Le mouvement Wikimédia

Quatrième de couverture

Dans l’ombre du projet Wikipédia et depuis un peu plus d'une vingtaine d'années déjà, s’est développé un mouvement social pratiquement inconnu du grand publique que l'on nomme Wikimédia. Sa vision du futur est celle d'un monde dans lequel chaque être humain peut librement prendre part au partage de la totalité du savoir. Responsable de près d’un millier de sites web, dont les plus connus sont les différentes versions linguistiques de Wikipédia, ce mouvement rassemble à ce jour plusieurs centaines de groupes d'utilisateurs et d’associations régionales ou étatiques réparties dans le monde.

Wikimédia est aussi le seul acteur à but non lucratif présent dans le top 50 des sites les plus fréquentés du Web. Un simple fait qui permet d'affirmer que ce mouvement représente, à ce jour et dans l'espace Web, l'expression la plus visible des valeurs héritées de la contre-culture des années 60. Car c'est en effet au travers du mouvement du logiciel libre, lui-même grandement influencé par la culture hacker des années 70, que le mouvement Wikimédia hérita des principes de liberté et de partage qui le caractérise aujourd'hui.

En plus d'en décrire ses origines, ce présent ouvrage fourni aussi une synthèse complète de l'organisation de Wikimédia. Il anticipe ensuite la lecture d'un second livre intitulé Imagine un monde, dont l'approche ethnographique aboutit à une analyse socio-anthropologique plus poussée du mouvement. Deux lectures complémentaires donc, qui permettent de se questionner sur le développement d'une société globale et numérique dont les enjeux nous concernent tous.


Lionel Scheepmans est docteur en sciences politiques et sociales, spécialisé en anthropologie numérique, anarchiste et prospective. Il exerce certains postes d'administrateur dans le mouvement Wikimédia qu'il observe depuis 2011. Il est aussi l'auteur de nombreuses contributions au sein des projets Wikimédia, sous forme d'articles, de travaux de recherche ou de leçons, tout en étant actif dans d'autres endroits du Web.

Accès aux formats de publications et à la page web l'auteur
 


Avant-propos

Ce livre est un Wikilivre. Ce qui veut dire qu'il est publié sous licence libre CC.BY.SA, tout en étant accessible aux formats de page web, textes numériques et audio, sur le projet Wikilivres. Au départ de ce site web, tout un chacun peut ainsi librement le partager, mais aussi le commenter et même l'améliorer en corrigeant par exemple d'éventuelles erreurs syntaxiques.

 

Afin d'ajouter à la puissance du numérique un certain confort de lecture, ce livre se destine aussi à être produit sur support papier. Et dans le but d'augmenter les capacités des versions imprimées, des Codes QR (cliquables au départ d'un navigateur) peuvent être scannés avec un smartphone, une tablette ou tout autre appareil mobile connectés à Internet, de telle sorte à accéder à des fichiers audios ou vidéos qu'il serait impossible d'imprimer. D'autres codes QR permettent aussi de se rendre sur des pages web maintenues par la communauté Wikimédia où se trouvent des mises à jour de certaines données reprises dans l'ouvrage. Puis, si l'on consulte directement la version web de ce livre à l'aide du code QR situé en début de ce paragraphe, il devient alors possible de voir les illustrations en couleur, de les agrandir et de profiter des nombreux hyperliens disséminés dans le texte pour pouvoir accéder à divers compléments d'informations disponibles sur le Web.

 

En sachant qu'il serait fastidieux de les recopier dans un navigateur, les URL des hyperliens présents dans les versions électroniques de ce livre ne sont pas reprises lors de l'impression. L'économie de papier qui en découle fut aussi la raison pour laquelle la section notes et références situées en fin d'ouvrage sur la page web du projet Wikilivres est remplacée dans les versions papier par un nouveau code QR repris en début de ce nouveau paragraphe. Grâce aux indices de renvoi affichés tout au long du texte sous forme de chiffres en exposant, il est alors facile de retrouver sur la page web de Wikilivres, la note ou la référence correspondante en regardant le chiffre qui la précède.

 

Tout comme l'ensemble des projets Wikimédia, le projet Wikilivres offre aussi la possibilité à tout internaute de commenter leur lecture en posant des questions, laissant un avis, ou signalant d'éventuelles erreurs, directement sur une page de discussions spécialement dédiée à cet effet. Une fois connecté à celle-ci grâce à ce nouveau Code QR repris en début de paragraphe, et sans même devoir créer un compte utilisateur, il est alors possible de poster son message. Pour ce faire, il suffit d'écrire le titre de celui-ci dans le cadre [Démarrer un nouveau sujet], avant d'écrire son contenu dans l'encadré ouvert juste en dessous et de cliquer sur le bouton [Ajouter un sujet de manière anonyme] pour enregistrer ses écrits.

 

Enfin, pour les personnes qui voudraient profiter d'un fond sonore agréable et original durant la lecture de cet ouvrage, ce dernier code QR, repris ci-contre, permet d'accéder à une page web qui diffuse une musique mélodieuse. Celle-ci est composée de sons spécifiquement produits à chaque fois qu'une modification est faite sur un projet Wikimédia ou lorsqu'un nouveau compte utilisateur est créé. De ce processus découle ainsi tout un enchevêtrement sonore et particulièrement relaxant, qui peut être vu comme l'ultime dimension immersive apportée à cet ouvrage.

Introduction : Wikipédia n’est pas Wikimédia

Au départ de Wikipédia, beaucoup de projets de partage de la connaissance et de nombreuses organisations et groupes de soutien ont vu le jour pour constituer aujourd’hui ce qu'il est convenu d'appeler le mouvement Wikimédia. Bien que l’encyclopédie libre fut pionnière et qu’elle reste à ce jour le projet phare du mouvement, il ne faut pas pour autant confondre le terme Wikipédia, qui désigne un projet pédagogique parmi d’autres et celui de Wikimédia, qui désigne pour sa part un mouvement social, international et interculturel composé d'une myriade de projets (voir figure 1). Aussi importante qu’elle puisse être, une simple version linguistique du projet Wikipédia ne devrait donc jamais être, comme c'est souvent le cas, l'arbre qui cache la forêt.

 
Fig. 1. Logos du mouvement Wikimédia entouré des principaux projets collaboratifs qui s'y sont développés.

Il est vrai toutefois que l’on peut facilement s’y perdre dans cette forêt, tant elle est grande et complexe à la fois. Si cinq mois d’observation furent suffisants pour produire une ethnographie du projet Wikipédia en français[1], plus de dix ans furent nécessaires pour comprendre et synthétiser ce qui se passe au sein du mouvement. Car en janvier 2023 et rien qu'au niveau son espace numérique, Wikimédia c'est près de 64 millions d'éditions mensuelles[2] pour un total de 4.9 bilions de modifications apportées à plus de 500 millions de pages Web[3]. Ceci en notant que tout ce travail est réalisé par plus de 250 millions d'éditeurs bénévoles actifs dans plus de 960 sites web[4], dont seulement 318 représentent les différentes versions linguistiques de Wikipédia[5]. Ce à quoi, il faut encore ajouter la quantité colossale d’informations produite par un archivage permanent et presque complet de toute cette activité qui, de plus, fait l'objet d'un traitement statistique, parfois exercé en temps réel, au départ d'une centaine de sites web tout aussi libres d’accès que les projets qu'ils analysent.

À côté de toute cette sphère d'activités numériques, il faut ensuite tenir compte de tout ce qui se passe hors-ligne au sein du mouvement. En 2023 toujours, Wikimédia comprenait pas moins de 130 groupes d’utilisateurs[6] et près d’une quarantaine d’associations étatiques[7] ou thématiques[8] réparties dans le monde. Toute une effervescence d'activités donc, qui se voit ensuite chapeautée par la Wikimedia Foundation et ses quelque 600 employés aux origines diverses[9]. Ceci alors qu'au niveau international, on peut encore recenser des centaines d'organisations nationales, régionales ou thématiques affiliées au mouvement, dont la plus grande, l'association Wikimedia Deutchland, regroupe plus de 150 employés.

Face à tous ces chiffres, on comprend donc pourquoi distinguer le projet Wikipédia du mouvement Wikimédia est essentiel. Imaginons seulement que l'on se limite à citer le nom de Paris lorsqu'il s'agit de décrire et de comprendre cet immense pays qu'est la France. Certes, Paris est une ville connue mondialement et qui regroupe deux millions d'habitants et un patrimoine culturel impressionnant, mais est-ce pour autant qu'il faudrait oublier les centaines d'autres métropoles françaises ? Sans compter que la France, c'est aussi des départements et territoires d'outre-mer et que la nation française entretient aussi des relations et partenariats internationaux qui dépassent de loin ce qui se passe entre Paris et le reste du monde. Ne pas confondre le projet Wikipédia avec le mouvement Wikimédia est donc tout simplement une question de bon sens.

Mais toujours est-il que dans le courant de l’année 2019, la Fondation Wikimedia eut l’intention de faire du terme « Wikipedia » son nom de marque en le substituant à celui de « Wikimedia ». Le but était d’apporter une plus « haute visibilité » au mouvement et d’« attirer les milliards de personnes » grâce au nom « Wikipédia, l'un des plus connus au monde »[10]. Un tel changement ne fut toute fois pas accepté par un bon nombre de personnes actives au sein du mouvement. En janvier 2020, à la suite de l’ouverture d’une page d’appel à commentaires qui devint le siège d’un long débat[11], une lettre ouverte fut adressée à la Fondation. Celle-ci fut signée par 73 représentants d’organisations affiliées et 984 contributeurs et comprenait le paragraphe suivant :

Depuis 20 ans, les bénévoles ont bâti la réputation de Wikipédia en tant que ressource indépendante et communautaire. Les projets du mouvement Wikimédia, dont Wikipédia, se développent autour de la décentralisation et du consensus. Il est essentiel d’établir des distinctions claires entre la Fondation Wikimédia, les affiliés et les contributeurs individuels. Tout changement qui affecte cet équilibre exige le consentement éclairé et la collaboration des communautés. Il est donc très préoccupant de voir « Wikipédia » présenté pour le nom de l’organisation et du mouvement malgré le mécontentement général de la communauté.[12]

En s'opposant à la Fondation, ces membres de la communauté Wikimédia firent ainsi preuve d'une grande sagesse, car bon nombre de personnes côtoient le mouvement uniquement au travers de Wikipédia et sans du tout se rendre compte de tout ce qui se cache derrière cette encyclopédie. Il est d'ailleurs interpellant de constater que cette méconnaissance s’observe aussi au sein du mouvement. L’article de Wikipédia en français consacré au mouvement Wikimédia ne s'est effectivement développé, pour ainsi dire, qu'à partir de 2019[13]. Alors que sur le site anglophone, celui-ci était resté au stade d’ébauche jusqu'en 2016[14]. Quant aux plus de 300 autres versions linguistiques de l'encyclopédie, il est tout aussi étonnant de constater qu'en février 2023, seulement 31 d’entre elles possédaient un article consacré à Wikimédia[15].

Toutes ces observations indiquent donc que même à l'intérieur de ses propres frontières, le mouvement Wikimédia reste à ce jour un phénomène social très peu connu. Et c'est ce qui ressort d'ailleurs des débats qui ont précédé l'opposition au changement de marque proposé par la Fondation[11], où l'on y retrouve de nombreux témoignages de confusions fréquentes entre le terme Wikipédia et celui de Wikimédia :

[...] personne en dehors du mouvement n'a compris la différence entre wikimedia et wikipedia [...] (Poupou l'quourouce) [...] Lorsque les gens contactent une filiale de Wikimedia, ils s'attendent en réalité à recevoir une réponse de Wikipedia. Quand j'ai essayé de faire un don à un chapitre de Wikimedia, la banque a essayé d'envoyer mon don à un chapitre de Wikipedia » [...] (NickK) [...] « Depuis de nombreuses années, nous essayons d'expliquer au public qu'il y a beaucoup plus dans wikimedia que l'encyclopédie wikipedia » [...] (Relf PP) [...] « Faire comprendre aux gens la différence (que ce soit dans OTRS ou dans la vie réelle) entre WMF et Wikipedia est déjà difficile » [...] (Nosebagbear) [etc.][16]

Tous ces commentaires justifient donc la nécessité d'offrir à tout un chacun et tout un chacune une meilleure connaissance du mouvement Wikimédia et des nombreux projets de partage de la connaissance qui s'y développent. En ce sens, ce livre peut donc apparaitre comme une contribution importante au défi stratégique que doit relever le mouvement Wikimédia à l'approche de 2030. Car suite à la résolution du conseil d'administration de la Fondation de développer de nouveaux processus participatifs et délibératifs au sujet des questions de marques[17], c'est avant tout un travail d'information et de sensibilisation du grand public qu'il reste à faire.

Quant au reste, ce différent entre la fondation et certains membres de la communauté n'est qu'un exemple parmi de nombreux autres conflits apparus entre, d'une part, les bénévoles actifs dans des projets fortement imprégnés des valeurs de liberté et de partage, et d'autre part, les personnes employées dans des associations nettement plus ancrées dans les habitudes de l'économie classique. Mais alors que cet aspect est abordé en détails dans un second ouvrage intitulé Imagine un monde, concentrons-nous ici sur les origines philosophiques et techniques du mouvement Wikimédia, avant d'en découvrir toute la « cosmographie ».

Première partie : La naissance du mouvement Wikimédia

Il existe dans l’espace web, d’innombrables archives à partir desquelles il est possible de revivre les événements qui ont conduit à la naissance du mouvement Wikimédia. Toute cette « préhistoire » du mouvement, on peut notamment la découvrir au départ du site de Framasoft, un réseau d’éducation populaire crée plus ou moins un an avant le lancement de la version francophone de Wikipédia. Le site web de cette association est en effet une vraie mine d'informations au sujet des logiciels libres et de la culture qui s'est développée tout autour, alors que ces deux aspects culturels représentent une part cruciale de l'histoire du développement informatique, d’Internet et de ses applications.

 
Fig. 2. La création d'Adam de Michel-Ange (source : https://w.wiki/6VAg).

Grâce à Framasoft et bien d'autres associations, il est ainsi possible de découvrir les motivations ainsi que l'organisation de milliers, voir de millions, de développeurs bénévoles. Soit une pratique très originale qui fut particulièrement développée dans le mouvement du logiciel libre, suite au succès de la philosophie de Richard Stallman qui en fut l’initiateur. Une pratique aussi qui fut documentée par certains observateurs dès le début des années 2000, avec notamment la publication d'une monographie concernant le projet VideoLAN[18] et son logiciel libre VLC media player, ou encore la parution d'un livre qui explique l'émergence d'une « éthique hacker »[19] très présente dans le milieu des logiciels libres, et dont voici quelques lignes issues de la quatrième de couverture de sa traduction en français :

On considérait jusqu'à présent le « hacker » comme un voyou d'Internet, responsable d'actes de piratage et de vols de numéros de cartes bancaires. [...] Le philosophe Pekka Himanen voit au contraire les hackers comme des citoyens modèles de l'ère de l'information. Il les considère comme les véritables moteurs d'une profonde mutation sociale. Leur éthique, leur rapport au travail, au temps ou à l'argent, sont fondés sur la passion, le plaisir ou le partage. Cette éthique est radicalement opposée à l'éthique protestante, telle qu'elle est définie par Max Weber, du travail comme devoir, comme valeur en soi, une morale qui domine encore le monde aujourd'hui.[20]

Tous ces témoignages du passé expliquent ainsi les origines de Wikipédia et de l'ensemble des projets Wikimédia qui, une fois réunis au sein d'une même organisation, furent rapidement perçus comme un nouveau mouvement social et international. Mettre en lumière cette transmission culturelle qui fut présente tout au long du développement de l'informatique, permet ainsi de mieux comprendre l'un des aspects fondamentaux de la révolution numérique. À savoir, la construction d'une utopie devenue réalité en s'opposant à ce que Karl Polaniy[21] décrivait déjà, au début des années quarante, comme un libéralisme qui « subordonne les objectifs humains à la logique d’un mécanisme de marché impersonnel »[22].

L'utopie Wikimédia

Imaginons un instant que l'espace Web serait une gigantesque ville électronumérique. Au sein de cette ville se trouve alors un immense quartier (serveurs informatiques de la Fondation Wikimedia[23]), dans lequel sont rassemblés près d’un millier de bâtiments (sites web) que l’on peut visiter librement et gratuitement. Imaginons ensuite qu’à l’exception de quelques bâtiments administratifs (Wikimedia Foundation Governance Wiki, Wikimedia VRT), non seulement on peut parcourir librement ces bâtiments, mais on peut aussi modifier presque tout ce qui s'y trouve. On peut y apporter de nouvelles choses telles que des informations, sous forme de texte, photo, vidéo, document sonore, mais on peut aussi ranger les choses déjà apportées par d'autres, afin de rendre leur présentation plus esthétique ou plus compréhensible.

De façon plus incroyable encore, on peut même faire disparaitre tout ce qui se trouve dans une pièce ! Suite à quoi, comme par un tour de passe-passe, un robot informatique remettra tout en place avant de demander gentiment d'éviter ce genre de vandalisme. La prochaine fois peut-être, ou dans le cas d'un acte plus sournois qui ne serait pas détecté par les robots, ce sera alors sans doute l'un des visiteurs qui a préalablement enrichi ou enjolivé la pièce qui prendra les mesures nécessaires pour remettre les choses comme avant. En cas de nombreuses récidives, la sanction tombe et le visiteur malveillant se voit alors incapable de transformer le contenu des bâtiments (projets pédagogiques) qu'il a vandalisés. Une décision qui sera toujours mise en application par un des volontaires administrateurs choisis par la communauté des bénévoles actifs au sein des projets.

 
Fig. 3. La Digital City de Riyadh qui illustre parfaitement la métaphore du quartier Wikimédia au sein d'une ville électronumérique (source : https://w.wiki/6VAE).

On comprend donc que tout le monde peut enrichir, mais aussi surveiller et protéger les richesses partagées dans le quartier Wikimédia. Il suffit pour cela de rejoindre le mouvement Wikimédia, en se créant un compte utilisateur. Suite à quoi, on peut alors s’abonner à un système de notification qui nous envoie un message ou un courriel à chaque fois qu'une des pièces des bâtiments Wikimédia (page Web) que l'on veut surveiller se trouvent modifiées. Et pour faire partie des membres de la communauté Wikimédia, pas besoin de fournir une adresse ou un numéro de téléphone. Les seules informations personnelles récoltées pour permettre le bon fonctionnement du quartier Wikimédia sont les adresses de provenance des visiteurs (adresses IP) et qui sont de toute manière sont cachées pour tous ceux qui se connectent via un compte utilisateur.

Contrairement à ce qui se passe dans les quartiers commerciaux de la grande ville électromagnétique (GAFAM, BATX, etc.), aucune des informations récoltées lors des visites des bâtiments Wikimédia n'est vendue à des services de marketing. Même les adresses des visiteurs qui ne sont pas encore enregistrés sont appelées à disparaitre de la vue des autres visiteurs. Seules des personnes accréditées par la communauté pourront alors y accéder dans le but d'éviter toute usurpation d’identité lors des prises de décisions qui toujours sont prises de manière démocratique et souvent au travers la recherche de consensus[24].

Ceux qui ont donc la chance d'accéder à Wikimédia (les internautes) peuvent ainsi profiter du plus grand quartier de la ville électromagnétique dédié au partage de la connaissance tout en pouvant s'impliquer librement dans son développement. La partie la plus connue de ce quartier est composée de centaines de bâtiments encyclopédiques répertoriés par langues (Wikipédia). Mais derrière ceux-ci, et toujours séparés en versions linguistiques, se trouvent aussi de nombreuses autres bibliothèques, soit générales (wikilivres et wikisource), soit thématiques et spécialisées dans des domaines aussi variés que le traitement lexical (wiktionnaire), l'actualité (wikinews), la pédagogie et la recherche (wikiversité), les voyages (wikivoyage), les êtres vivants (wikispecies) et les citations d'auteurs (wikiquote). Sans oublier que tous ces bâtiments sont enrichis au départ d'un immense musée médiatique (Wikimedia commons) et d'une énorme banque d'informations factuelles (wikidata).

Chaque bâtiment possède ensuite des coulisses destinées à la gestion de toutes les pièces pédagogiques qu'ils regroupent (pages web). Celles-ci se trouvent dans d'autres étages que ceux uniquement destinés aux visiteurs (espace de noms). Ceci alors que certains édifices sont aussi spécifiquement dédiés à la maintenance technique du quartier Wikimédia et de l'ensemble de ses projets (MediaWiki, Wikitech, Phabricator, etc.). Quant aux personnes qui préfèrent s'impliquer dans la gouvernance, elles sont cette fois les bienvenues dans un bâtiment spécialement destiné à cet effet (Meta-Wiki). Pour le reste, on peut enfin s'investir au sein du mouvement en rejoignant un autre building destiné au traitement courriers adressé aux projets Wikimédia (Wikimedia VRT) ou encore en se rendant dans un centre consacré au recrutement de nouveaux bénévoles (Wikimedia outreach).

En découvrant tout ceci, on comprend donc pourquoi le mouvement Wikimédia apparait pour certains, comme l'une des plus grandes utopies du XXIᵉ siècle[25][26]. Car au bout du compte, ce mouvement social aura permis la création du plus grand espace libre du Web, dont le contenu est presque intégralement produit et géré par des bénévoles. Un mouvement qui, de plus, représente aujourd'hui l'une des plus grandes, si pas la plus grande, organisations mondiales bénévoles et non marchandes. Autant de particularités donc, qui suscitent cette simple question : Comment tout cela fut-il rendu possible ? Et il se fait que la réponse à cette question se trouve dans une partie de l'histoire de l'informatique qui reste peu connu du grand public. Celle d'une révolution culturelle qui tire ses origines de la contre-culture des années 1960 et qui se déroula au cœur même de la révolution numérique.

Tout ce changement de paradigme fut orchestré par des chercheurs et étudiants en informatique, pionniers des réseaux et de leurs applications, qui, durant les années 70, 80 et 90, ont développé toute une philosophie et un mode d'organisation bien spécifique, dont aura profité Wikimédia. Dès le début du mouvement en effet, lors de la création du projet Wikipédia qualifier de « bazar libertaire »[27] par le journal Le soir, un principe fondateur illustrait déjà très clairement l'orientation culturelle de l'encyclopédie. Celui-ci disait ceci aux contributeurs arrivants :

N'hésitez pas à contribuer, même si vous ne connaissez pas l'ensemble des règles, et si vous en rencontrez une qui, dans votre situation, semble gêner à l'élaboration de l'encyclopédie, ignorez-la ou, mieux, corrigez-la[28].

