La science de la finance/Les probabilités et l'évaluation des risques

Les probabilités en économie modifier

Pour donner une signification objective à une probabilité, il faut et il suffit qu'elle soit mesurable. Pour cela il faut et il suffit qu'une expérience soit reproductible. En reproduisant de nombreuses fois une même expérience, on mesure les probabilités de ses résultats à partir de leurs fréquences d'apparition. Mais en économie aucune expérience n'est reproductible. Chaque événement économique est unique. Tous les agents sont toujours différents, et les conditions dans lesquelles ils sont placés ne se reproduisent jamais exactement. Il ne peut donc pas y avoir de signification objective pour les probabilités en économie. Mais les modèles probabilistes sont d'une importance fondamentale pour la science économique. Où est l'erreur ? Les modèles probabilistes en économie sont-ils toujours faux parce que les probabilités en économie n'ont pas de signification objective ?

L'incertitude des jeux de hasard peut être considérée comme purement probabiliste, pourvu qu'ils ne soient pas truqués, parce qu'ils sont en général des expériences reproductibles. L'incertitude économique n'est pas rigoureusement probabiliste, mais la prise de décision économique vis à vis du risque est très semblable à la prise de décision des parieurs. Quand on est confronté au risque, on raisonne comme si on faisait un pari avec la réalité. Lorsqu'on attribue des probabilités aux événements économiques attendus, celles-ci ne peuvent jamais êtres vraies et exactes, mais elles peuvent quand même être des estimations vraisemblables, qui permettent de prendre de meilleures décisions. Une compagnie d'assurance par exemple doit estimer des probabilités de décès. Elle le fait à partir des statistiques de décès constatés. Si elle ne procédait pas ainsi, elle ne pourrait pas anticiper ses obligations de paiement et elle s'exposerait à la faillite.

Les modèles probabilistes en économie ne peuvent jamais être rigoureusement vrais mais ils peuvent être suffisamment semblables à la réalité pour mériter la comparaison. Il suffit d'une analogie pertinente pour justifier un modèle. Et les modèles peuvent être utiles même lorsqu'ils sont très faux, parce que l'écart entre le modèle et la réalité peut être très significatif.

La mesure du risque modifier

On parle couramment du risque comme d'une grandeur mesurable : le risque est nul en situation de certitude et il augmente quand l'incertitude augmente. Le rapport de l'écart-type sur la moyenne du profit d'un projet est souvent une bonne mesure de son risque parce qu'il augmente avec l'incertitude et parce qu'il permet de comparer des projets de profits moyens différents. Mais une seule grandeur ne peut jamais suffire pour rendre compte de la diversité des risques. L'écart-type mesure l'étalement d'une distribution de probabilités, mais la forme de cette distribution a également son importance pour évaluer son risque. Elle détermine la répartition des probabilités entre des gains très élevés et modérés et des pertes modérées et très élevées. L'écart-type mesure l'étalement mais il ne dit rien sur la diversité des formes. Il est donc utile surtout pour comparer des distributions de même forme. Si par exemple deux distributions sont des lois normales, la plus risquée est clairement celle qui a le plus grand écart-type. Mais si des distributions ont des formes différentes, la comparaison de leurs écart-types n'est pas forcément une bonne façon de comparer leurs risques. En outre l'écart-type n'est pas la seule grandeur qui mesure l'étalement d'une distribution. La moyenne des valeurs absolues des écarts à la moyenne est parfois une estimation plus naturelle de l'étalement que la racine carrée de la moyenne des carrés des écarts à la moyenne, qui accorde beaucoup d'importance aux grands écarts au détriment des petits.

Quand on mesure l'étalement d'une distribution, on fait une moyenne à la fois sur les chances de gain, lorsque le rendement est supérieur à sa moyenne, et sur les chances de perte, lorsqu'il est inférieur. Les risques de perte sont tout particulièrement importants lorsqu'on s'interroge sur la viabilité d'une entreprise ou d'un projet. On est alors particulièrement attentif à la partie gauche de la distribution de probabilités, tandis que l'étalement de la partie droite, les chances de gain, ne nous informe pas.

La valeur exposée au risque, ou value at risk, est un indicateur de risque de perte très utilisé pour étudier la viabilité des entreprises.

La valeur d'une variable aléatoire   exposée au risque  , ou p value at risk, est par définition le nombre   tel que  . Les valeurs positives de   sont des gains, les négatives des pertes.

  est la probabilité que  .   est la fonction de répartition de la variable aléatoire  .    est la densité de probabilité de  .

 

 

La valeur exposée au risque permet d'estimer la perte qu'on risque de subir. On sait qu'avec une probabilité  , la perte ne sera pas supérieure à  .   est en général un nombre petit,   ou inférieur. Des pertes qui ont une probabilité inférieure à   peuvent être considérées comme des pertes extraordinaires. La valeur exposée au risque permet d'estimer le montant maximal des pertes ordinaires, mais elle ne dit rien sur les pertes extraordinaires. Si des pertes ont une probabilité inférieure à  , elles n'ont aucune influence sur  . Deux entreprises dont l'une est exposée à des pertes gigantesques mais rares, et pas l'autre, peuvent avoir la même valeur exposée au risque.

Les indicateurs de risque comme l'écart-type, ou la moyenne des valeurs absolues des écarts à la moyenne, ou la valeur exposée au risque, ne peuvent jamais fournir une information complète sur les risques à courir. Il faut connaître la densité de probabilité des profits espérés et des pertes craintes, ou de façon équivalente leur fonction de répartition, pour être complètement informé sur le risque.

