Jeu de rôle sur table — Jouer, créer/Préparer une partie

Une partie se prépare.

Pour certaines MJ, la préparation est minimale : avec quelques idées en têtes, quelques images, elles sont capable d'improviser une partie de plusieurs heures. À l'inverse, certaines MJ ont besoin de beaucoup de matériel pour les soutenir. Il n'y a donc pas une manière unique de préparer une partie.

Extraire la substantifique moelle

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Il existe des scénarios préécrits pour le jeu que vous possédez : des scénarios du commerce (sous forme de livret ou de fichier PDF), des scénarios publiés dans des revues, des scénarios publiés sur Internet… Quelle que soit la forme, il faut vous en approprier le contenu.

Et si vous créez vous-même l'aventure, il faut avoir de lignes directrices en tête.

But, besoins, moyens

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L'aventure doit avoir un but : la meneuse de jeu doit savoir dans quelle direction va l'histoire (même si au final cela va bifurquer). Les personnages des joueuses doivent avoir un but pour savoir quoi faire, quelle décision prendre (même si le but affiché n'est pas le but réel, c'est le célèbre MacGuffin d'Alfred Hitchcock).

Pour que les personnages soient impliqués, il faut que ce but corresponde à un besoin :

  • besoin de ressources (d'argent, d'accès à un service, de matériel) : chercher un trésor, être payé pour une mission ;
  • besoin de reconnaissance : recherche de gloire, s'innocenter, intégrer un groupe…
  • besoin de sécurité : survivre à une catastrophe, à une agression, chercher un remède à une épidémie…

On peut ainsi décliner la pyramide de Maslow.

Pour atteindre ce but, il va falloir des moyens : véhicules, déguisements, outils, armes, moyens de communication, informations…

Donc quand on lit un scénario préécrit, on cherche à identifier ces éléments — buts, besoins, moyens — et on prend des notes pour les retrouver facilement. Et quand on crée un scénario, on pense d'abord à ces éléments.

Obstacles, accroches et coups de pied au cul

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Pour que l'aventure soit intéressante, il faut des obstacles, des pièges, des ennemis, des conflits à résoudre. Une falaise, un coffre-fort, des gardes, une personne-clef à convaincre ou à forcer à coopérer… Ces obstacles doivent être calibrés en fonction du contrat ludique, de la manière dont on joue. Si on joue héroïque, alors les personnages-joueurs doivent pouvoir y aller frontalement et avoir des chances raisonnables de réussir, tout en sacrifiant une partie de leurs moyens : perte de santé (de points de vie), perte de matériel… Si on joue dur, les joueuses doivent pouvoir se méfier de la situation pour chercher à contourner l'obstacle ou à négocier.

Et pour que les personnages se confrontent aux obstacles, il faut les attirer, avec des accroches, ou les pousser, avec des coups de pied au cul (envoyez les ninjas !).

Là encore, quand on lit un scénario préécrit, on cherche à identifier ces éléments — obstacles, accroches et coups de pied au cul — et on prend des notes pour les retrouver facilement. Et quand on crée un scénario, on pense à introduire ces éléments.

Une histoire dynamique

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Les joueuses et la MJ vont co-créer une histoire. Il va donc y avoir une dynamique : les choses vont évoluer.

L'évolution peut être un voyage : on passe d'un lieu à l'autre — que ce soient les pièces d'un donjon ou les étapes d'un long voyage —, ces lieux sont figés et attendent l'arrivée des PJ. Les pièges, les habitants du lieu, ne s'animent qu'en présence des PJ.

Mais on peut aussi faire évoluer les éléments du scénario : les personnages non-joueurs ou les factions agissent, le décor évolue. On peut donc prévoir :

  • une liste d'événements qui se déroulent si les PJ n'interfèrent pas ;
  • des relations entre PNJ, entre factions, entre PJ et PNJ (alliances, ennemis…) qui font que les actions des PNJ et factions vont évoluer en fonction des décisions prises par les joueuses.

Concrètement, les outils couramment utilisés sont :

  • des plans, des cartes, où figurent les lieux importants et le cheminement entre ces lieux ;
  • une chronologie ;
  • une carte relationnelle : chaque PJ, PNJ et faction est une « bulle » reliée par des « arcs » (des traits) aux autres, les arcs figurant les relaitons ; et l'on écrit la nature de la relation à côté de l'arc.

