Mécanique, enseignée via l'Histoire des Sciences/La chute libre, avec vitesse initiale
Soit un boulet B, tombant dans le vide, dans un champ de pesanteur uniforme g, depuis un point O , avec une vitesse initiale Vo. Sa trajectoire sera, dans le plan vertical (O, Vo, g), la parabole :
Parabole de chute
modifierLa trajectoire
modifierLa célèbre loi de la chute libre est énoncée par Galilée (1568-1642), pour la première fois dans la lettre à Sarpi (1604) ; elle sera complétée ultérieurement . La double intégration de donne le résultat . Mais bien sûr, Mersenne ne procédera pas ainsi en 1635, alors que les "dérivées" ne sont pas connues.
{note : le mouvement du boulet B ne dépend ni de sa masse, ni de sa densité, ce qui est indéfendable expérimentalement: c'est pourquoi le qualificatif "dans le vide" est essentiel ; sinon, la résistance de l'air intervient et cela sera étudié ultérieurement dans la leçon : balistique extérieure}.
Cette équation est celle d'une parabole en coordonnées affines (de vecteurs de base g et Vo).
Le cours de géométrie affine permet d'en déduire tout. En particulier, on pose H {0, zo} avec zo= Vo²/2g := h . La parabole a pour directrice z = zo.
Toutes les paraboles obtenues en changeant seulement la direction de Vo ont un foyer tel que OF = OH , donc ce foyer est situé sur le demi-cercle-des-foyers de centre O et de rayon h. Le vecteur vitesse Vo étant bissectrice de zOF , la position du foyer F s'en déduit. Toutes ces paraboles ont même directrice, z= zo.
La donnée de F et de la directrice achève la description géométrique de la parabole.
Parabole de sûreté
modifierPour un module Vo donné, quelle que soit la direction donnée à la « hausse » du canon, certains points seront hors de portée du canon. L'ensemble de ces points forme une région du plan limitée par une courbe (S), dite de sécurité, qui « entoure » le point O : au-delà de (S), « on est en sûreté ». Dans le cas présent, (S) est une parabole, d'où le titre : parabole de sûreté :
- En coordonnées polaires,( φ, r(φ)), partant de l'apex H de la parabole(S), l'équation est :
- En coordonnées cartésiennes, son équation est :
- démonstration géométrique : Pour qu'un point P puisse être atteint par un boulet, il doit se trouver sur une des trajectoires paraboliques possibles, et donc on doit refaire à partir de P les mêmes constructions géométriques qu'en O : soit, mener un cercle de centre P, tangent à la directrice qui va couper le demi-cercle, lieu des foyers, en deux points F1 et F2 : le foyer le plus haut correspond à la trajectoire plombée, l'autre à la trajectoire tendue, si connues des pétanqueurs;
le cas limite F1=F2 (:=Fo) donne OFoPo en ligne droite : la corde est focale, les tangentes en O et Po se coupent donc perpendiculairement sur la directrice (qui est la droite z = h), en un point I ; OIP est orthoptique à la trajectoire.
donc l'ensemble des points Po décrit l'antipodaire (de centre O) de la droite z=h ; ce qui est la parabole de foyer O et de directrice z = 2h.
On peut aussi calculer :
; donc
donc avec φ = 2α, on retrouve bien la parabole (S).
remarque : OI = V_o t_o/2 et OP = 1/2 g t_o^2 .
Exercices
modifierCette loi est tout aussi absurde que la loi de chute verticale, car elle néglige la résistance de l'air. Néanmoins les jets d'eau et les feux d'artifice sont tous cités comme exemple. Historiquement, cette loi opposa les bombardieri et Torricelli qui répondit avec une superbe un peu fate : "les boulets peuvent tomber où ils veulent ; ma théorie est une belle spéculation mathématique" (1642).
Et il est vrai qu'elle donne les éléments qui permettront dans une très prochaine leçon, d'étudier la "balistique".
Exercice-Portée_maximale
modifierC'est le classique : démontrer qu'en géométrie affine, pour avoir la portée maximale horizontale , il faut tirer selon la bissectrice. Prenons OP horizontal : alors le temps balistique est t= 2 Vy/g ; puis OP = Vx.t . On veut donc Vx².Vy² max avec Vo² = Vx² + Vy² donnés : d'où la réponse de Didon Vx=Vy :
Il faut tirer à 45°, ce que tout le monde pressent intuitivement (mais il fallait le démontrer !).
La démonstration, dite par réciprocité, est : en P , la tangente est la même qu'en O en renversant t en -t. Et de plus elles sont perpendiculaires (voir parabole de sûreté) ! Donc c'est 45°!
- La portée maximale est Vo²/g , soit deux fois la hauteur maximale, ce qui est bien conforme au dessin de la parabole de sûreté.