Il ne s'agit en fait que d'une simple recommandation, mais à elle seule, elle exprime toutes les valeurs d'universalité, de liberté, de décentralisation, de partage, de collaboration et de mérite décrites par Steven Levy dans son ouvrage L'Éthique des hackers[29]. Une éthique qui, bien avant l'apparition du mouvement Wikimédia, aura aussi permis le développement de tout un environnement technique gratuit, sans lequel le lancement d'une encyclopédie écrite et gérée par des millions de contributeurs situés aux quatre coins du monde n'aurait jamais été possible.

Avant qu'un tel projet puisse voir le jour, il fallut d'abord en effet qu'Internet se développe en tant que réseau de communication mondial librement d'accès. Ensuite, qu'au sein de ce réseau apparaisse une application que l'on nomme le World Wide Web pour faciliter grandement les interactions humaines à grande échelle. Puis enfin, qu'au sein de cet espace, le Web 2.0 se développe avec l'apparition des logiciels informatiques capables de développer des sites web dont les contenus peuvent être modifiés au départ d'un simple navigateur.

Et il se fait que précisément, parmi les logiciels web, on retrouve les moteurs de Wiki dont le plus puissant d'entre eux, intitulé MediaWiki, est utilisé et développé par Wikimédia. D'où ce préfixe « Wiki » appliqué à tous les noms des projets développés au sein du mouvement, tel l'héritage d'un passé qu'il est possible de découvrir de manière chronologique. Le moment est donc venu d'en savoir un peu plus sur ce mouvement social qui a précédé le mouvement Wikimédia et que l'on appelle communément le mouvement du logiciel libre.

Le mouvement du logiciel libre

L'un des premiers épisodes remarquables de la préhistoire de Wikipédia et du mouvement Wikimédia débuta en septembre 1983, lorsqu'un programmeur du Massachusetts Institute of Technology (MIT) appelé Richard Stallman, déposa un message sur la newsletter net.unix-wizards destinée aux utilisateurs du système d'exploitation Unix. C'était un appel à soutien pour la création de GNU, un nouveau système d'exploitation qui devait réunir une suite de programmes que tout un chacun pourrait utiliser librement sur son ordinateur personnel[30]. Dans son message transmis via ARPANE, le premier réseau informatique de longue distance qui précéda Internet, Stallman fit référence à la règle d'or en s'exprimant de la sorte :

Je considère comme une règle d'or que si j'apprécie un programme je dois le partager avec d'autres personnes qui l'apprécient. Je ne peux pas en bonne conscience signer un accord de non-divulgation ni un accord de licence de logiciel. Afin de pouvoir continuer à utiliser les ordinateurs sans violer mes principes, j'ai décidé de rassembler une quantité suffisante de logiciels libres, de manière à pouvoir m'en tirer sans aucun logiciel qui ne soit pas libre.[31]

Le projet de Stallman, qui reçut le soutien nécessaire à son accomplissement, marqua ainsi le départ de l'histoire du logiciel libre. Et si l'on tient compte des nombreuses personnes qui ont rejoint le projet, il est alors permis de croire que Richard Stallman ne devait pas être le seul à voir l'arrivée des logiciels propriétaires d'un mauvais œil. Car selon lui et les autres personnes qui ont rejoint le projet GNU[32], ces derniers ne respectaient pas les quatre libertés fondamentales des utilisateurs :

La liberté d'exécuter le programme, pour tous les usages (liberté 0).

La liberté d'étudier le fonctionnement du programme, et de l'adapter à vos besoins (liberté 1). Pour ceci l'accès au code source est une condition requise.

La liberté de redistribuer des copies, donc d'aider votre voisin, (liberté 2).

La liberté d'améliorer le programme, et de publier vos améliorations, pour en faire profiter toute la communauté (liberté 3). Pour ceci l'accès au code source est une condition requise.

Il faut en effet savoir qu'à cette époque, le marché de l'informatique était en pleine mutation, et que l'habituel partage des programmes et codes informatiques entre les rares étudiants ou chercheurs qui bénéficiaient d'un accès à un ordinateur était en train de disparaitre. Cette disparition était liée à la commercialisation des logiciels informatiques qui se voyaient petit à petit soumis au copyright et aux interdictions de divulgation de leurs codes informatiques. De nouvelles clauses firent ainsi leurs apparitions dans les contrats des employés des firmes informatiques. Ce qui eu pour effet de remplacer le climat de solidarité et d'entraide anciennement connu dans le monde de la recherche en informatique, par un nouveau paradigme basée sur la concurrence et la compétitivité.

 
Fig. 4. Commodore 64 avec disquette et lecteur (Source : https://w.wiki/377 g)

Cette mutation était sans aucun doute liée à l'arrivée d'un nouveau marché basé sur la vente des premiers ordinateurs domestiques. Une chose rendue possible par la production de matériaux informatiques de tailles réduites qui répondait aux besoins d'embarquement à bord des engins de l'industrie aérospatiale. Grâce à l'arrivée des premiers circuits intégrés⁣⁣, au début des années soixante, la mise au point de ce type d'ordinateurs transportables devint en effet possible, mais à des prix beaucoup trop élevés pour envisager un usage domestique. Cependant, tout au long des années 70, le coût de ces puces électroniques ne cessa de diminuer jusqu'à finalement permettre, en début d'année 80, la fabrication d'ordinateurs à des prix abordables dans le cadre d'un usage privé.

Suite à quoi, en 1982, le commodore 64 entrait dans livre Guiness des records, pour rester jusqu'à ce jour l'ordinateur le plus vendu au monde avec plus de 17 millions d'exemplaires[33] (voir figure 4). Juste avant cela, en 1981, l'IBM Personal computer avait déjà fait son apparition en offrant une architecture ouverte qui allait servir de modèle pour toute une gamme d'ordinateurs que l'on désigne encore aujourd'hui par l'acronyme « PC ». Pour faire fonctionner ses ordinateurs, la firme informatique avait alors confié la mission de les équiper d'un système d'exploitation à l'entreprise Microsoft. Grâce au contrat signé avec IBM, cette société commerciale, créée en 1975 dans une logique diamétralement opposée à celle des adeptes du logiciel libre, profita d'un abus de position dominante[34] et d'une vente liée du logiciel avec le matériel informatique[35], pour établir son monopole dans la vente des logiciels informatiques.

 
Fig. 5. À gauche la mascotte du projet GNU ; à droite celle du projet Linux, appelée Tux (source : https://w.wiki/377i)

Mais pendant que Microsoft renforçait son monopole, un nouvel évènement majeur allait marquer l'histoire du logiciel libre. Son déclenchement fut à nouveau un appel à contribution, qui fut posté cette fois le 25 août 1991 par Linus Torvalds, un jeune étudiant en informatique de 21 ans. Le message fut envoyé par le système de messagerie Usenet au travers d'une liste de diffusion consacrée au système d'exploitation MInix, une sorte de UNIX simplifié et développé par Andrew Tanenbaum dans un but didactique. Loin d'imaginer que cela ferait de lui une nouvelle célébrité dans le monde du Libre[36], Torvalds avait posté un modeste message qui commençait par le paragraphe suivant[37] :

Je fais un système d'exploitation (gratuit) (juste un hobby, ne sera pas grand et professionnel comme gnu) pour les clones 386(486) AT. Ce projet est en cours depuis avril et commence à se préparer. J'aimerais avoir un retour sur ce que les gens aiment ou n'aiment pas dans minix, car mon système d'exploitation lui ressemble un peu (même disposition physique du système de fichiers (pour des raisons pratiques) entre autres choses).[38]

Bien qu'il fût présenté comme un passe-temps, le projet, intitulé « Linux », fut rapidement soutenu par des milliers de programmeurs de par le monde, pour devenir bientôt la pièce manquante du projet GNU. Le système d'exploitation développé par Richard Stallman n'avait effectivement pas encore terminé la mise au point de Hurd, son noyau de système d'exploitation, alors que c'est cette partie du code informatique qui est responsable de la communication entre l'ensemble des logiciels et le matériel informatique. La fusion des codes produits par du projet GNU et Linux permit dès lors de mettre au point un système d'exploitation complet, stable et entièrement libre baptisé GNU/Linux.

 
Fig. 6. Graphique de répartition illustrant la diversité des distributions basées sur le système d'exploitation Debian (source : https://w.wiki/6VCk).

Suite à cette union, la communauté des développeurs eu ensuite vite fait de personnaliser le système d'exploitation original dans le but de créer de nombreuses variantes que l'on nomme communément « distributions ». L'une de celles-ci s'intitule Debian et tire sa réputation du fait qu'elle est la seule à être en même temps gratuite et non produite par une société commerciale[39]. Une caractéristique fondamentale qui lui vaudra d'être à la base de plus de 150 distributions dérivées, dont Ubuntu qui est probablement le système d'exploitation GNU/Linux de plus connue par le grand public (voir figure 6). Quant à la grande stabilité du système produit par le projet Debian, il explique certainement pourquoi de nombreuses organisations sans but lucratif décidèrent de l'installer sur leurs serveurs informatiques, à l'image de la Wikimedia Foundation qui est chargée de l'hébergement de l'ensemble des projets Wikimédia[40].

L'un des premiers héritages du mouvement Wikimédia en provenance du logiciel libre fut donc cette possibilité de faire fonctionner l'ensemble de ses projets au départ d'un système d'exploitation entièrement libre et gratuit. Un système qui de plus, grâce à la publication ouverte de son code source⁣⁣, peut aussi être adapté pour répondre au besoin spécifique du mouvement. Ceci alors qu'en contrepartie et dans le respect des règles formulées par Stallman et la communauté du logiciel libre, toutes les améliorations apportées par la fondation deviennent, à leurs tours, gratuites et libres d'utilisation pour tous ceux qui en ont le besoin.

À ce premier aspect révolutionnaire dont aura profité le mouvement Wikimédia, s'ajoute un autre qui concerne cette fois une innovation méthodologique apparue dans la sphère de production des logiciels libres. Dans un article intitulé « La Cathédrale et le bazar »[41], Eric Steven Raymond fait en effet référence à une « cathédrale » pour désigner le mode de production des logiciels propriétaire, alors qu'il utilise le mot « bazar » pour qualifier le développement des logiciels libres. D'un côté, il décrit de fait une organisation pyramidale, rigide et statutairement hiérarchisée, comme on peut la voir souvent au sein des entreprises, tandis que de l'autre, il parle d'une organisation horizontale, flexible et peu hiérarchisée, qu'il a lui-même expérimenté en adoptant le « style de développement de Linus Torvalds – distribuez vite et souvent, déléguez tout ce que vous pouvez déléguer, soyez ouvert jusqu'à la promiscuité »[42].

À l'image de la métaphore du quartier construit au sein d'une ville électronumérique, cette manière de mener des projets semble donc correspondre à ce qui se passe dans le mouvement Wikimédia. Tout d'abord, il y a cette « ouverture jusqu'à la promiscuité », que l'on rencontre aussi au niveau de l'accès des projets pédagogiques, et ce aussi bien par rapport à leurs consultations qu'au niveau de la production et la maintenance de leurs contenus. Et par la suite, le fait que tout le monde dans Wikimédia est en droit de s'impliquer, de manière bénévole et selon ses propres choix, dans les nombreuses tâches indispensables au développement des projets et du mouvement qui les entoure.

De ces deux observations, on peut donc déduire l'existence d'un nouvel héritage, d'ordre méthodologique cette fois, en provenance du mouvement du logiciel libre. Et il serait regrettable, comme la fait Eric Raymond, de s'arrêter sur la découverte de cet aspect du logiciel libre. Car au-delà de celui-ci, il existe encore un troisième aspect révolutionnaire qu'il faut aborder et qui se situe cette fois au niveau de la création des licences libres et de la philosophie qui en fut à l'origine.

Les licences et la culture libres

Dans une autobiographie autorisée intitulée :« Richard Stallman et la révolution du logiciel libre. »[43], l'auteur de l'ouvrage nous parle de la Licence publique générale GNU (GPL) en tant que première licence libre qui fut à l'origine de ce que l'on appelle aujourd'hui couramment la culture libre :

« La GPL [la première licence libre] apparaît comme l'un des meilleurs hacks de Stallman. Elle a créé un système de propriété collective à l'intérieur même des habituels murs du copyright. Surtout, elle a mis en lumière la possibilité de traiter de façon similaire « code » juridique et code logiciel. »[43]

 
Fig. 7. Classification des licences d'exploitation des œuvres de l'esprit. (source : https://w.wiki/377Y).

Car de fait, lorsque Richard Stallman donna naissance à cette première licence en 1985, avec les conseils du juriste Mark Fischer, il avait en effet pour idée de protéger son programme d'éditeur de texte intitulé Emacs, de toute forme de récupération commerciale et privative. D'ailleurs, durant l'année 1989, la firme Microsoft mit tout en œuvre pour contrer cette licence, mais sans y parvenir. Car grâce à la participation de personnalités philanthropes comme John Gilmore et d'une grande communauté d'activistes hackers épaulé par des juristes compétents tels que Jerry Cohen et Eben Moglen, la licence libre du logiciel Emacs non seulement resta en vie, mais finit par se voir appliquée à tout type de logiciel.

Quant à l'aspect révolutionnaire de cette licence libre, il se situe principalement au niveau sa clause de reproductibilité. Une clause qui exige en effet que tout produit dérivé d'un code informatique soumis à la licence GPL doit obligatoirement à son tour être soumis à cette même licence. Cette idée, apparemment transmise à Richard Stallman par Don Hopkins lors d'un échange de courriers[44] aura ainsi abouti à la naissance d'une clause d'utilisation qualifiée de virale ou récursive, pour être ensuite baptisée du terme « copyleft », qui peut se traduire en français par « gauche d'auteur » et que l'on illustre graphiquement par le renversement à gauche du © de copyright « ɔ ».

Selon les vœux de Stallman, le copyleft est donc la clause des licences libres qui se rapporte le plus aux questions éthiques et de libertés des utilisateurs[45]. Malheureusement, cette clause ne fut pas mise en évidence dans le concept dopen source popularisé par Éric Raymond. Celui-ci préféra en effet mettre de côté les questions philosophiques et éthiques liées à la propriété, pour mettre en valeur l'idée d'accès et de transparence du code informatique dans le cadre d'une approche beaucoup plus entrepreneuriale[46]. De cette différence naquit une polémique entre le free software de Stallman et lopen source de Raymond qui se dissout quelque peu suite à l'arrivée de l'expression générique, Free/Libre Open Source Software (FLOSS). Une expression qui a pour avantage d'être englobante, mais qui a aussi pour inconvénient de placer la notion de copyleft en arrière-plan, alors que sans lui, le mouvement du logiciel libre n'aurait pu survivre au phénomène de privatisation de commercialisation.

 
Fig. 8. Classement des différentes licences, de la plus ouverte à la moins ouverte (source : https://w.wiki/377T).

Quoi qu'il en soit, le copyleft se traduit aujourd'hui par l'expression « Share alike », que l'on traduit en français par « partage à l'identique ». C'est là une façon claire et synthétique pour dire que toute reproduction d'une œuvre ou tout travail construit en partie ou en totalité au départ d'une œuvre couverte par la clause share alike devra impérativement être soumise, elle aussi, à cette même clause et ainsi de suite lors de réutilisations en cascade d'une œuvre de l'esprit.

Ce copyleft reste donc finalement le moyen le plus efficace d'offrir son travail à une communauté d'utilisateurs, tout en s'assurant qu'il ne sera jamais repris sous un copyright propriétaire et privateur. Car en absence de cette clause, une œuvre pourrait effectivement être récupérée, puis modifiée, même de façon mineure, pour être ensuite soumise dans une nouvelle version rebaptisée avant d'être placée sous un habituel copyright de type : « tous droits réservés »[47]. Une démarche qui, bien évidement, oblige les utilisateurs, à payer un droit d'usage ou à se soumettre à des conditions d'utilisations qui ne leur sont pas favorables et qui ne profiteront finalement qu'au seul détenteur du copyright.

Suite à la création des premières licences libres destinées à protéger le code source des logiciels informatique, une organisation internationale sans but lucratif intitulée Creative Commons, vit le jour le 15 janvier 2001, afin de rendre les licences libres accessibles et utilisables par tous. Le but de cette association consiste ainsi à promouvoir le « partage et la réutilisation de la créativité et des connaissances grâce à la fourniture d'outils juridiques gratuits »[48]. Et pour ce faire, l'association choisit de créer une variété de clauses à la licence libre, de manière à permettre aux auteurs de protéger leurs œuvres libres de différentes manières (voir figure 8). Toujours en utilisant une licence Créative Commons (CC), mais selon les cas, qui exige, ou pas, de créditer l'auteur (clause BY), impose, ou non, le copyleft (clause SA), interdit ou autorise l'utilisation commerciale (clause NC), ou encore empêche, ou non, la modification de l'œuvre (clause ND).

Ainsi, contrairement aux licences fournies par la Free Software Foundation, qui sont plus adaptées pour protéger du code informatique, les licences Creative Commons ont plutôt pour objectif de protéger du texte, des photos, vidéos, musiques, base de données et autres productions de l'esprit[49]. Le mouvement Wikimédia a par exemple a choisi d'appliquer la licence CC.BY.SA sur tous ses projets, mais aura préféré adopter la licence CC0 pour le contenu de sa base de données Wikidata. L'utilisation de cette licence consiste à renoncer à tous ses droits d'auteur dans les limites autorisées par la loi de telle sorte à ce que l'on se rapproche au plus d'un dépôt dans le domaine public. Elle a pour avantage de faciliter grandement l'usage d'une grande quantité de petites informations et c'est pour cette raison d'ailleurs que quelques années plus tard, elle fut aussi appliquée aux descriptions apportées aux fichiers téléchargés sur la médiathèque centrale de tous les projets Wikimédia intitulée Wikimédia commons.

Suite au développement du mouvement du logiciel libre et des licences libres dont il fut à l'origine, est alors apparue la culture libre. Un autre mouvement social et culturel en quelque sorte, qui permit d'étendre les valeurs du logiciel libre en faveur du partage de toutes œuvres de l'esprit. Mais un mouvement qui est resté très proche de ces origines, puisque ses adeptes, les libristes, défendent aussi le respect de la vie privée et réclament la transparence et le contrôle des codes informatiques. À ce propos, Lawrence Lessig (voir figure 9), président et fondateur de Creative Commons et auteur d'un livre qui aborde le sujet en détails[50] affirme que le code est loi (Code is law[51]) en précisant que :

 
Fig. 9. Lawrence Lessig en 2007 (source : https://w.wiki/6VCp).

Ce code, ou cette architecture, définit la manière dont nous vivons le cyberespace [que l'on peut traduire ici par l'expression écoumène numérique]. Il détermine s'il est facile ou non de protéger sa vie privée, ou de censurer la parole. Il détermine si l'accès à l'information est global ou sectorisé. Il a un impact sur qui peut voir quoi, ou sur ce qui est surveillé. Lorsqu'on commence à comprendre la nature de ce code, on se rend compte que, d'une myriade de manières, le code du cyberespace régule.[52]

Voici donc à nouveau une franche de l'histoire de la révolution numérique qui nous permet de mieux cerner les origines, mais aussi les enjeux du mouvement Wikimédia. L'idée de protéger le code informatique par les licences libres, de rendre son accès open pour en permettre sa lecture, son contrôle, mais aussi sa correction et son amélioration, s'est ainsi décliné au profit d'autres productions de l'esprit, jusqu'à englober toute la connaissance humaine en général. Une mission qu'allait devenir celle du mouvement Wikimédia, mais qui pour se réaliser devait encore attendre l'arrivée d'une nouvelle innovation, qui allaient permettre à des personnes situées partout dans le monde collaborer au sein d'un même espace.

Le réseau Internet et son espace web

Comme autre épisode passionnant qui aura permis le développement du mouvement Wikimédia, il y a ensuite l'histoire du réseau Internet. Selon une perspective purement technique, ce réseau informatique fut mis en pratique au cours de l'année 1977 sur base d'une suite de protocoles (TCP/IP) mis au point par Bob Kahn et Winton Cerf[53]. Alors qu'en 1973 déjà, une première présentation du projet avait été faite lors de la conférence sur les communications informatiques de l'International Network Working Group. Contrairement à certaines idées reçues, le réseau Internet ne fut donc pas produit par les forces armées américaines, même s'il est vrai que celles-ci ont participé au financement de la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA)[53] chargée du développement du réseau ⁣ARPANET, un autre réseau informatique considéré aujourd'hui comme l’ancêtre d'Internet.

 
Fig. 10. Carte partielle d'Internet, créée sur base des données d’opte.org en date du 15 juin 2005 (source : https://w.wiki/377)

Tandis qu'ARPANET fonctionnait avec le Network Control Protocol (NCP), Internet fonctionna pour sa part avec un autre protocole élaboré en 1970 par un groupe d'universitaires qui portait le nom de Network Working Group[54]. Dans le cadre de leurs travaux, les participants avaient d'ailleurs mis au point une procédure de gestion et de prises de décisions très horizontale intitulée Request For Comments (RFC). Ou autrement dit un processus d'appels à commentaires qui fut reconnu comme «  l’un des symboles forts de la "culture technique" de l’Internet, marquée par l’égalitarisme, l’autogestion et la recherche collective de l’efficience. »[54]. Une recherche d'efficience qui par la suite fut d’ailleurs adoptée par le mouvement Wikimédia, puisque sur le site Meta-Wik dédié à la gestion communautaire du mouvement, des pages RFC sont encore fréquemment créées, alors que d'autres processus similaires sont aussi mis en œuvre dans d'autres sphères du mouvement.

Ainsi, pendant que des universitaires développaient Internet, l'armée américaine développait de son côté le MILNET, un réseau propre à leur activité et totalement séparé du réseau ARPANET qui resta dédié à « la recherche et le développement »[55]. Cette séparation s'effectua en 1983, précisément l'année où Richard Stallman postait sa demande d'aide pour le projet GNU via ARPANET, à une époque où le réseau ne comprenait moins de 600 machines connectées[56]. Un dernier détail qui a son importance, puisqu'il nous permet de comprendre que c'est bien plus tard seulement, soit au courant des années 90, que le réseau Internet prit la forme de ce vaste réseau mondial que l'on connaît aujourd'hui.