Quelques témoignages

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Voici quelques témoignages de joueurs et joueuses, sur ce que serait pour elles et eux un scénario idéal ; et donc sur la manière dont ils et elles travaillent les scénarios « réels » qui leurs tombent sous la main.

« En fait, plus j'y pense, et plus je me dis qu'un scénar de JDR devrait être le plan de l'opposition. Que ce soit le récit linéaire de ce que ferait le grand méchant si personne ne s'oppose à ses fins, comme la multitude de plans qu'il aurait mis en place. Au besoin en personnifiant l'opposition, s'il s'agit d'une catastrophe naturelle. »

— Qui Revient de Loin, « Re: Scénarios ouverts et faciles d'accès », sur Casus non-officiel, (consulté le 4 août 2024)

« Je crois que la façon d'écrire un scénario doit tellement tenir compte du type d'histoire qu'on raconte que ce n'est pas la peine d'essayer de trouver une structure type. Par exemple :
— Un scénario d'enquête repose souvent sur les faits tels qu'ils se sont passés. De là, on déduit les indices, les lieux, les PNJ et éventuellement leurs actions et réactions.
— Si c'est une enquête « dynamique » (des crimes sont en cours et on tente d'y mettre fin), elle peut être centrée sur une chronologie et les plans d'actions de l'opposition.
— Une exploration va être basée sur le plan des lieux.
— Une poursuite (où les PJ sont les poursuivants) doit tenir principalement compte des actions de l'opposition. Alors que si ce sont les PJ qui sont poursuivis, ce sera plus la carte du secteur qui importe.

Mais effectivement, il y a moyen de rendre beaucoup de scénarios plus synthétiques et faciles à utiliser que de longs pavés de textes. Ça demande cependant de penser la structure en fonction du type d'histoire. »

— Léonard, « Re: Scénarios ouverts et faciles d'accès », sur Casus non-officiel, (consulté le 4 août 2024)

« J'aime assez la façon dont sont écrits les scénarios pour TimeWatch[1]. Vu l'exercice mental que constitue ce jeu, je les trouve assez faciles à prendre en main.

Le scénario est découpé en scènes, dans l'introduction du scénario est décrit un déroulement type avec le nom des scènes clairement mis en avant, ce qui permet de se faire une idée rapidement, puis les scènes sont décrites chacune en détail.

Chaque scène est précédée d'un en-tête, indiquant le type de scène, notamment si elle est accessoire ou essentielle, la liste des scènes qui peuvent y mener et la liste des scènes qui peuvent découler de celle-ci. Il est assez facile de se faire un petit graphique avec les différentes scènes et les chemins qui y mènent.

À la fin de chaque scène sont résumés les indices pouvant être obtenus et les compétences qui peuvent y mener. C'est très fonctionnel, mais c'est le Gumshoe qui veut ça.

Enfin, j'aime me construire une frise temporelle avec en blanc les éléments clés de la True Timeline (date, lieu, événement en trois mots), et en rouge l'histoire altérée.

Si ces deux éléments (graphique des scènes + double voir triple frise temporelle) étaient mis de base, l'ergonomie serait vraiment top, mais ça n'est pas trop difficile de les construire soi-même, et ça dégrossit bien le boulot.

C'est pas du luxe vu le jeu, qui demande une sacrée souplesse mentale pour tenir compte des actions de personnages capables de voyager quasi à volonté dans l'espace et le temps et de générer toutes sortes de paradoxes.

Sinon je plussoie les illustrations, plans et PNJ, c'est jamais perdu. »

— Kandjar, « Re: Scénarios ouverts et faciles d'accès », sur Casus non-officiel, (consulté le 4 août 2024)

« Pour moi, il y a deux usages distincts d'un scénario :
— une première lecture de bout en bout qui doit être évocatrice et complète. La prose marche particulièrement bien en ce cas.
— en jeu, chercher et trouver rapidement l'info sans se perdre dans des paragraphes verbeux.

[…]

Une façon de faire, c'est de commencer par un court résumé de l'intrigue, que l'on peut ou pas éventuellement sauter en première lecture. Puis de bien découper les chapitres. Là, il faut s'adapter aux matériaux. Cela peut être un chapitre protagoniste avec une section par faction, ou les protagonistes peuvent n'être qu'une section dans le chapitre de la scène où ils sont introduits.

