Droit des sociétés/Les sanctions de violation des règles de constitution
S’il manque une condition de validité, la sanction est la nullité de la société.
Section 1. La nullité de la société
modifierCette nullité de droit commun ferait courir de graves inconvénients pour les tiers. Le législateur adopte une politique sur la nullité.
§1. Les causes de nullité
modifierA. Les solutions traditionnellement admises.
Un principe fondamental : pas de nullité sans texte. Il faut qu’il y ait un texte pour que la nullité soit prononcée. L’art L. 235-1 code de commerce (loi 1966) : la nullité d’une société ou d’un acte modifiant les statuts, cette nullité ne peut résulter que d’une disposition express du livre 2 code de commerce ou des lois qui régissent la nullité des contrats. Pour ce qui concerne les nullités de société, il y a un seul cas prévu par art L. 235-2 : l’accomplissement des formalités de publicité en matière de SNC ou SCS est requis à peine de nullité.
Ce cas de nullité est théorique compte tenu du contrôle du greffier pendant l’immatriculation au RCS. - Pour la nullité des actes modificatifs de statuts, on a des dispositions express et spécifiques.
Les dispositions régissant les nullité des contrats
- Les causes de nullité du droit commun des contrats : absence d’objet, de cause, la fraude, vice du consentement.
- L’art L. 235al 1 : la nullité d’une SARL ou société par action ne peut résulter d’un vice du consentement ni d’un incapacité sauf quand celle ci n’atteigne tous les associés fondateurs.
- Les nullités fondées sur les causes relatives aux sociétés.
Art 1844-10 CC précise que la nullité de la société peut résulter de la violation des art 1832 et 1833 CC. Art 1832CC : il faut les apports, l’AFFECTIO SOCIETATIS et pour celles ne pouvant se créer sous forme unipersonnelle avec un seul associé. Il ne peut y avoir de nullité de la société toute entière en cas de clause léonine prohibée car dans ce cas là c’est la clause qui est réputée non écrite et donc laisse subsister la société elle même.
art 1833CC : il peut y avoir nullité pour illicéité de l’objet ou absence d’intérêt commun des associés.
B. La possible remise en cause des solutions par le biais du droit communautaire.
Directive 09.03.1968 sur les SARL et sociétés par action seulement.
Cette directive prévoit dans son article 11 : seuls les cas de nullité d’une société commerciale sont les suivants :
– défaut d’acte constitutif ou inobservation des formes de contrôle préventif.
– Le caractère illicite ou contraire à l’ordre public de l’objet de la société.
– L’absence dans les statuts de toute indication quand à la dénomination de la société ou des apports ou du montant du capital social ou de l’objet social.
– L’inobservation des dispositions de la législation nationale relative à la libération du montant minimal du capital social.
– L’incapacité de tous les associés fondateurs.
– L’hypothèse d’une société d’une personne quand cela n’est pas autorisée par la loi nationale.
Pas de problèmes pour les causes de nullité qui ne sont pas reprises par le législateur national car celui ci peut très bien adopter une position plus restrictive que celle de la directive européenne. Le but du législateur européen est de restreindre les causes de nullité.
Quand une cause de nullité prévue par le législateur national mais ne figurant pas dans la liste de l’art 11 à propos d’une société par action ou SARL. Arrêt CJCE Marleasing 13.11.1990 : le juge national doit interpréter sa propre loi conformément aux directives, les cas énumérés par l'article 11 sont limitatifs et doivent être interprétés de façon restrictive. Cet arrêt répond aux questions posées. Ainsi il ne peut y avoir de nullité pour absence de cause ou cause illicite car elles ne sont pas visées par le texte. Et concernant la violation de l’ordre public par l’objet de la société, on se réfère à l’objet social statutaire et non à l’activité régulièrement exercée.
Jusqu’à 2015 les juridictions françaises ne tiennent pas compte de cette directive. Quelques unes prononcées relatives à la cause ou à l'absence d’apports. Une exception du CA Paris 21.09.2001 : c’était une nullité d’une SA en raison d’apports fictifs. Cette cause est écartée par application de l’article 11 de la directive car ce n’est pas une cause de nullité autorisée par celle ci.
Depuis 2015 et un arrêt de la Cass.Com, 10 décembre 2015, la chambre commerciale rejoignit la position de la CJCE en ne considérant que l’objet statutaire pour déclarer la nullité d’une société.
§2. L’action en nullité
modifierPour les titulaires de l’action. Il faut distinguer nullité absolue et relative Pour la prescription de l’action, art 1844-14 CC. Un délai de prescription de 3 ans dès le jour où la nullité est encourue.
Il ne faut pas de régularisation de celle ci. La politique restrictive du législateur se traduit par le fait que la régularisation de la situation de la société est favorisée. Art 235-3 à 235-5 code de commerce. L’action en nullité est éteinte si la cause de nullité a cessé le jour où le tribunal statue au fond en première instance, ceci sauf pour la nullité fondée sur l’illicéité de l’objet social.
Le tribunal peut accorder des délais pour réguler cela et doit même le faire si une assemblée doit être convoquée pour faire cette régularisation.
En cas de nullité pour vices de consentement ou incapacité, l’art 1844-12 du Code Civil permet à chaque associé de mettre en demeure celui qui peut agir en nullité d’avoir à agir. Les autres associés peuvent mettre en demeure celui qui peut invoquer cette cause à agir. L'alinéa 2 permet de proposer le rachat des droits sociaux de cet associé susceptible d'agir en nullité, afin de faire disparaître son intérêt à agir.
§3. Les effets de la nullité
modifier3 règles.
- Art 1844-15 CC et 235-10. Lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin sans rétroactivité à l’exécution du contrat. À l’égard de la personne morale qui a pu prendre naissance, la nullité produit les effets d’une dissolution prononcée par justice. La nullité de la société n’a pas d’effets rétroactifs, tous se passe comme une dissolution.
- ART 1844-16 et 235-12. Ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir de la nullité de la société à l’égard des tiers de bonne foi. Une exception : pour l’associé incapable ou celui dont le consentement est vicié. Cette règles s‘applique pour la nullité des sociétés et celle des actes modifiant les statuts.
- Art 1844-17 et 235-13. L’ouverture d’une action en responsabilité à l’encontre des associés qui sont à l’origine de l’annulation. Cette action se prescrit par 3 ans du jour ou la demande d’annulation est passée en force de chose jugée.
Section 2. Les autres sanctions prévues
modifierLe champ d’application des nullités très restreints. Le législateur amène d’autres remèdes aux irrégularités des constitutions. Les textes sont issus de la loi 24.06.1970 repris dans le CC. - ART L.210-7 al 2 : concernant les statuts qui ne contiennent pas toutes les mentions exigées par la loi ou une formalité prescrite pour la constitution de la société a été omise ou irrégulièrement accomplie. Tout intéressé peut demander en justice que soit ordonné sous astreinte la régularisation dans un délai de 3 ans dès l’immatriculation ou s’il s’agit d’une décision modificatrice, de son inscription au RCS. - Art L. 210-8 : une responsabilité solidaire des fondateurs, des premiers membres des organes de direction, d’administration et de surveillance pour le préjudice causé par les manquements visés par l’art L.210-7.
Si ces actions sont indépendantes des actions en régularisation et responsabilité pour annulation, ce sont en fait des actions qui ont vocation à jouer quand l’annulation n’est pas possible.