Le prix du risque modifier

En général on estime que le risque diminue la valeur d'un projet. Les risques d'un faible profit et surtout d'une perte sont en général dissuasifs, même si les chances d'un profit élevé font que le profit moyen est conséquent. De deux projets qui ont le même profit moyen, le plus risqué a en général le moins de valeur. Cette diminution de valeur est une prime de risque. Pour qu'un projet risqué soit intéressant, il faut donc en général qu'il rapporte plus que le taux d'intérêt sans risque, il faut qu'il ait un profit moyen suffisant pour compenser la prise de risque. On peut calculer la prime de risque à partir du taux de surprofit exigé pour compenser le risque, c'est à dire la différence entre le taux de profit exigé et le taux d'intérêt sans risque.

L'aversion au risque n'est pas universelle. Il y a de nombreuses exceptions. Le risque peut ne pas diminuer la valeur d’un projet mais être au contraire recherché pour lui-même. Dans la plupart des jeux de hasard par exemple, on perd toujours en moyenne, les profits moyens sont négatifs, mais des chances même très faibles d'un gain important suffisent pour convaincre les joueurs de participer. La valeur qu'ils attribuent au risque recherché compense leur perte moyenne.

Comme les agents économiques ne sont pas égaux face aux risques, ils les évaluent très différemment. Cela favorise le commerce du risque. Un même risque très dissuasif pour un agent peut l'être très peu pour un autre. Le second a alors intérêt à vendre au premier une garantie contre le risque.

L'actualisation des projets incertains modifier

On définit parfois un taux d'actualisation ajusté au risque en ajoutant au taux d'actualisation sans risque le taux de surprofit qui mesure la prime de risque. Mais pour calculer la valeur actuelle nette d'un projet incertain, cette définition a du sens seulement s’il y a un seul coût initial et une seule recette finale. S'il y a des pertes incertaines, il est évidemment insensé de les déprécier avec un taux d'actualisation plus élevé que le taux sans risque. Et lorsque des versements incertains sont échelonnés dans le temps il n'y a en général pas de raison de les actualiser avec un même taux d’actualisation ajusté au risque parce qu'ils peuvent avoir des incertitudes très différentes.

Le taux d'actualisation est le taux d'intérêt sans risque. Il est estimé à partir des taux des placements considérés comme sans risque mais cela ne l'empêche pas d'être appliqué à l'évaluation des projets incertains. Il est un taux de change entre l'argent versé aujourd'hui et l'argent versé plus tard, un taux de change temporel. Qu'un projet soit certain et sans risque ou très incertain et très risqué ne doit donc rien changer à la façon d'actualiser les versements. Pour évaluer les projets risqués, il faut actualiser toutes les recettes et tous les coûts au taux des placements sans risque, parce que c'est la meilleure façon d'additionner des versements échelonnés dans le temps. Que ces versements aient été prévus avec certitude ou non ne change rien à l'affaire. Le taux d'actualisation dépend de la réalité économique à un moment donné, pas des projets auxquels il est appliqué. Il est le même pour tous les projets confrontés à la même réalité, qu’ils soient risqués ou non.

Si un projet est risqué, et si on connaît les probabilités des recettes et des coûts, on peut calculer, avec le vrai taux d’actualisation, pas un taux ajusté au risque, une valeur actualisée moyenne des recettes, des avances de fonds et des autres coûts, et donc un profit moyen, un taux de profit moyen et une valeur actuelle nette moyenne, mais celle-ci n'est pas la valeur actuelle nette du projet, parce qu'elle ne prend pas en compte le prix du risque.

La valeur actuelle nette d'un projet incertain est sa valeur actuelle nette moyenne diminuée de la prime de risque. La prime de risque est la valeur actuelle du surprofit moyen qu'on exige pour compenser le risque. Elle est la valeur actuelle de la différence entre le profit moyen exigé et le profit qu'on obtiendrait si on plaçait son capital au taux d'intérêt sans risque. Comme la valeur actuelle nette moyenne est la valeur actuelle du surprofit moyen, la valeur actuelle nette d'un projet incertain est la valeur actuelle de la différence entre le surprofit moyen et le surprofit exigé pour compenser le risque, donc la valeur actuelle de la différence entre le profit moyen et le profit exigé pour compenser le risque.

Indépendance statistique, anticorrélations et réduction des risques modifier

Deux techniques permettent de réduire les risques. L'une exploite l'indépendance statistique des événements économiques, l'autre leurs anticorrélations.

  • Si de nombreux projets sont statistiquement indépendants, leur somme est beaucoup moins risquée que chacun des projets pris séparément. Un exemple simple suffit pour s'en convaincre : si   projets statistiquement indépendants ont le même profit espéré moyen   avec le même écart-type  ,   mesure le risque d'un projet individuel. Leur somme a un profit espéré moyen   avec un écart-type  , parce que la variance d'une somme de variables indépendantes est la somme de leurs variances. Le risque de la somme de tous les projets est donc mesuré par   qui s'approche de zéro si   est très grand. En général les projets n'ont pas les mêmes profits espérés moyens, ni les mêmes risques, mais s'ils sont statistiquement indépendants, le risque de leur somme est en général très inférieur au risque de chacun d'entre eux pris isolément, et s'approche de zéro quand le nombre de projets est très grand.
  • Deux projets sont anticorrélés, ou corrélés négativement, lorsque la réussite de l'un est corrélée à l'échec de l'autre. La covariance de leurs profits est négative. Par exemple, la hausse du cours d'une action est corrélée avec la baisse de la valeur d'une option put sur cette action. Les corrélations positives et négatives entre les valeurs des actifs et des options correspondantes permettent de constituer des portefeuilles sans risque qui sont la base de la méthode d'évaluation des options proposée par Black, Scholes et Merton et présentée plus loin. Les corrélations positives peuvent être utilisées en pariant à la baisse, ce qu'on peut faire en vendant à découvert, en achetant des options put ou en vendant des calls. Vendre à découvert consiste à vendre des actions qu'on a empruntées en s'engageant à les racheter plus tard pour les restituer. Les stratégies de couverture des risques consistent en général à parier en même temps sur la hausse de certains actifs et sur la baisse d'autres actifs. Or les actifs sont souvent corrélés positivement, leurs valeurs augmentent ou diminuent souvent en même temps. La hausse des uns est donc souvent anticorrélée avec la baisse des autres. Les stratégies de couverture permettent de diminuer les risques liés aux variations de valeur des actifs. On essaie de gagner sur les deux tableaux, à la fois quand le marché est à la hausse et quand il est à la baisse.