Mais toujours à mon sens prévoir en entrée un résumé concis (genre une phrase, deux grand maximum) en exergue d'un chapitre ou d'une section. Ne pas hésiter à mettre en gras le nom d'un protagoniste ou d'un indice là où on va le décrire dans un texte. C'est agréable de lire une belle prose, mais c'est parfois dur de retrouver en jeu la description ou le détail qu'on veut vérifier en jeu. La graisse aide à se positionner à l'essentiel. On peut faire de même avec des mots-clés, ou ajouter des icônes. […]

Une fois que l'on a tout cela, il est assez simple de faire une carte relationnelle, qui est souvent ce qui manque le plus dans les scénarios. Pourtant, c'est ce qui permet de combler les trous de mémoire sur l'essentiel, de savoir où chercher dans le texte […].

J'ai une mémoire pourrie qui fonctionne par mot-clé, un qualifiant est parfois plus marquant pour moi qu'un nom exotique. Je préfère Kapek le fossoyeur et Kolek l'empereur plutôt que juste leur nom, même si je ne donne pas le qualifiant aux joueurs. »

— XO de Vorcen, « Re: Scénarios ouverts et faciles d'accès », sur Casus non-officiel, (consulté le 4 août 2024)

Concrètement, qu'est-ce que je fais ?

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Si je prépare un scénario préecrit, la préparation consiste d'abord à :

  • lire le scénario en entier, afin de s'imprégner de l'histoire, de l'ambiance ;
  • prendre des notes sur les éléments principaux (lieux, personnages, événements, objets…) afin de pouvoir les retrouver facilement ;
  • en particulier, repérer et je noter les but, besoins, moyens, obstacles, accroches et coups de pied au cul ;
  • repérer les cartes et diagrammes synoptiques, ou bien créer ces cartes et diagrammes en fonction du contenu du scénario : méthodes graphiques de type « graphe » comme les diagrammes relationnels (relation map) pour représenter les liens entre les personnages, ou bien des graphes représentant les enchaînements possibles entre les scènes[2] ;
  • trouver une introduction permettant d'intégrer les personnages dans le scénario, en fonction du passé des personnages joueurs, de la campagne…
  • adapter le scénario en fonction du goût des joueurs (plus ou moins d'action, plus ou moins d'intrigue…) ;
  • photocopier ou recopier les aides de jeu : cartes, illustrations, éléments à donner aux joueurs (fausses coupures de presse, faux manuscrits ou tapuscrits…).

Ensuite, la préparation dépend de la manière dont la table joue, de son « contrat ludique ». Si l'aventure doit être un défi « intéressant » (pas trop facile) mais néanmoins possible, c'est-à-dire qu'il y a un but à atteindre et que ce but est atteignable en faisant de bons choix tactiques et sans avoir trop de malchance aux dés, alors la préparation nécessite aussi d'adapter le scénario en fonction des personnages joueurs : pour les combats, augmenter ou diminuer le nombre ou la puissance des opposants, diminuer ou augmenter la difficulté des obstacles à franchir afin que la progression ne soit ni trop facile, ni impossible.

Si je crée mon aventure, je pense à préparer tous ces éléments (les inventer, les picorer dans d'autres œuvres) :

  • un cadre général : lieu, ambiance…
  • des personnages clef ;
  • un but, des besoins, moyens, obstacles, accroches et coups de pied au cul ;
  • une introduction pour impliquer les personnages ;
  • des scènes : lieu et contexte où les PJ vont se confronter aux obstacles, avec une accroche et/ou un coup de pied au cul pour provoquer la scène, et les liens avec les autres scènes (comment on peut arriver à cette scène, vers quelles scènes cela peut mener) ;
  • des cartes, une chronologie, des diagrammes relationnels.

Enfin, j'organise ou fais organiser la partie (voir Ma première partie > Organiser_la_partie).

Liens et références

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  1. (en) Kenneth Hite et coll., TimeWatch, Pelgrane Press, coll. « Gumshoe », , 392 p. (ISBN 978-1-90898331-2, présentation en ligne).
  2. voir par exemple Bastien « Acritarche » Wauthoz, « Structure et scénario sont sur un bateau… », sur Contes des ères abyssales, (consulté le 23 janvier 2018).

Bienveillance et contrat ludique < > Au cœur du jeu de rôle, la partie