La science de la finance/Le financement de l'économie


En l'absence de création monétaire par les banques, le financement de l'économie privée dépendrait exclusivement des capacités d'autofinancement et de la bonne volonté d'agents assez fortunés pour confier ou prêter leur argent aux entrepreneurs. Une telle économie serait donc confrontée au risque de pénurie d'investissement, parce que les propriétaires peuvent choisir de conserver leur argent au lieu de le prêter. La création monétaire par les banques permet d'annuler ce risque de pénurie d'investisseurs. L'argent prêté par les banques est comme un prêt sans prêteurs, parce que les banques prêtent de l'argent qu'elles ont créé pour l'occasion, pas de l'argent qui existait au préalable. La création monétaire permet donc de financer l'économie même s'il y a une pénurie d'investisseurs, il suffit que les banques prennent le relais. Mais une économie est alors confrontée au risque d'excès d'investissement. S'il suffit de créér de l'argent pour financer tous les projets, on risque de financer beaucoup trop de projets en même temps. Pour bénéficier d'une prospérité durable, les économies doivent naviguer entre ces deux écueils, trop peu d'investissement, faute d'investisseurs privés ou de création monétaire suffisante, et trop d'investissement, à cause de l'optimisme exagéré des investisseurs privés ou d'un excès de création monétaire.

«

Ils devront collecter tous les vivres de ces bonnes années à venir, autoriser des provisions de grains dans les villes, sous l'autorité de Pharaon, et en avoir la garde. Le pays gardera les vivres en dépôt, en prévision des sept années de famine sur l'Égypte. Et ainsi le pays échappera à la destruction par la famine.

»
— Genèse, 41, 35-36, traduit par Frédéric Boyer et Jean l'Hour


Les fluctuations macroéconomiques modifier

Toute l'activité économique est la réalisation de tous les projets économiques de tous les agents. Chaque jour des projets sont réalisés, poursuivis, renouvelés ou abandonnés, et de nouveaux projets sont lancés.

A un moment donné, la capacité d'une économie à réaliser simultanément des projets est limitée, parce que les matières premières et les fournitures, stockées ou bientôt disponibles, la force de travail et les biens d'équipements sont limités. Si tous les agents s'engagent simultanément dans des projets qui excèdent la capacité de l'économie, ils ne pourront pas tous les mener à bien en même temps. Certains seront obligés de retarder ou d'abandonner leurs projets, soit à cause de la pénurie, soit à cause de la hausse des prix. Quand les projets mis en œuvre excèdent les capacités de l'économie, on dit qu'elle est en surchauffe, ou en surcapacité. La pénurie de main d'œuvre fait monter les salaires, la pénurie de matières premières, de fournitures et de biens d'équipement fait monter leurs prix, et tout ceci met une pression à la hausse sur les prix des biens de consommation.

Si les projets dans lesquels une économie s'est engagée sont inférieurs à sa capacité, on dit qu'elle est en sous-capacité. Des moyens disponibles ne sont pas utilisés ou ils pourraient être mieux utilisés en étant affectés à de meilleurs projets. Le sous-emploi de la force de travail disponible est le principal signe d'une économie en sous-capacité.

Plus précisément surchauffe et sous-capacité peuvent être répartis d'une façon différenciée au sein de l'économie. Certains secteurs peuvent connaître une surchauffe, avec pénurie ou hausse des prix tandis que d'autres secteurs sont en sous-capacité.

Qu'une économie soit en surchauffe ou en sous-capacité dépend des décisions des agents. Si l'atmosphère est au pessimisme, ils seront peu enclins à s'engager dans des projets, et inversement si elle est à l'optimisme. C'est pourquoi on dit depuis Keynes que les esprits animaux, il faut entendre les variations d'humeur, déterminent les tendances macroéconomiques. L'alternance de périodes de forte et faible activité ressemble à la maniaco-dépression (la bipolarité). Des épisodes de dépression, de rémission et d'euphorie se succèdent.

