Le domaine public/Le régime du domaine public
Trois traits caractérisent ce régime :
En premier lieu, son caractère exorbitant et son originalité par rapport au droit privé. Classiquement, il est fait à la fois de prérogatives et de sujétions (ex. : alignement, inaliénabilité, obligation d’entretien…).
En deuxième lieu, il faut relever sa diversité. Tous les biens du domaine public ne sont pas soumis uniformément au même régime (ex. : alignement, police de la conservation).
Enfin, c’est un régime dont les règles visent à s’adapter à deux objectifs majeurs : protéger le domaine public et lui permettre de remplir au mieux sa fonction d’intérêt général.
- Plan
Section 1 : La propriété du domaine public
Section 2 : L’utilisation du domaine public
Section 3 : La protection du domaine public.
SECTION 1ère : LA PROPRIÉTÉ DU DOMAINE PUBLIC
modifier- L’idée que les dépendances domaniales puissent être propriété des personnes publiques a longtemps été contestée.
Les auteurs considéraient que le domaine public était insusceptible de propriété et que les personnes publiques exerçaient sur lui des droits d’une autre nature. Il Ils en voulaient pour preuve que si elles disposent de l’usus, du fructus, elles n’ont pas l’abusus puisqu’elles ne peuvent pas aliéner les biens du domaine public.
Cette théorie est depuis longtemps dépassée.
- La jurisprudence a cependant expressément admis à plusieurs reprises la propriété des personnes publiques sur le domaine public.
Du reste, de nombreuses solutions du droit positif ne peuvent s’expliquer sans recours à l’idée de propriété : possibilité d’exercer des actions possessoires, ou d’imposer aux voisins la cession de mitoyenneté.
Elles ont été confirmées dans la période récente puisque deux décisions, l’une de la Cour de cassation, l’autre du Conseil d’État ont réaffirmé que la règle de l’accession posée par l’article 551 du code civil, selon laquelle « tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose appartient au propriétaire » s’applique aussi bien aux dépendances du domaine public qu’aux propriétés privées.
Cass. crim., 19 novembre 2004, v. C. Lavialle, L’affaire dite des « paillotes », et la domanialité publique, RFD adm. 2005, p. 105 : « du seul fait qu’il est propriétaire du domaine public maritime naturel auquel elles étaient attachées à défaut d’autorisation d’occupation temporaire, l’Etat a acquis la propriété des paillotes « Chez Francis » et « Aria Marina » par accession et ce dès la construction de celles-ci et à mesure de leur édification …. ».
CE, ord. du 20 janvier 2005, Commune de Saint Cyprien, req. n° 276 475 : un bâtiment construit par le titulaire d’une autorisation d’occupation et que ledit titulaire n’a pas démoli au terme de son autorisation est devenu la propriété de la commune par voie d’accession si bien que la lettre par laquelle le maire lui a fait connaître son intention de procéder à la démolition n’a pas constitué une atteinte grave à une liberté fondamentale de nature à justifier la mise en œuvre de la procédure particulière du référé liberté.
Sur sur les problèmes et critiques soulevées par l’application de cette règle au domaine public : E. Fatôme, À propos de l’incorporation au domaine public, AJDA fév. 2006, p. 293 ; M. Lecerf et G. Blanc, Entreprises publiques et domaine public, JCP E 1998, n° 19 et 20, p. 739 ; Ph. Godfrin et M. Degoffe, Droit administratif des biens, A. Colin, 7ème éd. 2003, p. 145.
- Cette propriété est néanmoins d’un genre un peu particulier. Par certains côtés, elle ressemble à la propriété privée, par d’autres, elle s’en distingue.
Et notamment, ce qui l’en différencie, c’est l’affectation du bien qui confère à la propriété du domaine public le caractère de propriété administrative, selon la formule de Hauriou.
Deux (?) problèmes à examiner :
- Comment l’administration acquiert-elle des dépendances du domaine public ?
- Quels sont les rapports entre le domaine public et le voisinage ?
- Comment l’administration peut-elle disposer des biens du domaine public ?
§1er : L’acquisition du domaine public
modifierDeux procédés ou types de procédés :
- De droit commun ;
- Exorbitants du droit commun.
A - Les procédés de droit commun
modifier1) Procédés d’acquisition à titre gratuit
Ce sont des procédés prévus par le Code civil qui n’impliquent pas la mise en œuvre d’aucune prérogative de puissance publique.
a) Le premier est celui de la succession en déshérence prévue par l’article 539 du Code civil et repris par l’article 23 du Code du domaine de l’État. Les biens des personnes qui décèdent sans héritier ou dont la succession est abandonnée appartiennent à l’État.
b) Le second concerne les biens vacants et sans maître. Mêmes dispositions. Elles prévoient que si pendant une longue durée, le propriétaire d’un bien ne se manifeste pas et s’il ne se fait pas connaître à la suite d’une procédure tendant à assurer la publicité de l’opération, un arrêté préfectoral suffit à constater l’attribution à l’État de la propriété du bien.
c) Valeur mobilière : Quand au bout de trente ans, les propriétaires de sommes d’argent, actions, obligations, titres déposés auprès des banques ne se sont pas manifestés, ces valeurs sont transférées à l’État.
Les banques ou autres dépositaires sont tenus d’informer l’État de l’échéance de la prescription trentenaire.
d) Enfin, dernière hypothèse, qui implique une manifestation de volonté de la part des propriétaires des biens : les dons et legs faits à des œuvres hospitalières ou à des bibliothèques ou encore des musées.
Les règles applicables sont les suivantes :
- Ces dons et legs doivent être acceptés par leurs bénéficiaires ; arrêté ministériel de délibération de l’organe délibérant de la collectivité publique bénéficiaire,
- Si les dons et legs font l’objet d’une opposition, ou s’ils sont grevés de charges ou d’affectations, il faut qu’ils soient acceptés par décret en Conseil d’État.
2) Procédés d’acquisition à titre onéreux
a) Les biens mobiliers
Le moyen le plus simple est le contrat de fourniture. Ce contrat peut être administratif ou de droit privé, mais par essence, ce n’est pas un procédé de droit public.
b) Les biens immobiliers
Les règles sont plus complexes. Mais le procédé peut être le même : ce sera celui du contrat.
Toutefois ce contrat doit être conclu dans le respect de certaines règles :
- Toute opération immobilière, et notamment d’acquisition d’immeuble, doit être précédée d’un avis de la commission de contrôle des opérations immobilières (Décret 1986) ; - Le service du domaine doit également être consulté sur le prix de l’opération ; - En principe, l’acte doit être dressé devant notaire. Mais si l’affaire est réalisée par l’État, il pourra être dressé en la forme administrative par le seul préfet. Cela suffit à lui conférer le caractère d’acte authentique.
B - Les procédés exorbitants du droit commun
modifierProcédé de délimitation du domaine public maritime. Le simple mouvement de la mer va intégrer au domaine public des biens qui appartenaient auparavant aux particuliers ;
Procédés qui ont déjà été évoqués : alignement ;
D’autres encore : L’expropriation ; le droit de préemption ; la réquisition.
• Réquisition militaire (loi de 1877 qui permet à l’Armée d’acquérir les fournitures dont elle a besoin en cas de mobilisation ou quand les circonstances l’exigent).
• Réquisition civile : parfois en pleine propriété, mobilisation manifeste aux tensions extérieures.
N.B. : Ces trois derniers procédés ne sont pas propres au domaine public. Ils peuvent permettre aussi bien l’acquisition de dépendances du domaine privé que celle de biens du domaine public.