Sa construction fut d'ailleurs confiée à l'Internet Society, une ONG créée en 1992, dans le but d'assurer l'entretien technique des réseaux informatiques et du respect des valeurs fondamentales du réseau[57]. Car pour passer des quelques centaines d'ordinateurs interconnectés via ARPANET aux milliards de devises informatiques connectés à Internet aujourd'hui, il fallut d'abord installer au cours des années 80, les premières Dorsales Internets transnationales. Sans celles-ci en effet, le réseau n'aurait jamais pu franchir les océans pour permettre au protocole TCP/IP d'être adopté par le monde entier.

Quant à se faire une idée de l'esprit dans lequel Internet fut réalisé, on peut alors s'intéresser à ce que raconte Michel Elie, l'un des pionniers en l'informatique et responsable de l'Observatoire des Usages de l'Internet, dans un article intitulé « Quarante ans après : mais qui donc créa l'internet ? »[58] :

Le succès de l'internet, nous le devons aux bons choix initiaux et à la dynamique qui en est résultée : la collaboration de dizaine de milliers d'étudiants, ou de bénévoles apportant leur expertise, tels par exemple ces centaines de personnes qui enrichissent continuellement des encyclopédies en ligne telles que Wikipédia.

En lisant ce commentaire, on comprend donc mieux à quel point l'atmosphère en vogue à l'époque de la création d'Internet était proche celle du projet Wikipédia et par la suite, du mouvement Wikimédia. Une atmosphère qui, en regardant de plus près, était grandement inspirée de la contre-culture des années 60 apparue aux États-Unis dans le contexte de la guerre du Viêt Nam. Une contre-culture que Théodore Roszak, décrivait comme telle dans un ouvrage de 1970 intitulé Vers une contre-culture : Réflexions sur la société technocratique et l'opposition de la jeunesse :

Le projet essentiel de notre contre-culture : proclamer un nouveau ciel et une nouvelle terre, si vastes, si merveilleux que les prétentions démesurées de la technique soient réduites à n'occuper dans la vie humaine qu'une place inférieure et marginale. Créer et répandre une telle conception de la vie n'implique rien de moins que l'acceptation de nous ouvrir à l'imagination visionnaire. Nous devons être prêts à soutenir ce qu'affirment des personnes telles que Blake, à savoir que certains yeux ne voient pas le monde comme le voient le regard banal ou l'œil scientifique, mais le voient transformer, dans une lumière éclatante et, ce faisant, le voient tel qu'il est vraiment[59].

Suite à la lecture de cet extrait, il pourrait paraître paradoxal qu'une contre-culture qui voit dans la technique une chose « inférieure et marginale » et qui porte sur la science un regard « banal », puisse avoir eu un quelconque lien avec la création d'Internet et l'apparition des logiciels et licences libres. Cependant, cette énigme fut résolue par la publication d'un ouvrage intitulé :« Aux sources de l'utopie numérique : De la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand, un homme d'influence »[60].

Dans ce livre qui retrace la vie de Steward Brand, on y découvre ainsi comment ce designer compréhensif observe les technologies qui se voient développées et converties en outils dédiés au bonheur humain[61]. Car en réalité, le mouvement Hippie « utilisera tout ce qui était à sa disposition à l’époque pour parvenir à ses fins : LSD, spiritualités alternatives, mais également objets technologiques les plus en pointe grâce à l’influent Steward Brand, génial créateur d’un catalogue interactif, ancêtre analogique des groupes de discussions numériques qui émergeront des années plus tard. »[62]

En complément de cet ouvrage, on peut ensuite revenir sur les propos de David D. Clark qui illustrent parfaitement la présence des schèmes de la contre-culture dans les pensées de ceux qui furent les précurseurs d'Internet. Lors d'une plénière de la 24ᵉ réunion du groupe de travail sur l'ingénierie Internet, ce chef de projet prononça effectivement cette phase qui traduisait parfaitement les valeurs techniques et politiques des ingénieurs informaticiens de cette époque[63] : « Nous récusons rois, présidents et votes. Nous croyons au consensus et aux programmes qui tournent »[64]. Deux phrases, au départ desquelles il est donc permis de croire que le mépris de la contre-culture des années 60 envers la technique et la science, se transforma dans le milieu informatique par un refus d'autorité.

 
Fig. 11. Tim Berners-Lee en 2014 (source : https://w.wiki/4LKE)

Une fois le réseau Internet mis en place, de nombreuses applications s'y sont alors développées et dont la plus connue de toutes est certainement le World Wide Web que l'on intitule plus fréquemment « le Web » ou « la toile » en français. Ce fut Tim Berners-Lee (voir figure 11) qui en fut l'inventeur lorsqu’il était encore actif au Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire (CERN). Ce chercheur eut la bonne idée de créer un espace d'échange public par l'intermédiaire du réseau Internet. Et pour ce faire, il mit au point le logiciel « WorldWideWeb » capable de produire et de connecter entre eux des espaces numériques intitulés sites Web, qui eux-mêmes sont composés d'une interconnexion de pages web. Le tout étant hébergé sur des ordinateurs connectés au réseau mondial. Suite à quoi, son programme fut rebaptisé Nexus afin d'éviter toute confusion avec l'expression World Wide Web[65].

Sur le Web et grâce au système d'interconnexion de pages intitulé hypertexte, l'information se voit ainsi indexer d'un ordinateur à un autre. Pour permettre ce référencement, Berners-Lee mit au point un protocole appelé Hypertext Transfer Protocol ou HTTP. Il s'agit d'un principe relativement simple en soi, mais techniquement difficile à mettre en œuvre puisqu'il consiste à créer un espace numérique formé par l'ensemble de toutes les pages et sites Web produits au sein de l'application. Pour veiller au bon usage de cet espace, des règles et des protocoles de standardisation furent alors édictés par l'association Internet Society. Suite à quoi, Berners-Lee fonda un consortium international, qui sous le sigle W3C, repris le rôle dans le respect de cette devise : « un seul Web partout et pour tous »[66].

Si ce slogan nous apparait bien naturel aujourd'hui, il faut savoir toute fois que le premier éditeur de site WorldWideWeb et par conséquent, l'idée même du World Wide Web, aurait très bien pu être repris par un acteur commercial. Car à partir du 30 avril 1993, ce et suite au dépôt du logiciel WorldWideWeb dans le domaine public par Robert Cailliau, un autre chercheur du CERN qui assistait Berners-Lee dans la promotion de son projet, ce scénario était en effet tout à fait probable. Et c'est précisément ce qui nous est expliqué dans un livre titré Alexandria, qui nous raconte l'histoire de la création du Web au départ de l'expérience de Robert Caillau :

la philanthropie de Robert, c'est très sympa, mais ça expose le Web à d'horribles dangers. Une entreprise pourrait s'emparer du code source, corriger un minuscule bug, s'approprier le « nouveau » logiciel et enfin faire payer une licence à ses utilisateurs. L'ogre Microsoft, par exemple, serait du genre à flairer le bon plan pour écraser son ennemi Macintosh. Les détenteurs d'un PC devraient alors débourser un certain montant pour profiter des fonctionnalités du Web copyrighté Microsoft. Les détenteurs d'un Macintosh, eux, navigueraient sur un Web de plus en plus éloigné de celui vendu par Bill Gates, d'abord gratuit peut-être, avant d'être soumis lui aussi à une licence. […] En plus de devenir un territoire privé, le Web se balkaniserait entre les géants du secteur. […] Mais le jeune Bill Gates ne croit pas encore à la portée commerciale de ce système. […] Ce dédain provisoire est une bénédiction pour Tim et Robert, car la stratégie de Microsoft, au début des années 1990, obéit à la loi du "embrace, extend and stay at the top"[67][68]

Fort heureusement, en octobre 1994, François Flückiger, qui suite au départ de Berners-Lee pour présider le W3C avait repris la direction de l'équipe de développement technique du CERN[69], eut la présence d'esprit de se rendre à l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle suisse pour retirer le code de l'éditeur HTML du domaine public et le placer sous licence libre. Celle-ci eut ainsi pour effet, d'une part, d'apposer la propriété intellectuelle du CERN sur l'éditeur et le concept qui en découlait, et d'autre part d'éviter toute bataille commerciale comparable à celle qui apparu au niveau de l'usage des navigateurs web.

Au travers de ce nouvel épisode de la révolution numérique, on comprend donc facilement que la préhistoire du mouvement Wikimédia a été faite de nombreuses innovations culturelles et techniques qui se sont imbriquées les une aux autres au rythme de leur apparition. On découvre aussi que ce passé fut traversé par une importante bataille idéologique qui a opposé des acteurs en recherche de liberté et d'indépendance à d'autres acteurs en quêtes de monopole commerciaux. Suite à quoi il reste encore à découvrir la naissance de l'ultime outil technique qui permit la mise en œuvre d'une encyclopédie universelle libre et entièrement construite sur base bénévole par des internautes situés au quatre coins du monde.

Les plates-formes Wiki

Un wiki ou moteur de wiki est un programme informatique qui une fois placer sur un serveur permet la production d'un site web éditable et configurable au départ d'un simple navigateur. Pour le dire de manière plus technique, c'est un système de gestion de contenu dont le contenu et les paramètres peuvent sont modifiables au départ d'un ordinateur équipé d'un navigateur web et connecté à l'aide d'une adresse IP. En se connectant via un compte utilisateur et après avoir fourni son nom d'utilisateur et son mot de passe, on peut alors, en fonction les droits octroyés au compte, participer à la construction du site.

Chaque modification fait à une page d'un site web géré par un Wiki provoque un nouvel enregistrement complet du code informatique qui la compose, de telle sorte qu'il est toujours possible au départ d'un historique de voir les versions anciennes de cette page et de les rétablir en cas de besoin. Grâce aux systèmes d'archivage présent dans les Wikis, on sait donc toujours quel utilisateur ou adresse IP est à l'origine d'un changement de page, ou de toutes autres modifications du système. Et on peut encore savoir quel est ce changement, à quel endroit il se situe précisément et, à la seconde près, à quel moment il a été réalisé.

 
Fig. 12. Ward Cunningham en 2011 (source : https://w.wiki/4LJt)

Le premier logiciel Wiki fut créé par Ward Cunningham (voir figure 12) en mars 1995 sous non de WikiWikiWeb et son code informatique fut placé sous licence libre GPL[70]. Grâce à ce choix, de nombreux autres logiciels similaires ont pu voir le jour en recopiant ou s'inspirant de ce qui avait déjà été réalisé, avant d'être à leur tour placés sous licence GPL, de telle sorte à respecter la clause de partage à l’identique.

Parmi les différents logiciels Wiki disponibles, la société Bomis, qui finança le premier projet Wikipédia en anglais, choisit UseModWiki. Ce programme avait pour avantage de répondre à toutes les attentes, puisqu'il était en même temps gratuit, simple d'utilisation et peu gourmand en ressources informatiques. C'était donc somme toute, une véritable aubaine pour cette entreprise qui peu après le lancement d'un projet d'encyclopédie commerciale fut confrontée à de grosses difficultés financières.

Environ un an après le lancement du projet Wikipédia, soit le 25 janvier 2002, UseModWiki fut remplacé par un autre moteur de Wiki sans nom, plus performant et toujours produit sous licence libre[71]. Ce dernier fut ensuite amélioré par plusieurs programmeurs, dont Brion Vibber, le premier employé de la Fondation Wikimedia. Raison pour laquelle, sans doute, le logiciel fut finalement baptisé MediaWiki à la suite d'un jeu de mots proposé par un contributeur de Wikipédia nommé Daniel Mayer. Jusqu'à ce jour donc, ce fut donc la Fondation qui poursuivit le développement du logiciel avec le concours de nombreux employés, mais également tout un lot de bénévoles, actifs sur le site mediawiki.org.

Grâce au travail produit au départ de cette plate-forme, des milliers d'autres projets et sites Web[72] qui ne font pas partie du mouvement, peuvent ainsi profiter d'un logiciel libre qui se trouve en tête de classement des wikis au niveau du taux d'utilisation[73]. Au vu de ce succès, ce sont d'ailleurs des centaines de personnes intéressées par le logiciel MediaWiki qui se rassemblent chaque année pour discuter de son développement et de ses usages[74]. En parcourant la liste des moteurs Wiki , on trouve bien entendu d'autres logiciels libres intéressant tel que DocuWiki, dont l'absence de base de données et la simplicité d'installation et d'usage a contribué à sa popularité. À ce jour cependant, seul MediaWiki semble suffisamment puissant pour gérer de manière optimale la plus grande encyclopédie de tous les temps. Une encyclopédie qui, dès sa conception, fut imaginée comme ressource libre et universelle.

L’encyclopédie libre et universelle

Ce sont donc tout un ensemble d'innovations techniques et philosophiques qui auront permis la création de Wikipédia, la plus grande encyclopédie libre et universelle dont l'objet est de synthétiser le savoir humain au sein de l'espace web. Et ce fut là finalement un vieux rêve de notre humanité qui se réalisa grâce à toute une succession d'évènements qui viennent d'être présentés. Car rappelons-nous que ce rêve était déjà celui de Ptolémée Iᵉʳ dans le contexte de la création de la bibliothèque d'Alexandrie (305 – 283 av. J.-C.). Puis, de manière plus récente, celui de Denis Diderot (1713 – 1784) qui réussi à coproduire l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Et enfin, plus récemment encore, celui de Paul Otlet (1868 – 1944) qui s'était mis en tête de répertorier tout le savoir humain.

Très peu connu, ce Belge fut pourtant, en 1905, le cocréateur d'une classification décimale universelle toujours en usage de nos jours dans des bibliothèques du monde entier. Mais son rêve était avant tout de réussir à cataloguer le monde en rassemblant, au sein d'un Mundaneum, toutes les connaissances humaines sous la forme d'un gigantesque répertoire bibliographique universel[75] (voir figure 13). Ensuite, à la lecture d'un extrait de son Traité de documentation »[76] paru en 1934, on découvre aussi que cet homme qui voulait « classer le monde »[77], ne manquait pas non plus d'une certaine clairvoyance dans sa description du futur :

Ici, la Table de Travail n'est plus chargée d'aucun livre. À leur place se dresse un écran et à portée un téléphone. Là-bas, au loin, dans un édifice immense, sont tous les livres et tous les renseignements, avec tout l'espace que requiert leur enregistrement et leur manutention, […] De là, on fait apparaître sur l'écran la page à lire pour connaître la question posée par téléphone avec ou sans fil. Un écran serait double, quadruple ou décuple s'il s'agissait de multiplier les textes et les documents à confronter simultanément ; il y aurait un haut-parleur si la vue devrait être aidée par une audition. Une telle hypothèse, un Wells certes l'aimerait. Utopie aujourd'hui parce qu'elle n'existe encore nulle part, mais elle pourrait devenir la réalité de demain pourvu que se perfectionnent encore nos méthodes et notre instrumentation.

 
Fig. 13. Photographie de l'intérieur du Répertoire Bibliographique Universel prise aux alentours de 1900 (source : https://w.wiki/377k)

Et il se fait que l'utopie telle qu'elle fut décrite par Otlet peut apparaître aujourd'hui quelque peu troublante lorsque l'on s'intéresse à Wikipédia. Car pour la plupart des utilisateurs du réseau Internet et à peu de chose près, trouver une information se résume à accomplir ce qui est décrit dans ce songe visionnaire. Premièrement allumer un écran d'ordinateur, ensuite poser une question dans un moteur de recherche, puis, se voir rediriger dans près de 88.7 % des cas, vers la célèbre encyclopédie libre[78].

Un autre fait qui concerne l'histoire des encyclopédies s'est aussi passé cinq ans avant la naissance de Wikipédia, quand Aaron Swartz, cet activiste libriste qui s'est donné la mort avant un procès pour fraude électronique, avait à l'âge de douze ans seulement, lancé une sorte d'encyclopédie qui déjà se voulait être produite et gérée par ses utilisateurs[79]. Le site du projet intitulé The Info Network, lui aura même valu la remise du prix d'ArsDigita Prize, offert aux jeunes créateurs d'un projet « utiles, éducatifs collaboratifs et non commerciaux »[80].

Ensuite, il est aussi important de retenir que le concept formulé par les mots « encyclopédie libre et universelle » fut rédigé pour la première fois en 1998 par Richard Stallman dans un essai intitulé The Free Universal Encyclopedia and Learning Resource[81]. Repris ci-dessous, un simple extrait de ce texte rédigé selon l'auteur deux ans avant sa publication du 18 décembre 2000 sur la liste de diffusion du projet GNU, soit un an avant la naissance de Wikipédia, suffit à démontrer que le projet Wikipédia ne fut pas entièrement conceptualisé par ses fondateurs :

Le World Wide Web a le potentiel de devenir une encyclopédie universelle couvrant tous les domaines de la connaissance et une bibliothèque complète de cours d'enseignement. Ce résultat pourrait être atteint sans effort particulier, si personne n'intervient. Mais les entreprises se mobilisent aujourd'hui pour orienter l'avenir vers une voie différente, dans laquelle elles contrôlent et limitent l'accès au matériel pédagogique, afin de soutirer de l'argent aux personnes qui veulent apprendre. […] Nous ne pouvons pas empêcher les entreprises de restreindre l'information qu'elles mettent à disposition ; ce que nous pouvons faire, c'est proposer une alternative. Nous devons lancer un mouvement pour développer une encyclopédie libre universelle, tout comme le mouvement des logiciels libres nous a donné le système d'exploitation libre GNU/Linux. L'encyclopédie libre fournira une alternative aux encyclopédies restreintes que les entreprises de médias rédigeront.[82][83]

Lorsque Stallman fait référence à un « mouvement pour développer une encyclopédie libre universelle », il anticipe donc, bien avant l'heure, la venue du mouvement Wikimédia qui ne fut conceptualisé finalement que bien après la création du projet Wikipédia. Et dans la soixantaine de paragraphes qui décrivent son projet, on retrouve d'ailleurs à peu de choses près les 5 principes fondateurs[84] qui furent édités lors de la création de Wikipédia. Le premier de ces principes consistait bien sûr à créer une encyclopédie. Le deuxième fit appel à une recherche de neutralité de point de vue[85], alors même que Stallman stipulait déjà qu'« en cas de controverse, plusieurs points de vue seront représentés ». Le troisième principe, quant à lui, marquait l'usage et le respect des droits d'auteur et l'adoption d'une licence libre, qui rappelons-nous fut produite à l'époque par Richard Stallman. Le quatrième pour sa part, inscrivait le projet dans une démarche collaborative, alors que Stallman spécifiait que « tout le monde est le bienvenu pour écrire des articles ». Et, le cinquième, enfin, stipulait qu'il n'y a pas d'autres règles fixes, chose commune dans la philosophie des hackers.

Par la suite cependant, ce dernier principe ne fut pas totalement respecté par la Fondation Wikimedia, qui réfléchit dès 2011 à la mise en place de conditions d'utilisations de ses sites web[86]. Ceci alors que du côté des communautés d'éditeurs et de façons variables selon les projets et leurs versions linguistiques, ce fut tout un lot de nouvelles règles et recommandations qui firent leur apparition[87] pour produire finalement ce qui ressemble fort à une ligne éditoriale. Puis, au courant de 2023, c'est un code de conduite universel qui fut mis en application dans le but d'établir un « référentiel minimum des comportements acceptables et inacceptables »[88].

En dehors de toutes ces règles apparues à la suite de sa création, le projet Wikipédia ne fut donc pas une idée originale en soi, mais plutôt une opportunité saisie par la société Bomis, pour enrichir son encyclopédie commerciale en ligne intitulée Nupedia. Nupedia avait en effet été créée en avril de l'année 2000, soit environ dix mois avant Wikipédia et sa rédaction était assurée par des experts et dans le respect d'un processus éditorial formel[89]. Malheureusement pour la firme, le nombre d'articles progrèssait très lentement, jusqu'à ce que Larry Sanger, docteur en philosophie et rédacteur en chef de Nupedia (voir figure 14), fasse installer un logiciel wiki sur les serveurs de l'entreprise et ce malgré le manque d'enthousiasme de son employeur Jimmy Wales[90] (voir figure 15).

Ainsi donc commença l'histoire de Wikipédia[91]. C'était le 15 janvier 2001 et précisément le même mois où Richard Stallman avait ouvert son propre projet d'encyclopédie libre et universelle intitulé GNUPedia, avant d'être rebaptisée « GNE » compte tenu du fait que les noms de domaines gnupedia.com/net/org avaient déjà été achetés par Jimmy Wales[92]. Un fait quelque peu surprenant quand on sait que Wales affirma un jour[93] : « n'avoir eu aucune connaissance directe de l'essai de Stallman lorsqu'il s'est lancé dans son projet d'encyclopédie »[94].

 
Fig. 14. Larry Sanger en 2010 (sources : https://w.wiki/4LJJ)
 
Fig. 15. Jimmy Wales en 2016 (source : https://w.wiki/4LJF)
 
Fig 16. Évolution graphique du nombre d'articles sur Citizendium (source : https://w.wiki/3VY8)
 
Fig 17. Évolution graphique du nombre d'articles sur Wikipédia (source : https://w.wiki/3VYC)

Ce qui ne fait aucun doute par contre, c'est que le site GNE ne se présentait pas comme une encyclopédie, mais plutôt comme un blog collectif[95]. Certains ont même qualifié le projet de base de connaissance[96], alors que sa page d'accueil stipulait qu'il s'agissait plutôt d'une bibliothèque d'opinions[97]. Ensuite et même si le projet engagea une personne pour assumer sa modération, celle-ci s’avéra plus compliquée que prévu. Ceci alors que du côté de Wikipédia et en raison sans doute des spécificités de l’environnement Wiki, une certaine organisation se mit en place.

Par la suite et probablement pour évoluer dans le jeu de concurrence produit par la présence du projet GNE, Jimmy Wales abandonna le copyright que Bomis détenait sur son encyclopédie en remplaçant la licence Nupedia Open Content[98] par la licence de documentation libre GNU précédemment créé par Stallman. Et ce fut une action stratégique payante, puisque la décision fut prise de suspendre le projet GNE et de transférer son contenu au sein de Nupedia. Une décision bien sûr validée par Richard Stallman qui, au départ du site de sa fondation, encouragea les gens à contribuer sur Wikipédia[99].