Mais les fluctuations macroéconomiques ne dépendent pas que des esprits animaux. Elles peuvent avoir des causes indépendantes de la volonté des agents. Si par exemple les prix de matières premières importées ou exportées en grande quantité varient de façon importante, cela suffit pour affecter considérablement l'activité d'une économie. De façon générale, tout changement imprévu des conditions de leur activité peut inciter les agents à renoncer à leurs projets, ou au contraire à en former de nouveaux.

Surcapacité et sous-capacité ne sont pas symétriques. Quand une économie est en surchauffe, il y a nécessairement une tendance à la hausse des prix, sauf si les prix sont plafonnés. En revanche, une sous-capacité ne conduit pas forcément à la baisse des prix, parce que ne nombreux prix sont rigides à la baisse, tout particulièrement les salaires, et parce que les anticipations de hausse des prix suffisent pour les faire monter, même si l'économie est en récession.

Une politique ou un effet est procyclique lorsqu'il tend à déstabiliser l'économie, à amplifier la surchauffe et l'inflation lors d'une phase ascendante, ou à aggraver la récession, le chômage et peut-être la déflation lors d'une phase descendante. Une politique ou un effet est contracyclique s'il tend à stabiliser l'économie, à refroidir la surchauffe et à réduire l'inflation qui l'accompagne, ou à lutter contre la récession, le chômage et la déflation.

La stabilité des prix modifier

Inflation et pouvoir d'achat modifier

Lorsque la monnaie était convertible en or, le prix de l'or, 35$ l'once, était un prix tautologique. Les prix de tous les autres biens étaient évalués en dollars, mais un dollar était équivalent, par définition, à 1/35 d'once d'or. Dire que le prix de l'or était 35$ l'once, c'était simplement dire qu'une once d'or est une once d'or. Et le prix de l'or était considéré comme constant. Mais cette constance était une illusion. L'or avait une valeur qui pouvait varier au cours du temps. Comment mesurer cette valeur ?

La valeur de l'or pouvait varier parce qu'une même quantité d'or pouvait permettre d'acheter des quantités variables des autres biens. Si tous les prix des autres bien augmentaient, cela faisait automatiquement diminuer la valeur de l'or, et inversement si tous les prix diminuaient. Pour mesurer les variations de valeur de l'or, il fallait donc mesurer les variations de tous les prix dans l'économie. Il en va de même dans une économie où la monnaie n'est pas convertible en or. Pour mesurer les variations de valeur de la monnaie, il faut mesurer les variations de tous les prix.

La valeur de la monnaie est définie par son pouvoir d'achat (Fisher 1911). On la calcule en raisonnant sur un panier défini de biens économiques. Les variations du prix de ce panier représentent alors les variations du pouvoir d'achat. Un indice des prix à la consommation est ainsi calculé sur un panier qui contient tous les biens et services consommés pendant l'année. Le taux d'inflation est alors défini comme le taux annuel de variation de cet indice.

Le changement des modes de vie fait que le taux d'inflation sur une longue période (des décennies) est impossible à calculer précisément, et qu'il ne peut pas non plus être interprété sans ambiguïté. Chaque année de nouveaux biens et services apparaissent et d'anciens disparaissent ou sont modifiés. Cela pose une difficulté pour le calcul de l'inflation, parce que le panier de biens et services varie au cours du temps. Les statisticiens résolvent cette difficulté en raisonnant sur des biens équivalents, mais le résultat du calcul dépend de leur jugement sur ces équivalences entre l'ancien et le nouveau. Comme d'une année sur l'autre, le panier de consommation varie peu, l'incertitude sur le taux annuel d'inflation qui en résulte est faible. Mais si on compare des paniers très différents, parce que la consommation varie beaucoup en une ou plusieurs décennies, l'incertitude est beaucoup plus élevée.

