La science de la finance/L'évaluation des projets
On veut financer les projets les plus profitables. Il faut donc être capable de les évaluer au préalable. Ce chapitre présente les principes les plus élémentaires de l'évaluation économique et financière, ainsi que quelques exemples importants. Le thème de l'évaluation des projets est approfondi dans un chapitre complémentaire consacré à l'évaluation des risques.
Qu'est-ce qui fait la valeur économique ?
modifierLa valeur d'usage
modifierTout ce qui a de la valeur peut être appelé un bien. Les services sont des biens éphémères, consommés dès qu'ils sont produits. Les autres biens sont en général des biens matériels que l'on peut conserver plus ou moins longtemps. Il y a aussi des biens immatériels, comme les droits de propriété intellectuelle.
La valeur d'un bien dépend de son usage et donc de son utilité. Les biens finaux sont les biens directement utiles, parce qu'ils donnent du plaisir ou du confort, ou parce qu'ils réduisent la douleur ou l'inconfort. Les biens intermédiaires prouvent leur utilité en servant à la production d'autres biens.
La terre et le travail sont les deux premières sources des valeurs d'usage. La terre désigne toutes les ressources naturelles, principalement la biosphère, c'est à dire la mince pellicule à la surface de la Terre qui abrite la vie. Le travail est créateur de valeur dès qu'il est utile. Il est un service donc un bien. La terre et et le travail sont les ressources premières, les biens d'équipement sont des ressource secondes, parce qu'ils sont produits à partir des ressources premières.
La valeur d'usage est variable. Si on est assoiffé, la valeur d'usage d'un verre d'eau est très grande, mais elle devient presque nulle dès qu'on est désaltéré.
La création de valeur par le commerce et par l'argent
modifierUn même bien peut être utilisé de diverses façons, par divers agents, avec des valeurs différentes. Cela explique la possibilité des gains à l'échange. Si l'agent 1 possède le bien A qui a pour lui une valeur d'usage inférieure à celle du bien B, possédé par l'agent 2, et si 2 estime inversement que A vaut plus que B, alors 1 et 2 ont tous les deux intérêt à échanger A contre B. C'est un échange gagnant-gagnant. Lorsque le commerce augmente ainsi les valeurs d'usage des biens échangés, il est créateur de valeur.
Lorsque le commerce est réduit au troc, il est entravé par le problème de la double-coïncidence des besoins. 1 doit posséder un bien désiré par 2 et inversement. L'argent permet de résoudre ce problème, parce que dans une économie monétaire, tous les échangeurs sont disposés à céder leurs biens contre de l'argent. On cite parfois cette solution au problème de la double-coïncidence des besoins comme l'explication de l'origine de la monnaie. Les êtres humains auraient inventé la monnaie afin de développer le commerce, qui était auparavant réduit au troc. Mais c'est un mythe. Le commerce n'est pas la seule cause de l'apparition de l'argent. Il faut aussi songer aux butins de guerre, aux impôts, aux dettes... Il reste qu'il est vrai que l'argent est formidablement utile pour le commerce. Il est devenu comme un huile indispensable au fonctionnement de l'économie. Si on essayait de s'en passer, plus personne ne pourrait travailler et consommer comme il le fait aujourd'hui.
Puisque le commerce est créateur de valeur et puisque l'argent multiplie les opportunités commerciales, l'argent est créateur de valeur.
La valeur d'échange
modifierLa valeur d'échange d'un bien est la valeur d'un autre bien contre lequel il peut être échangé. Lorsqu'un bien est vendu, c'est à dire échangé contre de l'argent, sa valeur d'échange est simplement son prix de vente. Mais quelle est la valeur de l'argent ? C'est encore une valeur d'échange. L'argent a de la valeur parce qu'il peut être échangé contre d'autres biens, parce qu'il permet de les acheter. C'est même la définition de l'argent : l'argent est un bien qui est accepté dans toutes les transactions, non pour sa valeur d'usage mais pour sa valeur d'échange, parce qu'il permet d'acheter tous les biens disponibles à la vente.
Bien sûr l'argent est mis à contribution dans les guerres, les crimes et toutes les formes de violence et de domination, et il incite à l'égoïsme et à la cupidité. La valeur économique n'est pas la valeur morale. Même en l'absence de violence ou d'égoïsme, les valeurs d'usage sont moralement discutables, puisqu'elles ne dépendent que de la satisfaction des agents. Et même s'il y a gain à l'échange, la répartition des gains peut être déséquilibrée et injuste.
Ce livre d'économie discutera de la valeur surtout au sens économique. La valeur économique est ou bien sa valeur d'usage, et elle dépend de la satisfaction des agents, ou bien sa valeur d'échange, et elle dépend des possibilités commerciales.
La valeur économique est prioritaire dans l'ordre des moyens, parce qu'il faut un minimum de satisfaction ne serait-ce que pour survivre, mais peut-être pas dans l'ordre des fins, parce qu'elle se réduit à la satisfaction de tous les agents (ce qui est quand même déjà beaucoup).
La théorie de la valeur travail
modifierLe présent livre a adopté une approche orthodoxe sur la théorie de la valeur économique. Les valeurs économiques fondamentales sont les valeurs d'usage. Les valeurs d'échange viennent de ce que les agents ont intérêt à échanger. Les prix relatifs des biens sont observés sur les marchés. Cette théorie de la valeur ne permet de définir un prix juste que comme le prix moyen observé sur un marché, pourvu que celui-ci soit suffisamment développé, c'est à dire qu'il y ait beaucoup d'acheteurs et de vendeurs. C'est un prix juste seulement au sens économique, pas forcément au sens moral, puisque les prix de marché, les salaires par exemple, ne vont pas toujours dans le sens de la justice sociale.
Une approche concurrente, initiée par David Ricardo et reprise par Karl Marx (Le capital, chapitre 1), postule que la valeur économique réelle d'un bien doit être estimée non par son prix de marché mais par la quantité de travail nécessaire à sa production, la quantité de travail qui a été comme incorporée en lui. Si un bien réclame 10 heures de travail pour être produit, il devrait donc valoir 10 fois plus qu'un bien qui requiert seulement une heure. Mais cette théorie se heurte à une difficulté, parce que les heures de travail ne sont pas toutes équivalentes, elles ne sont pas toutes également utiles. Marx reconnaît cette difficulté mais l'évacue en affirmant qu'il y a une unité de travail horaire moyen, à laquelle toutes les autres heures de travail peuvent être comparées. Mais cela revient à résoudre le problème de la valeur économique (qu'est-ce qui explique les différences de valeur entre les biens ?) en postulant qu'il est déjà résolu, puisque les valeurs relatives des heures de travail doivent être connues par avance pour calculer la valeur de la quantité de travail incorporée.
Bien sûr le travail peut être créateur de valeur, mais le dire ne suffit pas pour expliquer les différences de valeur des biens économiques.
Travail et valeur ne sont pas nécessairement liés. De nombreux biens naturels, qui ont beaucoup de valeur, sont parfois obtenus sans travail, ou avec très peu de travail par rapport à leur valeur. Inversement, le travail peut être inefficace, ou produire des biens inutiles, ou faire plus de mal que de bien. Dire qu'un bien a de la valeur parce qu'il a fallu travailler pour le produire est mettre les choses à l'envers. Nous travaillons pour produire des biens parce qu'ils ont de la valeur. S'ils n'ont pas de valeur, il n'y a pas de sens à travailler pour les produire.
La théorie de la valeur travail est défendue par Marx et les marxistes pour dénoncer l'injustice économique : les propriétaires peuvent gagner beaucoup d'argent sans travailler au détriment des travailleurs. La plus-value est définie par Marx comme la différence entre la véritable valeur des biens produits et les salaires versés. Elle est donc une sorte de vol. Mais on ne peut pas définir une véritable valeur économique sauf par les prix de marché. Renoncer à la théorie marxiste de la plus-value n'est pas pour autant une façon de nier l'injustice économique. La plupart des entreprises ont besoin de financement, donc de propriétaires qui prêtent ou confient leur argent et qui en retour reçoivent des intérêts ou des profits. La finance donne aux propriétaires les moyens de prélever systématiquement une partie des richesses produites par le travail. On n'a pas besoin de la théorie marxiste de la plus-value pour dénoncer cette injustice.
Le profit et le taux de profit
modifierLes coûts, les recettes et le profit
modifierUn projet mobilise des ressources, des biens, afin de produire d'autres biens. Il implique toujours des coûts et on attend en général qu'il procure des recettes.
