Climat et écocitoyens/Présentation des circuits courts alimentaires
Définition
modifierLes circuits courts alimentaires sont définis depuis 1999 par le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche comme « un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte, à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire ». Il existe plusieurs types de vente directe (vente à la ferme, vente collective, vente sur les marchés, vente organisée à l’avance comme les AMAP ou encore l’accueil à la ferme avec consommation sur place des produits de la ferme) et de vente indirecte avec un seul intermédiaire (vente à la restauration, vente à un commerçant-détaillant…) Sont vendus en circuits courts fruits, légumes, viandes, fromages, vins et ce mode de consommation est davantage développé dans certaines régions de France, comme le Sud-est, le Nord et l’Alsace. Il reste minoritaire en France mais prend de plus en plus d’ampleur : selon l’Agreste (service de la statistique agricole du ministère de l’agriculture), un producteur français sur 5 vend en circuit court, soit 10% des agriculteurs représentant 107 000 exploitations agricoles. Ces produits distribués dans le cadre des circuits courts ne sont pas nécessairement issus de l’agriculture biologique. En effet, donner préférence à l’agriculteur le plus proche ne signifie pas que celui-ci ait fait le choix d’un mode de production biologique et raisonnée. Cependant, circuits courts et nourriture biologique sont souvent liés.
Historique, contexte
modifierIl faut rappeler que la distribution des produits alimentaires en circuits court constituait un mode de consommation très répandu historiquement, notamment à travers les marchés locaux. Ce n’est qu’avec l’arrivée des grandes et moyennes surfaces dans les années 1960 que celle-ci s’est amoindrie dans un contexte d’urbanisation croissante. Cependant, en 1988, 27% des exploitations agricoles pratiquaient encore la vente directe. Et celle-ci connaît un regain de popularité depuis une dizaine d’années. En effet, les hypermarchés sont de plus en plus inadaptés aux modes de vie et aux valeurs des consommateurs. D’une part, les consommateurs recherchent de plus en plus des produits du terroir, des aliments biologiques et des produits locaux du fait d’exigences en termes de goût, de respect de l’environnement et de traçabilité. D’autre part, la part de personnes dans la population vivant seule augmente et la mobilité des personnes âgées vivant de plus en plus longtemps étant réduite, davantage de consommateurs se tournent vers les commerces de proximité.
Avantages
modifierLe succès des circuits courts trouve son origine dans les enjeux économiques, sociaux et environnementaux auxquels ils répondent. D’une part, les circuits courts sont stimulants d’un point de vue économique car ils génèrent un système gagnant-gagnant : le consommateur se procure des produits frais à un prix raisonnable tout en connaissant la traçabilité du produit tandis que le producteur accroît ses revenus tout en réduisant ses coûts de commercialisation. En outre, les circuits courts sont favorables au maintien et à la création d’emploi en milieu rural. D’autre part, la vente directe permet de recréer du lien social entre consommateurs et producteurs à travers un simple contact ou au-delà via des ateliers de jardinage, de cuisine… Enfin, la relocalisation de l’économie a un impact concret en matière de lutte contre les changements climatiques via la diminution des dépenses énergétiques. En effet, les circuits courts réduisent le transport des produits, nécessitent moins d’emballage et de conditionnement et permettent de limiter l’étalement urbain par le maintien d’une agriculture périurbaine. Et les producteurs qui ont recours à ces circuits de vente polluent moins en général car ils choisissent le plus souvent une agriculture biologique ou raisonnée.
Difficultés
modifierSi la vente de proximité se développe progressivement, elle reste cependant un mode de consommation minoritaire du fait des difficultés qu’elle sous-tend. Premièrement, si la demande des consommateurs en termes d’achat de produits locaux ne cesse de croître, les producteurs n’ont pas toutes les clés en mains pour répondre aux besoins : la faiblesse de leur production peut par exemple les empêcher de répondre à un appel d’offre en matière de restauration collective, le manque de terres agricoles et particulièrement à l’approche des villes les éloigne des consommateurs, et le risque de dépendance vis-à-vis clients peut leur faire peur. En conséquence, les citadins ont en général plus de difficultés à s’approvisionner et il faut attendre en moyenne un an avant de pouvoir intégrer une AMAP. Deuxièmement, la consommation de produits locaux exige du consommateur une tolérance en termes de diversité des produits et de régularité de la vente. En effet, le producteur ne peut pas assurer en général une offre régulière et pérenne car sa production dépend des saisons et des aléas du climat. Troisièmement, la vente directe est génératrice d’une charge de travail et de coûts supplémentaires : en effet, il faut prendre le temps pour vendre les produits et se mettre en capacité de conserver ces produits (chaînes du froid, locaux supplémentaires…), or les petits producteurs devant investir dans des équipements coûteux sont également ceux qui peinent à obtenir un crédit bancaire.