- Le raisonnement tient aussi pour une portée maximale sur un plan incliné de pente angulaire 90°-\theta ! le réitérer.La portée est évidemment donnée par la courbe de sûreté en polaires.
Exercice-lancer de poids
modifierTout aussi classique : montrer qu'un lanceur de poids qui lance un poids à environ 20m d'une hauteur d'environ h= 1.50m ne lance évidemment pas à 45° mais un peu moins
Solution : lancer de poids
certes, soit O le point de lancement: le lanceur va chercher l'intersection Po de (S), courbe sûreté et du sol situé h = 1.50m plus bas: l'angle zOPo étant plus grand que 90°, l'angle de la vitesse avec la verticale sera supérieur à 45°. D'autre part , la tangente en O' étant voisine de 45° , on peut dire que sa portée a été augmentée d'environ h.L'angle de lancer est plus petit que 45° d'un petit angle ~ = h/2H
Si on écrit l'équation rigoureusement on trouve :
soit H = Vo²/2g ; alors la portée horizontale est :
x = sqrt[4H(H+h)]= 2H+h-h²/2H +o(h²/H²) ; et l'angle est diminué de Arctan [ h / x ].
Noter qu'il s'agit de la portée comptée à partir des pieds du lanceur et non de la distance OPo, de O à l'arrivée au sol Po.
Nous avons pris h= 1.5 m ; il est clair que si le lanceur peut développer toute sa "force" et transmettre Vo maximale depuis h= 2m, il a intérêt à le faire. En fait il aura un compromis à trouver ; aucun lanceur ne smashe le poids de 6 kg !
Exercice-citadelle
modifierTout aussi classique est l'exercice suivant : Quel est l'avantage de la position haute d'une citadelle de hauteur h = 50m ? C'est celui-ci : avec les mêmes canons, un citadellin peut tirer plus loin qu'un assaillant : quelle est la différence?
- Solution-citadelle
La parabole de sûreté étant z = h + H -x²/4H, le boulet de la citadelle atteint x = sqrt(4H²+ 4Hh) mais, "symétriquement", les assaillants devront être à x' = sqrt(4H²-4Hh);il est clair que la lutte pour ces (x-x')~ 2h = 100 m sera très âpre. C'est dans cet espace que les "citadellins" placeront le maximum de barbelés, pour se défendre au mieux.
Exercice-Roméo&Juliette
modifierJuliette veut envoyer les clefs à Roméo par dessus le mur du jardin de hauteur h : où doit-elle se placer pour effectuer au mieux la manœuvre ? Et si le mur a une épaisseur e , montrer qu'il lui faut au moins lancer avec une énergie mg(h+e/2)
- Solution-Roméo&Juliette
Clairement,elle doit se coller au mur et lancer les clefs par un mouvement en lancer de grenade avec l'énergie mgh. Si le mur est très épais , il faut nécessairement atteindre l'arête A du mur (donc avec la vitesse V'²= Vo²-2gh) de manière que la portée AA' soit e , soit V'²/g =e : cela sera d'ailleurs suffisant ; d'où la réponse. Si le mur est un toit de longueur a et de hauteur de faîte h', on démontrera que le résultat est (h+a+h')mg . Elle doit alors s'écarter du mur pour lancer au mieux.
Exercice-Tir-au-pigeon
modifierSoit un tir au pigeon d'argile , gedanken sur la Lune : montrer que le tireur doit tirer de même que sur terre, légèrement en avant de la soucoupe.
- Solution-Tir au pigeon
Oui en effet : on doit avoir la balle ToB = 1/2 gt² + V1t qui rencontre la soucoupe envoyée selon EoS = 1/2 gt² +Vot et donc V1t = Vot + ToEo.
Condition où n'intervient pas g ( ceci, évidemment en admettant que le tireur tire instantanément : ce n'est pas le cas ; en réalité il suit à l’œilleton la soucoupe, la dépasse légèrement et tire).
Exercices deuxième série**
modifierChute dans un escalier*
modifierUn balle chute dans un escalier (marche de largeur l , de hauteur h), avec un coefficient de restitution e . Trouver la relation entre vitesse initiale horizontale Vo et e pour que la trajectoire soit une succession d'arcs de parabole égaux.
Solution: chute dans un escalier
Soit T la période du mouvement : on prendra Vo.T = a . D'autre part soit V la composante verticale descendante d'impact; la balle repartira avec la vitesse V.e , d'où le temps de chute T.g = V(1+e), et l'on veut que e².V² +2g.h = V² , d'où la valeur de e : (1-e)/(1+e) = 2h /[g.(a/V0)²] , bien sûr cela exige que Vo soit "assez faible", si l'on veut sauter de marche en marche. Sinon , il faudra prendre 2h(ou 3h) au lieu de h.
