les équations d'Einstein et théorie quantique des champs en 2006 (même si des espoirs considérables sont mis sur la théorie des supercordes et leur tore non commutatif).
Désacralisation des travaux de Newton
modifierIl ne s'agit en rien d'attaquer les Principia. Simplement, il existe un contre-sens indigne dans l'enseignement du PFD : F = m.a ne signifie rien pour un élève. What is F : it is m.a . What is a : it is F/m . Et l'on tourne en rond !
En fait, tout l'objectif de ce Wikilivre est de saper ce cercle vicieux pédagogique. Poincaré est de loin celui qui l'a le mieux analysé en introduisant après Laplace la notion d'espace des phases, notion introduite dès le début de ce cours.
Voyons donc pourquoi Newton, si susceptible sur les questions de priorité, n'a pas revendiqué haut et fort SES lois du mouvement :
Au fond, c'est parce qu'ont maturé tout au long du XVIIème siècle des principes qui ont mâché le travail , et que des esprits très puissants les ont utilisés pour peu à peu résoudre les problèmes.
- Le travail de Newton est néanmoins prodigieux, car après l'écriture du deMotu(1684), il demande permission à Halley de réécrire un opus mathématique , qui dans sa deuxième partie expliquera la philosophie naturelle (nom de la physique à l'époque): la découverte des théorèmes "remarquables" (les théorèmes de Newton-Gauss sur les objets sphériques), l'essai d'expliquer les éphémérides de la Lune vont l'amener à énoncer comme universelle la loi de Gravitation (c'est à dire la généraliser au plus infime grain de poussière ( et cela Hooke était loin de l'avoir deviné !) ), à résoudre nombre d'équations différentielles, puis à reformuler tout cela dans un langage géométrique, puisque les notions de fluxions et fluentes étaient de l'hébreu pour le commun des mortels.
- Cela dit, hormis ce gigantesque travail de remise en forme, il n'y a rien de plus que ce qui avait été dit :
- Principe de relativité de Galilée , repris par Torricelli, Huygens et bien d'autres : c'est la loi 1 de Newton
- Principe de la quantité de mouvement qui se conservant est échangée entre systèmes, la variation temporelle de cet échange s'appelant la Force : Torricelli disait , a contrario, que la force exercée sur un système gonflait sa quantité de mouvement : : c'est la loi F1/2 +F2/1 de Newton et la DÉFINITION de la force.
- Principe de Torricelli : si un système "descend", il acquerra de l'énergie cinétique, mais jamais son centre de gravité ne pourra remonter plus haut : Leibniz le ré-exprimera sous forme de théorème de l'énergie cinétique (laissons tomber l'expression forces vives).
À l'aide de ces trois principes, Huygens avait pu tout déduire sur le pendule pesant ; Hooke avait pu résoudre le problème du champ central harmonique. Le problème du pendule spiral était résolu. La statique de Stevin était bien assimilée comme un dynamique du mouvement négligeable, mais où tout déséquilibre donnait une énergie cinétique. Varignon le réécrira correctement dès 1699.
- Alors , qu'a dit Newton ?
Rien d'autre, dit Poincaré, que : d/dt P est la définition de la force F et il faut trouver par l'observation l'expression analytique de cette force. Cela conduit à une équation différentielle qui donne l'orbite sans nœud dans l'espace des phases. Dans la première partie de ce cours, nombre de ces équations différentielles ont été résolues pour le mouvement d'un point sur une trajectoire dans un champ de pesanteur. La grande gloire de Newton a été de résoudre celle régissant le mouvement d'une planète et conduisant aux lois de Kepler (le deMotu 1684); les Principia ne disent rien de plus au niveau de la physique, même si le nombre d'exemples et de théorèmes est faramineux et témoigne de la virtuosité du génie de Newton.
Cette mise au point faite, il reste à traiter toute la dynamique, c'est à dire la résolution de ces équations différentielles : certaines fois cela sera possible ; le problème est dit intégrable. Certaines fois, cela a été reconnu impossible (Poincaré(1888), Ramis-Moralès(1998) ).
Le problème à deux corps
modifierPour bien réaffirmer ce qui a été dit, donnons deux exemples du choc frontal de deux masses M et m ayant une impulsion totale nulle (on peut toujours se placer dans ce cadre d'après le Principe de relativité galiléen) , mais en précisant cette fois la loi de transfert de la quantité de mouvement. Nous prendrons deux cas : la loi répulsive de Hooke , et la loi répulsive de Rutherford.
- exercice : choc selon la loi de Hooke
les deux corps se repoussent selon la loi F2/1 = -k M1M2 = -k(x(t)-X(t)), si la distance est inférieure à D; Le PFDT donne donc :
- M X" = -k(x-X)
- m x" = +k(x-X)
en ajoutant et en prenant les C.I. , cela donne G immobile ; pris comme origine , on trouve donc : x = +M/m X , puis x" = +w² x avec w² = k/ (m//M). Soit un mouvement aller puis retour au point initial avec la vitesse opposée : ce qu'avait décrit Huygens.
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- exercice : choc selon la loi de Rutherford
Le PFDT donne donc :
- MX" = -k/(x-X) = -mx". Soit :
- x" = +ga²/x , avec ga² :=k/(m//M). Si les C.I sont xo et -Vo, le point M2 atteindra donc le point B tel que OB = b avec ga²(1/b-1/xo) = 1/2 m Vo², puis retournera en xo avec la vitesse Vo et s'éloignera à l'infini avec la vitesse Vfinale telle que 1/2mVf² = 1/2mVo² +ga²/xo.
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Ce que donne de plus la loi de Newton , c'est l'orbite dans le plan de phase, càd v(t) et x(t)et donc l'échange d'impulsion entre les deux particules.