Les coûts sont les charges de travail, les matières premières et les fournitures consommées, les biens d'équipement utilisés, les taxes et d'éventuelles charges financières telles que le remboursement des dettes. Les recettes sont les biens (y compris les services) produits et en général vendus, auxquels on peut ajouter les prêts, les dons, les subventions, et d'éventuels revenus financiers. Un prêt peut être considéré comme une recette qui précède un coût, le remboursement du prêt.
Lorsque les biens peuvent être achetés et vendus sur un marché, on peut leur attribuer un prix et les évaluer ainsi. Au point de vue d'un comptable et d'un mathématicien, un projet est une suite de coûts et de recettes, évalués par leurs prix, échelonnés dans le temps. Lorsque les dates et les montants des recettes et des coûts sont connus d'avance, le projet est certain, sinon il est incertain.
La méthode d'évaluation à partir des coûts et des recettes monétaires est plus générale qu'il n'y paraît. Bien sûr de nombreux projets ont des coûts et des gains non-monétaires, mais ils peuvent parfois être estimés par un équivalent monétaire, surtout si ces projets participent à l'activité économique.
Dans la suite on supposera que tous les coûts et toutes les recettes sont estimés par un équivalent monétaire. On peut alors évaluer un projet à partir de son profit ou de sa perte.
Le profit peut être calculé simplement comme la différence entre la somme de toutes les recettes et la somme de tous les coûts. Si cette différence est négative, il s'agit d'une perte. Cette définition du profit ignore le coût d'opportunité des avances de fonds et les coûts de trésorerie. Pour en tenir compte, il faut une définition du profit qui actualise les valeurs. Elle est présentée plus loin dans ce chapitre. Tant que les projets sont à court terme on commet une erreur en général négligeable si on calcule le profit simplement comme la différence entre les recettes et les coûts, sans les actualiser.
Pour une entreprise on veut en général connaître le profit au cours d'une période donnée. Le patrimoine de l'entreprise en début de période est compté comme un coût initial en début de période, et comme une recette finale en fin de période, parce qu'il est réinvesti pour la période suivante. L'évaluation du patrimoine d'une entreprise est donc très importante pour évaluer son profit annuel.
Les avances de fonds et le taux de profit
modifierCertains projets requièrent que l'on avance des fonds, parce que les coûts précèdent les recettes. Les avances sont les coûts qui ne peuvent pas être payés par des recettes antérieures. Quand on s'engage dans un projet, on s'oblige par avance à avancer de tels fonds.
Il existe des projets qui peuvent rapporter un profit sans exiger d'avances de fonds, parce que les recettes précèdent les coûts et suffisent pour les couvrir. Par exemple si on vend au comptant avec un gain commercial un bien qu'on a acheté à crédit, on peut réaliser un bon profit sans avoir avancé le moindre argent. Quand on peut réaliser un tel projet, c'est évidemment une aubaine. De façon générale, si on peut emprunter des fonds, il n'est pas nécessaire de les avancer.
Le taux de profit est le rapport entre le profit et les avances de fonds. Si par exemple un projet a un unique coût initial de 100 et une unique recette finale au bout d'un an de 110, le profit est de 10, l'avance de fonds est de 100 et le taux de profit est de 10/100=0.1=10% .
L'effet de levier
modifierOn peut bénéficier d'un effet de levier lorsqu'un projet a un taux de profit plus élevé que le taux auquel on peut emprunter. L'effet de levier permet d'augmenter le taux de profit, jusqu'à l'infini, en empruntant tout ou partie des fonds nécessaires au projet. Si on peut tout emprunter, il n'y a pas de fonds à avancer et le taux de profit est infini. Si on emprunte seulement une partie des fonds, on augmente le taux de profit, parce qu'on gagne sur la différence entre le taux de profit du projet et le taux auquel on emprunte.
Un exemple : si on investit 100 dans une entreprise dont le taux de profit est de 20% annuel, on fait un profit de 20 au bout d'un an. Si on a emprunté 50 au taux de 10%, on doit rembourser 55 au bout d'un an, le profit n'est plus que de 15, mais on a avancé seulement 50. Le taux de profit est donc de 15/50=30%. En empruntant, on a augmenté par effet de levier le taux de profit de 20 à 30%.
L'effet de levier, quand on peut en bénéficier, ressemble à une aubaine magnifique, puisqu'il permet d'augmenter le taux de profit autant qu'on veut. Si le projet n'est pas risqué, il n'y a pas de raison de se priver d'une telle aubaine. Mais les projets sont en général risqués. Si le taux de profit réalisé est inférieur au taux auquel on a emprunté, on doit supporter une perte, qui est d'autant plus importante qu'on a davantage emprunté. Se servir de l'effet de levier augmente donc le risque d'un projet et peut conduire à la faillite. C'est pourquoi on exige en général que les entreprises aient des fonds propres suffisants, qu'elles ne soient pas uniquement financées par l'emprunt. Ces fonds propres sont comme une sorte de coussin de sécurité, qui permet à l'entreprise de supporter d'éventuelles pertes (Admati & Hellwig 2013). Si une entreprise abuse de l'effet de levier, en ayant des fonds propres faibles par rapport à ce qu'elle emprunte, elle prend un risque de faillite et fait peser sur les prêteurs un risque de non remboursement. L'effet de levier est donc une façon d'augmenter le taux de profit espéré tout en augmentant les risques, et en se déchargeant d'une partie de ces risques sur les prêteurs.
Il est souhaitable, ne serait-ce que pour des raisons de justice sociale, pour que même les moins fortunés puissent entreprendre, que certains projets soient financés uniquement par l'emprunt, sans exiger de fonds propres initiaux, donc qu'ils bénéficient d'un effet de levier infini. Mais dans ce cas les prêteurs doivent savoir qu'ils prennent sur eux les risques du projet.
Les banques sont les premières bénéficiaires de l'effet de levier, parce qu'elles peuvent emprunter à un taux très faible, éventuellement nul, lorsque les comptes bancaires ne sont pas rémunérés.
La création de valeur par la composition des projets
modifierLa composition des projets est une expression à double sens. Il s'agit à la fois de la la conception d'un nouveau projet (mobiliser des ressources pour produire des biens) et de l'assemblage de plusieurs projets, initialement séparés, en un projet plus complexe qui les combine. Les deux sens sont étroitement reliés et ne peuvent pas toujours être clairement distingués, parce qu'en assemblant plusieurs projets en un seul, on peut être amené à les modifier et à réaffecter certaines de leurs ressources, ce qui revient finalement à concevoir un nouveau projet.
Un projet profitable est créateur de valeur, puisque les recettes ont une valeur supérieure aux coûts. Le profit est la partie de la valeur créée retenue par le propriétaire, mais le projet peut aussi créer aussi de la valeur pour tous ceux qui y participent.
Les gains à l'échange permettent de créer de la valeur en assemblant deux projets (la production des deux biens échangés) et en échangeant leurs produits.
Lorsqu'un projet augmente la valeur d'autres projets, il a des externalités positives. Si au contraire il fait diminuer la valeur d'autres projets il a des externalités négatives.
Lorsque deux projets ou plus ont des externalités positives les uns pour les autres, on crée de la valeur en les assemblant, parce que chacun rapportera plus en présence des autres que sans eux. Dans ce cas, la valeur du projet composé est supérieure est la somme des valeurs des projets composants pris séparément.
Si une entreprise a la possibilité d'acquérir ou de fusionner avec une entreprise concurrente, elle se donne un projet qui compose les projets des deux entreprises initialement séparées. S'il y a des rendements croissants, les profits des entreprises fusionnées sont supérieurs à ceux des entreprises séparées. C'est une forme de création de valeur par composition des projets. Les banques d'investissement, qui conseillent leurs clients sur d'éventuelles fusions ou acquisitions, recherchent de telles possibilités de création de valeur. Même s'il n'y a pas de rendements croissants, la fusion peut être profitable pour les entreprises, mais au détriment des consommateurs, parce qu'elle réduit la pression de la concurrence sur la diminution des profits. La nouvelle entreprise peut donc espérer faire des profits supérieurs en exploitant une position de monopole.
Un projet peut avoir une valeur supérieure à la somme des valeurs des projets dont il est constitué par un effet de réduction des risques, parce qu'un projet composé peut être beaucoup moins risqué que les projets dont il est constitué.