Chute dans une cuvette de Torricelli**
modifierVoici un énoncé terrifiant : soit une cuvette formée de 2 plans (A et B)inclinés d'angle alpha, joints en O. On y lâche une balle de la hauteur h au-dessus de A. La balle cognant A fait tic , puis cognant B fera tac. Montrer qu'on peut lâcher la balle de sorte que l'on entende tic-tactac-tictic-tactac ... périodiquement.
Mais montrer aussi que l'on pourra entendre une succession de tics et de tacs assez ahurissante : voilà un très bel exemple de chaos très simple [ une visualisation via scilab est instructive , en faisant varier le paramètre alpha. Cf aussi le Korsch et Jodl déjà cité!].
Maintenant, on incline "doucement" les deux plans jusqu'à alpha = 0 : à quelle hauteur remonte la balle ?
Solution :cuvette de Torricelli
Soit A le premier point d'impact et OA = a . Alors , il faut a = h . .
Oui, sinon la trajectoire est "tumultueuse" bien que très déterministe!
Si on abaisse "adiabatiquement" les plans de la cuvette, on comprend bien que l'on amortit la balle , de sorte que le rebond sera plus faible.
Saut en longueur
modifierExercice piégeux : dans un saut en longueur, on admet que le saut se décompose en acquisition d'une vitesse Vo jusqu' à la planche d'appel ; Puis action sur les cuisses pour ajouter une vitesse supplémentaire de module Vo : quel est l'optimum de la direction de cette vitesse ( ce n'est pas bien sûr 45° ; ni 90° comme répondent souvent des élèves étourdis.
solution saut en longueur : évidemment 90° donne une vitesse Vo.sqrt(2) à 45° et donc une portée P= 2Vo²/g. Il y a mieux à faire! en fonction de l'angle A de la direction , la durée de chute sera 2Vo sinA /g et donc la portée sera : L = Vo(1+cosA)2VosinA/g . Or sinA. (1+cosA) est maximum pour A = 60° et donc une portée L = P sqrt(3). En fait quand on regarde les films de saut en longueur, cette analyse n'est pas la bonne. L'athlète calcule sa vitesse de course et son élan de manière à optimiser Vxo, Vyo , et la hauteur de son centre de gravité ; et lors de la chute, il va essayer de "se ramasser " en levant au maximum les jambes et en jetant les bras d'avant en arrière : il s'est donc donné un optimum de moment cinétique aussi. L'analyse est donc plus compliquée que ce simple exercice.
- Démontrer que A=60° : 4P sin(A/2)cos^3(A/2) = 4P sqrt [ x (1-x)^3], avec x := sin²(A/2) max pour x/1 = (1-x)/3 = 1/4 (théorème de Didon) ; donc sin A/2 = 1/2
exerciceGassendi***
modifierDès 1616 , les relations se gâtent entre l'Inquisition et Galilée à cause de son livre, le Messager Céleste, trop distant de la doctrine de l’Église. Le monde scientifique se sépare progressivement en deux camps : en 1600, Bruno était mort courageusement, n'abjurant pas l'idée de la pluralité des mondes. Dorénavant, on est pour ou contre Copernic. Si la Terre tourne autour du Soleil, Ptolémée avait analysé un certain nombre d'absurdités (dont la plus évidente était que l'on aurait dû voir la parallaxe des étoiles , mais qui ne sera découverte que par Bessel, tant elle est petite!). Si la Terre pivote sur elle-même, alors à l'équateur, une pierre lâchée de 5m de haut retomberait en une seconde, à l'Ouest de environ 464m ! Vient alors la célèbre "démonstration" du mât, qui fait frémir (Dialogo II,p171-195): de Salviati à Sagredo : -"je n'ai pas fait l'expérience , mais je vous ferai confesser de vive force que vous pensez que j'ai raison". Bigre, la vive force comme argument !
heureusement l'expérience sera faite par Gassendi en 1641 dans le Port de Marseille (elle est retranscrite dans le de Motu de 1641): d'une galère on laisse tomber du haut du mât un boulet : montrer qu'il tombe au pied du mât.
la réponse est "évidente" : le boulet a la vitesse Vx du bateau, donc son abscisse reste la même que celle du bateau. Tycho avait posé en 1600 la question à la mode : certes , mais qu'en serait-il d'un tir à l'équateur vers l'Est ou l'Ouest : bénéficierait-on des 464 m/s de pivotement de la Terre ? prenons un canon de portée 1km et une vitesse de pivot égale à 500m/s et g= 10m/s²: cela ferait 500m/s vers l'Ouest et 1500m/s vers l'Est. Rien de plus facile à expérimenter. Tartaglia avait déjà expérimenté ce fait ; et sans doute beaucoup d'autres : aucune déviation ni vers l'Est , l'Ouest ou quelque direction, quel que soit l'azimut. ET cela était bien plus probant que n'importe quelle expérience de Pierre Gassendi. L'affaire était "entendue", depuis longtemps.