Une autre action de Jimmy Wales qui fut aussi certainement favorable au développement de Wikipédia, fut celle d’ouvrir le projet aux « gens ordinaires »[100]. C'était un choix qui s’opposait aux idéaux de Larry Sanger qui de loin préférait le modèle de Nupedia avec sa relecture par un comité d’experts, mais il avait pour avantage aux yeux de l’homme d’affaires de garantir une croissance plus rapide au niveau du contenu[93].

Par la suite, l’éclatement de la bulle spéculative Internet et des restrictions budgétaires qui suivirent le Krach boursier de 2001-2002, placèrent la société Bomis en incapacité de payer le salaire de Sanger. Suite à quoi, en mars 2002 et après un mois d'activité bénévole, l'ex-employé de la firme décida de quitter ses fonctions au sein du projet Nupedia et Wikipédia[101]. Cela n'empêcha pas pour autant le projet Wikipédia de poursuivre son développement avec le concourt d'une communauté de contributeurs, elle aussi bénévole, mais qui pouvait toujours compter sur le soutien de Jimmy Wales. Et il en alla ainsi jusqu'en septembre 2003 où, faute de productivité, ce fut finalement le projet Nupedia qui vit ses articles transférés vers Wikipédia.

Trois ans plus tard cependant, Larry Sanger n'avait pas dit son dernier mot. Car il décida de lancer en septembre 2006 et sur fonds propres, un projet analogue à Nupedia intitulée Citizendium. Soit une encyclopédie écrite en anglais, qui reposait sur un système d'expertise dans lequel les contributeurs doivent s'enregistrer sous leur identité réelle. Sauf qu'en 2010, Citizendium ne dépassait pas les 30 000 articles, alors que le projet Wikipédia rédigé en anglais dépassait, pour sa part et à cette même période, les 3 millions d'articles (voir figure 16 & 17).

En poursuivant le projet Wikipédia, Jimmy Wales a donc contribué à la construction d'une encyclopédie dont la taille et la visibilité n'avait jamais été égalée au paravant. Une encyclopédie qui rapidement, à l'image de sa version francophone apparue un peu moins de quatre mois après le projet en anglais[102], fut déclinée en de nombreuses versions linguistiques jusqu'à constituer les premières bases d'une organisation mondiale. Pendant ce temps, un autre fait remarquable allait contribuer à la création du mouvement Wikimédia. C'était l'apparition de plus d'une dizaine d'autres projets pédagogiques et collaboratifs en ligne. Appelés en français « projets frères de Wikipédia » ceux-ci allaient à leur tour se multiplier en de nombreuses versions linguistiques.

L'arrivée des projets frères

Faisant suite à la naissance de Wikipédia, de nouveaux projets éditoriaux collaboratifs firent leurs apparitions dans le but développer de nouveaux contenus pédagogique qui n'auraient pu trouver leurs places au sein d'une encyclopédie. Le recensement chronologique de l'arrivée de chaque projet et version linguistique est d'ailleurs repris sur une page de Meta-Wiki, un site web spécialement créé pour répondre à un besoin de coordination entre les différents projets. De manière plus synthétique, un graphique reprenant une ligne du temps de ces apparitions fut aussi créée par Guillaume Paumier, à l’occasion du dixième anniversaire de Wikipédia (voir figure 18).

Ce document présenté au Capitole du libre de 2011[103] fit d'ailleurs l'objet d'une réédition collaborative lors de la rencontre Wikimania 2012[104]. Dans sa partie libellée « sister projects », on y découvre que le tout premier site web créé après Wikipédia fut précisément le site Meta-Wiki. Car suite à l'apparition de nombreuses versions linguistiques de Wikipédia, la nécessité de centraliser les questions communes aux projets devint rapidement une évidence. Aujourd’hui, le site Meta-Wiki, qui ne cesse de se développer, est devenu une véritable plate-forme de coordination et de communication entre les projets pédagogiques, la fondation et tous les organismes affiliés au mouvement.

 
Fig. 18. Ligne du temps des événements majeurs survenus dans le mouvement depuis la création de Wikipédia en 2001 et jusqu'en 2012 (source : https://w.wiki/55NF)

Ainsi, pendant que les nouvelles versions linguistiques de Wikipédia ne cessèrent de se joindre au projet initial en anglais, sept autres projets de partage de la connaissance furent ainsi créés pour être ensuite distribués en plusieurs langues. En général cela se fit à l'initiative d'un petit groupe de contributeurs actifs au sein d'un projet existant. Le projet Wiktionnaire en anglais par exemple, créé le 12 décembre 2002, fut ainsi le deuxième projet à voir le jour après Wikimédia, alors qu'il fallut encore attendre deux ans, soit jusqu'en mars 2004, pour que le projet lexical soit décliné en langue française[105]. Et il est à ce titre intéressant de souligner que la version francophone du Wiktionnaire n'a pas pris naissance au sein du projet anglophone, mais bien au départ du projet Wikipédia en français, grâce à une poignée de contributeurs qui entamèrent des discussions, dont voici un échantillon[106] :

En fait, ce qui me peine vraiment avec le projet Wiktionary, c'est que alors qu'on essaie de rassembler les gens (pas facile) pour créer une sorte de tour de Babel de la connaissance (tache bien longue et difficile), ce nouveau projet va disperser les énergies pour une raison qui ne me semble pas valable. C'est la création de Wiktionary qui va créer des redondances. À mon avis il existera rapidement des pages sur le même mot, mais ne contenant pas les mêmes informations. Pour quelle raison ces connaissances devraient-elles être séparées ? Les encyclopédies sur papier devaient faire des choix à cause du manque de place, mais nous, pourquoi le ferions-nous ??? "Wikipédia n'est pas un dictionnaire" n'est pas un argument à mon avis... si vraiment c’était pas un dictionnaire, il faudrait virer tout un tas d'article. Je ne comprends vraiment pas cette volonté de séparer la connaissance entre ce qui est "encyclopédique" et ce qui n'est "qu'une définition".", Aoineko, 3 janvier 2003

Pour moi ce qu'est Wiktionary, c'est une partie de Wikipédia s'intéressant plus particulièrement aux aspects linguistiques des mots. La différence que je verrais entre la partie dictionnaire de Wikipédia et sa partie dite encyclopédique, c'est que la partie dictionnaire s'intéresserait au sens des mots eux-mêmes alors que la partie encyclopédie s'attache plus à faire ressortir un état des connaissances à un moment donné. Le pourquoi de la séparation d'avec la partie encyclopédie tient plus à des raisons techniques qu'à une volonté de monter un projet indépendant, en effet, à mon humble avis, un dictionnaire nécessite une plus grande rigueur (de présentation) qu'une encyclopédie. Ceci entraîne beaucoup de problème et entre autres le choix de la mise en forme des articles du dictionnaire. luna~frwuju.

Dans le cas de figure du projet Wiktionnaire en français, la séparation de Wikipédia fut donc motivée par des besoins techniques, mais également par un désir d'autonomie quant à la manière de concevoir et de présenter des ressources lexicales. Et ce désir ne fut toutefois pas partagé par tous, notamment compte tenu d'une fatale dispersion des énergies. Créer un nouveau projet, c'est effectivement créer un nouveau site web qui devra faire l'objet d'une nouvelle gestion, tant au niveau des serveurs de la Fondation, qu'au niveau d'une communauté nouvelle et forcément plus modeste.

Bien sûr, il est toujours possible d'importer des pages d'autres projets frères ou de traduire celles d'une autre version linguistique, mais cela duplique alors aussi leurs maintenances et leurs mises à jour. Le choix de scinder un projet au profit d'une plus grande liberté a donc un prix. En réfléchissant à la question, un employé de la Fondation a d'ailleurs présenté, lors d'une rencontre internationale du mouvement de 2019, l'idée de rassembler à l'intérieur d'un seul site web, toutes les versions linguistiques de tous les projets. Une idée qui ne fut toutefois pas retenue, en raison sans doute, du challenge que représente la mise en place d'un système de traduction[107].

C'est donc selon ces principes que le 10 juin 2003, ce fut au tour du projet anglophone Wikibooks de faire son apparition, soit près d'un an avant la version francophone, apparue quant à elle le 22 juillet 2004 avant que le projet soit rebaptisé Wikilivres. Cette création avait de nouveau été débattue à l'intérieur du projet Wikipédia en français et non dans celui du Wikibooks en anglais, bien que dans les deux camps linguistiques, l'objectif était de créer une « bibliothèque de livres pédagogiques libres que chacun peut améliorer »[108]. Au niveau du projet anglophone, apparu ensuite en 2004 un nouvel espace de noms intitulé Wikijunior. Dans le but de répondre à un financement de la Beck Foundation, il s'agissait en gros de créer un espace spécifique au sein du projet qui permettait de produire de la littérature pour des enfants de huit à onze ans[109], puis de zéro à douze ans, quand l'idée fut transférée du côté francophone[110].

Un an plus tard, et à la suite de quelques débats apparus dans le projet anglophone[111], vint ensuite l'idée de créer un nouveau sous-projet intitulé Wikiversity. Le but était cette fois de « créer une communauté de personnes qui se soutiennent mutuellement dans leurs efforts éducatifs »[112][113]. Cependant, le 12 août 2005, une longue discussion remit en question l’existence de ce sous-projet éducatif au sein de Wikibooks. Et il fut même question de le supprimer, juste avant que finalement, on décide de transférer son contenu vers le projet Meta-Wiki[114].

Après ce transfert, de nouvelles discussions aboutirent à l'idée de faire de Wikiversité un nouveau projet indépendant. Elles perdurèrent ainsi jusqu'au 22 août 2006[115], jusqu'à ce qu'un vote fut ouvert dans la communauté avec espoir d'atteindre une majorité des deux tiers en faveur de la création du projet. C'était là une démarche imposée avant de pouvoir demander la réalisation d'une période d'essai au Conseil d'Administration de la Fondation Wikimedia[116]. Mais le 13 novembre 2005, cette proposition fut rejetée par cinq membres du conseil d'administration. Et avant qu'une nouvelle demande puisse avoir lieu, ceux-ci exigeaient d'exclure du projet « la remise de titre de compétence, la conduite de cours en ligne et de clarifier le concept de plate-forme e-learning »[117][118]. Suite à quoi, des discussions apparues sur Wikibooks reprenant ce commentaire qui permet de mieux situer les enjeux de cette décision[114] :

La principale raison pour laquelle la Fondation Wikimedia ne veut pas "lâcher le morceau" est une simple question de bureaucratie et la crainte que le projet ne devienne une autre Wikispecies [un autre projet frère répertorier les espèces du monde vivant]. Wikispecies est une idée cool, mais les "fondateurs" du projet se sont dégonflés à mi-chemin de la mise en place du contenu et ont décidé de faire une révision majeure qui a pris plus de temps que ce que tout le monde était prêt à mettre. Le même problème s'applique à Wikiversity en ce qui concerne la Fondation, parce que les objectifs et les buts de ce projet ne sont pas clairement définis, et il semble que les participants essaient de mordre plus qu'ils ne peuvent mâcher en proposant une université de recherche multi-collèges entière (avec un statut de recherche et une accréditation Carnegie-Mellon également) à former de toutes pièces plutôt qu'un simple centre d'éducation pour adultes avec quelques classes. Si plus de réflexion est faite sur la façon de "démarrer" ce projet entier, peut-être que quelques pensées sur la façon de convaincre le conseil de la Fondation de laisser un wiki séparé être lâché pour laisser ce projet essayer de se développer par lui-même peuvent être faites.--Rob Horning 11:21, 14 août 2005 (UTC)[119]

Il fallut donc attendre le 31 juillet 2006, soit neuf mois supplémentaires, pour qu'enfin, les amendements apportés au projet de départ[120] soient acceptés par le special projects commitee, spécialement conçu pour soulager le conseil d'administration de la fondation dans ses fonctions[121]. Suite à ce feu vert, la création du site Beta-Wikiversity comme espace de lancement des différentes versions linguistiques fut alors mis en place[122] et le transfert des contenus entamé avec un délai de six mois pour élaborer les lignes directrices concernant les utilisations potentielles du projet Wikiversité dans le contexte d'une recherche collaborative[123]. Depuis lors, à chaque fois qu'une nouvelle version linguistique développée sur Beta-Wikiversity connait plus de 10 modifications par mois et regroupe au moins 3 participants, un nouveau site web est ouvert pour lui offrir un développement séparé.

Avec la plateforme de lancement Wikisource multilingue[124], Beta-Wikiversity apparait donc comme le deuxième espace de création de versions linguistiques externes au site Wikimedia Incubator[125]. Lui aussi créé en 2006, le site web Incubator reçu en effet pour mission de permettre le lancement des versions linguistiques de tous les autres projets. Plusieurs propositions de transférer des activités de Wikivesity Beta vers Incubator furent par la suite discutées, en 2008[126], 2013-2015[127] et 2017[128], mais toujours sans succès. Les raisons de ces refus successifs furent essentiellement le manque d'enthousiasme de la communauté, la quantité de travail nécessaire et la prise en compte des spécificités d'un projet dédié à la production de recherches originales, d'exercices, etc.

Dans un autre cas de figure et contrairement à la naissance des autres projets Wikimédia, le projet Wikivoyage fit son apparition dans le mouvement d'une manière complètement originale. Ce guide de voyage vit tout d'abord le jour en 2003 dans un Wiki extérieur au mouvement Wikimédia intitulé Wikitravel[129]. Comme cela arrive parfois, le projet au départ sans but lucratif fut ensuite racheté par une entreprise commerciale en 2006. Ce changement de gouvernance et l'introduction de publicités provoqua alors une scission de la communauté d'éditeurs. De cette séparation naîtra Wikivoyage, un nouveau projet séparé et autonome de Wikitravel qui reçut en 2007, le Webby Award du meilleur guide de voyage Internet[130].

Suite à quoi, cinq ans plus tard, soit en 2012, un appel à commentaires rassembla ensuite plus de 540 personnes en faveur de l'intégration de Wikivoyage dans le mouvement Wikimédia à titre de nouveau projet frère[131]. Comme cette nouvelle déclenchait une migration importante des contributeurs de Wikitravel vers Wikivoyage, une plainte fut alors déposée par la société commerciale propriétaire du projet concurrent. Mais comme celle-ci fut rejetée par le tribunal en charge de son traitement, le projet Wikivoyage pris alors de l'ampleur au sein du mouvement Wikimédi suite à la création de nouvelles versions linguistiques[132].

 
Fig. 19. Logo de la Fondation Wikimedia entouré de 15 autres logos de projets actifs en son sein au cours de l'année 2022 (source : https://w.wiki/57j7)

Reste à savoir enfin que de nouveaux projets ou sous-projets pédagogiques sont toujours susceptibles de voir le jour au sein du mouvement. Avec pour exemple le WikiJournal, ce sous-projet de la Wikiversité anglophone, déjà récompensée de l'Open Publishing Awards en 2019[133], mais qui reste actuellement en attente du consentement du conseil d'administration de la Fondation pour pouvoir lancer son propre site[134]. À l'image de ce projet, ce sont ainsi des centaines d'autres demandes[135] qui sont examinées au sein du mouvement, avant de bien souvent essuyer un refus, comme ce fut le cas par exemple du projet WikiLang[136] qui avait pour but de lancer un laboratoire linguistique. Tout ceci sans oublier qu'il existe aussi, sur le site Meta-Wiki, une liste de sites web proposés à la suppression[137] et dans laquelle on retrouve essentiellement des versions linguistiques de projets qui n'ont pas réussi à poursuivre leurs développements.

Heureusement, il existe aussi et même s’ils sont beaucoup plus rares, quelques projets qui finissent par être acceptés au même titre que la quinzaine de projets Wikimédia actuellement florissants. Parmi les plus récents, il y a Wikifonctions alias Abstract Wikipedia[138], un projet de grande envergure, puisqu'il consiste à produire automatiquement des articles encyclopédiques dans toute la panoplie de langages naturels. Pour ce faire, celui-ci récupère les données de Wikidata, un autre projet créé en octobre 2012 dans l'objectif de développer une gigantesque banque de données sémantiques, pour les traiter ensuite avec des fonctions informatiques jusqu'à obtenir des articles encyclopédiques[139].

Sans prendre le temps de faire le tour de la quinzaine de projet (voir figure 19), voici donc de quoi se faire une idée sur la manière dont les projets frères et leurs versions linguistique font leurs apparitions au sein du mouvement Wikimédia. Les exemples repris ci-dessus suffisent pour comprendre les principes généraux qui sous-tendent leurs créations. Car de fait, l'idée d'un nouveau projet apparait souvent comme une spécialisation d'un projet de même langue et déjà existant, avant d'être débattue sur la plate-forme Meta-Wiki, dans l'idée d'en faire la demande au conseil d'administration de la Fondation. Ceci alors qu'au niveau des versions linguistiques, tout se passe sur le site Incubator, Beta-Wikiversité ou Wikisource Multilingue, où la viabilité des nouvelles initiatives est testée avant le lancement d'un nouveau site web.

Sans oublier pour le reste et même si c'est beaucoup plus rare, qu'il arrive parfois, au même titre que Meta-Wiki, Wikidata et Wikifonction, mais aussi Wikimédia commons, dont la fonction est de centraliser tous les fichiers utilisés dans les projets pour éviter les doublons, qu'un nouveau projet ne soit pas une séparation d'un projet préexistant, mais plutôt une réponse à besoin de coordination, de rationalité, ou de production et diffusion de connaissances rendues possibles suite à l'évolution des techniques informatiques.

D'un point de vue chronologique enfin, il reste à souligner que certains projets frères de Wikipédia et variations linguistiques, sont apparus avant même que le terme « Wikimédia » soit créé. Ce qui veut dire que bien avant que l'on parle de mouvement, une activité au sein de toute une série de projets de langues et de cultures différentes s'était déjà développée jusqu'à aboutir à la création du site chargé d'une coordination centrale. La naissance du mouvement en ce sens ne fut donc pas un événement ponctuel en soi, mais plutôt un processus qui mit du temps à se mettre en place, jusqu'à ce qu'on réalise un jour qu'il s'agissait d'un mouvement social à part entière.

L'apparition du mouvement

Avant de parler de la conceptualisation du mouvement à proprement parler, on est en droit de se demander d'où peut bien venir un nom aussi étrange que « Wikimédia. Et puis, est-ce que tout ce qui contient le mot Wiki est en relation avec Wikimédia ? C'est là malheureusement une source de confusion fréquente qui concerne près de 20 000 projets hébergés sur le web qui reposent tous sur une technologie de type wiki[140] et utilisent en général le terme wiki dans leur appellation. Parmi tous ces projets pourtant, plus de 95 % n'ont aucun lien avec le mouvement Wikimédia, à l'exception peut-être du fait qu'ils utilisent le même logiciel que celui développé par la Fondation.

WikiLeaks par exemple, créé par Julian Assange dans le but de publier des documents classifiés provenant de sources anonymes, n'est à ce titre ni un projet Wikimédia, ni un site collaboratif ouvert à tous. Ceci à l'inverse du recueil universel et multilingue de guides simples et illustré intitulé WikiHow qui fonctionne, pour sa part, avec le logiciel MediaWiki développé par la Fondation Wikimedia[141]. Mais son ergonomie radicalement différente de celle des projets Wikimédia permet de percevoir facilement que ce site web ne fait pas partie du mouvement. Le projet Wikimini, par contre, qui est une encyclopédie libre pour enfants est nettement plus proche de ce que l'on a l'habitude de voir dans Wikimédia. Cependant, le fondateur Laurent Jauquier n'aura jamais réussi à convaincre la Fondation, très frileuse à l'idée de gérer du contenu pour jeune public, d'accepter son projet au sein du mouvement. Viennent ensuite les projets WikiTribune et Wikia qui jettent encore un peu plus le trouble, puisqu'ils furent lancés par Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia et de la Fondation Wikimedia[142], mais sans pour autant avoir l'intention de leur faire rejoindre le mouvement.

Au niveau étymologique ensuite, retenons que le terme « Wikimédia » est un mot-valise dont le suffixe média fait référence au mot média et le préfixe « wiki » au mot hawaïen « wikiwiki » que l'on peut traduire en français par « vite, vite »[143]. Le terme fut récupéré par Ward Cunningham, le créateur du WikiWikiWeb, avant d'être reproduit au niveau de tous les logiciels wiki, dont UseModWiki, utilisé par la firme Bomis pour héberger son projet d'encyclopédie collaborative. Il se retrouva ensuite dans le mot Wikipédia en référence au mot anglais encyclopedia, et par le fait que la nouvelle encyclopédie était fondée sur un Wiki. Par la suite, le mot Wiki devint le préfixe de tous les mots-valise qui seront adoptés lors de la création des autres projets Wikimédia.

 
Fig. 20. Florence Devouard en 2017 (source : https://w.wiki/4LJc)

Le mot Wikimédia, quant à lui, n'est apparu que le 16 mars 2003, lors d'une discussion concernant la déclinaison possible de l'encyclopédie en d'autres types de projets éditoriaux participatifs. Durant celle-ci, l'écrivain américain Sheldon Rampton eu l'idée d'associer au terme wiki celui de « média » afin de mettre en évidence la variété des médias produits et mobilisés sur toutes les plates-formes wiki (encyclopédie, site d'actualités, musiques, vidéos, etc.)[144]. Et c'est ainsi que quelques mois plus tard, le terme fut adopté lors de la création de la Wikimedia Foundation, lorsque Jimmy Wales décida d'y transférer les avoirs de sa firme Bomis que sont les noms de marques, noms de domaines et copyrights[145]. Mais ensuite, il fallut encore attendre le mois de juin 2008, soit cinq années supplémentaires, pour que finalement Florence Devouard (voir figure 20), présidente de la Fondation à cette époque, utilise le mot Wikimédia pour désigner le mouvement social qu'elle voyait apparaitre à travers le développement d'une multitude de projets.