L'économie-casino modifier

Un projet est en général affecté par de nombreux événements incertains qui peuvent augmenter ou diminuer son profit. Il faut distinguer deux types d'événements, ceux qui affectent seulement le profit courant du projet, des coûts ou des recettes imprévus qui affectent momentanément le profit d'un projet mais qui n'ont pas d'influence sur ses profits futurs, et ceux qui affectent durablement la capacité du projet à rapporter du profit. Les effets des événements du premier type doivent être additionnés pour obtenir leur effet cumulé, tandis que ceux du second type doivent être multipliés.

Supposons qu'un projet est affecté seulement par des événements du second type : de nombreux événements aléatoires   peuvent influencer sa valeur   pendant un intervalle de temps  . Chaque événement   s'il se produit multiplie   par un facteur   s'il favorise la réussite du projet et   s'il est défavorable. On suppose que les événement   ont des probabilités   et qu'ils sont indépendants. La variation de   est alors une somme de variations aléatoires  . D'après le théorème de la limite gaussienne, si ces variations sont très nombreuses, petites devant leur somme et indépendantes, la distribution de probabilités de cette somme est une loi normale. Soit   sa moyenne et   sa variance. Si l'environnement du projet est constant,   et   ne dépendent pas de  . Sur une durée  , la variation de   suit alors une loi normale de moyenne   et de variance  .

Soit   la valeur initiale du projet. Comme   suit une loi normale de moyenne   et de variance  ,   suit une loi log-normale dont la densité de probabilité est :

 

La valeur moyenne de   est   et son écart type est  . Si on mesure le risque par le rapport de l'écart-type sur la moyenne, on obtient   qui augmente très vite avec  .

Supposons maintenant qu'un projet est affecté seulement par des événements du premier type. De nombreux événements aléatoires   peuvent influencer le profit courant   pendant un intervalle de temps  . Chaque événement   s'il se produit augmente   d'une quantité   s'il est une recette et   s'il est un coût. On suppose que les événement   ont des probabilités   et qu'ils sont indépendants. Le profit courant   pendant   est alors une somme de variations aléatoires  . D'après le théorème de la limite centrale, si ces variations sont très nombreuses, petites devant leur somme et indépendantes, la distribution de probabilités de cette somme   est une loi normale. Soit   sa moyenne et   sa variance. Si l'environnement du projet est constant,   et   ne dépendent pas de  . Sur une durée  , le profit   suit alors une loi normale de moyenne   et de variance  . Le rapport de l'écart-type sur la moyenne est donc   et s'approche de zéro quand   est grand.

Sur de longues durées le risque causé par les événements du second type tend donc à dominer celui des événements du premier type. Pour évaluer les risques on peut donc souvent ignorer les événements du premier type, ce qui conduit à retenir une distribution log-normale. Mais cette règle n'est pas universelle. Si les risques associés aux événements du premier type sont importants, il ne faut pas les ignorer, surtout si la durée considérée est courte.

Toutes les hypothèses qui justifient les distributions normale de   ou log-normale de   sont a priori très douteuses. Les   et les   ne sont pas nécessairement petits devant leur somme parce qu'un seul événement peut avoir une grand influence sur la réussite ou l'échec d'un projet. Ils ne sont pas non plus nécessairement indépendants, parce qu'un échec peut entraîner davantage d'échecs ou une réussite davantage de réussites, ou un échec peut précéder une réussite par effet de résilience, ou une réussite peut entraîner un échec, parce que la grandeur précède parfois la chute. En outre il n'y a en général pas de raison de supposer que les probabilités   sont constantes au cours du temps, parce que les événements économiques dépendent de circonstances qui varient. De fait, il n'y a en général pas de raison que ces probabilités puissent être correctement définies, parce que les événements économiques ne sont jamais exactement reproductibles. L'économie réelle peut donc être très différente de l'économie-casino. Celle-ci n'est qu'un modèle mathématique qui peut nous aider à comprendre la réalité mais qui peut aussi nous induire en erreur.

Pour une distribution log-normale, le rapport   de l'écart-type sur la moyenne n'est pas forcément un bon indicateur du risque, surtout lorsque la distribution est très aplatie, pour des valeurs de  . On lui préfère en général  , qui est aussi un indicateur de la dispersion des valeurs attendues autour de la moyenne.   est l'écart-type du rendement logarithmique. On l'appelle la volatilité. Si le temps est mesuré en années,   est la volatilité annuelle.

Dans cette section on a raisonné sur la valeur d'un projet mais on aurait pu tenir le même raisonnement sur les prix des actions côtées en bourse. Dans ce cas la distribution log-normale est une assez bonne approximation, mais elle sous-estime un peu les probabilités des forts écarts à la moyenne (Luenberger 1997).

Pour raisonner plus facilement, on fera dans la suite plusieurs hypothèses simplificatrices :

  • Les variations des prix des actions sont toujours représentées par des distributions log-normales dont les paramètres   et   ne varient pas.
  • On raisonne sur des actions qui ne versent pas de dividendes. Les profits sont donc seulement les plus-values. Cela revient à supposer que les dividendes versés sont systématiquement réinvestis.
  • On ignore l'inflation. Cela veut dire qu'on raisonne sur les valeurs réelles et non sur les valeurs nominales.
  • On ignore les coûts de transaction et les taxes.
  • On supposera qu'il y a un unique taux d'intérêt sans risque. On ignore donc sa structure par terme. Surtout on ignore que même le taux d'intérêt "sans risque" est risqué parce que même s'il n'y a pas de risque de défaut de l'emprunteur, il y a toujours un risque d'inflation.