Si deux projets séparés sont très risqués, un projet qui les contient tous les deux peut quand même être sans risque. Une telle diminution du risque augmente la valeur du projet composé, parce que pour une même profit moyen espéré, un projet a d'autant plus de valeur qu'il est moins risqué. Par exemple, supposons qu'un projet 1 apporte un profit au bout d'un an, seulement au cas où l'événement incertain A est réalisé, et qu'un autre projet 2, apporte le même profit, au bout d'un an, seulement au cas où l'événement A n'est pas réalisé. Les projets 1 et 2, réalisés séparément sont risqués. En revanche, les réaliser ensemble n'est pas risqué, parce qu'on est sûr d'obtenir le même profit quelle que soit la réalisation de l'événement A. En composant des projets, on peut parfois annuler, ou au moins réduire, le risque auquel on est exposé. Comme le risque réduit la valeur d'un projet, annuler ou réduire le risque augmente sa valeur.
Un pari risqué peut toujours être compensé par un autre pari risqué de telle façon que les deux paris pris ensemble constituent un projet sans risque. Si par exemple j'ai parié sur pile, il me suffit de parier aussi sur face pour que le risque du premier pari soit annulé par le risque du second. C'est pourquoi les marchés financiers ressemblent paradoxalement à la fois à un casino et à une compagnie d'assurance. En négociant des paris, on peut augmenter ses risques mais on peut aussi les réduire, parce que les risques de paris différents peuvent se compenser.
Parier à la fois sur pile et sur face pour faire du profit est une méthode souvent employée. Lorsqu'un joueur prend un pari, le propriétaire d'un casino accepte toujours de prendre le pari contraire. Il parie donc tous les soirs à la fois sur rouge et sur noir, sur pair et sur impair, et ainsi de suite, et il se fait régulièrement un profit puisque les chances de gain sont légèrement en sa faveur. Les banques procèdent de la même façon. Elle peuvent faire régulièrement des profits sans risque, parce qu'elle peuvent compenser tous leurs risques, toujours avec des chances de gain légèrement en leur faveur. Les clients d'une banque prennent des risques, mais pas forcément la banque elle-même, qui peut se comporter comme un propriétaire de casino.
La diversification des projets est une façon de compenser les risques par d'autres risques. En faisant de nombreux paris, ou en pariant sur tous les résultats possibles, on peut réduire ou annuler les risques. C'est pourquoi on recommande aux investisseurs prudents de diversifier leurs investissements, de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. La diversification des activités est également importante pour une entreprise qui veut réduire ses risques. On lit parfois que les entreprises ne devraient pas diversifier leurs activités en vue de réduire leurs risques, parce que les actionnaires peuvent déjà le faire, en diversifiant leurs portefeuilles. Mais c'est ignorer les coûts supplémentaires imposés par les faillites. Une faillite coûte plus cher que la seule perte commerciale liée à une baisse d'activité. Les faillites coûtent cher à la fois aux propriétaires, à leurs créanciers, aux employés et à tous les agents économiques, parce qu'elles font augmenter le risque de contrepartie, auquel tout le monde est exposé. Il est donc dans l'intérêt général que les entreprises réduisent leurs risques autant qu'elles peuvent, pas seulement les actionnaires, et donc qu'elles diversifient leurs activités si elles le peuvent.
Pourquoi les banques d'investissement peuvent-elles faire payer leurs services à des montants qui semblent exorbitants ? Si le travail des banquiers était semblable à celui d'une agence de rencontres entre prêteurs et emprunteurs, il ne devrait pas être rémunéré beaucoup plus qu'une agence matrimoniale. Mais l'expertise en gestion de patrimoine des entreprises fait partie de la compétence des banques d'investissement. Elles gèrent leur propre patrimoine et vendent leur expertise à leurs clients. Lorsqu'il s'agit de grandes entreprises, les possibilités de création de valeur par composition des projets offrent des possibilités de profit parfois très élevées. Il peut y avoir beaucoup, beaucoup d'argent à se faire. C'est pourquoi le service de gestion de patrimoine d'entreprise peut être parfois vendu à un prix très élevé.
La création de valeur par composition des projets incite les agents à s'associer. Toutes les collectivités, les associations, les entreprises, les partenariats, les mutuelles, les syndicats... peuvent créer de la valeur en composant avec les projets et les ressources de leurs agents.
La valeur économique de l'ordre commun
modifierLa main invisible du marché et l'intérêt de coopérer
modifierLa métaphore de la main invisible du marché vient de ce que parfois les agents agissent dans l'intérêt général alors qu'ils ne sont mus que par leurs intérêts particuliers, comme si une main invisible les guidait vers un but commun qu'ils ne recherchent pas. Si on l'entend correctement, l'existence de cette main invisible n'a rien de prodigieux, mais elle est surtout souvent douteuse. La main invisible n'est ni absurde, ni miraculeuse dans une économie de marché, parce que pour optimiser leurs revenus, les agents sont incités à produire des biens vendables et donc des biens utiles aux autres. Pour rechercher leur intérêt individuel ils doivent se rendre utiles aux autres. Mais croire qu'ils peuvent toujours atteindre ainsi l'intérêt général ignore l'importance des externalités. Quand ils s'engagent chacun dans leurs projets, les agents ne sont pas incités à tenir compte de leurs externalités, positives ou négatives. En poursuivant exclusivement leurs intérêts égoïstes ils peuvent nuire à autrui, ou ne pas profiter des opportunités qu'offre la coopération.
Lorsque leurs projets ont des externalités négatives, les agents sont incités par la compétition sur le marché à ne pas en tenir compte. La réduction ou la suppression des externalités négatives a un coût et fait diminuer les profits. Un agent peu scrupuleux peut donc vendre à des prix moins élevés que les concurrents qui se refusent à nuire à autrui, et les éliminer ainsi du marché. Pour rester compétitifs, tous les concurrents sont incités à renoncer à leurs scrupules. Lorsque les externalités négatives sont ignorées, les règles du marché ne sélectionnent pas les meilleurs mais seulement les moins altruistes ou les plus malhonnêtes (Akerlof et Shiller 2015).
Le dilemme du prisonnier est un exemple théorique simple qui montre pourquoi la main invisible ne fonctionne pas toujours. Imaginez deux prisonniers à qui un interrogateur propose séparément le marché suivant. Si tous les deux dénoncent l'autre, ils prendront 5 ans. Si aucun ne dénonce, ils resteront 1 an en prison, avant d'être libérés. Si l'un dénonce l'autre sans avoir été dénoncé par lui, il sort immédiatement et l'autre prend 10 ans. Chaque prisonnier peut alors tenir le raisonnement suivant : si l'autre me dénonce, j'ai intérêt à le dénoncer, puisque je prendrais 5 ans au lieu de 10, et si l'autre ne me dénonce pas, j'ai aussi intérêt à le dénoncer, puisque je sortirais immédiatement au lieu de rester 1 an. Les deux prisonniers sont ainsi incités à dénoncer et ils obtiennent ensemble un résultat inférieur (de leur point de vue) à celui qu'ils auraient obtenus s'ils s'étaient décidés à coopérer. La recherche égoïste de leur intérêt les prive de la création de valeur par coopération.
Soient deux entreprises A et B qui peuvent toutes les deux s'engager dans l'un des projets 1 ou 2. On suppose si elles ont toutes les deux choisies le projet 1, elles seront en concurrence, alors que si elles choisissent le projet 2, elles seront complémentaires. Plus précisément on suppose qu'elles gagneront chacune 30 si elles s'engagent toutes les deux dans le projet 1, et 40 si elles s'engagent toutes les deux dans le projet 2, mais si une seule s'engage dans le projet 1, elle gagnera 50 et l'autre dans le projet 2 ne gagnera que 10. Le projet 1 de A a une externalité négative sur le projet 1 de B, parce qu'il fait baisser le gain de B de 50 à 30. En revanche le projet 2 de A a une externalité positive sur le projet 2 de B, puisqu'il fait monter le gain de 10 à 40. S'ils ne coopèrent pas, A et B sont incités à choisir le projet le moins profitable, comme dans le dilemme du prisonnier. Mais s'ils coopèrent, ils peuvent créer de la valeur en composant leurs projets.