Affirmer que ce moment précis coïncide avec la naissance du mouvement serait toutefois arbitraire. Car si l'on peut déterminer plus ou moins facilement l'apparition d'une expression dans les archives numériques, tout le monde sait qu'un mouvement social ne se forme pas en un jour. Dans le contexte du mouvement Wikimédia, sa naissance fut effectivement liée à celle du projet Wikipédia, mais également à tout ce qui permit à l'encyclopédie de voir le jour. Dans une autre perspective, la naissance du mouvement pourrait tout aussi bien être associé à celle de la Wikimedia Foundation créée le 20 juin 2003[146] ou encore à l'arrivée de la plate-forme Meta-Wiki dont il fut déjà question précédemment.

Quoi qu'il en soit, la création du « Wikimedia movement », fut bel et bien une initiative de Florence Devouard, formulée en juin 2008 peu de temps avant qu'elle ne quitte son poste de présidente de la Fondation Wikimedia[147]. Son idée telle qu'exprimée sur la liste de diffusion de la Fondation[148] était d'utiliser le site Wikimedia.org pour en faire la vitrine du mouvement Wikimédia qu'elle prenait la peine de définir de la sorte :

Le mouvement Wikimédia, comme je l'entends est

  • une collection de valeurs partagées par les individus (liberté d'expression, connaissance pour tous, partage communautaire, etc.)
  • un ensemble d'activités (conférences, ateliers, wikiacadémies, etc.)
  • un ensemble d'organisations (Wikimedia Foundation, Wikimedia Allemagne, Wikimedia Taïwan, etc.), ainsi que quelques électrons libres (individus sans chapitres) et des organisations aux vues similaires[149]

Avant cette date clef, toutes les personnes actives dans les projets éditoriaux en ligne ou dans les organismes affiliés, faisaient donc partie de ce que Ralf Dahrendorf appellerait un « quasi-groupe »[150]. Ou, pour le dire autrement, un ensemble d'individus qui ont un mode de vie semblable, une culture commune, mais dont les points communs ne gravitent pas autour d'une prise de conscience de leur position commune dans la relation d'autorité[151].

Constituer un mouvement à partir d'un ensemble de communautés d'éditeurs distribués sur des projets en ligne et hors ligne, eux-mêmes déclinés dans une multitude de langues, aura donc pris plus d'une dizaine d'années. Sans compter qu'aujourd'hui, de nombreuses personnes peu actives sur les sites Wikimédia, ne réalisent tout simplement pas qu'ils prennent part aux activités d'un mouvement social. Ce qui est une chose très peu probable par contre, chez les personnes qui participent aux rencontres physiques organisées au sein du mouvement. Ce pourquoi, il est permis de croire que toutes ces activités organisées par la fondation et ses différents organismes affiliés, ont joué un rôle crucial dans la création d'un sentiment d'appartenance à une cause commune. Et ce, jusqu'à ce qu'un jour, quelqu'un pense à situer cette appartenance au sein d'un mouvement social.

La création des organismes affiliés

Si c'est grâce à l'arrivée des groupes et organismes affiliés à la fondation Wikimédia et à leurs activités et rencontres que l'idée d'un mouvement apparu autour des projets Wikimédia, il est alors intéressant d'en décrire aussi leurs processus de création. Étant donné que cela représente plusieurs centaines d'instances, présenter l'histoire de chacune d'entre elles serait une entreprise beaucoup trop fastidieuse. De plus, s’il existe énormément d'archives web concernant la naissance des sites Wikimédia, ce n'est pas le cas pour ces organismes qui se forment et se développent principalement durant des rencontres ou réunions hors ligne qui ne font l'objet d'aucun enregistrement, ni d'aucun archivage. Du reste, une bonne part des échanges à distance effectués au sein de ces associations se font au travers de canaux de communications privées auxquels seul les membres actifs ont accès.

Je me limiterai donc ici à parler de l'association Wikimédia Belgique pour laquelle je fis partie des membres fondateurs. Celle-ci fut fondée le 8 octobre 2014 en tant qu'association sans but lucratif, pour être reconnue ensuite le 6 août par le conseil d'administration de la Fondation[152], à la suite de plus de trois ans d'activités et de rencontres[153]. Sous l’impulsion de Maarten Deneckere qui fut désigné comme premier président, nous étions 8 personnes à signer la première version des statuts[154] dont l'objet social consiste jusqu'à ce jour à « impliquer tout un chacun dans la connaissance libre »[155]. Cette association ne connut malheureusement pas l'essor de l'association Wikimédia allemande, la première à voir le jour 13 juin 2004, et qui ne cessa de croître jusqu'à rassembler en mai 2021 plus de 85 000 membres et près de 150 employés[156]. Puisque en effet, de manière beaucoup plus modeste et après sept ans d'existence, l'association belge, qui fonctionne toujours sans salarié, sera passée de 37 à 115 membres[157].

Avant d'être reconnues comme organisations affiliées au mouvement par la Fondation, toutes les associations national, dites « chapter » en anglais, doivent réaliser bon nombre de démarches. Celles-ci consiste au préalable à la demande de répondre à tout un ensemble de critères qui ont évolué avec le temps suite à l'apparition d'un comité d'affiliation en avril 2006[158]. Selon les différentes formes d'affiliations possibles au sein du mouvement, ces différents prérequis sont listés ci-dessous (tableau 1)[159]. Tandis que d'autres conditions nécessaires au maintenir leurs statuts sont reprises en deuxième partie d'ouvrage dans la section : « Introduction à l'espace hors ligne du mouvement ».

Tab. 1. Comparaison des prérequis par type d’affiliation
Prérequis Organisations Nationales Organisations thématiques Groupes d'utilisateurs
Nombre minimum d’éditeur Wikimédia actif 10 10 3
Nombre minimum de membre suggéré 20 20 10
Objectif Secteur géographique Secteur thématique Tout ce qui fait avancer Wikimédia
Mission conforme à celle de la Fondation Wikimedia      
Respect des lignes directrices de dénomination et de la politique de gestion des marques      
Informations relatives aux publications des groupes au sein de l’infrastructure Wikimédia      
Plans d’activité et actions menées en vue de faire progresser les projets Wikimédia      
Permettre l’adhésion de nouveaux membres      
Désignation de deux référents auprès de la Fondation Wikimedia      
Reconnaissance légale    
Règlement intérieur amendable et approuvé par le comité d’affiliation    
Deux années d’activité antérieures à la demande d’affiliation    
Nécessite l’approbation du comité d’administration de la Fondation Wikimedia    
Comité de direction élu par ses membres, y compris ses nouveaux membres    
Rapports d’activité et rapports financiers régulièrement publiés sur Meta-Wiki    
Capacité à représenter le mouvement Wikimédia dans un domaine d’intervention spécifique    
Délais de développement type 2-3 ans 2-3 ans 1-4 mois
Durée d’exercice soumis à approbation 4-6 mois 4-6 mois 1-3 semaines

En observant ce tableau, on découvre donc qu'il n'est pas si évident de créer une instances affiliée au mouvement de manière à ce qu'elle puisse recevoir un soutien de la fondation pour financer partiellement, ou parfois totalement, ses activités. De plus, toutes ces aides monétaires font aussi à leur tour l'objet d'examens minutieux opérés par divers comités et commissions chargés de leur évaluation. Tout cela représente donc tout un ensemble de tâches administrative qu'il n'est pas toujours évident d'assumer lorsque les membres de l'organisation affiliée sont tous des bénévoles. Et c'est là une raison sans doute qui explique pourquoi certaines affiliation disparaissent, alors que d'autres réapparaissent en fonction de l'énergie et du dynamisme présent dans les équipes.

On comprend aussi grâce à tout ceci, que l'organisation hors ligne du mouvement est beaucoup plus éloignée des valeurs de liberté et de partage défendue au sein des communauté actives dans la sphère numérique du mouvement. Tout se passe donc comme si, l'espace hors ligne du mouvement serait moins concerné par cette héritage philosophie tel qu'il fut transmis depuis de la contre-culture des années 1960 et tout au long de la révolution numérique. Un héritage par ailleurs, que est intéressant de résumé en guise de clôture de cette première partie d'ouvrage.

L'héritage d'une contre-culture

Au terme de cette première partie d'ouvrage, il semble donc évident que la révolution numérique, que l'on considère d'abord comme une révolution technique, fut aussi, et peut-être avant tout, une révolution sociale et culturelle. Durant cette période très récente de l'humanité, le mouvement Wikimédia représente ainsi un aboutissement de grande ampleur, de l'héritage transmis au départ d'une contre-culture qui dès les années 60 commença à s'opposer au monde marchand et à l'oppression étatique. D'ailleurs, avec un peu d'imagination, on pourrait même dire que cette inspiration transparaît déjà au niveau du logo du mouvement et de la Fondation qui, une fois renversé, dévoile une certaine similarité avec celui du mouvement Hippie si emblématique de cette contre-culture en question (voir figure 21 & 22).

 
Fig. 21. Logos du mouvement Wikimédia et de sa fondation (source : https://w.wiki/6VHk)
 
Fig. 22. Logo du mouvement hippie et de la contre-culture (source : https://w.wiki/6VHm)

Certains diront sans doute que ceci n'est que spéculation et fruit de l'imagination. Mais à ceux-ci on peut alors présenter la photo de Richard Stallman (voir figure 23), le gourou de la contre-culture hacker[160], le père du système d'exploitation hippie[161] et, comme cela a été vu, le concepteur de l'encyclopédie libre, universelle, collaborative et neutre, lors de son arrivée triomphale durant la première rencontre internationale du mouvement Wikimédia en 2005. Une rencontre et un cycle de conférence qui porte le nom de Wikimania et qui deviendra plus tard le grand lieu de rassemblement annuel des membres les plus actifs du mouvement.

Quant aux enjeux que suscite la transmission des valeurs de la contre-culture et du mouvement des logiciels libres au mouvement Wikimédia, André Gorz, le père de la décroissance[162] et le théoricien de l'écologie politique[163], nous en offre sa propre synthèse[164] :

La lutte engagée entre les "logiciels propriétaires" et les "logiciels libres" […] a été le coup d'envoi du conflit central de l'époque. Il s'étend et se prolonge dans la lutte contre la marchandisation de richesses premières – la terre, les semences, le génome, les biens culturels, les savoirs et compétences communs, constitutifs de la culture du quotidien et qui sont les préalables de l'existence d'une société. De la tournure que prendra cette lutte dépend la forme civilisée ou barbare que prendra la sortie du capitalisme.

 
Fig. 23. Photo de Richard Stallman lors du premier rassemblement Wikimania de 2005 (source : https://w.wiki/377f).

En possédant le seul nom de domaine non commercial du top 50 des sites les plus fréquentés du Web[165], le mouvement Wikimédia apparaît donc comme l'une des pierres angulaires de cette lutte entre monde libre et monde propriétaire. Car après le code informatique, s'il y a bien une autre marchandise qui circule dans l'écoumène numérique, c'est sans aucun doute la connaissance. La connaissance, mais aussi tout type d'informations, avec une préférence marquée pour celles qui concernent le comportement et la vie privée des usagers des services numériques. Car au départ de ce « nouvel or noir  » de l'espace numérique, c'est alors tout un nouveau marché qui se met en place. Celui que certains appellent déjà « capitalisme 3.0 »[166], ou pour le dire autrement, un « capitalisme de surveillance »[167][168].

Bien sûr, les enjeux de cette lutte ne sont pas des plus faciles à comprendre, en raison notamment de la complexité de l'infrastructure informatique, mais aussi parce que ce combat s'inscrit dans une révolution que Rémy Rieffel décrit à juste titre, comme : « instable et ambivalente, simultanément porteuse de promesse et lourde de menaces ». Ceci alors qu'elle prend place « dans un contexte où s'affrontent des valeurs d'émancipation et d'ouverture d'un côté et des stratégies de contrôle et de domination de l'autre »[169]. D'ailleurs, en fait d'ambivalence, n'est-il pas étonnant de découvrir que Jimmy Wales, qui finança le projet Wikipédia à ses débuts, est aussi un adepte de l'objectivisme ? Cette philosophie politique dans laquelle le capitalisme est perçu comme la forme idéale d'organisation de la société[170] et pour laquelle, l'intention morale de l’existence est la poursuite de l'égoïsme rationnel[171].

Dix ans après les avertissements d'André Gorz, les enjeux soulevés par les logiciels libres au début des années quatre-vingt restent donc au cœur des problématiques actuelles. Et pour s'en convaincre, il suffit d'observer que Tim Berners-Lee ne cesse d'implorer la « redécentralisation »[172] et la « régulation »[173] de l'espace numérique dont il fut le créateur, ceci alors que dans un mouvement tout à fait inverse à ces propos, des milliards d'objets connectés représentant un marché qui dépasserait déjà les 2.6 milliards d'euros rien qu'en France pour l'année 2020[174] ne font que se reproduire pour collecter des informations à-tout-va, colportée par de nouvelles technologies ne transfère qui en peu de temps déjà sont passés de la 3G à la 5G.

Au-delà de tous ces aspects économiques, il nous reste encore à tenir compte de la dimension politique de l'héritage contre-culturel transmis par les hackers. Au niveau du mouvement Wikimédia, cela se concrétise en effet par un désir de s'émanciper des contrôles étatiques. Une position qui ne va pas sans poser problèmes, puisqu'une série de censures des projets Wikimédia, comme ce fut déjà le cas en Turquie, en Russie, en Iran, au Royaume-Uni et même parfois de manière permanente comme c'est le cas en Chine[175]. Ceci alors que certaines procédures juridiques furent déjà lancées à l'encontre de plusieurs instances affiliées au mouvement, comme ce fut le cas en France, dans le cadre d'une affaire liée à un article Wikipédia portant sur une station militaire[176].

En résumé, ce qui ressort de l'observation de la préhistoire du mouvement Wikimédia, ressemble donc une lutte éternelle entre d'une part, la recherche d'un pouvoir économique et politique centralisé, et d'autre part un désir d'autonomie et de partage. Avec comme nous avons pu le constater la possibilité de voir un projet de partage en recherche d'autonomie, tel que l'espace Web par exemple, se voir dominer par des projets monopolistiques et à but lucratif, à l'image des GAFAM, BATX, NATU et autres géants du web que l'on nomme big tech en anglais et qui sont souvent critiqués pour leurs abus de position dominante.

Ceci alors que dans une situation inverse, et toujours suite à un échec économique semble-t-il, des projets qui au départ avaient des prétentions commerciales, peuvent au bout du compte donner naissance à des projets de partage autonomes. Rappelons-nous à ce sujet que l'encyclopédie commerciale Nupedia aura finalement aboutit à la création de Wikipédia, tout comme le navigateur web commercialisé par la firme Netscape Communications, contribua au final à la création du navigateur open source Mozilla Firefox.

Ensuite, nous pouvons également remarquer que certains succès commerciaux, comme fut en son temps celui de la messagerie instantanée MSN Messenger, peuvent promouvoir l'apparition d'autres succès commerciaux, tels que les nombreux réseaux sociaux qui ont envahi le web. Alors qu'au niveau de la sphère du partage, un succès non commercial tel que le projet Wikipédia aura pour sa part inspiré la création d'autres projets collaboratifs financés par des fondations et parmi lesquels figure le projet OpenStreetMap dédié à la cartographie du monde sous licence libre.

 
Fig. 24. Sculpture en bronze de Davide Dormino intitulée Anything to say? à l'honneur des trois lanceurs d’alertes que sont de gauche à droite : Edward Snowden, Julian Assange et Chelsea Manning (source : https://w.wiki/4UXx).

Au terme de cette première partie d'ouvrage, nous retiendrons donc que certains courants sociaux que l'on considère disparus, influencent encore de nos jours la façon dont fonctionnent nos sociétés. Ceci alors que le petit parcours historique qui vient d'être réalisé, nous a permis de découvrir un aspect peu connu de la révolution numérique. Celui d'une permanence des valeurs portées par une contre-culture et d'un contre-pouvoir, dont une des figures emblématiques contemporaines, est sans aucun doute celle du lanceur ou de la lanceuse d'alerte.

Car il se fait que certains Wikimédiens tel que Aaron Swartz, Bassel Khartabil, Pavel Pernikov, Ihor Kostenko et Mark Bernstein ont perdu leur vie ou leur liberté pour défendre les valeurs présentées tout au long de cette première partie d'ouvrage. De manière un peu similaire à Julian Assange, Edward Snowden et Chelsea Manning qui « ont perdu leur liberté pour défendre la nôtre »[177] (voir figure 24), ces membres de la communauté Wikimédia, apparaissent comme héros de ce que certains appellent aujourd'hui la crypto-anarchie. Ou autrement dit, une philosophie politique libertaire qui prône la liberté d'information et le secret de la communication face à « l'interférence du gouvernement et des grandes sociétés »[178]. Ce qui est donc, somme toute, une nouvelle façon de lutter contre l'hégémonie culturelle[179] dont parle Antonio Gramsci et que certain considère comme la « mère de toutes les batailles politiques »[180].

Deuxième partie : Cosmographie du mouvement Wikimédia

Voici donc venu le temps de faire une présentation « cosmographique » de Wikimédia, ou pour le dire autrement, de présenter une sorte d'organigramme du mouvement en s'inspirant de l'expression « galaxie Wikimédia »[181] (figure [182]) apparue lors du dixième anniversaire du projet Wikipédia. La découverte de cette galaxie débuta pour ma part en ligne lorsque j'ai commencé à surfer au départ des nombreux hyperliens qui permettent de naviguer d'un projet à l'autre au sein du mouvement Wikimédia. Suite à quoi, je devais encore à découvrir toute la partie hors ligne du mouvement. Ce que je fis à partir du 10 octobre 2011, en rejoignant l'équipe des membres fondateurs de l'association Wikimédia Belgique[183].

 
Fig. 25. Illustration de la galaxie Wikimédia réalisée à l'occasion du dixième anniversaire de Wikipédia (source : https://w.wiki/32Ga).

Cette première démarche me permit de découvrir rapidement que les activités hors ligne et en ligne du mouvement évoluaient dans deux sphères et environnements bien spécifiques et propices au développement d'organisations et comportements divergents[184]. Un premier constat qui me permit ainsi de comprendre l'origine de certaines dissonances cognitives au sein du mouvement, mais sans que celles-ci remettent en cause sa cohérence globale. Et ceci sans doute en raison d'une très forte connectivité et d'une adhésion générale à un projet commun de partage, en prévision d'un « monde dans lequel chaque être humain peut partager librement la somme de toutes les connaissances. »[185][186]

Découvrir la galaxie Wikimédia, fut ensuite l'occasion de découvrir à plus petite échelle la société globale et numérique[187] dont l’hyper-complexité est étroitement liée au développement du médium communicationnel Internet[188]. Comprendre l'organisation du mouvement, permet alors de mieux comprendre les enjeux de la mondialisation structurelle des sociétés humaines dans le contexte de sa globalisation économique[189]. Au niveau de Wikimédia, comme dans le reste de notre monde cosmopolite et interconnecté déjà décrit par certains comme une « société mondiale du risque »[190], il devient effectivement de plus en plus difficile de comprendre tout ce qui s'y passe, et par conséquent, de garder une certaine maitrise de notre environnement. Pour pallier cet inconfort, tout en restant concentré sur ce qui se passe au sein du mouvement Wikimédia, voici donc une vue d'ensemble de son organisation, en commençant par sa sphère numérique.

La constellation en ligne

 
Wikiscan

Comme déjà dit précédemment, l'espace numérique Wikimédia le plus connu du grand public est le projet Wikipédia. Avec ses 60 millions d'articles en mi-mars 2023[191], en provenance de 331 versions linguistiques, celui-ci arrive effectivement en tête d'un classement auquel succèdent les 187 versions du Wiktionnaire, les 121 de Wikibooks, 95 de Wikiquote, 74 de Wikisource, 34 de Wikinews, 25 de Wikivoyage et 17 de Wikiversity, pour un total de 884 projets pédagogiques[192]. Ce à quoi on peut encore ajouter les projets multilingues et techniques ainsi que tous les autres sites web hébergés dans le mouvement par la fondation, pour en arriver à un total, toujours pour la mi-mars, de 954 sites web et 507 millions de pages[193] (Voir code QR de Wikiscan ci-contre).

 
Wikistats

Même s'ils sont développés au sein du même mouvement, tous ces sites ne se ressemblent pas pour autant. Le 30 janvier 2021 par exemple, le nombre de contributeurs ayant réalisé au moins une modification sur l'un de ces sites pouvait en effet varier de 113 personnes pour le Wiktionnaire en niha à 40 167 243 pour le projet Wikipédia en anglais [194] (Voir code QR Wikistats ci-contre). Ceci en retenant que chacun de ces sites fonctionne sur des systèmes de gestion de contenu configurés différemment[195] et selon des règles qui varient d'une version linguistique à l'autre, puisqu'elles sont créées par des communautés de contributeurs différentes.

On peut remarquer ensuite que le projet Wikipédia germanophone possède des règles de fonctionnement beaucoup plus strictes que le projet francophone. Le fair use n'y est pas d'application, les articles à l'état d'ébauche ne sont pas conservés et le bannissement d'un utilisateur nécessite un vote public à la majorité des deux tiers[196]. Ceci alors que le projet Wikipédia en portugais est le seul depuis octobre 2020, à interdire la modification de son espace encyclopédique aux personnes sans compte utilisateur. Quant au contenu de l'encyclopédie en général, une étude de 2010 comparant 74 versions linguistiques différentes, avait mis en évidence le fait que 74 % des articles encyclopédiques n'existaient que dans une seule langue[197].

Chaque version linguistique possède donc sa propre autonomie, tandis que bien entendu, chaque projet pédagogique possède sa propre finalité. À côté des encyclopédies, il y a effectivement des dictionnaires, des guides de voyage, un répertoire du vivant, des recueils de citations, des cours et travaux de recherches, des bibliothèques de livres repris dans le domaine public ou publié sous licence libre, des articles de presse, une banque de données sémantiques et une autre reprenant toute une panoplie de médias sous formes d'images, de vidéos, sons, PDF, etc.

Et qui dit finalités différentes, dit aussi bien sûr règles éditoriales différentes. Alors qu'il est interdit de produire du nouveau savoir sur Wikipédia, celui-ci sera en revanche sollicité sur Wikiversité, Wikilivres et Wikinews par exemple. Et alors que l'utilisation de sources primaires est mal vu dans l'encyclopédie, celles-ci sont les bienvenues dans tous les autres projets y compris le Wiktionnaire[198] et la seule exception de Wikisource puisque le projet est une collection d'ouvrages préalablement publiés. Même le droit d'auteur peut varier d'un projet à l'autre, vu que les données reprises sur Wikidata ainsi que les descriptions de fichiers sur Wikimédia commons sont soumises à la licence CC0, alors que tout le contenu des autres projets est sous licence CC.BY.SA. Face à tant de diversité, un classement des projets et entités par fonctions[199] permet alors d'en structurer la vue d'ensemble.