Ces hypothèses simplificatrices permettent de concentrer les raisonnements sur quelques points parmi les plus importants, mais si on veut appliquer les conclusions au monde réel, il faut bien sûr avoir conscience des complications que la théorie ignore.

Rendements arithmétique, logarithmique et moyen modifier

Le rendement arithmétique, ou rendement tout court, est le taux de profit d'un actif. Si   est sa valeur initiale et   sa valeur finale, le profit est   et le taux de profit est   donc  

Le rendement logarithmique est   donc  

Lorsque   ,  

Le rendement logarithmique est plus commode que le rendement arithmétique lorsque qu'on doit composer des rendements pour des périodes successives :

 

tandis que

 

Le rendement arithmétique est plus commode que le rendement logarithmique lorsqu'on doit calculer le rendement d'un portefeuille :

 

où les   sont les valeurs initiales des   actifs qui constituent le portefeuille et   leurs rendements respectifs.   est le poids de l'actif   dans le portefeuille.

 

Lorsque   est une variable aléatoire, la moyenne du rendement logarithmique n'est pas le rendement logarithmique calculé à partir du profit moyen, c'est pourquoi on définit le rendement logarithmique moyen   non par la moyenne du rendement logarithmique mais par le logarithme du rapport entre la valeur finale moyenne et la valeur initiale :

 

Si   a une distribution log-normale de paramètres   et  , le rendement logarithmique moyen est   parce que   mais la moyenne du rendement logarithmique est  , parce que   a une distribution normale de moyenne  . L'écart-type du rendement logarithmique est  . Il mesure la dispersion du taux logarithmique autour de sa moyenne   pas autour du rendement logarithmique moyen   mais la différence est souvent assez petite. Pour un actif risqué   et   sont des valeurs typiques pour le taux logarithmique annuel, et  

L'évolution de l'espérance de la valeur d'un actif modifier

On suppose que les variations du prix d'un actif sont aléatoires et qu'elles sont décrites par la distribution log-normale présentée plus haut.

Si   est la valeur présente de l'actif, sa valeur future   à la date   a une distribution log-normale de densité de probabilité :

 

La moyenne, ou l'espérance, des valeurs futures est

 

Le modèle d'évaluation des actifs financiers modifier

Le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF ou CAPM : Capital Asset Pricing Model) est un modèle simplifié qui montre comment des marchés financiers idéalisés pourraient évaluer les primes de risque. Le principal enseignement de ce modèle est qu'une prime de risque ne dépend pas de l'écart-type de la valeur d'un actif mais de sa covariance avec les conditions économiques générales. Celle-ci mesure un risque non-éliminable tandis que l'écart-type inclut un risque éliminable par diversification.

Si tous les projets économiques étaient statistiquement indépendants, on pourrait toujours éliminer leurs risques par diversification. Un fonds commun de placement pourrait constituer un portefeuille presque sans risque à partir de très nombreux actifs risqués. Comme le risque est presque éliminé, son coût serait négligeable et les primes de risque seraient presque nulles. Tous les projets risqués seraient alors intéressants dès que leur rendement serait au moins le taux d'intérêt sans risque. Mais les projets économiques ne sont pas en général indépendants. Au contraire ils sont en général dépendants des mêmes conditions économiques, parce que tous les agents sont sensibles à la prospérité générale ou à son absence, ils sont donc en général corrélés les uns aux autres. Il n'est alors pas toujours possible d'éliminer les risques par diversification. Les projets risqués dont le risque ne peut pas être éliminé doivent avoir un rendement moyen plus élevé. Le modèle d'évaluation des actifs permet de mesurer les risques non-éliminables et les primes de risque qu'ils engendrent. Il repose sur quelques hypothèses simplificatrices :

  • Les agents mesurent toujours le rendement d'un portefeuille à partir de son rendement moyen, et le risque à partir de l'écart-type de ce rendement. Ils sont tous également informés sur les rendements moyens des actifs, leurs écarts-type et leur covariances.
  • Ils peuvent prêter et emprunter au taux sans risque librement et sans coût.
  • Ils peuvent toujours se constituer un portefeuille diversifié. Toutes les sommes pondérées d'actifs sont des portefeuilles possibles.

La demi-droite des portefeuilles optimaux modifier

Soit   un rendement (arithmétique, pas logarithmique) supérieur au taux d'intérêt sans risque   (risk-free). Soit   l'ensemble de tous les portefeuilles risqués qui ont le même rendement moyen. Soit   l'écart-type du rendement d'une portefeuille optimal de   : pour tout portefeuille dans   l'écart-type de son rendement est supérieur ou égal à  . Alors la demi-droite des portefeuilles optimaux dans le demi-plan   est donnée par l'équation :

 

Tous les   des portefeuilles possibles sont en dessous de cette demi-droite. Tous les points de cette demi-droite sont des   de portefeuilles optimaux. Ils sont les moins risqués pour un rendement espéré donné, et les plus rentables pour un risque donné.

Preuve : Montrons d'abord que tous les points de la demi-droite sont des portefeuilles possibles. Soit un portefeuille constitué de   au taux sans risque et   du portefeuille optimal au taux  . Son rendement moyen est  , l'écart-type de son rendement est  , il est donc sur la demi-droite des portefeuilles optimaux. Si  ,   est entre   et  . Si  ,  . Dans ce cas, on emprunte des fonds au taux sans risque   pour les placer au taux risqué  , on augmente alors le rendement moyen par effet de levier.