L'interdépendance de tous les projets
modifierUn projet profitable ne bénéficie pas seulement à ses propriétaires, mais aussi à tous ceux qui participent : les clients, parce qu'ils gagnent des opportunités d'achat, les fournisseurs, parce qu'ils gagnent des opportunités de vente, les employés, parce qu'ils gagnent un salaire, éventuellement une banque, ou d'autres prêteurs, parce qu'ils reçoivent des intérêts, et l'État, qui prélève des impôts. Le projet a donc des externalités positives pour tous ces participants.
Dans une économie de marché, tous les agents ont en général un intérêt à ce que les autres soient prospères, parce que pour être prospère, il faut vendre, il faut donc des acheteurs suffisamment prospères pour acheter. Un projet profitable l'est pour tout le monde parce qu'il contribue à la prospérité générale. Sans une telle prospérité partagée, il est beaucoup plus difficile d'être soi-même prospère. Un projet profitable a donc des externalités positives sur la plupart des autres projets.
Dans certains cas, des projets peuvent être en concurrence, ou une autre forme d'antagonisme, et le profit de l'un est une perte pour les autres. De tels projets ont des externalités négatives les uns sur les autres.
Les agents ne sont pas incités à prendre en compte les externalités quand ils poursuivent leurs intérêts particuliers, ce qui les conduit à ignorer ou négliger les bénéfices et les pertes de leur interdépendance. S'ils veulent en bénéficier pleinement ils ont intérêt à s'associer, d'une façon ou d'une autre.
Les marchés financiers et le risque
modifierLes contrats financiers peuvent servir à réduire les risques, mais ils peuvent aussi les augmenter.
Les contrats financiers permettent de réduire les risques soit en les transférant sur une contrepartie qui vous assure contre le risque, soit par diversification, parce qu'un projet composé de projets risqués et convenablement diversifiés peut être moins risqué, et même parfois presque sans risque, que les projets dont il est composé.
Un exemple de contrat de transfert de risque : supposons qu'un projet ait un coût initial de 40 et qu'il rapporte 100 trois fois sur cinq et 0 sinon. Le profit moyen est de 20, mais il est risqué. On prend le risque de perdre 40 deux fois sur cinq. Un tel risque peut dissuader de se lancer dans le projet bien que son profit moyen le rende intéressant. Si une contrepartie accepte de vendre un contrat qui garantit que si le projet ne rapporte pas, elle versera les 100 que le projet n'a pas versé et si le prix de ce contrat est 50, on peut s'engager dans un projet sans risque qui coûte 40+50=90 et qui rapportera sans risque 100. Le contrepartie a un intérêt à vous proposer un tel contrat, parce qu'elle vend 50 un contrat qui lui coûtera 40 en moyenne. Les deux parties peuvent donc être intéressées, l'une pour transformer un projet risqué en un projet sans risque, l'autre pour bénéficier d'un profit moyen positif. Une des partie transfère ainsi son risque sur l'autre partie. L'une est l'assurée, l'autre est l'assureur.
Bien sûr quand on cherche une contrepartie qui vous protège contre le risque, il faut être raisonnablement sûr qu'elle pourra tenir ses engagements. Être assuré par un assureur qui risque de faire faillite, c'est ne pas être assuré du tout. Une contrepartie sur laquelle on transfère un risque est une bonne assurance soit parce qu'elle dispose d'un patrimoine suffisant pour supporter les éventuelles pertes, soit parce qu'elle sait réduire ou éliminer le risque par diversification.
Les marchés financiers peuvent augmenter les risques économiques parce qu'ils peuvent inciter des agents à prendre des risques alors qu'ils ne sont pas capables de les supporter. Si d'autres agents croient qu'ils sont assurés alors qu'ils ne le sont pas, parce que leur assureur risque de faire faillite, il peut y avoir une contagion des faillites. Même les projets qu'on croit sans risque parce qu'on se croit assuré sont en vérité très risqués. Tout le monde prend le risque de faire faillite simultanément.
Ordre commun, prospérité et liberté
modifierLes agents économiques ont collectivement intérêt à s'associer et à se donner des lois pour interdire ou limiter les externalités négatives, pour favoriser les externalités positives, pour stabiliser et sécuriser l'économie, et de façon générale, pour que chacun bénéficie au mieux des conditions économiques, ou au moins n'en pâtisse pas trop. Ce n'est pas seulement une question de justice sociale, c'est aussi plus prosaïquement une façon d'augmenter les profits, parce qu'un ordre commun, s'il est adapté à la réalité, bénéficie à tous, parce qu'il nous rend capable de créer de la valeur en unifiant nos projets.
Le laisser-faire intégral, qui est parfois promu par quelques théoriciens de l'utopie, ne peut que conduire à l'anarchie et à la catastrophe économique. Les économies ont besoin d'un État fort et bien géré pour prospérer. Sans un tel État on perd la plupart des profits économiques de l'organisation et de la coopération.
Dans une véritable démocratie, un État fort n'est pas forcément contraire aux libertés. Si tout le monde participe à la conception, à l'évaluation et aux décisions qui portent sur l'ordre commun, qui alors n'est pas livré à l'arbitraire d'un chef ou d'une minorité, on peut espérer que cet ordre collectif favorise la liberté de tous.
Les options
modifierOn peut distinguer deux sortes d'action : celles qu'on est obligé de faire et celles pour lesquelles on peut se décider avant d'agir. La théorie des options étudie les secondes, les actions qu'on est libre de faire ou non.
Les décisions que l'on peut prendre dépendent de nos moyens d'agir. Acquérir des options, c'est se rendre capable, c'est acquérir des moyens d'agir. Exercer l'option, c'est simplement agir.
Options américaines et européennes
modifierIl y a plusieurs façons de se donner des moyens d'agir et donc plusieurs sortes d'options :
- Si le moyen d'agir ne peut être utilisé qu'à une date déterminée, fixée par avance, il s'agit d'une option européenne. L'option ne peut être exercée ni avant, ni après sa date d'échéance.
- Si le moyen d'agir peut être utilisé tous les jours, mais disparaît dès qu'il est utilisé, il s'agit d'une option américaine. Sur les marchés financiers, elles ont en général une échéance : l'option est conservée tant qu'elle n'est pas exercée seulement jusqu'à une date déterminée, après laquelle elle disparaît, qu'elle ait été exercée ou non. Mais on peut aussi songer à des options américaines sans échéance, qui disparaissent seulement si elles sont exercées.
- Si le moyen d'agir peut être conservé et utilisé tous les jours, et s'il n'est pas consommé par son utilisation, il s'agit d'une succession illimitée d'options européennes : une pour chaque jour, ou chaque période, d'utilisation.
L'omniprésence des options
modifierLes options sont omniprésentes en économie, comme dans toutes les activités humaines, dans la mesure où nous sommes libres d'agir.
- Quand on conçoit un projet réalisable, on acquiert l'option de le réaliser. C'est une option américaine sans échéance, puisqu'on peut remettre à plus tard la réalisation du projet.
- Un bien de consommation durable est une option de consommer. On acquiert l'option de consommer en acquérant le bien consommable. On exerce l'option quand on le consomme. C'est une option américaine dont l'échéance est la date limite de consommation.
- Un bien d'équipement est une option sur son usage. S'il n'est pas usé par son usage, il est une succession illimitée d'options européennes, une option pour chaque jour, ou période, d'utilisation. Mais s'il est usé par son usage, il est un paquet d'options américaines. À chaque fois qu'on l'utilise, on consomme une partie de son usage potentiel, ce qui revient à exercer une option américaine.
- Une compétence professionnelle est une option sur son exercice. C'est une succession d'options européennes pour tous les jours, ou toutes les périodes, de travail.
- Une richesse naturelle est une option sur son usage. Si elle est renouvelable, comme une terre qui n'est pas dégradée par son utilisation, c'est une succession illimitée d'options européennes, une pour chaque jour, ou chaque période, d'utilisation. Si elle est consommée par son utilisation, comme une réserve naturelle de pétrole, c'est un paquet d'options américaines.
- La monnaie est une option d'acheter. Avant d'acheter, il faut en général avoir l'argent disponible. Cet argent donne les moyens d'acheter ou de ne pas acheter. C'est une option américaine sans échéance, parce qu'on conserve l'option d'acheter tant qu'on ne l'exerce pas.
- Une obligation est une option sur le remboursement d'une dette. On peut la concevoir comme une option européenne pour le jour de remboursement, mais la réalité est en général plus compliquée, puisque les remboursements peuvent être étalés dans le temps, et la défaillance peut être suivie de remboursement partiel.