Les projets de partage de la connaissance

Il existe donc dans l'espace numérique Wikimédia tout un ensemble de projets destinés au partage de connaissances qui sont déclinés en de nombreuses versions linguistiques. Ces différentes versions voient le jour dans des projets polyglottes intitulés Wikimedia Incubator, Wikiversity Beta et Wikisource multilingue. Avant d'obtenir leurs propres sites web elles bénéficient ainsi d'un temps de test et de mise en place[200]. À l'intérieur de ces projets autonomes, il est parfois possible de rencontrer des sous-projets qui constituent eux-mêmes un espace spécialisé du projet principal, comme une bibliothèque d'ouvrages pour enfants dans le projet Wikilivres par exemple, ou un journal scientifique dans le projet Wikiversité en anglais et puis aussi, de manière récurente cette fois, de nombreux projets thématiques[201] et portails[202] qui rassemblent les éditeurs les plus passionnés de Wikipédia autour de certains sujets.

Au-delà des projets de tests pour les nouvelles versions linguistiques, il existe aussi d'autres projets multilingues, comme le projet Wikispecies qui répertorie l'ensemble du vivant ou le projet Wikimedia commons chargé de centraliser les fichiers image, audio, vidéo, etc[203] utilisés dans tous les autres projets Wikimédia. Quant au projet Wikidata, un autre exemple de projet polyglotte, il centralise pour sa part des informations factuelles dans une immense base de données sémantique dont le contenu est récupérable sur tous les autres sites web[204]. Prochainement encore, un nouveau projet multilingue intitulé Wikifunctions après avoir porté le nom d'Abstract Wikipedia[205], doit permettre aussi permettre d'utiliser le contenu de Wikidata avec de fonctions informatiques dans le but de produire des articles dans toute la panoplie des langages naturels.

Tous ces projets éditoriaux Wikimédia fonctionnent grâce au logiciel MediaWiki déjà présenté en première partie d'ouvrage. Ils sont aussi tous libres d'accès, collaboratifs au niveau de leurs éditions, indépendants dans leur gestion et soumis à la licence CC.BY.SA à l'exception, comme déjà mentionné, du contenu de la base de donnée du projet Wikidata et des descriptions de fichier sur Wikimedia Commons, qui dans les deux cas sont repris sous licence CC0. Il faut ensuite signaler que la liste de tous ces projets et versions linguistiques peut varier d'un moment à un autre, en fonction des décisions prises par rapport à une liste des projets proposés à la création[206] et d'une liste de projets proposés à la suppression[207]. Voici repris ci-dessous, sous forme de tableau et reprenant leurs logos respectifs, la liste exhaustive des projets pédagogiques actifs, suivie des deux exemples de sous-projets mentionné précédemment.

Tab. 2. Présentation des projets Wikimédia de partage de la connaissance avec leurs logos
 
Accueil de Commons
Wikimedia Commons est une médiathèque multilingue qui centralise les fichiers utilisés sur les projets Wikimédia. Les fichiers y sont sous licence libre CC.BY.SA. et les descriptions sous la licence CC.0.
 
Accueil de Wikidata
Wikidata est une base de données multilingue placées sous licence libre CC0 qui peut être lue et éditée par des humains ou des machines dans le but de fournir des informations aux autres projets Wikimédia.
 
Accueil de Wikisource
Les projets Wikisource sont des bibliothèques numériques de livres tombés dans le domaine public.
 
Accueil de Wikispecies
Wikispecies est un répertoire multilingue des espèces vivantes de la faune et de la flore.
 
Accueil de Wiktionnaire
Les projets Wiktionnaires sont des dictionnaires descriptifs et illustrés.
 
Accueil de Wikivoyage
Les projets Wikivoyage sont des guides de voyage touristique.
 
Accueil de Wikiquote
Les projets Wikiquote sont des recueils de citations.
 
largeAccueil de Wikilivres
Les projets Wikibooks (Wikilivres en français) sont des collections d'ouvrages pédagogiques.
 
Accueil de Wikinews
Les projets Wikinews sont des sites journalistiques collaboratifs qui résume l'actualité sur base d'un point de vue neutre.
 
Accueil de Wikiversité
Les projets Wikiversité sont des collections de matériaux pédagogiques et des espaces dédiés aux travaux de recherches.
 
Wikifunctions anciennement appelé Abstract Wikipedia est un projet qui a pour but de créer une version de Wikipédia indépendante de tout langage naturel, en utilisant les données structurées stockées de Wikidata.
 
Accueil de l'Incubateur Wikimedia
L'incubateur Wikimédia est le lieu de test et de lancement des nouveaux projets linguistiques du projet Wikipédia, Wikilivres, Wikinews, Wikiquote et Wiktionnaire.
 
Accueil de Wikisource
Wikisource multilingue est la plate-forme de lancement des nouvelles versions linguistiques des projets Wikisource.
 
Wikiversity Bêta est la plate-forme de lancement des nouvelles versions linguistiques des projets Wikiversité.
Exemples de sous-projets éditoriaux Wikimédia
 
WikiJunior au même titre que Cookbook, est un sous-projet de Wikilivres qui reprend la littérature pour enfants, alors que Cookbook comme son nom l'indique est un recueil de recette de cuisine.
 
WikiJournal est un sous-projet de Wikiversity destiné à produire des articles scientifiques dans différents domaines (médecine, sciences sociales et sciences dures), selon une procédure de revue par les pairs.

Les projets de gouvernance, de gestion et de sensibilisation

Au-delà des projets de partage de contenu, il existe aussi tout un ensemble d'espaces numériques destinés à organiser les activités internes au mouvement Wikimédia. La plate-forme Meta-Wiki entre autres, qui recense le plus grand nombre d'utilisateurs après Wikipédia en anglais[208], est un espace dédié à la coordination, documentation, planification et analyse du mouvement Wikimédia. Ce site dans lequel peuvent prendre naissance d'autres projets Wikimédia[209], est aussi un espace de discussion et de prise de décision important concernant l'allocation de subventions dans le mouvement. Et il est aussi le lieu où s'organise la sélection de certains membres de comités qui seront présentés prochainement, et les élections du conseil d'administration de la Fondation.

Dans cette catégorie de sites web, on retrouve ensuite les sites Wikimania qui ont pour fonction de préparer les conférences internationales annuelles dédiées au mouvement Wikimédia[210] et le site Wikimedia Outreach qui se focalise pour sa part sur la promotion des projets Wikimédia au niveau de l'éducation, des galeries, librairies, archives et musées (GLAM), tout en encourageant l'échange de bonnes pratiques et de réussites à l'intérieur du mouvement[211].

Il est à noter aussi qu'en 2020, plusieurs projets organisationnels sont devenus inactifs. Ce fut le cas du site Wikimedia strategy planning utilisé pour élaborer la stratégie du mouvement durant la période 2010-2020 et resté accessible en qualité d'archive[212], du site Wikimedia Usability, un projet d'amélioration de l’accessibilité des sites Wikimédia, lui aussi archivé suite au terme du financement de la Stanton Foundation[213] et enfin le site survey.wikimedia.org/ une plateforme de sondage en ligne abandonnée aux alentours de 2013[214].

En septembre 2004, le mouvement Wikimédia a aussi établi un système de traitement des demandes adressées au mouvement par courriel reposant sur un système de gestion intitulé OTRS pour Open-source Ticket Request Systeme avant d'être remplacé par Znumy LTS en cours d'année 2021[215]. Toutes les requêtes, plaintes, commentaires et autres types de demandes envoyés par courrier électronique au mouvement sont ainsi traités en première ligne par des bénévoles accrédités par la Fondation. Un traitement s'organise au départ du site Wikimedia's Volunteer Response Team wiki (VTR)[216] dans lequel 400 volontaires[217] répondent dans une quarantaine de langues, à plusieurs centaines de messages journaliers[218].

Il existe ensuite différents sous-projets de sensibilisation qui se sont développé au sein des projets pédagogiques et principalement dans les différentes versions linguistiques de Wikipédia. Parmi ceux-ci, on retrouve le projet WikiMooc[219] dédier à l'apprentissage du métier de contributeur, ou encore le projet « Noircir Wikipédia »[220] qui vise à développer du contenu au sujet de l’Afrique et des afro-descendants. Ceci sans oublier les nombreux projets dédiés à la recherche d'une parité homme femmes au niveau des articles encyclopédiques.

Tab. 3. Présentation des projets d'aide, de coordination, de gestion et de partage d'information au sein du mouvement Wikimédia
 
Wikimedia Foundation Governance Wiki est le site sur lequel le conseil d'administration de la Fondation Wikimédia met à la disposition du public des documents relatifs à sa gouvernance.
 
Wikimedia Board est un site wiki dont l'accès est réservé aux membres du conseil d'administration de la Fondation Wikimédia pour leur communication interne.
 
Accueil de Meta-Wiki
Méta-Wiki est le site de gestion et de coordination générale du mouvement Wikimédia (accès au site).
 
Accueil de Wikimania
Le site Wikimania est dédié à la préparation des cycles de conférences annuelles dédiées au mouvement Wikimédia.
 
Accueil de « Outreach »
Wikimedia Outreach est un site Web destiné à coordonner la promotion des projets Wikimédia et les partenariats au sein du mouvement.
 
Wikimedia Mailservices est le service d'hébergement de toutes les listes de diffusion gérées par la Fondation Wikimédia.
 
Statistiques Wikimédia rassemble des plateformes d'informations statistiques au sujet de tous les projets Wikimédia gérés par la Fondation Wikimedia.
 
Volunteer Response Team est un projet qui regroupe des bénévoles désireux de répondre aux courriels envoyés au mouvement Wikimédia.
 
Wikimedia Usability (archivé) est un espace de travail dédié à l'amélioration de la convivialité de Wikipédia pour les nouveaux contributeurs.
 
Wikimedia strategic planning (archivé) fut le site utilisé de 2009 à 2010 pour l'élaboration le plan stratégique 2010-2015.
Tableau 3.3. Exemples de sous-projets d'aide et de sensibilisation au sein des projets Wikimédia
 
Le WikiMOOC est un MOOC, c'est-à-dire un cours en ligne gratuit et ouvert à tous, destiné à l'apprentissage de la contribution sur Wikipédia. Il est conçu par des contributeurs et contributrices bénévoles de Wikipédia, avec le soutien de Wikimédia France.
 
Noircir Wikipédia est une initiative visant à combler les lacunes de références, d'articles, d'informations sur la culture, les personnalités africaines et de la diaspora africaine et afro-descendante sur Wikipédia.
 
Le projetLes sans pagEss est un sous-projet de la version francophone de Wikipédia, initié en juillet 2016, dont le but est de lutter contre les déséquilibres de genre sur les articles de l'encyclopédie
 
Wiki Loves Monuments, littéralement « Wiki aime les monuments », est un concours photographique international se tenant annuellement en septembre, dont l'objectif est de mettre en valeur les biens classés patrimoniaux.

Les projets de gestion technique

Afin de gérer les questions techniques liées au fonctionnement du mouvement, un ensemble de sites et de projets ont petit à petit vu le jour. Le plus important d'entre eux est certainement le site MediaWiki, couplé à des plates-formes de test, qui est un lieu multilingue entièrement dédié au développement collaboratif et à la documentation du logiciel MediaWiki installé sur tous les projets éditoriaux. Suite à quoi, il y a aussi le site Phabricator, et dont la mission principale est de résoudre des bugs informatiques et les problèmes de sécurité. Lors de son lancement en septembre 2014 pour remplacer le programme Bugzilla jugé moins adapté, Phabricator fut aussi dédié à la coordination d'autres tâches qui ne sont pas forcément liées à la maintenance informatique[221].

Vient ensuite le site Wikitech, qui quant à lui, est une plateforme d'information et d'orientation technique au sujet du Wikimedia Cloud Services (WMCS)[222]. Il est utilisé en janvier 2020 par plus de 16000 personnes[223] et permet d'avoir accès aux dumps et aux systèmes de gestion de bases de données des projets Wikimédia[224]. Le projet Wikimedia research ensuite rassemble une équipe de « scientifiques et d'ingénieurs qui utilisent des données pour comprendre et responsabiliser des millions de lecteurs et de contributeurs qui interagissent quotidiennement avec Wikipédia et ses projets frères »[225][226]. Puis, en tant que dernier arrivant et unique projet commercial apparu au sein du mouvement, il y a enfin le projet Wikimedia Enterprise, dont le but est de vendre des services pour les utilisateurs commerciaux à grande échelle du contenu des projets Wikimédia[227].

Tab. 3.4. Présentation des projets de gestion technique du mouvement Wikimédia
 
Accueil de Phabricator
Wikimedia Phabricator est une plateforme de collaboration ouverte à tous les contributeurs et contributrices de Wikimédia pour gérer le travail lié aux logiciels mais des initiatives non techniques sont les bienvenues.
 
Accueil de MediaWiki
Le site MediaWiki est une plateforme de développement et de documentation attribuée au logiciel MediaWiki utilisé par tous les projets éditoriaux Wikimédia.
 
Wikitech est une plateforme destinée à documenter les projets et infrastructures informatiques d'aide au mouvement Wikimédia, hébergés sur le cloud par la Fondation Wikimédia.
 
Accueil de « Test Wiki »
Test Wiki est un site Wikimédia utilisé par les développeurs du logiciel afin de tester leurs codes avant de les appliquer à d'autres sites.
 
Toolforge (anciennement toolserver), est un sous-projet de Wikitech dédié à la gestion du cloud computing Wikimédia dédié à l'hébergement de projets assistés par la communauté.
 
Wikimedia Cloud VPS est un sous-projet de Wikitech composé d'un espace de gestion du cloud computing Wikimédia destiné à l'hébergement de projets autonomes.
 
Data Services est un sous-projet de Wikitech qui permet un accès direct aux bases de données et aux dumps, ainsi que des interfaces Web pour les requêtes et l'accès par programmation aux magasins de données.
 
Wikimedia Enterprise est un projet dont l'objectif est de créer des services commerciaux pour les utilisateurs commerciaux à grande échelle du contenu Wikimédia.

Les espaces de communication et d’information

Dans le but de communiquer en interne, le mouvement Wikimédia héberge des centaines de listes de diffusion[228], privées ou publiques, répertoriées sur la page https://lists.wikimedia.org, ainsi que de nombreux salons de conversation ouverts sur IRC, Telgram, Discord ou masttermost. Spontanément initiés par des groupes de contributeurs, on trouve aussi de nombreux espaces d'échanges sur les réseaux sociaux. En septembre 2019, une plateforme établie à partir des logiciels WordPress et Discourse intitulée « Wikimédia Space » avait aussi vu le jour comme lieu d'échanges d'informations et de conversations entre les personnes actives au sein mouvement[229]. Mais à la fin du mois de février 2020 et faute de fréquentation sans doute, le site web ne garda finalement que son espace de bloging[230] intitulé Diff[231]. Celui-ci est uniquement dédié aux membres du mouvement, avec une attention particulière accordée aux communautés sous-représentées. On y retrouve des articles parfois traduits en plusieurs langues qui auront fait l'objet d'un processus éditorial simplifié[232].

Quelques journaux sont aussi apparus à l'intérieur des projets Wikimédia et repris sur une liste située sur le site Meta-Wiki[233]. Du côté francophone, il y a le journal Wikimag[234] et l’infolettre Regards sur l'actualité de la Wikimédia (RAW)[235], qui sont tous deux des périodiques publiés par et pour la communauté des éditeurs. Un journal similaire existe aussi sur la page du Wiktionnaire intitulée : « Actualités du projet Wiktionnaire francophone »[236]. Ceci alors que du côté anglophone, on trouve le mensuel Signpost, créé en janvier 2005 et apparaît comme le plus ancien du mouvement. Il fait une synthèse des événements importants qui se sont déroulé dans le projet Wikipédia[237]. Michael Snow, son fondateur, fut aussi membre du conseil d'administration de la fondation de 2008 à 2010, avant de rejoindre le conseil consultatif[238].

Toujours en interne, il reste enfin à signaler le Wikimedia Techblog dédié à la communauté technique Wikimédia[239], et qui est mis à jour par une équipe de soutien aux développeurs des projets Wikimédia[240], et enfin la plateforme Phabricator qui héberge aussi pour sa part une quinzaine d'espaces blog[241]. Ceci en signalant que tous ces espaces de communication sont en grande partie regroupés en une seule page du site web Planet un agrégateur de flux RSS[242].

Ensuite, pour communiquer avec le public externe, il y a au niveau de la fondation, le site d'information officiel où le conseil d'administration diffuse tout ce qui concerne sa gouvernance[243], Complété par autre site vitrine[244] comprenant un espace News[245] qui pour sa part est géré par les employés. Suite à quoi, on trouve aussi dans le mouvement divers espaces blog[246] ou sites web dont nombreux sont gérés par les associations locales telles que Wikimédia France[247] et Wikimédia Suisse[248] qui assurent leur auto-hébergement avec un blog inclus dans le site officiel [249]. Tandis que l'association belge[250] et canadienne[251] par exemple, profitent d'un wiki hébergé par la Fondation pour documenter leurs activités avec en complément dans le cas de la Belgique un blog séparé adressé au grand public[252].

Des groupes d'utilisateurs et même de simples contributeurs actifs au sein du mouvement peuvent aussi créer leurs propres espaces d'information. C'est ainsi qu'au niveau francophone une dizaine de blogs se sont ouvert pour commenter ce qui se passe dans Wikipédia et en profiter parfois pour émettre des critiques virulentes sans afficher son identité. La mode étant passée, aucun de ces blogs, dont une liste non exhaustive est reprise ci-dessous, n'est resté actif à la suite de 2020, à l'exception du blog Wikirigoler et celui de Theoliane[253], une contributrice et patrouilleuse active sur Wikipédia en français depuis 2007.

Signalons enfin que parmi tous ces blogs, Wikirigoler, aussi intitulé le blog de Pierrot le chroniqueur, fut reconnu comme « l'un des blogues ayant le plus influencé la communauté de Wikipédia en français »[266]. Il reste à ce jour archivé sur la page http://web.archive.org/web/20201103065439/http://wikirigoler.over-blog.com, tout en étant le seul à avoir été censuré sur les projets Wikimédia.

Tab. 4. Exemples d'espaces ou de projets de communication Wikimédia
 
Wikimedia Space était une plateforme d'information, de discussion, de collaboration et de support qui finalement se limite aujourd'hui à un espace blog destiné aux acteurs du mouvement Wikimédia.
 
Le Service de courriels Wikimédia est dédié à la gestion des courriels pour les employés au sein du mouvement et gère par la même occasion l'ensemble des listes de diffusion.
 
Le Wikimag est un journal hebdomadaire qui permet de se tenir informé de ce qui se passe sur Wikipédia, les décisions de la communauté, les débats, etc.
 
Regards sur l'actualité de la Wikimédia (RAW) est un hebdomadaire qui a pour principal but de renseigner la communauté Wikipédia en français sur ce qui se produit en dehors de celle-ci.

La constellation hors ligne

Comme instances hors-ligne du mouvement Wikimédia, il faut entendre tous les lieux d'activités dont le siège principal ne figure pas en ligne. Il va de soi que les activités de ces instances peuvent aussi se dérouler en ligne et certainement depuis l'arrivée de la pandémie de Covid-19 en début d'année 2020 et suite aux différents confinements qui lui succédèrent. Mais toutes ces instances n'en restent pas moins distinctes des projets présentés précédemment tant au niveau de leur fonction que de leur fonctionnement. Une autre distinction importante concernant la sphère hors ligne du mouvement est le fait que les acteurs du mouvement sont connus sous leurs réelles identités, alors que l'utilisation de pseudonymes durant les activités en ligne est généralisée.

Au même titre qu'une nouvelle version linguistique d'un projet Wikimédia, un nouveau projet hors ligne doit préalablement faire ses preuves avant de se voir attribuer son propre site et de pouvoir le garder. Les critères qui permettent à une instance d'être officiellement affilée au mouvement par le conseil d'administration de la Fondation Wikimédia ont été indiqués dans le tableau 2.1 situé en onzième section du chapitre précédent. Voici dans le tableau ci-dessous tout ce qui est attendu d'un organisme pour qu'il puisse garder son affiliation[267]. Toutes les informations au sujet des affiliés ainsi que leurs rapports d'activités sont également accessibles depuis le portail Meta-Wiki à l'adresse : https://meta.wikimedia.org/wiki/Wikimedia_Affiliates_Data_Portal.

Tab. 3.6. Comparaison de ce qui est attendu pour pouvoir maintenir son affiliation au mouvement en fonction des différentes sortes d’entités
Prévisions de résultats Organisations locales Organisations thématiques Groupes d’utilisateurs
Activités sur le terrain et en ligne réalisées pour soutenir Wikimédia
 
Plusieurs par trimestre
 
Plusieurs par trimestre
 
Au moins une fois par an
Avertissement des changements dans les documents relatifs à la gouvernance ou dans les membres de la direction
 
 
 
Conformité avec les politiques du mouvement et ses principes de gouvernance
 
 
 
Collaboration avec les autres affiliés et les autres projets
 
 
 
Rapport annuel publié sur le wiki Méta
 
Détaillé
 
Détaillé
 
Résumé
Maintien d'une expertise dans le domaine de spécialité du groupe qui soit accessible à la communauté Wikimédia
 
 
Activité régulière et rapports financiers publiés sur Méta-Wiki
 
 
Suivi et participation aux échanges relatifs au domaine de spécialisation du groupe
 
 
Suivi et participation aux politiques publiques relatives au domaine de spécialisation du groupe
 
 
Représentation de Wikimédia dans des manifestations publiques relatives au domaine de spécialisation du groupe
 
 
Sources de revenu variées
 
 

La Wikimedia foundation

 
Fig. 3.2. Photo de groupe des employés de la fondation Wikimedia en janvier 2020 (Source : https://w.wiki/4LYq)

La Wikimedia Foundation Inc (WMF) est le siège central administratif du mouvement dont les bureaux se situent dans la ville de San Francisco, non loin de la Silicon Valley. Elle possède les noms de domaine des projets Wikimédia, les marques déposées, et est responsable de la majeure partie des collectes de fonds effectuées par le mouvement[268]. Cette organisation sans but lucratif, catégorisée ONG par l'Union européenne[269], est supervisée par un conseil d'administration reconnu comme l'organe décisionnel le plus élevé du mouvement, responsable de la stratégie et de la supervision de la Fondation.