Limite sur le plan écologique
modifierAu-delà de toutes ces difficultés propres au producteur et au consommateur, il est nécessaire de s’interroger sur le réel impact écologique des circuits courts : ces derniers sont-ils nécessairement générateurs de ‘gains écologiques’ ? Il est assez difficile d’avoir un avis tranché sur la question même si de nombreux indicateurs ont vu le jour pour calculer notamment les économies de matières et d’énergie engendrées par la consommation de produits locaux. Un des premiers indicateurs qui a popularisé les circuits courts est le food mile, soit l’indicateur du kilomètre alimentaire qui permet de calculer la distance que parcourt la nourriture entre son lieu de provenance et son lieu de destination, c'est-à-dire là où elle est consommée. Mais cet indicateur montre ses limites car il ne prend pas en compte des paramètres importants comme le mode de transport, le chargement du véhicule, si ce dernier fait un retour à vide... D’autres indicateurs peuvent sembler plus pertinents pour estimer l’impact global d’un produit sur l’environnement comme l’analyse du cycle de vie du produit ou de son empreinte écologique. Ces indicateurs restent cependant complexes, difficiles à manier et d’autres sont à créer. Ils peuvent tout de même nous fournir des renseignements intéressants qui décrivent une tendance globale : les circuits courts ont un impact moins important sur l’environnement que les circuits longs de manière générale car ils utilisent moins de ressources énergétiques en termes de transport, de fabrication et de destruction des packagings… Cependant, au niveau de la vente de proximité, il faut veiller à éviter certains pièges comme la démultiplication des déplacements avec des quantités faibles de produits.
Intervention des collectivités
modifierLes collectivités territoriales interviennent aujourd’hui pour soutenir les circuits courts alimentaires de plusieurs façons. D’une part, elles mènent un travail de sensibilisation des consommateurs. D’autre part, elles peuvent contribuer à l’augmentation de l’offre en favorisant l’installation de producteurs via la préservation des espaces ruraux et périurbains. Dans ce sens, les communes peuvent notamment avoir recours à leurs prérogatives en matière foncière. Les collectivités ont également un rôle à jouer dans le maintien ou la création d’équipements collectifs (abattoirs, ateliers de transformation, lieux de vente…) qui soutiennent l’activité des producteurs. Enfin, les collectivités peuvent agir par le biais de la commande publique : elles peuvent par exemple privilégier l’approvisionnement des cantines scolaires en produits locaux.
Les AMAP
modifierLes circuits courts}alimentaires ont connu un renouveau avec la création des AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne) au début des années 2000.
Ces structures impliquent un partenariat entre un producteur et un groupe de consommateurs qui s’engagent à acheter une partie de la production sur l’année.
Il s’agit d’une vente directe puisque toutes les semaines, les clients viennent chercher leur panier de légumes (mais également fruits, œufs, fromage, viande) en échange d’une adhésion versée à l’avance.
Dans les AMAP, il existe une vraie relation d’échange entre le producteur et les consommateurs car ces derniers peuvent exprimer leurs remarques, questions, (in)satisfaction, idées et initiatives pour améliorer le fonctionnement du projet et le producteur se doit d’être réceptif en prenant en compte ses remarques. Certains consommateurs s’impliquent même davantage en aidant le producteur à s’installer ou en participant à des chantiers ponctuels comme le désherbage. La première AMAP a été créée à Aubagne (Bouches du Rhône) en 2001, et début 2009 on recensait déjà 1200 AMAP regroupant environ 60 000 familles. Les consommateurs doivent accepter les aléas de la production (exemple : absence d’un légume sur une année) mais en contrepartie, ils disposent de produits frais, la plupart du temps bio et sont assurés de la traçabilité du produit (une demande importante qui a joué dans le succès des AMAP dans un contexte d’insécurité alimentaire).
En outre, un certain nombre de ces consommateurs revendiquent aussi leur démarche comme une action citoyenne qui soutient un producteur local grâce à un prix juste. Les producteurs, de leur côté, apprécient la sécurité financière procurée par l’achat à l’avance des produits ainsi que le contact social généré par les relations avec les consommateurs qui va souvent au-delà d’un simple aspect commercial.