- Les options échangées sur les marchés financiers sont en général des options sur l'achat ou la vente de produits financiers. Elles sont expliquées plus loin.
- Il peut y avoir des options sur options. Ce sont des moyens d'acquérir d'autres moyens.
Un bien durable et vendable est toujours accompagné d'une option de le vendre. On acquiert l'option en acquérant le bien. On exerce l'option en le vendant. C'est une option américaine dont l'échéance dépend de la durée de vie du bien.
Lorsqu'une option 1 est vendable, l'acheter revient à acquérir deux options, l'option 1 elle-même plus l'option 2 sur la vente de l'option 1. Mais on ne peut pas évaluer séparément la valeur de l'option 2 et l'ajouter à celle de l'option 1, comme si c'était un don gratuit, parce que les options 1 et 2 ne peuvent pas être exercées simultanément. Si on exerce l'option 1 on ne peut plus la vendre et on ne peut donc pas exercer l'option 2. Inversement si on exerce l'option 2 on perd le droit d'exercer l'option 1. On a le choix entre deux exercices possibles, mais c'est l'un ou l'autre, jamais les deux ensemble.
Les options peuvent être combinées de très nombreuses façons, plus ou moins compliquées, parce que l'exercice, ou le non-exercice, d'une ou plusieurs options peut être une condition pour l'exercice d'autres options.
Toutes les décisions que nous prenons sont toujours des façons d'exercer des options, parce qu'avant de nous décider nous sommes libres de nous décider. La théorie générale des options est donc tout simplement la théorie de la prise de décision. Comme l'économie dans son ensemble résulte de toutes les décisions économiques de tous les agents, la science économique peut être conçue comme la théorie des options économiques, c'est à dire les options dont l'exercice a une valeur économique, une valeur d'usage ou une valeur d'échange.
Un projet peut toujours être considéré comme une succession d'options et d'engagements, qui sont souvent interdépendants.
La valeur d'exercice d'une option
modifierUne option est exercée seulement si l'agent estime qu'elle a de la valeur. Mais cette valeur n'est pas connue d'avance, le jour où on acquiert l'option. Le jour d'exercice, elle est parfois connue exactement, si par exemple l'exercice conduit à une recette monétaire, sinon elle doit être estimée par l'agent qui doit se décider. Cette valeur, connue ou estimée est la valeur d'exercice de l'option.
Acquérir des options revient à augmenter sa liberté, puisqu'en acquérant des moyens d'action on devient davantage libre d'agir. Mais cette liberté ne rend pas les comportements économiques imprédictibles. Au contraire, les comportements économiques sont très souvent prédictibles, pourvu que quelques hypothèses soient satisfaites. Si un agent estime que son action a de la valeur, il agit, sinon, il n'agit pas. Quand un agent a une option, il agit si et seulement si il estime que l'exercice de l'option a une valeur positive. Si on peut prévoir la valeur qu'il estimera, on peut prévoir son action. C'est pourquoi les options dont l'exercice consiste à recevoir immédiatement un revenu sont prédictibles. Si le revenu n'est pas nul, l'agent choisit toujours d'exercer l'option, pour recevoir le revenu.
Une option européenne ressemble à un ticket de loterie. Le jour d'exercice de l'option, un tirage au sort décide de sa valeur d'exercice. Si elle est positive, l'option est exercée et son propriétaire reçoit sa valeur d'exercice. Une option américaine est semblable, sauf que le tirage au sort a lieu tous les jours et qu'on peut refuser un gain présent dans l'espoir d'un gain futur supérieur.
Si sa valeur d'exercice est négative, une option n'est pas exercée. Une option n'expose donc jamais à des pertes, seulement à des gains. C'est donc un actif, un droit sur des versements futurs, jamais un passif. Mais il est risqué parce que les versements futurs sont aléatoires, et ils peuvent être nuls. Les options ne peuvent qu'augmenter la valeur d'un patrimoine. Plus on acquiert d'options, plus on s'enrichit, pourvu que les options aient de la valeur.
La valeur d'exercice d'une option de consommation peut n'être pas connue d'avance. Si par exemple on a acheté une bouteille de Champagne pour un dîner en amoureux, et si finalement le dîner est annulé, la valeur d'exercice de l'option de consommation du Champagne ce soir-la est nettement diminuée.
La valeur d'exercice d'une option de réalisation d'un projet est la valeur qu'on attribue au projet le jour où on se décide à le réaliser.
La valeur d'exercice de l'option sur l'usage d'un bien d'équipement est le service qu'il rend ce jour-la.
Quand on vend un bien, on exerce l'option de le vendre. La valeur d'exercice de l'option est le prix de vente.
Une action qui verse des dividendes est accompagnée d'une succession d'options européennes pour tous les jours de versements des dividendes. Les valeurs d'exercice de ces options sont les dividendes.
Une action qui ne verse pas de dividendes est comme tout bien vendable accompagnée de l'option de la vendre. C'est cette option, cette possibilité de la vendre, qui fait la valeur de l'action (en plus des autres droits attachés à la propriété).
La monnaie, en tant qu'option d'acheter, a une valeur d'exercice variable, qui dépend des opportunités d'achat et de l'inflation, ou de la déflation.
La valeur économique de l'imagination
modifierOn peut acquérir des options en les achetant, mais aussi par son travail, ou parce qu'on a eu de la chance, ou parce qu'on nous les a données. On peut même en acquérir en les créant par l'imagination. Il suffit d'imaginer un projet réalisable et profitable pour acquérir l'option de le réaliser. Comme une option sur un projet profitable a de la valeur, on a augmenté sa richesse par le seul usage de l'imagination.
Comme les projets sont des options tant qu'on ne s'est pas engagé, la création de valeur par composition des projets est aussi une création de valeur par composition des options. La valeur d'une somme d'options peut être supérieure à la somme des valeurs des options prises séparément. En combinant des options par l'imagination, on peut acquérir de nouvelles options sur des projets davantage profitables et augmenter ainsi sa richesse.
La prime d'illiquidité
modifierLorsqu'un portefeuille est constitué d'actifs liquides, les fonds avancés pour le constituer ne sont pas immobilisés. On peut les récupérer, au moins en partie, en revendant le portefeuille à sa valeur actuelle. En revanche si les actifs sont illiquides, les fonds sont immobilisés, on ne peut pas s'en servir pour investir dans d'autres projets. Si des opportunités très profitables se présentent, on ne peut pas en profiter. La liquidité d'un portefeuille est donc une option sur les opportunités futures. Si un portefeuille est illiquide, on renonce à cette option.
Un projet peut être dit liquide si on peut se désengager à tout moment en revendant sa participation à sa valeur actuelle. Acquérir un portefeuille d'actifs liquides est un projet liquide. Mais les projets dans lesquels on s'engage ne sont pas en général liquides. Il y a des coûts de désengagement qui peuvent être très élevés. Même pour un portefeuille liquide, il y a en général des coûts de désengagement, parce qu'il y a des frais de transaction, mais ils sont faibles. Mais pour certains projets illiquides, on risque de perdre tous les profits espérés si on se désengage avant la fin. Un projet est illiquide lorsque les coûts de désengagement sont dissuasifs. Les avances de fonds d'un projet illiquide sont des fonds immobilisés. Quand on immobilise des fonds, on renonce à une option sur des opportunités futures. Comme cette option a de la valeur, un projet illiquide doit être plus rentable qu'un projet liquide avec les mêmes fonds pour compenser la perte de cette option. L'option perdue sur des opportunités futures est une prime d'illiquidité, c'est la perte de valeur due à l'illiquidité.
S'il n'y avait pas les marchés d'actions, la propriété d'une entreprise serait un actif très peu liquide, parce qu'il est en général difficile de trouver un acquéreur. Les marchés d'actions font que les actions d'entreprises cotées sont très liquides. Ils ont donc fait disparaître la perte de valeur due à l'illiquidité de la propriété d'entreprise.
Les options call et put
modifierUne option call est une option d'acheter à un prix convenu d'avance un bien vendu sur un marché liquide. Une option put est une option de vendre à un prix convenu d'avance un tel bien. Le bien est appelé le sous-jacent. Les options call et put sont des produits financiers dérivés du sous-jacent. Le prix convenu d'avance est le prix d'exercice de l'option. Pour une option call, si le jour d'exercice le prix de marché du bien sous-jacent est supérieur à son prix d'exercice, la valeur d'exercice de l'option est positive et égale à leur différence, sinon elle est nulle et l'option ne doit pas être exercée. Pour une option put, c'est le contraire. Elle a une valeur d'exercice positive lorsque le prix de marché est inférieur à son prix d'exercice. Les options call et put sont donc comme des paris dont les gains dépendent de la variation des prix d'un bien sous-jacent (Hull 2011).