Un taux d'inflation très élevé, on parle alors d'hyperinflation, est évidemment néfaste pour l'économie. Si les salariés doivent être payés tous les jours et dépenser immédiatement leur salaire, parce que le pouvoir d'achat diminue fortement d'un jour au suivant, l'économie ne peut pas fonctionner normalement. Mais un taux d'inflation élevé, 20% annuel, par exemple, n'est pas aussi évidemment néfaste. Le taux mensuel est de   est suffisamment faible pour que les salariés puissent dépenser normalement leurs salaires mensuels. Quels sont alors les coûts d'une telle inflation, élevée, mais d'une façon modérée ? Si l'inflation pouvait être exactement et certainement anticipée, les coûts pourraient être relativement faibles. Les agents auraient à modifier régulièrement leurs prix (la valse des étiquettes, des menus...) et à tenir compte de l'inflation dans tous leur calculs économiques. Mais l'inflation ne peut pas être exactement et certainement anticipée. Cela rend l'activité économique plus risquée. Les prêteurs sont lésés par une hausse non-anticipée de l'inflation, et les emprunteurs par une baisse. C'est cette augmentation du risque qui est probablement le coût le plus élevé qu'une inflation élevée mais modérée fait payer. En ciblant un taux d'inflation très faible, les banques centrales rendent l'activité économique beaucoup moins risquée (et suppriment les coûts de la valse des étiquettes).

Le danger de la déflation modifier

La déflation se produit lorsque le taux d'inflation est négatif. Elle doit être considérée comme une catastrophe économique, parce que cela incite à renoncer à ses projets et parce que cela enfonce les débiteurs dans leur endettement et les pousse à la faillite. Lorsque la déflation s'installe, tout se passe comme si l'argent qui dort rapportait un revenu, parce que sa valeur augmente avec le temps, et tous les agents sont incités à retarder leurs achats, parce qu'ils anticipent une baisse des prix. Les dettes augmentent de valeur, parce que les remboursements futurs sont fixés alors que leur valeur augmente.

Que les salaires, et d'autres prix, soient rigides à la baisse peut être considéré comme un avantage économique, parce que cela diminue le risque de déflation (mais cela ne l'annule pas).

La stabilité des prix pourrait être définie par un taux d'inflation égal à zéro, mais ce n'est pas souhaitable, parce que l'économie serait en permanence au bord d'un précipice. La déflation tend à s'alimenter elle-même. Elle pousse à la récession et fait ainsi faiblir la demande, ce qui pousse les prix à la baisse, et donc à davantage de déflation. Même une faible déflation initiale peut ainsi avoir des effets catastrophiques. Comme le taux d'inflation reste variable, même si l'inflation est correctement maîtrisée, il vaut mieux qu'il reste supérieur à zéro, afin de diminuer le risque de déflation. Un taux moyen de 2% par exemple (c'est la cible d'inflation habituellement adoptée par les banques centrales) laisse aux autorités monétaires une marge de manœuvre pour réagir en cas de tendances déflationnistes. Si la cible était de 0%, la déflation pourrait s'installer avant que les autorités monétaires aient le temps de réagir (Bernanke, Laubach, Mishkin, Posen, 1999).

Le sous-emploi de la richesse intérieure modifier

La richesse est la différence entre l'actif, tous les biens dont on est propriétaire, y compris les options, et le passif, toutes les dettes. Les engagements ambivalents sont comptés à l'actif ou au passif selon que leur valeur estimée est positive ou négative.