L’exemple de Vascq’Amap
modifierNous allons nous intéresser plus particulièrement à première AMAP créée à Villeneuve d’Ascq, « Vascq’AMAP ». Elle a vu le jour grâce à l’initiative d’un petit groupe de citoyens qui s’est réuni en association en septembre 2010. Cependant, si la demande était bien réelle (une soixantaine de foyers), l’offre faisait défaut : les Amapiens ont recherché un maraîcher pendant une période assez longue, ce qui illustre le problème du déséquilibre entre l’offre et la demande pour les AMAP. D’après ces consommateurs, les maraîchers déjà présents sur le territoire n’étaient pas prêts à franchir le pas car le cahier des charges d’une AMAP est contraignant en termes de respect de l’environnement (abandon des produits chimiques). Et l’arrivée de nouveaux maraîchers était limitée par le manque de terres disponibles, c’est pourquoi les Amapiens ont fait pression sur la Communauté urbaine qui est propriétaire de la majorité des terres cultivées. Comme solution transitoire, les Amapiens ont décidé de créer un partenariat avec l’AMAP du Beau Pays afin de se procurer un panier de viande produite par un éleveur situé à Borre près d’Hazebrouck. Ils se sont ensuite posé la question de la possibilité de faire venir des légumes d’un peu plus loin : certains ont mis en avant les limites de cette solution. Une fois le contrat passé avec le maraîcher, il est presque impossible de revenir en arrière. Et cela ne semblait pas très écologique en raison du transport induit par les déplacements plus au loin. Mais c’est finalement cette orientation qui a été prise : les Amapiens ont passé un contrat en 2011 avec un couple de maraîchers, Mr et Mme Fichaux installés à Richebourg (maraîchage et poules pondeuses bio), entre Armentières et Béthune. Cela nécessite une organisation logistique solide puisqu’il y a presque 40 kilomètres entre Richebourg et Villeneuve d’Ascq. Les paniers sont entreposés le jeudi au LCR des Chaumières à Villeneuve d’Ascq et les adhérents doivent venir les récupérer à horaires et jour fixes, comme dans toutes les AMAP (ici, en l’occurrence : le jeudi de 18h à 19h30). Si le démarrage a été certes un peu difficile, les demandes d’adhésion à l’AMAP sont de plus en plus nombreuses. Le dialogue est bien établi entre le producteur et les consommateurs. En effet, les maraîchers ont pris en compte les remarques des consommateurs : pour la deuxième saison en 2012, ils ont décidé de diversifier davantage leurs paniers. Comme le rappelle le responsable de l’association, Adrien Poteaux, le prix versé par les adhérents (6€75/semaine) ne correspond pas vraiment à un prix au kilo mais à un prix juste, qui permet de faire vivre le producteur. Certes, on peut se poser des questions en termes de soutenabilité de ce système dans le sens où le producteur travaille intensivement mais ne gagne pas beaucoup plus de 1000€ par mois : son choix doit donc être motivé par le sens qu’il lui donne (travail respectueux de la nature, lien social direct avec les consommateurs) et être compensé par certains biais comme l’aide ponctuelle des Amapiens, le fait de consommer ses propres produits ou encore le soulagement de ne plus dépendre des exigences des grandes surfaces en termes d’esthétique des produits notamment. En outre, se pose la question de la mécanisation agricole : l’équilibre hommes/machines n’est pas toujours évident à trouver en AMAP car si le travail manuel permet souvent d’être plus respectueux de la nature, certaines tâches comme le désherbage sont très fastidieuses. Un travail collaboratif entre AMAP peut alors être envisagé comme la mise en commun de machines.
Les jardins de Cocagne
modifierSi les AMAP constituent un mode de circuit court assez récent en pleine expansion, il existe d’autres moyens de commercialiser des produits en circuit court et notamment en vente directe. Tel est le cas des jardins de Cocagne, dont le premier a vu le jour à Chalezeule, près de Besançon, en 1991 grâce à son fondateur, Jean-Guy Henckel. Il s’agit d’une structure d’aide à l’insertion professionnelle qui s’inspire du triptyque du développement durable : elle vise à la fois un objectif social qui est la réinsertion d’un public éloigné de l’emploi par l’activité économique et éducative, un objectif économique via la mise en place d’un commerce de proximité, et un objectif environnemental par le choix d’un maraîchage biologique. Il existe aujourd’hui plus de 120 jardins (d’autres sont en cours de création) qui regroupent environ 4000 personnes en cours de réinsertion et nourrit un réseau d’environ 20 000 familles. Ces jardins constituent un mode de circuit court alimentaire car les produits cultivés sont vendus directement auprès d’adhérents, appelés également consom’acteurs, du fait de la mise en adéquation entre leurs idées et leur action. En effet, ils font le choix de soutenir une structure d’aide à l’insertion professionnelle et sociale, de privilégier l’agriculture biologique, de favoriser un circuit court… Nous observons ici des similitudes avec les motivations des adhérents d’AMAP mais la différence tient au soutien à un projet d’insertion dans le cadre des jardins de Cocagne.
Ainsi, les formes de circuits courts sont très variées mais ils ont en commun la volonté de recréer un lien qui existait historiquement entre le producteur et le consommateur. Les avantages sont nombreux pour chacune des parties que ce soit en termes de traçabilité, de fraîcheur des produits, de lien social, de revalorisation du travail.... Si les circuits courts se développent de plus en plus, leur création et leur maintien font face à de nombreux obstacles, notamment financiers, qui explique la nécessité assez fréquente d’un soutien public.