Précis d'épistémologie/La recherche de la raison


« - ... je veux bien mener cet examen avec toi, pour que nous recherchions ensemble ce que peut bien être la vertu. 

- Et de quelle façon chercheras-tu, Socrate, cette réalité dont tu ne sais absolument pas ce qu'elle est ? Laquelle des choses qu'en effet tu ignores, prendras-tu comme objet de ta recherche ? Et si même, au mieux, tu tombais dessus, comment saurais-tu qu'il s'agit de cette chose que tu ne connaissais pas ?

- Je comprends de quoi tu parles, Ménon. Tu vois comme il est éristique, cet argument que tu débites, selon lequel il n'est possible à un homme de chercher ni ce qu'il connaît ni ce qu'il ne connaît pas ! En effet, ce qu'il connaît, il ne le chercherait pas, parce qu'il le connaît, et le connaissant, n'a aucun besoin d'une recherche ; et ce qu'il ne connaît pas, il ne le chercherait pas non plus, parce qu'il ne saurait même pas ce qu'il devrait chercher. » (Platon, Ménon, 80d-e, traduit par Monique Canto-Sperber, cf. Fine 2014)


Les deux prémisses de l'argument de Ménon sont fausses.

On peut savoir ce qu'on cherche avant de l'avoir trouvé. C'est évident. C'est ce qu'on fait à chaque fois que les problèmes qu'on cherche à résoudre sont bien définis.

On peut chercher sans savoir ce qu'on cherche. C'est moins évident. C'est ce qu'on fait quand on cherche sans savoir par avance où on va ni ce qu'on veut précisément, avec un esprit ouvert, en étant disposé à accueillir ce qui se présentera.

Savoir ce qu'on cherche avant de le trouver modifier

Dès qu'on a un système de perception, ou de détection, on est capable de chercher en sachant ce qu'on cherche, avant de le trouver. On cherche à détecter ce que le système est capable de détecter. On sait ce qu'on cherche si on sait qu'on est capable de le percevoir. On trouve ce qu'on cherche en le percevant.

Poser un problème consiste à se donner une fin, un but, un objectif. On a résolu le problème quand on a atteint la fin qu'on s'est fixée ou quand on sait comment l'atteindre. On connaît une fin quand on sait percevoir, détecter ou reconnaître si elle est réalisée.

L'argument de Ménon confond la connaissance d'un problème avec la connaissance de sa solution. On peut connaître une fin, donc on sait ce qu'on cherche, avant de l'avoir atteinte, donc on n'a pas encore trouvé.

On développe son intelligence en développant sa capacité à résoudre des problèmes. On découvre cette capacité par l'expérience. Si on ne se pose pas de problèmes, on n'essaie pas de les résoudre, et on ne peut pas apprendre si on est capable ou non de trouver des solutions.

N'importe quelle activité orientée vers un but est une résolution de problème (ou un essai de résolution). Le problème est d'atteindre le but. Mais on peut aussi trouver des solutions sans rien faire, simplement en se servant de son imagination. Quand on doit imaginer ce qu'on va faire avant d'agir, on remplace un problème par un autre : imaginer l'action ou le programme d'actions qui résout le problème initial. On peut alors explorer par l'imagination l'espace des possibilités de solution. On peut ainsi résoudre de nombreux problèmes sans quitter son fauteuil. Bien sûr, on a besoin de savoir anticiper afin de déterminer par l'imagination si une séquence d'actions est faisable et si elle permet d'atteindre le but. Lorsque le savoir acquis au préalable est suffisant, l'imagination seule, sans l'action, permet de trouver des solutions. Grâce à l'imagination le savoir déjà acquis est un tremplin pour acquérir davantage de savoir.

Une méthode générale de résolution de problèmes consiste à identifier toutes les possibilités de solution (toutes les actions et les séquences d'actions possibles par exemple) et à les essayer jusqu'à ce qu'on en trouve une qui atteigne l'objectif désiré. Cette méthode est très efficace tant que le nombre de possibilités à essayer n'est pas trop grand. Mais même les supercalculateurs les plus puissants ne peuvent pas résoudre ainsi certains problèmes parce que l'espace des possibilités qu'ils doivent essayer est beaucoup trop grand.

Une heuristique est une méthode de résolution de problèmes qui explore l'espace des possibilités de solution en sélectionnant certaines qui semblent prometteuses (Newell & Simon 1972, Russell & Norvig 2010). L'apprentissage par l'exercice peut être considéré comme une résolution d'un problème fondée sur une heuristique simple. Le problème est défini par les objectifs que le savoir-faire désiré doit atteindre et par leurs conditions initiales. Les possibilités de solution sont les façons d'agir que l'on peut essayer. On commence par sélectionner une possibilité, pas trop mauvaise si possible, puis on expérimente des variations et on évalue leurs résultats. On modifie par étapes successives le savoir-faire initial en conservant les variations qui semblent nous rapprocher du savoir-faire désiré. On explore ainsi l'espace des possibles par petits pas, en passant d'une façon de faire à une autre qui semble l'améliorer. C'est une forme d'apprentissage par l'essai, l'erreur et la réussite.