La richesse intérieure est la somme des richesses de tous les agents résidents dans une économie. Comme tous les passifs des agents sont des actifs d'autres agents, on peut ignorer toutes les dettes intérieures quand on compte la richesse intérieure. On peut de même ignorer les options vendues sur les marchés, parce qu'elles sont des actifs pour l'acheteur compensés par des passifs pour le vendeur. Les actifs sur des comptes bancaires sont des dettes des banques vis à vis de leurs clients et peuvent donc être ignorés. Les billets en circulation sont à l'actif de leurs détenteurs et au passif de la banque centrale. C'est une logique purement comptable, parce que la banque centrale ne doit rien à personne quand elle met ses billets en circulation, depuis qu'ils ne sont plus convertibles en or. Mais cela permet de compter correctement la richesse intérieure. Si la banque centrale met de nouveaux billets en circulation, elle ne crée pas directement de richesses. Les billets de banque ne sont que du papier, pas des richesses réelles. La richesse intérieure est donc constituée de tous les biens durables conservés dans une économie et de toutes les options de tous les agents (sauf celles qui sont vendues sur les marchés).

La valeur des biens durables dépend des projets auxquels ils sont affectés. Quand un bien reste inutilisé, il est comme affecté à un projet par défaut, qui ne rapporte rien, et sa valeur n'est plus que celle de l'option de l'utiliser à nouveau.

La richesse intérieure peut donc être considérée comme le portefeuille de tous les projets dans lesquels les agents se sont engagés et de toutes leurs options. Ce portefeuille est partagé entre tous les agents. Sa gestion résulte de la gestion par les agents de leurs propres portefeuilles de projets.

Les projets d'une économie peuvent être plus ou moins coûteux en travail. Il y a du chômage s'il y a trop peu de projets ou s'ils ne sont pas assez coûteux en travail. Le problème du chômage est donc un problème de gestion du portefeuille de tous les projets d'une économie.

La banque centrale peut indirectement augmenter ou diminuer la richesse intérieure, quand elle crée de l'argent ou quand elle refuse d'en créer, parce qu'elle peut aider les agents à réaliser des projets profitables, ou au contraire les en empêcher.

Le pouvoir monétaire modifier

L'intervention du système bancaire sur le marché des fonds prêtables modifier

L'existence des banques et d'une banque centrale, et la création monétaire qui en résulte, font que le marché des fonds prêtables est beaucoup plus qu'un marché où se rencontrent des prêteurs privés et des emprunteurs privés.

Si un prêteur privé décide de ne plus prêter son argent, il doit le conserver chez lui sous forme d'argent liquide, parce que s'il le dépose à la banque, cela revient à lui prêter, et il augmente la capacité de celle-ci à accorder des prêts. En déposant ses fonds à la banque on diminue peu les fonds prêtables disponibles, parce que la banque ne doit conserver qu'une petite fraction de réserves obligatoires. L'offre de fonds prêtables ne peut donc diminuer que si les agents conservent davantage leur argent en liquide, ou si les banques refusent de prêter et conservent des réserves excédentaires, ou si la banque centrale retire de l'argent de la circulation.

Illiquidité, insolvabilité et prêt en dernier ressort modifier

S'il y a une ruée sur une banque, c'est à dire que beaucoup de déposants veulent récupérer leur argent en même temps, une banque peut être illiquide tout en étant solvable. Dire qu'elle est illiquide veut dure ici qu'elle n'a pas la trésorerie suffisante pour s'acquitter de ses obligations. Elle doit donc se déclarer en faillite. Mais elle est solvable, parce que ses actifs, et en particulier tous les prêts qu'elle a consentis sont supérieurs au passif. Il suffirait qu'on lui prête la trésorerie nécessaire pour qu'elle échappe à la faillite et qu'elle rembourse ultérieurement tous ses créanciers. Afin de protéger le système bancaire contre ce risque d'illiquidité, les banques centrales acceptent désormais de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort (Bagehot 1873, Bernanke 2015). Si une banque est solvable, et si personne ne veut lui prêter, la banque centrale s'engage à lui avancer les fonds nécessaires, à un taux légèrement supérieur au taux sur le marché. Bien sûr il faut que la banque centrale juge que la banque est solvable, et elle demande des garanties.