- réduction du pb à 2 corps
Dans le référentiel R*, où l'impulsion totale est nulle, G est immobile et les mouvements des 2 corps sont homothétiques; de plus le mouvement de M1M2 est dans R(M1;w=0) celui dû à la force réelle à condition de prendre comme masse la masse réduite (m1//m2).
Retour sur le Principe de l'action et de la réaction
modifierSelon notre énoncé , ce Principe n'existe plus que sous le nom de Théorème de la nullité du Torseur des forces intérieures T[Fint].
C'est évidemment un choix de pure forme ! C'est parce que [F1/2+F2/1] est un torseur nul que l'on a pu, en sommant sur tous les points d'un système, regrouper les 3 lois de Newton, via la notion d'ensemble de vecteurs glissants (les torseurs) en un seul énoncé : Torseur-dynamique = Torseur-des-forces-extérieures.
Et cela suffit à démontrer que le Torseur-des-Forces-Intérieures est nul. En effet , quelle que soit la décomposition d'un système en (S1-union-S2) , on aura :
T-dyn(S) = T[Force ext(S1-union-S2)]
T-dyn(S1) +T-dyn(S2) = T[Force(S1-union-S2)] + T[(S1 sur S2)] + T[(S2 sur S1)].
Il en résulte T[(S1 sur S2)] +T[(S2 sur S1)] = [0].
Remarquons bien que {[F1/2 + F2/1] = [torseur nul]} dit beaucoup plus que les vecteurs bi-points F1/2 et F2/1 sont opposés! Il dit que leur droite d'action est la même : ils forment un couple de moment nul. Que la loi de l'isotropie de l'espace soit camouflée derrière cette phrase ne sera compris que bien plus tard (Théorème d'Emmy Noether vers 1910, en toute généralité sur la symétrie hamiltonienne).
Dans le cours de Berkeley, il est dit que c'est parce que l'énergie potentielle de deux points V(d) ne dépend que de la distance d = | r1-r2| de deux points. Ce qui donne effectivement une réponse juste : homogénéité et isotropie de l'espace y sont in-voquées (con-voquées). Cette réponse "à faible coût pédagogique" nous convient présentement.
Équilibre
modifierUne condition nécessaire d'équilibre d'un système S est que le Torseur des forces extérieures soit nul ; mais il faut aussi que cela soit vrai de toute sous-partie de S.
Référentiel et temps absolu
modifierNous suivrons Chandrasekhar (Newton's Principia for the common reader, 1995, OxUP , ISBN 0-19-851744-0):
La longue Scholie qui termine le chapitre des Définitions peut se résumer provisoirement à dire : l'espace-temps est considéré comme le produit cartésien de E^3 par le temps (mesuré en secondes par un réel). Il est évident que nous reviendrons abondamment sur cette notion.
Signalons tout de suite simplement, que compte-tenu des définitions du torseur dynamique , celui-ci ne change pas si un référentiel est en translation uniforme par rapport au référentiel dit Absolu : tous ces référentiels sont dits galiléens et sont équivalents . On ne parlera donc plus dorénavant que de référentiels galiléens. C'est donc admettre le Principe de Relativité galiléenne (encore que celui-ci ne l'ait jamais énoncé comme tel, dixit Koyré).
- Note : La Scholie fait 6 pages dans la traduction d'Émilie du Châtelet (1756) : nous la reproduirons, ainsi que la description faite par B.Cohen en discussion pour ne pas alourdir cette leçon.
Théorèmes généraux
modifierIl est coutume immédiatement après avoir énoncer le PFD , de démontrer quelques théorèmes liés au barycentre G du système S :
- la résultante cinétique vaut M V(G); la résultante dynamique vaut M a(G).
Conséquence : le mouvement de G est celui d'un matériel de masse M soumis à R(ext), résultante du torseur T(Fext).
Attention: la résultante R(ext) est à calculer évidemment sur chaque point du système, ce qui fait qu'il faut calculer malgré tout le mouvement de chaque point en général !
- le théorème du moment cinétique :
d/dt L(P) = M(Fext, P) + M V(G) /\ V(P) , quand P est mobile.
Le moment cinétique en G dans un galiléen est égal au moment cinétique en G calculé dans R* (référentiel barycentrique) : en effet V(M,Rg) = V(M,R*) + V(G) . Donc le torseur T(sigma MiV(G)) se réduit à MV(G)passant par G.
Théorème de Koenig : d/dt L(G,R*) = M (Fext, G)
- Deuxième théorème de Koenig sur l'énergie cinétique :
Ec(S, Rg) = 1/2 M V²(G) + Ec(S, R*) , facile à démontrer.
Théorème de l'énergie cinétique-Puissance :
modifierd/dt Ec(S) = Puissance(T(Fext)) + Puissance(T(Fint)
il suffit de sommer 1/2 d/dt (mv²) = F.v
ATTENTION ! Le Torseur T(Fint) des forces intérieures travaille en général : le cas d'un seul solide est assez particulier.
Cours ultérieurs
modifierIl est convenu de scinder alors la mécanique en mécanique du point matériel , puis en mécanique du solide et des systèmes de solides (C'est typiquement sur ces parties que portent l'essentiel de la mécanique usuellement enseignée à Bac , Bac+2).
Ensuite viendra la mécanique analytique de Lagrange qui est une autre manière très puissante de réécrire les équations de Newton.
Ensuite le cours prendra en compte le renouveau apporté par la formulation hamiltonienne et le traitement des perturbations.
Il se finira par des considérations sur l'intégrabilité des systèmes, relativement récentes.
L’œuvre de Newton : les Principia
modifierébauche :
c'est une partie du projet que de faire l’exégèse des Principia , à l'aide de la Marquise et des travaux de B Cohen et de Koyré.