Ville30/La cartographie collaborative au service de l'expression citoyenne

Plan Ville30
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Les rues ou portions de rues limitées à 30 km/h sont presque aussi nombreuses en Belgique que les sites scolaires. Dans les zones urbaines à forte densité, il n'est donc pas rare d'effectuer de courts trajets où la vitesse maximale autorisée change plusieurs fois.

Parmi d’innombrables exemples, la rue Vaudrée à Liège (4031 Angleur), où trois zones 30 sont entrecoupées par deux tronçons à 50 km/h, respectivement de 250 et 340 mètres. S'il était possible d'atteindre les 50 km/h sur de si courtes distances, ce serait inutile et dangereux face à l'abondante fréquentation d'enfants à proximité des écoles.

La rue Vaudrée à Angleur comporte 3 zones 30.

Ce cas n'est pas isolé et pour mieux s'en rendre compte, rien de tel qu'une cartographie des limitations de vitesse. Malheureusement les instituts géographiques et éditeurs de cartes traditionnels ne diffusent pas ces informations[1]. À priori, les seuls qui s'y intéressent sont des fournisseurs de cartes numériques destinées à la navigation GPS. Aucune de ces compagnies n'est cependant capable de fournir une vue exhaustive des limitations de vitesse et n'a même pour objectif de présenter une telle carte. L'unique but étant ici d'améliorer l'attractivité des logiciels associés aux GPS. Dans ce contexte concurrentiel, les fichiers jalousement gardés à des fins commerciales sont, non seulement, incomplets mais surtout non réutilisables pour d'autres usages.

Pourtant, ces données peuvent avoir d'autres utilités. Elles sont d'abord nécessaires au développement d'ISA (cf. La technologie au secours du respect des limitations de vitesse ?), mais sont tout aussi essentielles pour une bonne analyse de la mobilité.

L'informaticien anglais Steve Coast est convaincu que les citoyens auraient à gagner d'une plus grande connaissance géographique. Lorsqu'il arpente les rues de Londres à vélo, il déplore le manque d'information disponible pour les cyclistes et regrette d'être tributaire des choix effectués par les éditeurs. Les cartes routières sont principalement destinées au trafic automobile et les lois concernant les droits d'auteurs empêchent toute modification pour d'autres besoins ou attentes. Ce constat est bien sûr fait pour des produits issus de sociétés commerciales mais aussi pour les travaux publiés par les instituts publics, tel l'Ordnance Survey au Royaume-Uni ou l'IGN en Belgique. Pourtant les contribuables, principaux utilisateurs des données géographiques, financent ces institutions via leurs impôts et l'achat de cartes et seraient donc en droit d'utiliser pleinement ce qu'ils ont payé[2].

En 2004, Steve Coast crée la carte numérique mondiale http://www.openstreetmap.org. Il est informaticien et pas géographe, il n'a encore aucune expérience en cartographie. Ce n'est donc pas une carte qu'il propose mais un outil permettant de constituer une ou plusieurs cartes. Il est persuadé que chaque personne peut apporter individuellement une plus-value en fonction de son expérience et de ses besoins particuliers. L'ensemble sera alors plus complet que le produit réalisé par un nombre limité de personnes dans une structure traditionnelle. À l'image de l'encyclopédie libre et participative Wikipédia, Steve Coast fait alors le pari d'une carte collaborative.

Concrètement, OpenStreetMap est une base de données comprenant des objets auxquels sont associés des attributs. Ces derniers sont définis dans un guide écrit par et pour les contributeurs. Mais – et c'est l'une des principales forces du projet – les utilisateurs sont libres de créer eux-mêmes de nouveaux attributs. Bien sûr, il faut veiller à une certaine cohérence et des outils de communication entre les contributeurs sont nécessaires à cet effet (wiki, listes de diffusion, réunions, etc). Mais cette liberté permet aux utilisateurs de s'approprier l'outil selon leurs objectifs. Il en résulte ainsi une infinité de possibilités et de créations définies pour des besoins spécifiques.

Éditeur en ligne des données géographiques de la base de données OpenStreetMap

L'attribut maxspeed=30 appliqué sur un segment de route identifie ce tronçon comme limité à 30 km/h. La carte vitrine affichée sur la page d'accueil d'OpenStreetMap.org ne présente pas cette donnée mais d'autres rendus le font, tel que celui-ci: http://www.itoworld.com/map/35 Les données de la carte collaborative proviennent en priorité des observations faites sur le terrain. Le moyen le plus simple et efficace de procéder est d'imprimer la carte de la zone à modifier et d'y annoter, entre autres, les débuts et fins de zone 30. Il suffira ensuite d'enregistrer les informations recueillies sur le site internet.

OpenStreetMap est bien plus qu'un moyen permettant de se localiser, il démocratise l'accès à l'outil cartographique et rend accessible l'utilisation des données géographiques. Tout citoyen peut se les approprier pour localiser, mettre en évidence et obtenir une vue d'ensemble des éléments qui l'intéresse. Ainsi, repérer et marquer les limitations de vitesses existantes à l'intérieur de son quartier est une étape essentielle lorsqu'on souhaite les redéfinir.


Le 5 avril 2011, des membres du GRACQ, une association belge de défense des cyclistes quotidiens, s'échangent des courriels concernant la cartographie adaptée au vélo. Le projet OpenStreetMap est abordé assez vite mais un réfracteur se fait immédiatement connaître argumentant que la carte de sa région n'est pas aussi bien couverte que celles réalisées par les services commerciaux similaires. Un contributeur au projet, participant à l'échange, tente de le contredire en lui présentant les avantages d'une carte collaborative, en vain. Le défenseur d'OpenStreetMap décide alors de lui faire une démonstration de ce que peut être un travail communautaire. Il lance aussitôt un appel sur la mailinglist belge afin de concentrer les efforts des contributeurs sur la zone critiquée. Une dizaine de personnes s’attellent alors directement à y ajouter des données et une heure plus tard, la carte de ce quartier de Mons est devenue aussi précise que celle des grands centres urbains.

Carte du quartier de Ghlin (Mons) avant et après le 5 avril 2011. Un an et demi plus tard, les données sont encore bien plus complètes.


Notes et références

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  1. Ces données ne sont en tous cas pas présentées, en 2012, au public sur les outils mis à disposition par l'IGN (DVD Cartes 1:50.000 topographiques Wallonie & Bruxelles) et par la Wallonie (portail cartographique http://cartographie.wallonie.be).
  2. Le Parlement européen s'est prononcé en faveur d'une plus grande transparence en adoptant, le 14 mars 2007, la directive INSPIRE 2007/2/CE obligeant les collectivités à fournir gratuitement les données d'intérêt public et les services permettant de les visualiser. États et villes publient donc, petit à petit, diverses données sur des sites étiquetés Open Data. En Belgique, seule la Ville d'Anvers suit cette obligation (2012): http://opendata.antwerpen.be