Les options call et put sont achetées et vendues sur les marchés financiers pour de nombreux biens sous-jacents. Les acheteurs d'options sont semblables à des acheteurs de tickets de loterie. Les vendeurs d'options s'engagent à payer les gains futurs éventuels contre un paiement initial, le prix de l'option.
La valeur actuelle nette d'un projet
modifierLe coût d'opportunité des avances de fonds et les coûts de trésorerie
modifierSi des avances de fonds sont requises, leur coût d'opportunité est évalué à partir de l'intérêt qu'elles auraient rapporté si elles avaient été placées sans risque. Ce coût d'opportunité est d'autant plus élevé que le projet est long, et que les taux d'intérêt des placements sans risque sont élevés.
Un profit calculé par la différence entre toutes les recettes et tous les coûts ne représente pas la valeur d'un projet qui requiert des avances de fonds parce qu'on ignore leur coût d'opportunité. Si le profit est inférieur au coût d'opportunité des avances de fonds, on n'a pas intérêt à s'engager dans le projet.
Si la trésorerie du projet est en espèces, comme une caisse remplie de billets et de pièces, ou si elle est placée sur un compte bancaire non-rémunéré, le profit du projet est correctement calculé par la différence entre les recettes et les coûts. Mais en le calculant ainsi, on sous-évalue le profit potentiel parce qu'on ignore que le projet aurait pu rapporter davantage si la trésorerie avait été mieux gérée, si on s'était efforcé d'éliminer les coûts de trésorerie. Ce sont les coûts de l'argent qui dort. Lorsqu'une caisse reste pleine longtemps, on aurait intérêt à placer son contenu pour qu'il rapporte un intérêt, pendant tout le temps où l'argent n'est pas utilisé. Les coûts de trésorerie sont justement ces intérêts que l'on n'a pas perçus alors qu'on aurait pu les percevoir si on avait placé l'argent resté en caisse. Les coûts de trésorerie peuvent être réduits si on peut placer le contenu de la caisse pour qu'il rapporte un intérêt sans risque. En principe il est possible d'éliminer les coûts de trésorerie, si on s'arrange pour que la caisse reste presque toujours vide, si on place toujours les excédents de trésorerie pour qu'ils rapportent un intérêt sans risque optimal. Comme on peut en principe éliminer les coûts de trésorerie, un projet a un profit potentiel indépendant de ces coûts.
Le taux d’actualisation et la valeur actuelle nette
modifierLa valeur actuelle nette d'un projet est calculée à partir de son profit potentiel, indépendant des coûts de trésorerie, duquel on a déduit le coût d'opportunité des avances de fonds.
Pour calculer la valeur actuelle nette, il faut définir le taux d'actualisation. Il est estimé à partir des taux d'intérêt des placements sans risque et liquides.
À cause des coûts de trésorerie, additionner les valeurs de versements échelonnés dans le temps en faisant une simple somme de versements ne convient pas, parce que la valeur de l’argent reçu aujourd’hui n’est pas égale à la valeur de l’argent reçu à une date ultérieure. L’existence de placements sans risque qui rapportent un intérêt fait que l’argent versé à une date ultérieure a une valeur moindre que celle de l’argent versé aujourd’hui, parce que l’argent placé aujourd’hui équivaut à des versements futurs supérieurs. Inversement des versements passés ont une valeur présente supérieure, parce qu'il suffit de les placer pour qu'ils rapportent un intérêt. Le taux d’intérêt d’un placement sans risque peut donc être interprété comme un taux d’actualisation des versements passés et futurs. Il permet de calculer la valeur présente, ou actuelle, d'une suite de versements passés et futurs (Merton & Bodie 2000) :
est le taux annuel d'actualisation. est la date (en années) du versement . Les sont tous les versements, positifs s'ils sont des recettes, négatifs s'ils sont des coûts, associés au projet. est la valeur actuelle nette du projet.
(Plus précisément, le taux d'actualisation peut varier en fonction de la date d'échéance, parce que les taux d'intérêt varient en fonction de leur terme. Dans la suite, cette complication sera en général négligée.)
Lorsque les sont positifs, il s'agit de versements futurs. Comme est en général positif, les versements futurs sont d'autant plus dévalués qu'ils sont éloignés dans le temps. Plus le taux d'actualisation est élevé, plus les versements futurs sont dévalués par rapport à la valeur des versements présents. Lorsque les sont négatifs, il s'agit de versements passés.
Un projet qui rapporte un profit peut être considéré comme un actif. S'il est sans risque, sa valeur actuelle nette est le prix qui mérite d'être payé pour acquérir un tel actif.
Un projet à pertes peut être considéré comme un passif. Sa valeur actuelle nette est négative. Si le projet est certain, c'est à dire si les pertes sont connues d'avance, sa valeur actuelle nette mesure le montant du passif le jour où il est évalué.
Quand on doit évaluer un patrimoine (la différence entre l'actif, tout ce qu'on possède, et le passif, tout ce qu'on doit) il faut inclure la valeur actuelle nette de tous les projets dans lesquels on est engagé. Si par exemple une entreprise est sans risque, et si son taux de profit est supérieur au taux sans risque, le patrimoine de l'entreprise n'est pas correctement évalué si on l'estime à la valeur des fonds propres initialement versés, parce qu'il faut prendre en compte la valeur actuelle nette de la différence entre le profit attendu et le profit au taux sans risque. De façon générale, s'engager dans un projet profitable est une création de valeur et une augmentation de patrimoine. Mais elle est difficile à évaluer lorsque les projets sont risqués. Inversement, s'engager dans un projet à perte est une destruction de valeur et une diminution de patrimoine.
Le taux annuel d'actualisation a été défini de la façon courante : un placement de aujourd'hui vaut dans un an, si est le taux annuel d'actualisation. Mais on peut aussi mesurer ce taux d'une autre façon, qui souvent convient mieux pour les modèles mathématiques. Le taux d'actualisation si la période était six mois ne serait pas mais . Si en revanche on définit un taux logarithmique d'actualisation tel que alors est le taux d'actualisation sur six mois, parce que . Lorsque est petit, il est très peu différent de .
Avec le taux logarithmique d'actualisation, la valeur actuelle nette d'une suite de versements est :
Le profit d'un projet et le surprofit
modifierLe profit est la différence entre les recettes et les coûts. Mais comme les versements peuvent être à des dates différentes, il faut les actualiser.
Le profit est ce qu'on a gagné après avoir avancé des fonds, si le projet requiert un capital, ou après n'avoir rien avancé du tout, si le capital requis est nul. Le jour de clôture du projet, on récupère le capital plus le profit. Si le profit est négatif, on a perdu une partie des fonds engagés.
Afin d'ignorer les coûts de trésorerie, on suppose que le compte bancaire du projet est rémunéré au taux des placements sans risque. Tout se passe donc comme si tout excédent de trésorerie était placé au taux sans risque tant qu'il n'est pas dépensé.
Pour calculer le profit d'un projet, on fait d'abord la somme des valeurs actualisées, au jour de clôture du projet, de toutes les recettes et de tous les coûts couverts par des recettes antérieures.
On n'actualise pas les avances de fonds de la même façon que les coûts couverts par des recettes antérieures. La somme des valeurs actualisées, au jour de lancement du projet, de toutes les avances de fonds est une estimation du coût de lancement du projet. C'est le capital que l'on doit être prêt à investir pour se lancer dans le projet.
Le profit du projet est ainsi calculé comme la somme des valeurs actualisées, au jour de clôture, de toutes les recettes moins les coûts couverts par des recettes antérieures, moins la somme des valeurs actualisées, au jour de lancement, de toutes les avances de fonds.