 

Avec un organigramme relativement classique, les employé·e·s de la Fondation se répartissent au sein de huit départements[270] supervisés par une équipe de direction regroupant trois personnes[271]. Voici repris ci-dessous et selon des informations récoltées sur une page du site de la Fondation dédiée à la présentation de son personnel (code QR ci-contre), la liste de ces départements avec entre parenthèses le nombre de personnes qui y travaillent, en date du 7 janvier 2022. Comme en témoignent certaines archives de cette page, le total des employé·e·s de la Fondation sera passé de plus de 450 employé·e·s en janvier 2021[272] à plus de 550 en janvier 2022[273]. Ce qui indique donc un accroissement d'effectif d'environ 50 personnes pour une période d'un an seulement.

  • Le département progrès (62 personnes) s'occupe de la collecte de fonds, des partenariats stratégiques et des programmes de subventions qui alimentent le mouvement[274]
  • Le département communication (32 personnes) assure le partage des informations au sujet du mouvement Wikimédia, des projets Wikimédia et du travail de la Fondation Wikimédia elle-même[275]
  • Le département finance et administration (38 personnes) a en charge la gestion des fonds et des ressources de la Wikimedia Foundation, en accord avec ses valeurs fondamentales de transparence et de responsabilité[276]
  • Le département juridique (29 personnes) s'occupe des supervisions juridiques pour la Fondation sans prendre, pour autant, le rôle d'avocat pour la communauté et les organisations affiliées[277][278]
  • Le département opération (5 personnes) exécute la stratégie et la vision de l'organisation en se basant sur la connaissance du marché, les points de preuve des données et l'excellence opérationnelle[279]
  • Le département public (163 personnes) construit, améliore et gère les fonctionnalités des sites Wikimédia[280]
  • Le département talent et culture (26 personnes) prend en charge le recrutement, le leadership, le développement organisationnel et la gestion du personnel[281]
  • Le département technologie (138 personnes) construit, améliore et maintient l’infrastructure des sites Wikimédia[282]

Tout ceci en gardant à l'esprit que les travailleurs de chaque équipe peuvent ensuite se mélanger en se répartissant dans différents projets tels que :

  • Projet croissance et engagement des nouveaux éditeurs dans les projets de tailles intermédiaires[283]
  • Projet éditeur visuel[284]
  • Projet application mobile[285]
  • Projet améliorations de l'expérience pour les ordinateurs de bureaux[286]
  • Etc.

À ces équipes de travail permanentes, faut-il encore ajouter des équipes temporaires, comme celles créées à l'occasion des campagnes d'élaboration de la stratégie du mouvement. Lors de l'élaboration de la stratégie de 2018 à 2020, en plus d'une équipe « fondamentale » de cinq employés[287] ce furent 8 autres personnes qui furent engagées temporairement[288]. Le but de cette équipe temporaire était de gérer les informations et savoirs récoltés tout au long du processus tout en assurant une liaison entre le processus et la communauté[289].

Le conseil d’administration de la fondation

 
Fig 3.3. Conseil d'administration de la fondation Wikimédia en 2019 (source : https://w.wiki/4LYv)

En fin d'année 2021, le conseil de la Fondation Wikimédia est composé de 16 sièges. L'un d'eux est attribué à Jimmy Wales en qualité de membre fondateur et les autres se répartissent en 7 sièges cooptés et 8 sièges élus par la communauté[290]. Ce conseil d'administration est soutenu dans son autorité par diverses instances. La première est constituée par l'équipe cosmopolite de volontaires Wikimédia[291]. La deuxième représente le groupe de salariés de la Fondation[292] réparti comme nous l'avons vu en 8 départements[293] et supervisés par un bureau de direction[294]. La troisième est un comité électoral composé de volontaires supervisés par un membre du conseil d'administration et conseillé par quatre membres du personnel[295]. La quatrième est une commission de médiation composée de membres volontaires désignés par le conseil d'administration[296]. Anciennement il existait aussi un conseil consultatif composé jusqu'au 30 juin 2018 de 16 membres invités par le conseil[297]

De récentes modifications apportées au statut de la Fondation le 21 janvier 2021[298] vont cependant changer la composition et l'organisation du prochain conseil d'administration. Compte tenu de l'accroissement de l'effectif salarié de la Fondation et par le fait que la fonction d'administrateur est bénévole, le nombre de sièges du conseil va passer progressivement de 10 à 16. Les personnes élues le seront cette fois dans un scrutin commun aux projets en ligne et hors ligne en veillant à ce que les personnes cooptées ne dépassent jamais la moitié de la composition du conseil[299]. Chaque nouvelle résolution[300] approuvée lors des réunions du conseil d'administration[301] est consignée depuis 2006 sur le wiki dédié à la gouvernance de la Fondation[302].

Les comités et groupes de travail

En fin d'année 2021, le mouvement Wikimédia comprend aussi un ensemble de 13 comités[303]. Cinq d'entre eux sont composés uniquement de membres du conseil d'administration de la Fondation Wikimédia, mais avec le soutien de conseillers non-votants et d'une personne assurant un relais avec l'équipe de salariés active au niveau de la Fondation. Parmi ceux-ci, le comité de gouvernance du conseil s'assure que le Conseil s'acquitte efficacement de ses responsabilités[304]. Le comité d'audit s'occupe quant à lui, des questions financières et comptables[305]. Le comité des ressources humaines à son tour, supervise les politiques et les pratiques relatives à la rémunération et au personnel[306]. Quant au comité des affaires communautaire enfin, il a pour objectif d'évaluer, d'explorer et d'aborder les efforts actuels et futurs liés à la communauté, tout en améliorant continuellement les relations entre la Fondation et sa communauté au sens large pour réaliser la mission et la vision du mouvement[307].

 
Fig. 3.4. Groupe de travail autour de la stratégie du mouvement en 2017 (source : https://w.wiki/4LYn)

Dans le respect d'une certaine diversité géographique, linguistique et culturelle, six autres comités décisionnels indépendants sont formés de personnes issues de différentes parties du mouvement. Ces comités sont souvent assistés par du personnel de la Fondation et surveillés par certains membres de son conseil d'administration. Parmi ces comités, on retrouve un comité de distribution des fonds (CDF)[308], de langues[309], d'affiliations (AffCom)[310], de subvention de projet[311], de support pour les conférences[312]. Auxquels s'ajoute encore la commission de médiation[313] et un comité responsable des relations publiques de la Fondation, géré par des salariés de la Fondation, quelques bénévoles et du personnel des associations affiliées[314]. Sans oublier enfin des comités aux activités plus ponctuelles tels que le Comité intérimaire d'examen des cas de confiance et sécurité[315], celui de la rédaction de la charte du mouvement[316], le Comité des élections[317] et le Comité Wikimania[318].

Au-delà des comités, il existe enfin différents groupes de travail qui ne sont pas toujours permanents puisque certains répondent à une tâche limitée dans le temps. Le groupe consultatif pour l'élaboration de la stratégie 2020-2030, rassembla ainsi 10 personnes de manière ponctuelle pour mener à bien cette mission. Toujours à l'occasion du processus stratégique prirent ensuite place un comité de pilotage de 11 personnes[319] et un groupe de 17 rédacteurs. Les personnes actives étaient soit volontaires (simple éditeur, membre d'un groupe d'utilisateurs, d'un conseil d'administration d'une association nationale, etc.), soit salariées du mouvement. Parmi ces dernières, on pouvait trouver la directrice générale de l'association nationale Wikimedia Nederland (groupe consultatif)[320], ou même celle de la Fondation Wikimédia (groupe de rédaction)[321] qui se mélangent aux participants bénévoles pour réaliser les activités.

Les associations nationales

 
Fig. 3.5. Les chapters Wikimédia en janvier (Source : https://w.wiki/32GY).
  • Chapters existants
  • Chapters approuvés, mais pas encore fondés
  • Chapters dont la création est planifiée
  • Chapters en discussion

On trouve ensuite dans le mouvement Wikimédia une quarantaine d'associations appelées chapitres (de la traduction littérale du terme anglais chapter). Ces organismes sont des satellites nationaux de la Wikimedia Foundation. Ils sont administrativement indépendants et autorisés à utiliser les marques déposées de la Fondation pour la collecte de fonds propres et l'organisation d’événements.

L'objectif de ces partenaires locaux est d'assurer un support local aux communautés d'éditeurs, tout en assurant la promotion et un certain lobbying au niveau des autres institutions locales[322]. Ces organisations assurent aussi le recrutement local de nouveaux contributeurs, comme cela peut se faire lors de réunions hors ligne où se mélangent de nouveaux contributeurs ou de nouvelles contributrices avec des personnes plus chevronnées.

Au même titre que l'association Wikimédia France créée le 23 octobre 2004 sous la loi 1901[323], toutes ces associations sont à but non lucratif et diffèrent les unes des autres selon leur taille, leurs financements, infrastructures, leur nombre de membres ou d'employés. Certaines profiteront d'un financement d'État comme c'est le cas de l'association polonaise[324] et italienne[325]. D'autres comme l'association suisse et allemande, la première à voir le jour[326], ont aussi le privilège de gérer indépendamment les messages de récoltes adressés aux résidents de leurs pays lors des campagnes de donations[327]. Pour la plupart des associations nationales, le financement provient donc de dons directs, bien souvent fiscalement déductibles ou de subventions accordées par la Fondation en réponse à un protocole rigoureux de demande et de rapport d'activités[328].

 

Comme l'indique une page du site Meta-Wiki régulièrement mise à jour (code QR ci-contre), ces associations étaient au nombre de 38 en novembre 2021[329], avec une représentation sur chaque continent habité. Cette liste est en constante variation puisque de nouvelles associations ne cessent d’apparaître chaque année, alors que d'autres perdent leur qualité d'affilié suite à un manque de réactivité face aux exigences imposées par la Fondation pour maintenir cette reconnaissance. Parmi ces associations, certaines sont bien entendu plus développées que d'autres et 21 seulement disposent de bureaux en fin d'année 2021[330].

Les groupes d’utilisateurs

 
Fig. 3.6. Carte de répartition géographique des chapitres et des groupes d'utilisateur Wikimédia (source :https://w.wiki/32GW).

Un groupe d'utilisateurs Wikimédia[331] est une possibilité d'affiliation simple et flexible qui demande moins de prérequis qu'un chapitre ou qu'une organisation thématique (tableau 3.6). Pour en créer un, il suffit en effet de rassembler au moins trois éditeurs actifs et accepter le code de conduite établi au sein du mouvement[332]. De manière exceptionnelle, selon l'avis de Pierre-Yves Beaudouin, président de l'association Wikimédia France en 2021[333], un groupe d'utilisateurs peut parfois évoluer en organisation locale que l'on appelle chapter en anglais.

 

Comme en témoigne la page du site Meta-Wiki consacrée aux groupes d'utilisateurs (code QR ci-contre), plus de la moitié des groupes d'utilisateurs se forment d'ailleurs en dehors d'une perspective de rassemblement local. En janvier 2021, ces groupes étaient au nombre de 138[332] et se répartissaient comme suit : 54 groupes nationaux, 32 groupes régionaux, 27 groupes linguistiques, 11 groupes thématiques, 16 groupes identitaires et de sensibilisation, 16 groupes d'aide aux projets et 8 groupes de soutiens techniques. Une liste qui, encore une fois, est appelée à varier régulièrement en fonction du respect des conditions de création et de maintien du statut accordé par la Fondation.

Les organisations thématiques et hubs

De manière beaucoup plus restreinte, il existe aussi à l'intérieur du mouvement Wikimédia des organisations thématiques, à l'initiative d'associations indépendantes à but non lucratif « créées pour soutenir et promouvoir les projets Wikimédia dans un domaine prioritaire et spécifié »[334]. Parmi celles-ci, on retrouve en fin 2021, l'Amicale Wikimedia fondée en 2008[335] ainsi que le projet WikiProjet Med fondé en décembre 2012[336]. L'Amicale Wikimédia s'intéresse à la langue et la culture catalane. Elle a pour mission première de veiller à ce « que la somme de toutes les connaissances humaines soit librement disponible en catalan et que toutes les connaissances sur la culture catalane soient accessibles à tous dans n'importe quelle langue »[337][338]. Elle fut aussi lauréate du prix national de la culture délivré par le Conseil de la Culture et des Arts (CoNCA)[339]. La Wiki Med Foundation Inc[340] quant à elle, a pour vision un monde dans lequel « chacun aurait un accès libre à toutes les connaissances biomédicales »[341]. Elle travaille pour cela en étroite collaboration avec l'association Traducteurs sans frontières dans un réseau international intitulé Healthcare Information For All[342].

Dans un souci de décentralisation et de partage du pouvoir initié par les recommandations incluses dans la nouvelle stratégie du mouvement adoptée pour 2030, certaines entités thématiques ou locales devraient voit le jour et d'autres gagner en autonomie sous forme de hubs[343]. Parmi ce type de confédérations, l'association sans but lucratif Wikifranca[344] fut créé en fin d'année 2021, suite au dépôt de ses statuts à Genève[345]. Ce projet qui organise chaque année depuis 2013 le mois de la contribution francophone[346] vise à présent à fédérer les entités francophones à l'intérieur du mouvement. Au niveau régional cette fois, le premier regroupement du genre pris naissance en 2010 sous le nom d'Iberocoop dans le but de confédérer des entités affiliées au mouvement et situées dans la zone ibéro-américaine. Suivront ensuite ESEAP Hub, qui permet la collaboration entre de nombreux pays de l'Asie de l'Est et du Sud-Est et quelques pays du nord de l'Indonésie, le South Asia Hub qui confédère les pays d'Asie du Sud, Northern Europe et Central and Eastern Europe qui regroupent respectivement des pays nordiques de l'Europe et les pays d'Europe centrale et orientale et enfin WALRUS et United States Coalition qui coordonnent et financent des projets aux États-Unis.

Tab. 3.7. Présentation des projets thématiques et de certains hubs du mouvement Wikimédia
 
L'Amicale Wikimedia est une organisation qui a pour mission de faire en sorte que l’ensemble du savoir humain soit aussi disponible en catalan et que le savoir sur la culture catalane soit aussi disponible dans chaque langue.
 
La Fondation et le WikiProjet Med a pour de promouvoir le développement et la distribution de contenu médical sur des projets Wikimédia, en donnant des conférences dans des universités et en travaillant pour développer un meilleur accès à la littérature médicale.
 
L'association Wikifranca est une collaboration entre les groupes francophones du mouvement Wikimédia, qu'ils soient affiliés ou non, dans le but d'encourager les activités dans les différents projets Wikimédia autant sur le Web que sur le terrain.
 
L'ESEAP est une plateforme qui encourage les communautés de la région à partager leurs expériences et leurs idées, et à trouver des opportunités de collaboration avec d'autres communautés d' Asie de l'Est et du Sud-Est et de quelques pays du nord de l'Indonésie.
 
L'Iberocoop a pour but de lier les chapitres et les groupes de travail locaux de l'Ibéro-Amérique afin d'établir un chapitre dans la région, renforçant ainsi la collaboration et l'échange d'expériences.
 
Wikimedia Europe centrale et orientale est un partenariat dont l'objectif principal est de stimuler la croissance de tous les projets Wikimédia de cette région et d'aider à la coopération et à la compréhension des projets individuels qui font partie de la région CEE.
 
La Coalition Wikimedia États-Unis est un cadre pour organiser la création d'un solide groupe de chapitres Wikimédia et d'organisations thématiques Wikimédia aux États-Unis, et de promouvoir la coopération entre eux.
 
WALRUS (Wikimedians Active in Local Regions of the United States) est une coalition d'individus et d'organisations basée aux États-Unis qui soutient l'édition de projets Wikimédia.

Les projets d’assistances

Par projets d'assistances, il faut entendre les projets d'aide à la création de contenus dans les projets Wikimédia ou à leur utilisation par les lecteurs. Dans l'exemple du projet Kiwix, c'est un accès hors ligne à toutes les versions linguistiques des projets Wikimédia qui est rendu possible[347], ainsi qu'à bien d'autres ressources pédagogiques libres extérieures au mouvement[348]. Parmi les utilisateurs potentiels de ce projet, on retrouve des étudiants de pays émergents, mais également des personnes en prison[349]. Dans un tout autre registre, le projet Lingua Libre a lui pour but de produire un corpus audiovisuel multilingue collaboratif sous licence libre[350]. L'ancien projet Afripedia[351] abandonné, l'actuel projet WikiAfrica[352] qui s'associe au projet multilingue Wiki In Africa[353] sont quant à eux principalement actifs sur le continent africain. Le projet Wikipedia Zero, inspiré de la campagne de marketing direct Facebook Zero, offrait un accès gratuit aux projets Wikimédia via le web mobile. Il fut, lui aussi, abandonné quand il fut constaté qu'il n'atteignait pas les objectifs espérés tout en soulevant des problèmes de neutralité[354].

Tab. 3.8. Projets d'assistance au sein du mouvement Wikimédia
 
Kiwix, est un logiciel informatique pour lire les projets Wikimédia hors ligne (accès au site).
 
Lingua Libre a pour but de produire un corpus audiovisuel multilingue collaboratif sous licence libre.
 
WikiAfrica vise à africaniser Wikipédia à travers différents réseaux, recherches, publications et événements.
 
Wiki In Africa a pour mission de rééquilibrer le type et la diversité des informations et des perspectives qui sont disponibles en ligne sur et à partir de l'Afrique.
 
Afripédia (archivé) fournissait un accès hors-ligne aux projets Wikimédia dans les pays africains.
 
Wikipedia Zéro (archivé) fut un projet visant à fournir un accès gratuit aux projets Wikimédia sur téléphone portable pour les populations ne pouvant financer un accès à Internet.

Les cycles de conférences et espaces de rencontres

 
Vid. 3.1. Vidéo d'introduction en anglais pour la rencontre Wikimania 2021 (source : https://w.wiki/4ePd)

Il existe dans le mouvement Wikimédia plusieurs cycles de conférences annuels ou bisannuels qui s'adressent chacun à un public différent. La plus importante est sans nul doute la conférence Wikimania[355] (vidéo 3.1[356]), qui s'adresse à toutes les personnes actives dans le mouvement, tout en étant accessible aux personnes extérieures. Elle est traditionnellement précédée par un Hackathon[357] durant lequel des programmeurs et d'autres personnes impliquées dans le développement informatique, graphistes, concepteurs d'interfaces, chefs de projet et autres, collaborent intensivement sur des projets logiciels. Le Hackathon est donc en ce sens le pendant du Edit-a-thon, un autre type de rencontre hors ligne dont le but cette fois sera de créer ou d'améliorer des articles Wikimédia. De nombreux édit-a-thon furent ainsi organisés à l'occasion des campagnes internationales Art+Feminism dédiées à la correction des biais de genre sur Wikipédia.

Tous les évènements Wikimédia[358] sont inscrits dans un agenda commun[359] mis à jour sur le site Meta-Wiki. On y retrouve les conférences, hackathons, édit-a-thons, mais également des concours, ateliers ou tout autre type de rencontres organisés par le mouvement. Certaines de ces rencontres peuvent aussi être organisées en périphérie du mouvement comme c'est le cas de l'Enterprise MediaWiki Conference qui rassemble depuis 2016 des utilisateurs publics, privés, commerciaux ou non, du logiciel MediaWiki[360]. D'autres peuvent aussi être d'envergure nationale ou internationale, et organisées sur un ou plusieurs jours selon les exemples repris ci-dessous. D'autres encore ne sont que des rencontres informelles[361] programmées par une association locale sous forme de WikiPermanences[362] durant lesquelles les Wikimédiens chevronnés aident les nouveaux arrivants. De manière plus conviviale enfin, des rencontres telles que celles intitulées « mardi c'est Wiki »[363], permettent aussi aux éditeurs et éditrices de se rassembler autour d'un verre.

Rencontres internationales

Rencontres nationales

À l'arrivée du Covid-19[364], la Fondation qui avait fermé ses bureaux dans l'optique de privilégier le télétravail[365], invita cependant le mouvement à suspendre les activités hors ligne afin de renforcer les activités numériques dans le but notamment d'aider les étudiants[366]. Suite à cette crise sanitaire, la conférence Wikimania fut tout d'abord annulée en 2020 et reportée en 2021, mais seulement en vidéoconférence[367] via la plateforme commerciale Remo. Cette période exceptionnelle aura aussi donné naissance à des conversations mondiales en ligne ouvertes à tous les membres du mouvement. Celles-ci ont rassemblé une centaine de personnes pas session dans le but discuter de la transition[368] du mouvement vers l'application des principes[369] et recommandations[370] édictées dans le plan stratégique 2030[371].

Les partenariats externes

Parmi les personnes actives dans le mouvement, certaines deviennent des wikimédiens ou wikimédiennes en résidence, dès qu'ils se mettent à travailler pour une institution externe. Celles-ci sont la plupart du temps de type GLAM (Galeries, Librairies, Archives et Musées), ou alors impliquées dans le domaine de l'éducation. Profitant de leurs expériences d'éditeurs actifs, ces personnes aident alors les organisations hôtes à éditer les projets Wikimédia, tout en encourageant la publication de documents sous licences libres tout en renforçant les liens avec le mouvement Wikimédia[372]. En 2019, pas moins de 170 postes de ce type avaient été recensés dans le monde, avec des contrats qui pouvaient varier entre quelques heures par semaine à plusieurs mois[373].

Outre les programmes de mise en résidence, d'autres partenariats furent aussi établis en relation, notamment et en premier lieu, avec le mouvement du logiciel libre. Le premier d'entre eux date de 2005, lorsque la distribution Linux KDE intégra du contenu de Wikipédia[374]. Viennent ensuite d'autres arrangements avec des fournisseurs de services tels que le projet OpenStreetMap[375], la free software foundation, l'Open Knowledge Foundation, l'association Creative Commons[376] et d'autres organisations proches de la mission Wikimédia telle que WikiToLearn.