Mais, faussement "entendue", car, de ce fait, on a cru aussi que le pivotement uniforme, c'était aussi "comme rien". En tout cas, chez Galilée, il semble bien qu'il en soit ainsi. Mais cela est faux. Comme la Terre pivote, on aurait dû voir un léger effet vers l'Est : un corps ne chute pas verticalement, enfin pas tout à fait. Tout ceci prouve les limites expérimentales de l'époque.
- exercice : On demande de discuter la réponse pour le tir vers le Nord et le Sud : vitesse pivot : 500 m/s et Vo = 500 m/s ; g =10 m/s². Puis dans un tir en retour.
- solution-exGassendi :
A 500 m/s, la portée sera 25 km. On considérera le plan tangent horizontal passant par O, et la Terre plate. Si l'on tire vers le Nord, la vitesse "absolue" serait Nord-Ouest avec 500m/s.{-1,1,1}. Pendant les 100s de chute, l'obus se serait déplacé de 50km{-1,1} , le canon s'étant déplacé de 500m.100s = 50 km sur l'équateur : donc l'obus pas d'avance vers l'Ouest. Tiré vers le Sud , même raisonnement et m résultat. En gros, on ne voit rien. Il faut donc être plus subtil. On le voit, ces raisonnements font abstraction de la variation de direction de g .Il faudra y revenir. Et cela est TRÈS intéressant et TRÈS instructif , et en particulier , on peut comparer aussi avec les ellipses des missiles[ par exemple, expliquer de tête pourquoi la variation angulaire de g réduit la déviation d'un facteur 1/3 : why 1/3 , sans calcul ].
Exercice-funéparabole***
modifierSe reporter à la leçon chute libre verticale, exercice Torricelli. Montrer que la courbe funiculaire est nécessairement une parabole.
- Solution-funéparabole ====
On obtient la parabole discrète...c'est la très célèbre figure en "funiculaire".
Voici le raisonnement de Torricelli(1608-1647) vers 1641, sans doute.
À chaque instant, on se place dans le référentiel galiléen tangent de vitesse V(t0),d'origine Mo, et on déclare que c'est "comme rien" , et par conséquent, la pierre tombe avec un mouvement uniformément accéléré vers le bas: z= -1/2 g (t-to)² : cela redonne bien la loi de chute générale énoncée au début, en effet :
OMo -1/2 g.(t-to)² + (-g.to +Vo)(t-to) = après développement = -1/2 g.t² + Vo.t
En fait, Torricelli fît beaucoup mieux: il savait composer deux vecteurs : .
Le raisonnement est calqué sur celui de la leçon_1 :
OP(t+T) = h(t) + OP(T) + V(T).t avec OP(T) = h(T) + OPo +Vo.T et V(T) = h'(T) + Vo.
Développer :
h(t+T) + OPo + Vo.(t+T) = h(t) + [h(T) + OPo + Vo.T ] + (h'(T)+Vo).t
Simplifier :
h(t+T) = h(t) +h(T) +h'(T).t , vraie pour tout t et T.
Compte-tenu de la symétrie de t et T , il vient h'(T).t = h'(t).T
Soit h'(T)/T = h't)/t = cste donc ; l'appeler g : il reste h'(t) = g.t
À l'instant kT , la pierre P est en P(k) , avec la vitesse vecteur_V(k) , "comptée comme rien".
Donc à l'instant (k+1)T , la pierre P est en P(k+1), tel que :
et :
Ainsi , il énonçait un ALGORITHME de TRACÉ du mouvement, connaissant la position et la vitesse initiales :
On voit se tracer (avec scilab, par exemple), la parabole de chute DISCRÈTE : autrement dit , sans avoir rien supposé d'autre que la constance de ce vecteur_Ko, il obtenait vecteur_V(kT) = V(0) + 2(Ko/T).(kT) et puis :
.
simplement disait-il , parce que , je sais que si la vitesse augmente comme 1,3,5,7 , ,la SOMME vaut k².
¤¤¤¤¤
Torricelli disait (1646) qu'à chaque mesure de temps, la quantité de mouvement s'enfle de l'action de la force : il faudra 50 ans pour écrire cela ainsi :
mais il est clair que des "discours" tels que celui de Torricelli, il y en eût beaucoup : déjà Bonamico , Benedetti , Beeckman disait des choses de plus en plus proches , et on peut considérer que celui qui le dit le mieux est Torricelli (discours à l'Académie de Florence). Mais entre "discours" et mise en équation, eh bien , il faudra ces 50 ans.