Si toute la trésorerie est en argent liquide ou sur un compte bancaire non rémunéré, il plus facile de calculer le profit, parce qu'il n'est pas nécessaire d'actualiser les recettes et les coûts couverts par des recettes antérieures. On calcule simplement la somme des recettes et on soustrait tous ces coûts. Mais il faut quand même actualiser les avances de fonds, si elles sont échelonnées dans le temps, pour évaluer correctement le capital engagé et donc le profit. Si on n'actualise pas les avances de fonds, cela revient à supposer qu'elles ont toutes été versées sur un compte non rémunéré, ou en liquide, le jour de lancement du projet. Si la trésorerie du projet n'est pas rémunérée et si tous les fonds engagés sont versés le jour de lancement, on calcule correctement le profit réalisé sans actualiser ni les recettes, ni les fonds engagés, ni les autres coûts. Mais on n'évalue pas les coûts de trésorerie. On ignore que le même projet aurait pu rapporter davantage si la trésorerie avait été mieux gérée.
Le taux de profit est le taux d'intérêt qui aurait permis au capital engagé de rapporter le profit s'il avait été placé à ce taux. Pour les projets sans avances de fonds, donc sans capital, il suffit qu'ils rapportent un profit pour que leur taux de profit puisse être considéré comme infini. Si le profit est négatif, le taux de profit, lorsqu'il peut être calculé, est alors négatif. Il peut être interprété comme le taux de dépréciation du capital qui aurait provoqué la même perte.
Un exemple simple : soit un projet constitué d'un unique coût initial de 100 ( ) et d'une unique recette finale obtenue au bout d'un an sans risque. Supposons que le taux d'actualisation est de 5%=0.05. La valeur actualisée au jour de clôture des recettes est 110. La valeur actualisée au jour du lancement des avances de fonds est 100. Le profit est donc de 10 et le taux de profit est de 10%. La valeur actuelle nette du projet le jour de son lancement est -100+110/1.05=4.76. Si un investisseur achetait le projet à sa valeur actuelle nette le jour de son lancement, il devrait payer ce jour-la 4.76+100=104.76 et il recevrait 110 au bout d'un an. La différence, 5.24 est l'intérêt du même placement rémunéré au taux sans risque de 5%.
Si le profit est positif, le projet procure un gain mais cela ne suffit pas pour qu'il soit intéressant, parce que si le profit du projet est inférieur au profit que l'on obtiendrait en plaçant son capital au taux sans risque, on n'a pas intérêt à le lancer, il vaut mieux placer son argent au taux sans risque. L'expression "projet à perte" est ambiguë. D'un côté une perte est un profit négatif et un projet à perte est un projet à profit négatif. Mais d'un autre côté, si le taux de profit d'un projet est positif mais inférieur au taux d'actualisation, c'est un projet qu'on n'a pas intérêt à lancer et qui doit être considéré comme un projet à perte, même si son profit est positif. De ce point de vue, un projet est à perte lorsque sa valeur actuelle nette est négative. Même si le profit est positif, la valeur actuelle nette peut être négative.
Lorsqu'un projet est sans capital, sa valeur actuelle nette est la valeur actuelle, le jour de lancement du projet, du profit attendu, ou de la perte qu'on devra supporter s'il est négatif. Lorsqu'un projet requiert un capital, sa valeur actuelle nette est la valeur actuelle, le jour de lancement du projet, de la différence entre le profit attendu et le profit qu'on obtiendrait en plaçant son capital au taux sans risque. Cette différence est le surprofit. La valeur actuelle nette d'un projet est la valeur actuelle de son surprofit. Un projet est intéressant lorsque son surprofit est positif. Cela conduit à énoncer la règle de la valeur actuelle nette :
Il faut se lancer dans un projet si et seulement si sa valeur actuelle nette est positive.
Mais cette règle ignore les possibilités d'augmentation de valeur par composition des projets. Le profit d'un projet composé peut être supérieur à la somme des profits des projets séparés, parce que les projets peuvent avoir des externalités positives.
L'évaluation d'un projet immobilier
modifierComme les projets immobiliers sont toujours à plus ou moins long terme, il ne faut pas ignorer le coût d'opportunité des avances de fonds, parce qu'ils peuvent être assez importants.
Un bien immobilier est un bien à revenus perpétuels parce que les coûts de remise en état sont en général inférieurs au loyer que l'on peut percevoir si on est propriétaire. Le loyer net des coûts de remise en état et des autres charges est positif. Ces loyers nets sont des revenus perpétuels.
Si le bien est destiné à être loué à des locataires, un projet immobilier est risqué. On ne connaît pas d'avance les loyers qu'on pourra faire payer, on n'est pas sûr de trouver un locataire et on n'est pas sûr qu'il paiera. Mais si on a déjà un locataire, s'il est installé durablement et s'il est bon payeur, le projet est peu risqué.
Si on achète le bien pour l'habiter, on ne prend pas de risque de mauvais locataire. On peut évaluer soi-même le loyer qu'on aurait été prêt à payer si on avait loué au lieu d'acheter. Ce loyer net de charges peut être considéré comme un revenu perpétuel sans risque, pourvu qu'on ne soit pas obligé de déménager.
La valeur actuelle nette d'un bien à revenu perpétuel est la valeur actuelle de tous les revenus anticipés. Si ce revenu est constant, si le taux annuel d'actualisation ne dépend pas du terme et si le loyer net est payé chaque début de mois, est la somme des termes d'une suite géométrique de raison et de premier terme :
est le taux logarithmique annuel d'actualisation. est le taux logarithmique mensuel d'actualisation.
Exemple : si le taux d'actualisation alors le taux logarithmique est . Si le loyer net mensuel est 500, la valeur actuelle nette du bien est
Les prix de marché sont en général inférieurs à cette valeur actuelle nette calculée pour un projet sans risque, parce qu'un placement immobilier est toujours plus ou moins risqué. La valeur actuelle nette sans risque surévalue donc le projet, pour un acquéreur qui souhaite louer son bien.
Si le prix de marché d'un bien (plus les frais de notaire et autres charges) est inférieur à la valeur actuelle des loyers nets qu'on accepterait de payer, en plus des charges, pour y habiter, et si on est sûr de vouloir rester longtemps, acheter le bien revient à faire un gain en capital, parce que le coût d'acquisition est inférieur à la valeur actuelle des recettes anticipées, les loyers nets.
Emprunter et rembourser mensuellement, pour acheter un bien revient en général à s'engager dans un projet d'épargne, parce que les mensualités dues ne suffisent pas pour couvrir les loyers nets. Tout se passe comme si on épargnait chaque mois la différence entre la mensualité remboursée et le loyer net. Pour savoir s'il vaut mieux louer ou acheter, il faut comparer deux projets d'épargne, l'un où on reste locataire et on épargne chaque mois en plaçant son argent sans risque, l'autre où on devient propriétaire et où on épargne la différence entre les mensualités et les loyers nets. Si la valeur du bien immobilier quand on a remboursé entièrement l'emprunt est supérieure à ce qu'on aurait si on avait épargné les mêmes sommes en restant locataire, alors il y a un intérêt à emprunter.
Si le gain en capital à l'achat du bien est suffisant, si l'emprunt est sur une longue durée et si son taux d'intérêt est faible, les mensualités de remboursement peuvent être égales ou même inférieures aux loyers, y compris les charges, qu'on aurait été prêt à payer, si on était resté locataire. Cela ressemble alors à un miracle, parce que tout se passe comme si on avait remplacé un coût (payer son loyer) par une recette, parce que les mensualités de remboursement ressemblent à une épargne, comme si on épargnait pour acquérir son bien.
Exemple : Un bien immobilier peut être acheté à 150000, y compris les frais d'achat. On suppose qu'on pourrait louer un bien équivalent pour un loyer net de 500 (il faut prendre en compte toutes les charges, celles du locataire et celles du propriétaire), qu'on emprunte la totalité des fonds, que le taux d'intérêt sur l'emprunt est de 2.5% annuel, qu'on peut placer son argent sans risque avec un taux d'intérêt de 2%, que l'inflation est nulle, qu'on choisit une durée de remboursement de 20 ans et que les versements sont mensualisés et constants. On doit payer des mensualités de 792.80 pendant 20 ans. Si on on avait loué le bien, on aurait pu épargner 292.80 tous les mois et obtenir 86000 environ au bout de 20 ans si on les avait placé sans risque à 2%. Si au bout de 20 ans le prix du bien est resté à 150000, l'acheter en empruntant procure un gain de 64000 environ, moins les frais de vente si on souhaite le vendre.
L'évaluation des actifs, des passifs et des portefeuilles
modifierUn actif est un droit sur des versements futurs.
Un même actif peut entrer dans divers projets. Si la revente de l'actif fait partie du projet, le prix de vente est alors une recette future anticipée.