Soit   un point au dessus de la demi-droite des portefeuilles optimaux et supposons qu'il représente un portefeuille possible. Par le même argument que ci-dessus, la demi-droite qui part de   et passe par   représenterait aussi des portefeuilles possibles. En particulier   représenterait un portefeuille possible. Comme   est au dessus de la demi-droite des portefeuilles efficaces :

 

donc

 

Mais c'est contraire à la définition de   qui est le plus petit des écarts-type des portefeuilles possibles de même rendement  . Donc   ne peut pas représenter un portefeuille possible s'il est au dessus de la demi-droite des portefeuilles efficaces.

On en conclut que :

 

pour tout   et  plus grands que  , puisque   et   sont tous les deux sur la demi-droite des portefeuilles optimaux.

 

L'hypothèse des marchés optimaux modifier

Le portefeuille de marché regroupe en principe tous les actifs, risqués ou non, échangeables dans une économie. Il inclut toutes les richesses qui peuvent rapporter un profit, mobilières ou immobilières, dès qu'elles ont un prix de marché. Son rendement moyen dépend de la prospérité de l'économie. Son écart-type représente le risque général auquel sont confrontés tous les agents, parce qu'il représente le risque d'un manque de prospérité générale. Comme le portefeuille de marché est le plus diversifié qui soit, il élimine tous les risques qu'on peut éliminer par diversification. Des portefeuilles très diversifiés, comme le SP500, éliminent eux aussi les risques qu'on peut éliminer par diversification.

L'hypothèse des marchés optimaux postule que le portefeuille de marché est sur la demi-droite des portefeuilles optimaux.

Cette hypothèse est évidemment fausse, puisque les agents ne sont pas toujours rationnels quand ils investissent leur argent. Mais en première approximation on peut supposer que des portefeuilles très diversifiés comme le SP500 ne sont pas très différents d'un portefeuille optimal. On situe alors la demi-droite des portefeuilles optimaux en estimant le rendement moyen du SP500, ou d'un autre portefeuille très diversifié et bien choisi, et son écart-type.

La covariance avec les conditions économiques générales modifier

Si on suppose que le portefeuille de marché est optimal et si   est son rendement moyen,   est l'écart-type   de son rendement.

Le   d'un actif   est par définition :

 

  et   sont les rendements aléatoires de l'actif   et du portefeuille de marché respectivement.

  est proportionnel à la covariance avec le rendement du portefeuille de marché, donc avec les conditions économiques générales.

Montrons que

 

  est le rendement moyen de l'actif  .

Considérons un portefeuille qui contient une valeur   de l'actif   et   d'un portefeuille optimal de même rendement moyen  . C'est un portefeuille de rendement  . Notons   la variance de son rendement. Comme   est minimal en  ,  .

Soit   le rendement aléatoire de l'actif   et   le rendement aléatoire du portefeuille optimal de même rendement moyen.

 

 

 

 

donc

 

Le portefeuille de rendement   peut être constitué de   du portefeuille de marché et de   d'un actif sans risque. Donc

 

Or

 

Donc

 

  mesure le risque qui ne peut pas être éliminé par diversification modifier

Définissons la variable aléatoire   par

 

Alors

 

 

 

La variance de   est la somme de deux termes.   représente un risque qui ne peut pas être éliminé par diversification.   représente le risque qui peut être éliminé par diversification, parce qu'il est la variance d'une variable aléatoire qui n'est pas corrélée avec le portefeuille de marché.

La prime de risque dépend seulement de la covariance avec les conditions économiques générales modifier

La prime de risque d'un actif   est la valeur actuelle du surprofit exigé pour compenser son risque. Elle est obtenue à partir du taux de surprofit   exigé. Comme  , la prime de risque d'un actif   dépend seulement de   donc seulement de la covariance avec les conditions économiques générales.

Si  , la prime de risque de l'actif   est nulle. Il se peut que cet actif soit par ailleurs très risqué, avec un   très élevé, mais ce risque peut être éliminé par diversification avec d'autres actifs dont le   est nul. C'est pourquoi la prime de risque est nulle.

Quand   est négatif modifier

Si   est négatif,  . Pourquoi accepter de détenir l'actif risqué   alors qu'il nous expose en moyenne à des profits inférieurs au profit sans risque ou à des pertes ?

Le   d'un portefeuille est la moyenne pondérée des   des actifs   dont il est composé, parce que la covariance d'une somme de variables aléatoires avec une même variable est la somme de leurs covariances avec cette variable. Un actif   dont le   est négatif fait diminuer le   d'un portefeuille dans lequel il est inclus donc le risque non-éliminable par diversification. La perte de rendement est compensée par la diminution du risque.

Une option put est un exemple d'actif à   négatif dès que le   du sous-jacent est positif, parce qu'une option put est corrélée négativement avec l'action sous-jacente. Le   peut même être suffisamment négatif pour que le rendement moyen soit négatif. Une telle option coûte plus cher à l'achat que ce qu'elle rapporte en moyenne. Pourquoi alors acheter des options put ? Parce qu'elles permettent de réduire le risque d'un portefeuille qui serait très risqué sans elles.

Les trois sortes de risque modifier

  • Si  , le risque de l'actif   est corrélé positivement au marché. C'est un risque qui ne peut pas être éliminé sans réduire les profits.
  • Si  , le risque de l'actif   est décorrélé du marché et peut être éliminé par diversification sans réduire les profits.
  • Si  , le risque de l'actif   est corrélé négativement au marché. Les anticorrélations de   avec le marché permettent de réduire le risque d'un portefeuille dont le   est positif tout en réduisant son rendement.