La politique monétaire contracyclique et la maîtrise de l'inflation modifier

Une banque centrale a toujours les moyens de refroidir une économie en surchauffe et donc de lutter contre l'inflation, parce qu'elle est en position dominante sur le marché des fonds prêtables. Si elle refuse de prêter l'argent qu'elle peut créer, elle fait monter les taux d'intérêt et dissuade ainsi les agents de s'engager dans certains de leurs projets. On dit alors qu'elle retire le bol de punch alors que la fête vient juste de commencer - une surchauffe offre de généreuses opportunités aux spéculateurs.

Les banques centrales ne veulent pas abuser des hausses de taux, parce que des taux élevés sont mauvais pour le développement économique. En période de prospérité, elles cherchent donc à maintenir les taux à un niveau assez bas, et elles les relèvent seulement pour lutter contre une éventuelle inflation. Si tout va bien, l'économie bénéficie ainsi à la fois d'une inflation faible et maîtrisée et de taux d'intérêt peu élevés. De ce point de vue, on peut se réjouir que les banques centrales aient acquis le pouvoir qui est le leur aujourd'hui.

Si l'économie souffre du sous-emploi, le pouvoir d'une banque centrale est beaucoup plus limité. Elle est incitée à baisser les taux d'intérêt, ne serait-ce que pour lutter contre les tendances déflationnistes, pour maintenir l'inflation à un niveau suffisant pour s'éloigner du risque de déflation. Mais il y a un plancher, elle ne peut pas, ou guère, faire descendre les taux en dessous de zéro, et même des taux trop proches de zéro peuvent être considérés comme dangereux, parce qu'ils lèsent les agents qui ont besoin de placer leur argent sans risques et d'une façon liquide, comme les compagnies d'assurance par exemple, et parce qu'ils incitent à prendre des risques inconsidérés.

Lorsqu'une économie est en sous-capacité, la politique monétaire peut ne pas suffire pour relancer l'activité. Les banques centrales peuvent inciter les agents à emprunter, en baissant les taux, mais elles ne peuvent pas les obliger à s'engager dans des projets. En période de pessimisme, même des taux très bas ne suffisent pas pour qu'on s'engage, parce qu'il faut toujours rembourser le principal, et si le projet a un risque de perte, on craint de rester endetté.

Si la récession est tellement grave qu'il y a un danger de déflation, et si la banque centrale a déjà baissé les taux d'intérêt au plus bas, elle a encore de pouvoir de donner l'argent qu'elle crée pour relancer l'activité et lutter contre la déflation.

L'inflation permanente et la politique monétaire à coups de massue modifier

Lorsque l'inflation s'est installée durablement, elle est très difficile à réduire, parce que les agents anticipent l'inflation future, et parce que leurs anticipations sont autoréalisatrices. Si les agents pensent que les prix vont augmenter, ils augmentent leurs prix, pour ne pas être lésés, et en augmentant leurs prix, ils causent l'inflation qu'ils ont anticipée.

Les banques centrales ont toujours les moyens de lutter contre la hausse des prix. Il suffit de provoquer une hausse des taux d'intérêt. Mais cela a un coût. Si une inflation permanente s'est installée, il faut convaincre les agents qu'ils doivent changer leurs anticipations. Leur faire des promesses ne suffit pas, il faut leur prouver que l'inflation peut diminuer. En haussant les taux à un niveau suffisant, une banque centrale peut provoquer une récession économique. L'augmentation du chômage et la récession économique conduisent les agents à changer leurs anticipations, et après quelques mois ou années de souffrances, les anticipations ayant changées, la banque centrale peut baisser les taux d'intérêt sans faire repartir l'inflation. Cette politique monétaire, qui consiste à augmenter les taux d'intérêt pour provoquer une récession et réduire ainsi les anticipations d'inflation et du même coup l'inflation future, est parfois appelée la méthode Volcker, d'après le nom du directeur de la Réserve Fédérale des États-Unis, qui l'a appliquée, au début des années 1980. On pourrait l'appeler la politique monétaire à coups de massue : donnez des coups de massue jusqu'à ce que les gens n'aient plus envie d'acheter. Quand ils sont suffisamment assommés pour ne plus acheter, la pression à la hausse sur les prix est supprimée et l'inflation est maîtrisée.