Certains actifs, par exemple la propriété d'une entreprise dont on est pleinement responsable (pas de responsabilité limitée), sont des droits sur des versements futurs accompagnés de l'obligation de s'acquitter d'éventuelles pertes. On peut les appeler des actifs ambivalents, parce qu'ils peuvent se transformer en dettes. En général, les actifs financiers ne sont pas ambivalents, ils sont toujours des droits sur des versements, ils ne se transforment pas en obligations de payer des dettes.
Les versements futurs associés à un actif peuvent être considérés comme les recettes d'un projet sans coûts. La valeur actuelle du projet est alors la valeur actuelle de l'actif.
On peut aussi associer à un actif le projet de l'acheter le jour initial pour recevoir les versements futurs. Le prix d'achat de l'actif est alors compté comme l'unique coût initial du projet. La valeur actuelle nette de ce projet est positive si et seulement si la valeur actuelle de l'actif est supérieure ou égale à son prix d'achat. Cela conduit à un cas particulier de la règle de la valeur actuelle nette :
Un actif doit être acheté si et seulement si sa valeur actuelle est supérieure ou égale à son prix d'achat.
Mais cette règle ne tient pas compte de la création de valeur par composition des actifs. En combinant des actifs les uns aux autres, donc en se constituant un portefeuille, on peut obtenir une valeur actualisée de portefeuille supérieure à la somme des valeurs actualisées des actifs dont il est constitué. La valeur actualisée d'un actif isolé ne permet donc pas toujours d'estimer sa contribution à l'augmentation de valeur d'un portefeuille dans lequel il est incorporé.
Si l'actif est destiné à être revendu, le projet de l'acquérir pour le revendre est en général risqué, si on ne connaît pas le jour et le prix de la vente. Pour calculer la valeur actuelle nette moyenne du projet, il faut alors connaître les probabilités des ventes possibles, pour tous les prix et tous les jours possibles, il faut donc connaître la stratégie de revente de l'actif. Si on ne connaît pas cette stratégie on ne peut pas calculer la valeur actuelle nette du projet. Même si on sait la calculer et si elle est positive, cela ne suffit pas pour justifier le projet, parce que les risques d'un faible profit et surtout d'une perte sont dissuasifs.
Un actif est liquide lorsqu'il y a un marché où tous les jours des agents sont disposés à l'acheter ou le vendre. Un actif liquide peut donc être revendu facilement. Un actif est illiquide s'il est difficile de trouver un acheteur pour un prix acceptable.
Les projets dans lesquels on est engagés sont souvent illiquides, parce qu'on ne peut pas les revendre ou s'en défaire facilement.
Un passif est une obligation de paiements futurs. Si les dates et les montants des paiements sont connus d'avance, le passif est certain, sinon il est incertain.
Les versements futurs associés à un passif peuvent être considérés comme les coûts d'un projet sans recettes. Sa valeur actuelle est le prix qu'on doit demander pour s'engager sur un tel passif si on ne veut pas s'exposer à une perte.
Un prêt est un projet qui nous impose un passif, l'obligation de rembourser le prêt. Le montant prêt est l'unique recette initiale du projet. La règle de la valeur actuelle nette semble montrer qu'on ne devrait jamais s'endetter. Le projet est en général certain, parce que les obligations de paiement sont connues d'avance, et sa valeur actuelle nette est en général négative, parce que le taux d'intérêt est supérieur au taux sans risque. Cela ne prouve pas qu'il ne faut jamais s'endetter, mais seulement que le coût de l'endettement doit être compensé par le surprofit des projets auquel il est associé.
Un passif est en général illiquide parce qu'on ne peut pas se défaire de ses obligations en les rachetant à un prix de marché. Mais il est parfois liquide. Une entreprise peut racheter ses obligations si elles sont échangées sur un marché.
Les engagements ambivalents ne sont ni vraiment des actifs, ni des passifs. Ils sont des engagements risqués qui nous exposent à la fois à une chance de gain et à un risque de perte, comme quand on parie sur un gain tout en acceptant une perte éventuelle. On peut toujours les concevoir comme une combinaison d'un actif risqué et d'un passif risqué. Les forwards et les futures, présentés plus loin, sont des exemples d'engagements ambivalents.
Un portefeuille permanent est un ensemble d'actifs, de passifs et d'engagements ambivalents que l'on conserve indéfiniment en vue de percevoir les revenus, tout en faisant face aux obligations de paiement. Un portefeuille dynamique est un ensemble d'actifs, de passifs et d'engagements ambivalents que l'on gère au jour le jour, en vendant et en achetant des actifs, en prenant des engagements au passif, ou ambivalents, et en s'en libérant.
Si un portefeuille est permanent, si tous ses actifs et ses passifs sont sans risque et s'ils sont indépendants, au sens où leurs revenus ne dépendent pas de la présence des autres actifs ou passifs dans le portefeuille, alors la valeur actuelle nette du portefeuille est la somme des valeurs actuelles de tous ses actifs et de tous ses passifs (la valeur actuelle d'un passif est négative).
Si les actifs ou les passifs sont risqués, ou s'ils ne sont pas indépendants, ou si le portefeuille est géré d'une façon dynamique, le calcul de la valeur actuelle nette moyenne du portefeuille est évidemment plus compliqué.
Pour évaluer un portefeuille, il faut savoir comment il est géré. Un gestionnaire qui sait faire des gains commerciaux fera en moyenne des profits supérieurs à ceux d'un moins bon gestionnaire, la valeur actuelle moyenne du portefeuille est augmentée d'autant.
Tous les actifs risqués peuvent toujours être évalués comme des options, parce qu'ils sont des espérances de gains futurs. Si on ignore le passif et les engagements ambivalents, un patrimoine est toujours un patrimoine d'actifs certains et d'options. Mais comme tout est risqué, il n'y a pas d'actifs certains, il ne reste plus que des options.
Les forwards et les futures
modifierUn contrat forward est un contrat sur la vente à terme d'un bien économique. Le prix de vente est négocié le jour de la conclusion du contrat. Si le jour de la vente, le prix sur le marché est supérieur au prix négocié, le vendeur est perdant, s'il est inférieur, c'est l'acheteur qui est perdant. S'engager à la vente ou à l'achat sur un contrat forward est donc semblable à un pari dont les gains et les pertes des joueurs sont décidées par les variations de prix sur le marché.
Un contrat forward permet de créer de la valeur par composition des projets. Chacune des parties peut augmenter la valeur de son projet en lui ajoutant le pari associé au contrat forward. Un exemple : un fournisseur de matières premières est exposé au risque de baisse de prix sur le marché. Symétriquement, un acheteur de matières premières est exposé au risque de hausse. S'ils concluent ensemble un contrat forward, ils annulent tous les deux ce risque (Hull 2011). Avec un pari risqué (le contrat forward) chacun transforme son projet initial risqué (la vente ou l'achat de matières premières) en un projet sans risque. Cela n'est pas tout à fait vrai, parce qu'il reste le risque de contrepartie, c'est à dire le risque que l'autre ne tienne pas ses engagements.
Les contrats forward sont des transactions de gré à gré, ou over the counter. Les futures sont des contrats forward pour des prix à terme négociés tous les jours sur un marché, où se rencontrent de nombreux agents qui se positionnent à l'achat ou à la vente. Le prix de marché équilibre ces offres et ces demandes. L'existence d'un marché fait que les futures peuvent être utilisés d'une façon très différente des forward de gré à gré, parce qu'ils peuvent être dénoués avant leur terme. On dénoue un futures en s'engageant sur un autre futures en sens opposé. Si on s'était engagé pour la vente, on s'engage pour l'achat. Si on s'était engagé pour l'achat, on s'engage pour la vente. La différence de prix entre la vente et l'achat est un profit ou une perte. Il est payé par une chambre de compensation ou il doit lui être payé.
Pour évaluer les risques, il faut concevoir un futures comme une partie de jeu de hasard durable, parce qu'à chaque période, on peut enregistrer une perte ou un gain. Mais on est toujours libre de quitter la partie, c'est à dire de dénouer le futures. L'option de quitter la partie est une véritable option. Sa valeur d'exercice est égale à la différence entre le gain présent sur le futures et la valeur actuelle du gain anticipé, ou entre la perte présente (comptée négativement) et la valeur actuelle de la perte anticipée. Si elle est positive on a intérêt à exercer l'option et à dénouer le futures.