L'optimisation d'un portefeuille modifier

On peut se servir du MEDAF même si on renonce à l'hypothèse des marchés optimaux, parce qu'il fournit une méthode pour optimiser un portefeuille :

Ayant choisi initialement un portefeuille sensé, le SP500 par exemple, on commence par estimer son rendement moyen   et sa variance  . Pour chaque actif   qu'il ne contient pas, on estime alors son rendement moyen   et sa covariance   avec le portefeuille initial. On calcule alors le   de cet actif relativement au portefeuille initial :

 

Si   alors on a intérêt à incorporer l'actif   dans le portefeuille initial. Si les nouveaux actifs ainsi choisis sont bien diversifiés, on obtient par cette méthode un portefeuille meilleur que le portefeuille initial. Il peut avoir à la fois un meilleur rendement et un risque moindre. En itérant le procédé, on peut espérer trouver un portefeuille optimal et battre le marché.


Le modèle d'évaluation des actifs financiers a été introduit par Jack Treynor (1961, 1962), William Sharpe (1964), John Lintner (1965) et Jan Mossin (1966) indépendamment, en poursuivant les travaux initiaux de Harry Markowitz sur la diversification et la théorie moderne du portefeuille. (Wikipedia)

Les espérances des rendements ne sont en général pas mesurables modifier

Pour mesurer l'espérance   d'une variable aléatoire   d'écart-type  , il faut au moins   mesures indépendantes.

Preuve : La moyenne   mesurée avec   mesures indépendantes est elle-même une variable aléatoire :

  où les   sont des variables aléatoires indépendantes de même loi que  .

L'espérance de   est évidemment   et son écart-type est

 

Pour que la mesure soit significative, il faut que   soit petit devant  . Avec  , on peut espérer avoir une estimation correcte de   mais cela reste une mesure très imprécise, parce qu'il y a une probabilité non-négligeable, 0.04 environ, que   s'écarte de   de plus de 20%.

  impose  

Les rendements annuels des actions sont en général entre 6% et 30% et parfois inférieurs. 12% est une valeur typique. Les écart-types de ces rendements sont en général entre 10% et 60%. 15% est une valeur typique. Donc   ou supérieur. Il faudrait donc plus d'un siècle de mesures du rendement annuel pour avoir une estimation grossière de son espérance. Mais on n'a pas un siècle, seulement quelques années, parce qu'il n'y a pas de raison que l'espérance d'un rendement reste constante plus de quelques années. Si on mesure le rendement mensuel, on augmente le nombre de mesures d'un facteur 12 mais   augmente aussi d'un facteur 12. Donc la conclusion n'est pas modifiée. En général les espérances des rendements ne sont pas mesurables (Luenberger 1998).

Les rendements moyens mesurés ne sont pas des estimations des rendements moyens théoriques, sauf si les placements sont peu risqués, parce qu'alors   est petit devant 1. Il faut en conclure qu'un modèle probabiliste d'une variation de rendement ne peut pas être confronté directement à la réalité, puisqu'on ne peut pas mesurer son paramètre le plus important, l'espérance du rendement. Ce n'est pas très étonnant puisqu'en général les probabilités théoriques n'ont pas de signification objective en économie, les événements économiques n'étant pas reproductibles.

Comme les modèles probabilistes des variations de rendement ne peuvent pas être confrontés directement à la réalité, on est tenté de conclure qu'ils n'ont aucune valeur scientifique, mais c'est une conclusion exagérée, parce que ces modèles peuvent quand même conduire à des prédictions observables. Ils sont parfois très utiles pour expliquer nos observations même si on ne peut pas mesurer tous leurs paramètres.

Le MEDAF suppose que les agents font leurs choix d'investissements en connaissant les rendements moyens. Comme ceux-ci ne sont en général pas mesurables, les agents ne peuvent pas les connaître. De fait, ces rendements moyens sont purement théoriques et n'ont pas d'existence réelle. Mais il ne faut pas en conclure que le MEDAF est complètement irréaliste. Les agents estiment des rendements espérés et prennent leurs décisions en fonction de leurs estimations. Si les agents sont convenablement informés, les rendements espérés peuvent être des estimations pas trop mauvaises des rendements finalement réalisés.

La réduction des risques par diversification temporelle modifier

Soit un placement très risqué qui permet de multiplier sa mise par un facteur   sur une courte période avec une probabilité   ou de tout perdre. Son rendement moyen est  . Mais si on place tout son capital pour   périodes successives, on a une probabilité   d'être ruiné. Si   est grand, la ruine est quasi-certaine et on n'aura donc pas profité du rendement moyen. N'est-il pas possible de profiter de ce rendement moyen sans prendre de risques ?

Au lieu de risquer tout son capital, on peut décider de le gérer dynamiquement et de ne parier à chaque période qu'une fraction   sur ce placement très risqué. À chaque période, le rendement moyen n'est plus que  . On a une chance sur deux de multiplier son capital par   et une chance sur deux de le multiplier par  . Soit   la valeur initiale du capital et   sa valeur au bout de n périodes. Le rendement logarithmique au bout de n périodes   est une somme de variables aléatoires indépendantes de moyenne   et de variance  . Quand n est grand la distribution de   tend vers une distribution normale de moyenne   et de variance  .

Le rapport   de l'écart-type sur la moyenne du rendement logarithmique tend vers zéro lorsque n est très grand. Si la moyenne du rendement logarithmique par période est positive,   alors on peut faire un profit sans risque lorsque n est très grand. Si   cette stratégie de gestion dynamique délivre un profit certain dès que le nombre de périodes est suffisamment grand.

Cette stratégie de réduction du risque repose sur la diversification temporelle. Elle suppose que les profits sur une période donnée sont indépendants des périodes précédentes. Cela permet de réduire le risque en cumulant des profits risqués mais statistiquement indépendants.

Les formules de Black et Scholes modifier

Les formules de Black et Scholes permettent de calculer la valeur présente d'une option européenne call ou put, à partir de la valeur présente   de l'action sous-jacente, de sa volatilité  , du délai   jusqu'à l'échéance, du prix d'exercice   de l'option et du taux d'intérêt sans risque  .