Le pouvoir budgétaire modifier

L'investissement public modifier

L'État n'est pas seulement un agent économique. Le considérer seulement comme une entreprise à but lucratif conduirait évidemment à ignorer ses fonctions les plus importantes. Mais il est tout de même un agent économique très puissant.

La complémentarité entre la puissance publique et l'économie de marché est une des clés du développement économique. Les citoyens, en tant que propriétaires, travailleurs et consommateurs, ont besoin d'un État puissant qui protège leurs intérêts et leur donne les moyens de s'engager dans des projets profitables. En retour, l'État a besoin d'une économie prospère pour prélever des impôts.

Dès qu'elles favorisent le développement économique, les dépenses publiques peuvent être considérées comme un investissement. Si elles conduisent à un accroissement de l'activité, elles apportent du même coup des rentrées fiscales supplémentaires. Les dépenses initiales sont des coûts et les rentrées supplémentaires des recettes. Si les recettes dépassent les coûts, l'investissement est profitable.

L'effet d'éviction modifier

En période de plein emploi ou de surchauffe, un accroissement des dépenses publiques ne peut pas en général conduire à un accroissement de l'activité économique, parce qu'elle est déjà à son maximum. Si l'État dépense davantage, il utilisera des moyens qui auraient sinon été utilisés dans des projets privés. L'investissement privé est ainsi évincé par l'investissement public. Cet effet d'éviction ne doit pas empêcher l'État de dépenser lorsque les objectifs sont prioritaires, parce que l'intérêt général passe avant les profits privés, mais il nuit évidemment à la profitabilité des investissements publics.

L'effet d'éviction est parfois énoncé en termes financiers : les dépenses publiques supplémentaires sont financées par l'endettement, et les sommes prêtées à l'État sont évincées des projets privés qu'elles auraient pu autrement financer. Mais quand on raisonne ainsi on ignore que les fonds prêtables ne se réduisent pas aux fonds privés, que la banque centrale et les autres banques créent de l'argent en le prêtant.

La politique budgétaire contracyclique modifier

En période de sous-emploi, il n'y a pas d'effet d'éviction (sauf peut-être dans certains secteurs qui sont restés au plein emploi) et la profitabilité des investissement publics est augmentée d'autant.

Lors d'une récession, les particuliers ne sont pas en général incités à investir. Ils ont tous intérêt à ce que tous investissent davantage, pour sortir de la crise, mais aucun n'est incité à le faire. Si un agent s'engage dans des investissements coûteux, cela fera un surcroît d'activité, et ses fournisseurs en bénéficieront, mais pas lui, parce qu'à lui seul, un agent ne peut pas relancer l'activité de tous les agents, et si la reprise espérée ne se produit pas, il devra supporter des pertes. En revanche l'État a intérêt à investir, parce qu'il bénéficiera automatiquement de tout surcroît d'activité avec des recettes fiscales supplémentaires, et s'il est suffisamment puissant il peut provoquer la reprise espérée.

Une récession coûte très cher à l'État, parce que les rentrées fiscales sont grandement diminuées. Mais c'est justement dans ces moments-la, quand il gagne le moins, que l'État doit dépenser le plus et s'endetter. En période de plein emploi, l'État a beaucoup moins d'intérêt à investir, et il vaut mieux qu'ils se servent de ses rentrées fiscales supplémentaires pour rembourser ses dettes. Paradoxalement l'État doit dépenser moins quand il gagne plus et il doit dépenser plus quand il gagne moins.