 
Fig.3.7. Signature d'un contrat de partenariat entre Wikimédia France et le musée de Cluny en mars 2012 (source : https://w.wiki/4k5q)

Du côté étatique, certains projets plus ponctuels ont aussi vu le jour tel que Noongarpedia[377], un projet collaboratif avec le conseil australien de la recherche pour ajouter du contenu en langue Noongar et des informations sur cette culture dans les projets Wikimédia. Dans une perspective à plus long terme, une convention fut aussi signée entre l'association française et les Archives de l'Hérault pour enrichir cette fois la médiathèque Wikimédia Commons et compléter par la même occasion, les articles Wikipédia sur les notices concernant les fonds d'archives[378].

En Suède, ce sera avec l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) et l'association Cultural Heritage without Borders qu'un partenariat sera établi avec le mouvement dans le but de mettre sous licence libre des informations traitant de certaines formes d'héritages culturels en péril[379]. La Fondation établit aussi en 2019, un autre partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme dans le but d'améliorer la qualité et la quantité du contenu relatif aux droits de l’homme sur Wikipédia[380]. Plus récemment en 2020, c'est l'Organisation mondiale de la Santé qui se joignit au mouvement dans le but de rendre gratuit l'accès à des informations textuelles, graphiques et audiovisuelles produites lors de la pandémie Covid-19 avec mises à jour automatiques[381].

Il est ensuite important de signaler que le mouvement n'est pas réfractaire à l'idée de collaborer avec des entreprises commerciales, que ce soit pour bénéficier d'un support financier ou technique, ou encore diffuser le contenu des projets Wikimédia. Au niveau technique, un des premiers partenariats du genre apparut déjà en 2005, lorsque la Fondation établit un accord très médiatisé avec l'entreprise Yahoo[382] dans le but d'héberger le contenu des projets Wikimédia diffusés en Asie[383]. Avant Yahoo, Google avait déjà offert des services d'hébergement bien que la proposition soit restée sans suite[384]. Ce qui n'empêcha pas l'entreprise de garder contact avec la Fondation jusqu'à devenir un mécène important, avec un premier versement de 2 millions de dollars américain en 2010[385], bien supérieur à la contribution d'autres géants du Web tels que Facebook ou Amazon. Toujours du côté finance, 2013 fut ensuite l'année où un arrangement avec Coinbase vit le jour pour faciliter les dons offerts en bitcoins à la Fondation[386].

 
Vid. 3.2. Interview de Sandrine, professeure-documentaliste active avec ses élèves sur les projets Wikimédia (source : https://w.wiki/4PNV)

Google resta par la suite un partenaire de long terme, avec un nouveau soutien technique et financier de 2018[387] au projet Tiger, dédié au développement des langues minoritaires indiennes dans les projets Wikipédia[388]. En 2019 et après avoir versé encore plusieurs millions de dollars, ce géant du web[389] permit ensuite la création d'un plus grand contenu en langues locales suite à l'intégration de Google Translate dans les outils de traduction Wikimédia[388]. Tout ceci peut apparaître comme des aides techniques et financières importantes, cependant elles restent négligeables au vu des millions de dollars que possède la Fondation. De plus, l'indépendance financière de la Fondation repose sur des milliers de dons annuels privés d'en moyenne 15 dollars. En 2020, celle-ci bénéficiait d'une réserve budgétaire de plus de 166 millions de dollars[390], alors qu'en 2017 déjà, le journal Quartz estimait que la Fondation affichait une marge d'exploitation très enviable[391].

Concernant la diffusion du contenu des projets Wikimédia cette fois, c'est en 2007 que vit le jour un partenariat entre la Fondation Wikimédia et la société commerciale allemande Pediapress[392]. Le but ici était de permettre la vente de livres papier compilés au départ d'articles en provenance des projets Wikimédia avec toutefois une compensation financière de 10 %[393]. Plus tard, en 2009, un autre partenariat, controversé cette fois compte tenu de la présence de publicité, vit le jour avec la firme Orange. Celle-ci fut autorisée à fournir le contenu des projets Wikimedia sur ses portails web et mobile dans certains pays[394] mais profita de cette occasion pour glisser des encarts publicitaires[395]. Dans le contexte d'un projet plus global, arriva ensuite le projet Wikipédia Zéro dont la finalité était de fournir un accès gratuit aux projets Wikimédia via l'internet mobile. Dans ce cadre, la Fondation établit alors diverses collaborations avec des producteurs de hardware[376], des entreprises actives sur le Web et de nombreux opérateurs de télécommunication[396]. Plus récemment enfin, la maison d'édition Garnier, l'association Wikimédia France et le projet Wiktionnaire en français ont coordonné leurs efforts pour aboutir à la publication d'un dictionnaire papier intitulé Le Dico,

 
Vid. 3.3. Introduction à une série de vidéos destinées à « Enseigner Wikipedia Par Les Anecdotes » (source : https://w.wiki/4PPK)

À toutes ces collaborations officielles entre le mouvement Wikimédia et d'autres organismes, il faut encore ajouter de nombreuses collaborations informelles qui auront vu le jour au départ d'initiatives personnelles telles que celles pouvant venir d'enseignants. Dans diverses écoles ou universités, on demande parfois aux étudiants d'éditer ou d'étudier les projets Wikimédia (vidéo 3.2[397] et 3.3[398]). Alors que les cas les plus médiatisés concernent Wikipédia, il faut savoir que différentes collaborations s'organisent aussi avec d'autres projets frères. C'est le cas de Wikilivres avec des travaux personnels encadrés[399] et de Wikiversité aussi avec des collaborations interwiki[400], des projets personnalisés de scolarisation (PPS), des plans d'accompagnements personnalisés (PAP) et même des MOOCs produits par le centre national d'enseignement à distance (CNED)[401].

Au niveau de l'enseignement, il faut mentionner l’existence du site Wikimedia outreach déjà présenté et de son portail dédié au secteur de l’éducation[402]. Côté hors ligne, certains chapitres affiliés au mouvement organisent aussi des concours pour les étudiants[403]. Il existe ensuite la Fondation Wiki Education, ce spin-off de la Fondation Wikimédia qui sert de trait d'union entre le monde universitaire États-unien et Canadien, et les projets Wikimédia[404]. Et, toujours du côté universitaire, existe enfin le laboratoire CivilServant's Wikimedia studies qui travaille avec plusieurs communautés Wikimédia pour améliorer la rétention des nouveaux éditeurs et améliorer l'expérience et la motivation des plus expérimentés[405].

Tous ces projets, institutions, sites web, organisations, groupes et instances internes ou associés au mouvement composent donc en fin de compte l’organigramme Wikimédia. À l'intérieur de cette structure, s'articule ainsi tout un ensemble de réseaux formels ou informels, d'organisations et d'acteurs isolés, qui dans l'ensemble se rassemblent tous autour de valeurs partagées et du projet commun qu'est le libre partage des connaissances. Après en avoir fait le tour, on se rend bien compte qu'il s'agit là d'une organisation extrêmement complexe. Une complexité certes, mais qui n'en reste pas moins très saine, puisqu'en son sein, les principaux acteurs que sont les bénévoles restent libres de participation, alors que les associations et leur personnel œuvrent dans une totale indépendance des lobbys politiques et financiers.

Une complexité saine

Nous venons donc de découvrir que le mouvement Wikimédia est un vaste système ouvert où se retrouvent d'une part, une sphère d'activité numérique mondialement connue grâce au projet Wikipédia et d'autre part, une sphère d'activité hors ligne qui l'est beaucoup moins et dans laquelle la Fondation Wikimédia occupe une place centrale. Alors que les projets éditoriaux fonctionnent essentiellement avec des bénévoles, les instances hors ligne rassemblent quant à elles, de nombreux travailleurs rémunérés dont l'activité principale consiste à améliorer les infrastructures et à soutenir les bénévoles. Très peu concernés jusqu'à ce jour par la gouvernance des projets, les contractuels du mouvement sont dès lors plus actifs au niveau technique, logistique, administratif, juridique, financier et parfois organisationnel, mais uniquement alors dans le contexte d'événements d'envergures nationales ou internationales.

Dans une proportion beaucoup moindre, des bénévoles peuvent aussi être actifs ou actives hors ligne au niveau de la promotion, de la formation, de la gestion, de la coordination ou du développement de la stratégie. Réciproquement, de nombreuses personnes salariées peuvent être actives au niveau de l'espace numérique, dans le but cette fois d'améliorer les fonctionnalités des sites, d'en faire la maintenance, l'observation statistique, ou encore pour aider la communauté bénévole à organiser ou à financer des projets. Cependant, les salariés ne peuvent en aucun cas éditer les projets Wikimédia dans le cadre de leurs activités rémunérées de manière à ce que la justice ne puisse jamais considérer la Fondation comme éditrice responsable du contenu des projets, en plus de sa qualité d'hébergeuse. Libre à eux, bien sûr, de le faire dans les limites de leurs vies privées en utilisant un compte anonyme par exemple. Mais toujours est-il qu'un contrôle de ce type d'activité existe bel et bien et qu'un manquement à cette règle peut aboutir à un licenciement, ce qui s'est déjà produit[406].

À l'inverse, il est habituel que les bénévoles aient accès à la quasi-totalité des activités du mouvement, hormis sans doute certaines réunions ou activités réservées aux employés auxquelles je n'ai moi-même jamais eu accès. Ceci sans compter que tout le conseil d'administration de la Fondation et de toutes les autres organisations à but non lucratif affiliées au mouvement est composé de bénévoles. Ensuite, au niveau des comités de gestion, les groupes de travail, etc., il est fréquent de voir de simples bénévoles collaborer avec la directrice ou le directeur d'une association locale ou même de la Fondation. À l'inverse, les personnes rémunérées, y compris à l'extérieur du mouvement, ne sont bien souvent que tolérées dans la vie éditoriale des projets. Ces contributions rémunérées doivent en effet se faire dans le respect de règles de divulgation présentes dans les conditions générales d'utilisation des projets[407].

À l'intérieur de l'organisation Wikimédia apparait donc une double dualité de type bénévole/salarié et en-ligne/hors-ligne, qui n'empêche en rien les acteurs d'être connectés par moments et déconnectés à d'autres, ni de passer du statut de bénévole à celui de contractuel et vice versa. Le contributeur Sebleouf fait figure d'exemple lorsqu'il a ouvert un nouveau compte utilisateur intitulé « Seb en Résidence » lorsqu'il fut employé par l'Institut international pour la Francophonie de Lyon pour travailler un an sur le Dictionnaire des francophones. Une fois son mandat terminé, il est redevenu actif en qualité de bénévole et adressa ce message[408] à la communauté des éditeurs du projet Wiktionnaire francophone :

Tout au long de cette année, j’espère avoir été à l’écoute de la communauté et j’espère que mes modifications ne sont pas allées à l’encontre des usages en vigueur. N’hésitez pas à me faire part de toute remarque ou question sur des choses que j’aurais pu faire ou ne pas faire, je me tiens disponible pour en assurer le suivi. J’ai appris énormément de choses sur les façons de faire, la lexicographie en général et j’ai aujourd’hui une vision assez précise de ce qu’est une bonne entrée, une bonne définition. Aujourd’hui, avec mon compte personnel Sebleouf, j’ai l’ambition de continuer ces missions d’amélioration de la qualité à titre bénévole.

Si l'on ajoute à cette double dichotomie imbriquée, croisée et perméable, l’extrême diversité ainsi que l'autonomie des projets en interaction au sein du mouvement Wikimédia, on se trouve donc en fin de compte face à un système complexe. Or, pour aborder correctement ce genre de système, il est dès lors nécessaire d'adopter une pensée tout aussi complexe à l'image de ce que des auteurs tels qu'Edgar Morin ou Ken Wilber ont pu déjà réaliser. Une telle pensée est très exigeante. Non seulement elle demande d'aborder le sujet d'étude de manière holistique, mais elle demande en plus de le faire selon différentes « causalités » (linéaire, récursive, circulaire et rétroactive)[409], tout en acceptant différentes vérités situées dans quatre « quadrants »[410] qui offrent chacun une vérité située au départ d'un point de vue intentionnel, psychologique, culturel et social. Ce qui débouche donc parfois sur une nécessaire coexistence de pensées contradictoires lorsque l'on constate par exemple que le « tout est à la fois plus et moins que la somme des parties »[409].

 
Fig. 3.8. Carte mentale du Mouvement Wikimédia en 2019 (source : https://w.wiki/4LYU)

Des premières tentatives de développement d'une pensée complexe au départ du concept d'autopoïèse[411] et de stigmergie, un autre concept nomade emprunté à la biologie des insectes sociaux a déjà vu le jour dans le but d'expliquer l’auto-organisation de l'encyclopédie Wikipédia. Selon ce principe, le développement de l'encyclopédie pourrait s'expliquer, en partie pour le moins, par un enchaînement de réactions des contributeurs provoquées par les traces laissées suite aux actions précédemment faites par d'autres contributeurs[412]. Au travers des éditions, corrections, messages, et autres types d'interventions des contributeurs, apparaîtrait donc un système de motivation réciproque, qui serait entretenu par un principe d’action et réaction[413].

J'aimerais quant à moi, m'efforcer d'expliquer pourquoi la complexité du mouvement Wikimédia m’apparaît plus saine que bien d'autres organisations sociétales à dimensions planétaires. Rappelons-nous effectivement que le mouvement a pour vision de développer un système de partage des connaissances humaines au niveau mondial. Pour atteindre cet objectif, il faut donc bien instaurer quelques stratégies afin d'éviter de retomber dans les erreurs du passé. Pour ce faire, le mouvement Wikimédia semble avoir tenu compte de manière inconsciente de cette composante importante dans l'organisation de la vie sociale que représente le nombre de Dunbar. L'intérêt de ce chiffre qui se situe entre 100 et 203 individus, selon les capacités cognitives de chacun, est qu'il détermine, selon son auteur, le nombre de personnes au-delà duquel il devient impossible d'établir des relations de confiance et une communication interpersonnelle de qualité[414]. Selon cette information, il apparait donc astucieux de maintenir au sein d'une grande structure complexe, un grand nombre de petits groupes autonomes mais interdépendants. L'avantage d'une telle structure organique sera de rester saine au niveau des relations interpersonnelles limitées à des groupes restreints, mais tout en regroupant ces groupes autour d'une cause commune.

Cette cause, nous l'avons vu, repose sur un projet d'avenir global, axé sur le partage libre et universel de toutes les connaissances. Dans d'autres cas par contre, elle peut tout aussi bien reposer sur l'idée d'une nation commune ou sur l’existence d'une croyance transcendantale partagée. Cependant, dans ces deux cas de figure, l'histoire nous montre qu'il existe de fortes probabilités pour que la structure globale qui en découle prenne la forme d'un état ou d'une religion. Ce à quoi ne ressemble pas du tout le mouvement Wikimédia, puisque tant au niveau d'un état que des religions, apparaissent des hiérarchies statutaires et un bon nombre d'instances dirigeantes imbriquées les unes dans les autres. Tout à l'opposé, ce que l'on retrouve dans le mouvement Wikimédia, c'est une cohabitation non hiérarchisée de groupes autonomes fondée sur un principe d'entraide et en l'absence de toutes relations coercitives. Une sorte de confédération d'organisations qui si l'on reprend les termes utilisés par l’anthropologue Charles Macdonald, se situe entre organisations « anarcho-grégaires » et « socio-hiérarchiques »[415].

Le mouvement Wikimédia apparait donc sous cet angle, comme une façon originale et intéressante de penser l'organisation du monde global et numérique. On pourrait d'ailleurs y voir l’émergence d'une première société démocratique mondiale. Une sorte d'application de la sociocratie[416] ou de l'holacratie à un niveau planétaire, dans lequel les différents groupes d'humains autonomes seraient vu tels des « holons »[417] sociaux. Ou autrement dit, comme un ensemble d'organismes autosuffisants capables de gérer des imprévus sans forcément ou obligatoirement se référer à une autorité supérieure. Ce dont découle finalement toute l'organisation sociale, économique, technique et politique complexe dont fait preuve le mouvement Wikimédia.

Conclusion : Une recherche d'équité dans le partage de la connaissance

 
Fig. 3.9. Photo de la foule des participants lors de la rencontre Wikimania 2016 (source : https://w.wiki/56i3)

Le moment est donc venu de conclure en retenant que le mouvement Wikimédia est bien plus vaste qu'une simple encyclopédie tout en étant aussi beaucoup plus complexe. Dans l'écoumène numérique, que certains préféreront appeler cyberespace, tout ce que ce mouvement a construit représente un « espace du savoir »[418] par excellence. C'est même la plus grande source de savoir qui nous est offerte à ce jour et peut-être aussi, la dernière de cette taille, à ne pas avoir été absorbée par l’« espace des marchandises »[418]. Car l'écoumène numérique, tout comme dans son homologue terrestre, est devenu le théâtre d’une lutte entre un désir de partage autonome qui s'oppose à un autre désir de contrôle et de profit commercial ou politique.

Initialement conçu comme espace d’émancipation, l'écoumène numérique n'aura pas non plus échappé aux phénomènes d’exclusions sociales[419]. Tous les êtres humains n'ont effectivement pas le privilège de devenir utilisateur de cet espace et encore moins du réseau Internet[420]. D'ailleurs, comme le disait Karl Polanyi en 1944 déjà : « au lieu que l'économie reste ancrée dans les relations sociales, ce sont les relations sociales qui sont devenues tributaires du système économique »[421][422]. Une situation dont certains membres du mouvement Wikimédia semblent être parfaitement conscients lorsqu'ils constatent qu'au niveau des projets Wikimédia, des inégalités existent et persistent.

Pour ces raisons sans doute, le mouvement aspire aujourd'hui à atteindre une certaine forme d'équité. Pour y arriver, chacun de ses membres fut invité à discuter l'élaboration d'une stratégie pour 2030. Arrivée à terme, celle-ci a finalement pour ambition de construire un monde plus juste dans le partage de la connaissance et plus sain dans son utilisation. C'est là en tout cas ce qui ressort de la synthèse des objectifs fixés par le mouvement Wikimédia[423] dans le cadre de sa mise en œuvre :

La connaissance en tant que service : Pour servir nos utilisateurs, nous deviendrons une plate-forme offrant des connaissances libres à travers le monde, sans limites d'interfaces ni de communautés. Nous bâtirons des outils pour que nos alliés et partenaires puissent organiser et partager des connaissances libres au-delà de Wikimédia. Notre infrastructure permettra que nous et d'autres puissions rassembler et organiser différentes formes de connaissances libres crédibles.

L'équité au sein de la connaissance : En tant que mouvement social, nous focaliserons nos efforts sur les connaissances et les communautés qui ont été exclues des structures de pouvoir et de privilège. Nous accueillerons des personnes de toutes les origines pour construire des communautés fortes et diverses. Nous surmonterons les obstacles sociaux, politiques et techniques qui bloquent l'accès et la contribution des personnes aux connaissances libres.

Remerciements

Étant sujet à une certaine dysorthographie, je débute donc ces remerciements avec une pensée amicale envers toutes les personnes qui ont pris le temps de corriger l'orthographe de mes écrits. Dans cette même optique, je salue aussi au passage tous celles et ceux qui ont contribué à la production et au partage de correcteurs automatiques libres. J'en utilise effectivement trois différents de telle sorte à minimiser autant que possible le travail de mes relecteurs. Le premier est le correcteur natif de mon navigateur, le second est LanguageTool que j'ai utilisé dans sa version gratuite et le dernier, qui m'est apparu de loin comme le plus complet, est Grammalecte, un logiciel libre que l'on peut installer aussi bien sur Firefox que LibreOffice.

Au-delà de la forme, il me faut à présent remercier toutes les personnes qui m'auront assisté, corrigé, motivé, ou soutenu d'une manière ou d'une autre, au cours de la réalisation de ce travail de recherche. Je pense bien sûr à toute la communauté Wikimédia que je considère être la coautrice de ce travail, mais aussi aux membres du laboratoire d'anthropologie prospective, de ma famille et de mon entourage. Rien qu'au niveau de la communauté Wikimédia, c'est à coup sûr plus d'une centaine de personnes qui m'ont apporté leur aide, tant au niveau de l'amélioration de la forme de mon travail, lors de corrections discrètes et ponctuelles, qu'au niveau du fond, lors de nombreux échanges réalisés à de nombreuses occasions et dans de nombreux espace de discussion.

Plutôt que de parcourir des centaines de pages Web, pour y récolter les noms ou les pseudonymes de toutes ces personnes, et finalement en oublier certaines, je préfère donc rester équitable envers tous, en m'abstenant ici de citer qui que ce soit. Au lieu de cela, je trouve qu'il est préférable finalement de remercier tous les bénévoles du monde entier. C'est-à-dire toutes ces belles personnes que l'on retrouve dans le mouvement Wikimédia, mais aussi dans d'autres mouvements ou organisations, dans les familles, des groupes d'ami·e·s ou d'inconnus, et finalement en chacun d'entre nous, lorsque l'on partage ce que l'on a de manière bienveillante. Car au bout du compte, qu'il s’agisse de toute la consécration d'une vie ou d'un simple sourire, ce sont toutes ces actions bénévoles qui rendre notre monde plus beau. Ne l'oublions jamais.

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  118. Wikimedia Foundation Wiki, « Meetings/November 13, 2005 »
  119. The main reason why the Wikimedia Foundation doesn't want to "turn it loose" is pure bureaucratic BS and a fear that it will turn into another Wikispecies. Wikispecies is a cool idea, but the "founders" of the project got cold feet part-way into putting in content and decided to do a major revision that took more time than anybody was willing to put into it. The same issue applies to Wikiversity so far as the Foundation is concerned, because the goals and purposes of this project are not clearly defined, and it seems like the participants are trying to bite off more than they can chew by proposing an entire multi-college research university (with Carnegie-Mellon research status and accreditation as well) to be formed out of whole cloth rather than a simple adult education center with a few classes. If more thought is done on how to "bootstrap" this whole project, perhaps some thoughts on how to convince the Foundation board to let a separate wiki be kicked loose to let this project try to develop on its own can be made.--Rob Horning 11:21, 14 August 2005 (UTC)
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  122. Wikiversité, « Wikiversité »
  123. six months, during which guidelines for further potential uses of the site, including collaborative research, will be developed
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Bibliographie

Le mouvement Wikimédia/Bibliographie