La façon la plus facile de les démontrer est de raisonner sur une économie indifférente au risque, c'est à dire que les primes de risque sont toujours nulles. Cette hypothèse est évidemment complètement fausse mais de façon très surprenante elle conduit à des formules justes. L'équation de Black et Scholes présentée plus loin ne requiert pas l'hypothèse d'indifférence au risque et permet de justifier les formules du même nom. Plus généralement l'hypothèse d'indifférence au risque permet souvent d'évaluer correctement les produits dérivés qui sont pourtant très risqués, parce qu'on évalue ces produits à partir des prix présents de leurs sous-jacents. Ces prix de marché prennent en compte les primes de risque exigées. Si les primes de risque changent, parce que les agents ont davantage peur du risque par exemple, les prix de marché changent également, mais leur relation avec les prix des produits dérivés ne change pas (Hull 2011). C'est pourquoi on peut souvent ignorer les primes de risque quand on évalue les prix des dérivés à partir des prix des sous-jacents. Le modèle des arbres binomiaux présenté plus loin permet de le justifier plus clairement.

Indifférence au risque et valeur d'un actif modifier

On suppose que les agents sont indifférents au risque. La valeur présente d'un actif est alors égale à la moyenne des valeurs présentes de ses valeurs anticipées :

 

  est le taux d'intérêt sans risque. On en déduit pour une action dont les variations de prix sont déterminées par une distribution log-normale de paramètres   et   :

 

Donc

 

La valeur présente d'une option call européenne modifier

Si   est la valeur anticipée de l'actif sous-jacent,   est la valeur anticipée   d'une option call dont le prix d'exercice est  . L'indifférence au risque impose que sa valeur présente   est la moyenne des valeurs présentes de ses valeurs anticipées :

 

 

 

Avec  ,  ,  

 

Or  

Donc

 

parce que  

Avec  ,  

 

Soit   la fonction de répartition de la loi normale centrée réduite :

 

Comme  

 

 

Avec  ,  

 

 

Finalement

 

C'est la formule de Black et Scholes pour les options call européennes.

La valeur présente d'une option put européenne modifier

Si   est la valeur anticipée du sous-jacent,   est la valeur anticipée   d'une option put dont le prix d'exercice est  . L'indifférence au risque impose que sa valeur présente   est la moyenne des valeurs présentes de ses valeurs anticipées :

 

 

 

 

 

 

 

Finalement

 

C'est la formule de Black et Scholes pour les options put européennes.

L'équation de Black et Scholes modifier

Des stratégies de couverture des risques permettent en principe de se constituer des portefeuilles sans risque avec des options et des actions ou d'autres actifs. La technique consiste simplement à compenser les hausses et les baisses. Toute hausse supérieure au taux sans risque pour un ou plusieurs items du portefeuille est compensée par une baisse d'autres items, ou par une hausse inférieure au taux sans risque. Un tel portefeuille est donc rémunéré au taux sans risque. Les hausses et les baisses se compensent mécaniquement. Or les portefeuilles sans risque sont les mêmes dans un économie qui paie des primes de risque que dans une économie qui n'en paie pas et les formules de Black et Scholes déterminent leur composition. Des formules différentes conduiraient nécessairement à des portefeuilles sans risque de compositions différentes. Comme les portefeuilles sans risque sont les mêmes que l'économie soit ou non indifférente au risque, la validité des formules de Black et Scholes ne dépend pas de l'existence des primes de risque.

Plus précisément, on va montrer à partir de l'existence de portefeuilles sans risque que la fonction qui détermine la valeur d'une option doit satisfaire à une équation aux dérivées partielles, l'équation de Black et Scholes. Les formules du même nom sont les seules solutions de cette équation qui satisfont aux conditions aux limites.

Soit   la valeur d'une option en fonction du prix courant   du sous-jacent à la date  .   peut être connue empiriquement si elle est un prix de marché. À priori elle pourrait dépendre des primes de risque, parce que les achats et les ventes d'options sont des opérations risquées. Le raisonnement de Black et Scholes sur un portefeuille sans risque montre que   est en fait indépendant des primes de risque.

On constitue un portefeuille sans risque à la date   en détenant une option et   unités du sous-jacent. Si   il faut avoir vendu le sous-jacent à découvert.

On suppose comme auparavant que les variations aléatoires du sous-jacent sont décrites par une distribution log-normale.

La variation   de   pendant un intervalle de temps   est la somme de deux termes :

 

  est une variable aléatoire normale centrée réduite.

Pour calculer  , la formule   ne convient pas, parce que   diverge quand   tend vers zéro.

Le raisonnement suivant sur les ordres de grandeur n'est pas rigoureux mais il conduit à une formule exacte, qui peut être prouvée avec le lemme d'Ito.

 

 

Les deux premiers termes sont négligeables devant le troisième quand   tend vers zéro.

En supposant qu'on peut remplacer   par sa valeur moyenne   on obtient :

 

La variation de valeur du portefeuille sans risque est

 

Le terme aléatoire   a disparu. Cela confirme que le portefeuille est sans risque.

  doit varier au taux sans risque   :

 

On obtient

 

C'est l'équation de Black et Scholes :

 

On peut vérifier que les formules de Black et Scholes sont des solutions de l'équation du même nom. Or cette équation ne requiert pas l'hypothèse d'un environnement indifférent au risque. Les formules de Black et Scholes sont donc vraies dans un environnement qui n'est pas indifférent au risque. La méthode des arbres binomiaux fournit une explication plus simple de ce résultat.