Imaginez un pays qui connaît des années de famine et des années d'abondance. En période d'abondance, les propriétaires sont incités à faire des stocks importants. En période de famine, l'État s'endette pour acheter et distribuer progressivement les stocks. Lorsque l'abondance revient, il rembourse ses dettes et laisse les propriétaires reconstituer leurs stocks. C'est une version moderne de l'histoire de Joseph et Pharaon. La politique budgétaire contracyclique est semblable.

L'austérité budgétaire est-elle nécessaire pour lutter contre l'inflation ? modifier

En période de plein emploi ou de surchauffe, toute augmentation des dépenses publiques, en l'absence d'impôts supplémentaires, donc par l'endettement, met une pression à la hausse sur les prix. Pour maîtriser l'inflation, la banque centrale doit alors resserrer les cordons du crédit et faire ainsi monter les taux d'intérêt. Dans de telles circonstances, le laxisme budgétaire augmente les coûts de l'endettement et la difficulté de la maîtrise de l'inflation.

Si en outre l'inflation permanente s'est installée, l'augmentation des dépenses publiques n'est pas de nature à faire diminuer les anticipations d'inflation, plutôt le contraire. L'austérité budgétaire annoncée et réalisée est alors un moyen de changer les anticipations et d'accompagner une politique monétaire de réduction de l'inflation.

En revanche, en période de sous-emploi, et si l'inflation est déjà maîtrisée, l'augmentation des dépenses publiques ne devrait pas avoir d'effet inflationniste. Dans de telles circonstances, le problème n'est pas l'inflation mais plutôt la déflation, et toute augmentation de l'investissement est bienvenue, pourvu qu'il s'agisse de bons projets.

Le financement de l'économie par la création monétaire modifier

Le travail financier est essentiellement de trouver et d'évaluer des projets. Si on a trouvé un bon projet, il faut le financer. Quand les agents étaient obsédés par l'or ou d'autres métaux précieux, quand ils croyaient que rien ne pouvait avoir de valeur s'il n'était pas convertible en or, les financiers étaient bridés dans leur volonté de financement. Il ne suffisait pas de trouver de bons projets, il fallait aussi trouver de l'or, ou en avoir dans son coffre. Désormais, cette bride est coupée. Les financiers peuvent travailler normalement, il n'ont qu'à évaluer des projets, ils n'ont plus à se soucier des réserves d'or. Le plus important est de trouver des bons projets. Dès qu'ils sont trouvés, il ne reste plus qu'à créer l'argent qui les finance. Le seul véritable problème financier est la conception et l'évaluation des projets.

Pour bénéficier de la prospérité, les agents doivent concevoir et réaliser de bons projets. Ils ont souvent intérêt à s'associer, de diverses façons, parce qu'ils peuvent créer de la valeur en composant leurs projets. La seule chose qui compte vraiment est le choix de ces projets, pas les fonds disponibles, parce que l'argent qui les finance peut toujours être créé. L'argent n'est jamais un problème, sauf si trop de projets sont engagés simultanément. C'est pourquoi les agents doivent se doter d'institutions de régulation des moyens financiers, afin d'éviter la surchauffe et l'inflation, ou la récession, le chômage et la déflation.

Lorsque l'économie n'est pas au plein emploi, ou si elle subit des pénuries, ou de l'inflation, ou de la déflation, il faut y voir une erreur de composition de tous ses projets. Le patrimoine intérieur est collectivement mal géré. Les agents ont intérêt à se mettre d'accord et à s'organiser afin de mieux profiter des richesses qu'ils partagent.

Parce qu'il est l'investisseur le plus important, l'État a des moyens supplémentaires pour que l'investissement global soit adapté aux besoins et aux capacités de l'économie. L'État doit être toujours prêt à investir dans des projets profitables, afin de relancer l'économie lorsque les projets privés ne saisissent pas suffisamment des opportunités disponibles, mais il faut aussi qu'il renonce à ses ardeurs et qu'il mette certains de ses projets en attente, lorsque l'économie est au plein emploi, pour ne pas entraver le développement de l'économie privée.

Les taux bas sont-ils responsables des crises financières ? modifier

Les taux bas favorisent le développement économique parce qu'ils incitent à investir dans l'économie réelle. Mais ils augmentent aussi les profits financiers. Avec de l'argent emprunté à taux bas on peut augmenter des profits financiers par effet de levier. L'argent facile incite ainsi à la spéculation et permet d'engranger des profits très élevés tant qu'il n'y a pas de crise. Mais lorsque la crise survient l'effet de levier joue en sens inverse. Il augmente les pertes au lieu d'augmenter les profits.

Emprunter à bas taux et prêter à un taux plus élevé est la principale source de revenu des banques. Lorsqu'elles investissent dans l'économie réelle en prêtant de l'argent directement aux entreprises non-financières elles contribuent au développement économique. Mais si elles investissent sur les marchés financiers en spéculant sur la hausse du cours des actions, elles alimentent les bulles financières. Cela montre la nécessité de discipliner les banques et les entreprises financières (Admati & Hellwig 2013). Les taux bas doivent servir au développement de l'économie réelle pas à la spéculation financière.

L'égalité entre l'épargne et l'investissement modifier

L'égalité entre l'épargne et l'investissement est une égalité comptable : le revenu total distribué est toujours ou bien consommé ou bien épargné, R=C+E, et le produit total est la somme des biens de consommation et des biens d'investissement produits, P=C+I. Or R=P parce que le revenu d'un agent provient toujours de la dépense d'autres agents qui ont acheté les biens ou les services qu'il a produits. Donc E=I. Mais cette égalité est très contre-intuitive parce que les décisions d'investir et d'épargner sont indépendantes. Si les agents choisissent d'épargner davantage, et si personne ne veut investir cette épargne supplémentaire, il semble que E pourrait être différent de I. En outre les banques créent de la monnaie lorsqu'elles le prêtent. Il semble donc qu'on peut investir sans qu'il y ait une épargne préalable.

L'investissement est la richesse produite non-consommée. C'est pourquoi il faut compter les stocks dans l'investissement. Si les agents choisissent d'épargner davantage par rapport à une situation d'équilibre où toutes les marchandises produites sont vendues, les stocks d'invendus augmenteront automatiquement. Cet investissement involontaire en stocks d'invendus garantit l'égalité comptable entre l'épargne et l'investissement. Dans ce cas le revenu disponible des propriétaires de stocks diminue mais il faut compter l'accroissement de leurs stocks d'invendus comme un revenu supplémentaire, puisqu'il augmente leur richesse. D'un point de vue comptable, tout se passe comme si les propriétaires de stocks avaient acheté leurs propres invendus.

Si les banques créent plus d'argent en prêtant qu'elles n'en détruisent en se faisant rembourser leurs prêts, la quantité de monnaie augmente. La monnaie supplémentaire se retrouve sur les comptes ou dans les poches des agents. Si les prix n'ont pas augmenté, c'est une épargne supplémentaire. Une augmentation de l'investissement financée par la création monétaire est donc nécessairement accompagnée d'une augmentation équivalente de l'épargne.

Si l'économie est en sous-emploi, l'investissement financé par la création monétaire peut conduire à une augmentation de l'emploi et donc à une augmentation du revenu total distribué. L'épargne supplémentaire qui accompagne nécessairement l'augmentation d'investissement provient alors de cette augmentation de revenu.

Si l'économie est au plein emploi, la création monétaire ne peut pas augmenter l'investissement, parce que toutes les ressources disponibles sont déjà utilisées, elle ne peut donc que faire augmenter les prix. La monnaie supplémentaire injectée dans l'économie n'est alors pas une épargne supplémentaire.

(en cours de réflexion)

cf. Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, ch.7