Les arbres binomiaux et l'indifférence au risque modifier

Les exemples suivants sont très simples et très irréalistes mais il suffisent pour comprendre pourquoi la relation entre les prix des options et des actions ne dépend pas des primes de risque :

On suppose qu'une action qui vaut 100 aujourd'hui peut valoir 110 ou 90 au bout d'une période avec les probabilités p et 1-p respectivement. On s'interroge sur le prix présent P d'une option put dont le prix d'exercice est 110. On suppose pour simplifier que le taux d'intérêt sans risque est nul. Le prix présent d'un portefeuille qui contient une action et une option est 100+P. Sa valeur future est 110 dans tous les cas. Il est donc sans risque. On en déduit que P=10. On n'a pas besoin de connaître la probabilité p d'une hausse pour connaître le prix de l'option. On n'a donc pas besoin de connaître les risques pris par les investisseurs et leurs primes de risque.

Plus généralement un arbre binomial à une période est défini par les paramètres suivants : p, u, d et r. p est la probabilité que le prix de l'action soit multiplié par u (up) au bout d'une période, 1-p la probabilité qu'il soit multiplié par d (down). r est le taux d'intérêt sans risque sur une période.

On suppose que le prix présent de l'action est 100, que u>1 et d<1. Pour évaluer le prix présent P d'une option put dont le prix d'exercice est K, on raisonne sur un portefeuille qui contient   actions et une option. On suppose que  . Le prix présent du portefeuille est  . Sa valeur future est ou bien   ou bien  . Ce portefeuille est sans risque lorsque

 

c'est à dire

 

Comme il est sans risque, on doit avoir

 

donc

 

Pour connaître le prix présent C d'une option call dont le prix d'exercice est K, on raisonne sur un portefeuille qui consiste à avoir vendu   actions à découvert et à avoir acheté une option. Vendre à découvert consiste à vendre des actions qu'on a empruntées en s'engageant à les racheter plus tard pour les restituer. Le prix présent du portefeuille est  . Sa valeur future est ou bien   ou bien  . Ce portefeuille est sans risque lorsque

 

c'est à dire

 

Comme il est sans risque, on doit avoir

 

donc

 

Comme avec le premier exemple, on n'a pas besoin de connaître la probabilité p d'une hausse pour connaître le prix des options. On n'a donc pas besoin de connaître les primes de risque pour évaluer les options put et call.

Il est bien sûr parfaitement irréaliste de supposer qu'une action ne peut avoir que deux valeurs au bout d'une période. Mais il suffit de raisonner sur des arbres binomiaux multipériodes pour rendre le modèle très réaliste, dès que le nombre de périodes est assez grand. Avec deux périodes, on obtient trois valeurs futures possibles : 100uu, 100ud, et 100dd. Avec N périodes, on obtient N+1 valeurs futures possibles. Si N est très grand, les variations du cours de l'action suivent une loi log-normale. On peut ainsi prouver les formules de Black et Scholes en raisonnant sur des arbres binomiaux. L'indépendance du prix des options vis à vis des primes de risque établie avec les arbres binomiaux est donc beaucoup plus réaliste que ce que la simplicité du modèle suggère au départ.

 


L'article de Cox, Ross et Rubinstein, Option pricing, a simplified approach (1979) est l'article pionnier qui a montré la valeur de ce modèle.

Le rendement moyen d'une option put peut être négatif modifier

Une option put a un   négatif dès que le   de l'action sous-jacente est positif. Montrons sur un exemple que le   peut être suffisamment négatif pour que le rendement moyen soit négatif :

Soit une action dont le rendement moyen (arithmétique annuel) est de 10% et de volatilité 20% :

 

 

 

Soit une option put à six mois dont le prix d'exercice est égal au prix présent de l'action plus son rendement moyen.

Soit   le prix présent de l'action. Le prix d'exercice de l'option est

 

La prix présent de l'option est obtenu avec la formule de Black et Scholes :

 

Avec  ,  ,

L'option rapportera   en moyenne le jour de son exercice :

 

 

Le rendement moyen logarithmique annuel de l'option est donc

 

Compléments mathématiques modifier

La loi normale modifier

Densité de probabilité modifier

  • Une variable aléatoire   suit une loi normale centrée réduite lorsqu'elle a pour densité de probabilité :

 

  est un facteur de normalisation pour que la somme des probabilités soit égale à un :

 

On le prouve par le raisonnement suivant :

 

 

donc  

Avec  ,  , on obtient  

donc

 

  • Une variable aléatoire   suit une loi normale centrée lorsqu'elle a pour densité de probabilité :

 

Avec  ,  , on vérifie que  

  • Une variable aléatoire   suit une loi normale lorsqu'elle a pour densité de probabilité :

 

Avec  ,  , on vérifie que  

 

La courbe rouge représente la densité de probabilité de la loi normale centrée réduite.

Moyenne modifier

Une variable aléatoire   est centrée lorsque sa moyenne, ou son espérance  , est nulle. On vérifie facilement que les lois normales centrées ont une moyenne nulle puisque leurs densités de probabilité sont paires.   est l'intégrale d'une fonction impaire et est donc nulle.

Avec  , on obtient pour l'espérance de la loi normale :

 

Variance et écart-type modifier

  • On obtient la variance d'une variable aléatoire   normale centrée réduite en intégrant par parties :

 

  • Avec  ,  , on obtient alors la variance de la loi normale centrée :

 

  • La variance de la loi normale est identique :

 

  est donc l'écart-type   de  .

Pour la loi normale,   est aussi une bonne estimation de la moyenne des valeurs absolues des écarts à la moyenne :

 

 

donc

 

La loi log-normale modifier

Densité de probabilité modifier

Soit   une variable aléatoire telle que   suive une loi normale de moyenne   et d'écart-type  .

La fonction de répartition de   est

 

La densité de probabilité de   est donc

 


 

Quelques fonctions de densité log-normales avec le même paramètre   mais différents paramètres  

Moyenne modifier

 

Avec  ,  ,  ,  

 

Or  

Donc

 

 

Variance et écart-type modifier

 

Avec  ,  ,  

 

Or  

Donc

 

 

 

 

L'écart-type de   est donc