L'imagination muette, sans la parole, suffit pour résoudre de nombreux problèmes. On explore par l'imagination les possibilités de solution. L'imagination parlante, c'est à dire la pensée, le capacité à faire des théories, est aussi un moyen très puissant pour résoudre de très nombreux problèmes. On résout des problèmes théoriques en se servant du raisonnement pour augmenter notre savoir. Un problème est théorique lorsqu'on recherche par le raisonnement à répondre à une question. Si nous avons besoin d'observer ou d'expérimenter pour trouver une réponse, alors la question n'est pas un problème théorique. Le savoir préalable, l'énoncé de la question et nos facultés de raisonnement doivent suffire pour trouver la solution d'un problème théorique. S'il n'existe pas de raisonnement qui permette de répondre à la question, c'est que le problème théorique est mal identifié, ou que sa (méta)solution est de ne pas avoir de solution.

Pour une question fermée, il n'y a que deux solutions possibles, oui ou non. Pour une question ouverte, la solution doit nommer ou décrire un ou plusieurs êtres qui satisfont aux conditions énoncées dans la question. Les êtres ainsi nommés ou décrits sont alors les solutions du problème. Pour qu'un problème théorique soit résolu, il faut énoncer ses solutions et les justifier, en donnant un raisonnement qui prouve qu'elles sont véritablement des solutions du problème.

Pour qu'un problème théorique soit bien défini il faut expliciter toutes les conditions du problème, y compris les principes qui nous serviront à raisonner pour le résoudre.

Quand on connaît les principes d'une théorie, on est capable de reconnaître les preuves qui reposent sur ces principes. On a ainsi un système de détection des preuves et des théorèmes. On peut ainsi savoir ce qu'on cherche, une preuve d'un théorème, avant de l'avoir trouvée.

L'acquisition du savoir par la résolution de problèmes théoriques exige un savoir préalable, déjà acquis, à partir duquel nous raisonnons. Le savoir théorique déjà acquis est un tremplin pour acquérir davantage de savoir.

Quand on résout un problème par l'imagination ou le raisonnement, on trouve en soi-même des solutions qu'on ne connaissait pas déjà. Comment est-ce possible ? Comment puis-je trouver en moi-même un savoir que je n'ai pas déjà ?

Quand on connaît des principes ou des lois, on connaît du même coup tous les êtres auxquels ils peuvent être appliqués. Mais ce savoir reste implicite. On connaît explicitement l'énoncé du principe ou de la loi, mais pas son application à tous les cas particuliers.

Quand on connaît des principes, on connaît implicitement leurs conséquences logiques, parce qu'elles sont déterminées par les principes, mais on ne les connaît pas explicitement tant qu'on n'a pas raisonné. On doit raisonner pour apprendre ce que les principes déterminent implicitement.

Tout ce que j'apprends par l'imagination et le raisonnement, je le trouve en moi-même parce que je connais déjà des inférences, des principes et des lois, mais je ne le sais pas déjà, parce que je n'ai pas conscience de toutes leurs conséquences logiques. Je peux trouver en moi-même un savoir que je n'ai pas déjà parce que je peux apprendre par le raisonnement ce que les bons principes enseignent.

Chercher sans savoir ce qu'on cherche modifier

Pour chercher la réponse à une question, il faut comprendre la question. Comment chercher la réponse à la question "qu'est-ce que la vertu ?" si on ne sait pas ce qu'est la vertu ?

On sait ce qu'on cherche quand on est capable de détecter si on l'a trouvé. Mais nous n'avons pas par avance des détecteurs de vertu, de raison ou de sagesse. Pour être capable de reconnaître la sagesse, il faut déjà être sage. Comment chercher la sagesse si on ne sait pas la reconnaître ? Même si on tombait dessus par hasard, on ne saurait même pas qu'on l'a rencontrée.

Il faut être expert pour reconnaître un savoir d'expert. Un débutant doit devenir expert, et donc acquérir un savoir qu'il n'est pas capable de reconnaître. Comment fait-il ?

Un problème est bien défini lorsque l'énoncé du problème suffit pour déterminer complètement l'ensemble de ses solutions. On sait ce qu'on cherche lorsqu'on cherche les solutions d'un problème bien défini pourvu qu'on connaisse son énoncé. La connaissance de l'énoncé du problème suffit pour rendre capable de reconnaître ses solutions.

Lorsqu'on cherche les solutions d'un problème qui n'est pas bien défini, on ne sait pas très bien ce qu'on cherche, voire pas du tout. Par exemple, je veux trouver quelque chose d'intéressant, des bons principes, des bons théorèmes ou des bonnes applications. J'ai par avance quelques présupposés sur ce qui est intéressant, sur ce qu'est un bon principe, une bonne théorie ou une bonne application. Mais l'énoncé du problème, "trouver quelque chose d'intéressant", même s'il est accompagné de tous mes présupposés, ne suffit pas pour déterminer l'ensemble de ses solutions. Je ne peux pas savoir très bien d'avance ce qu'est une bonne théorie, je dois l'apprendre, je peux changer d'avis en cours de route. Au commencement, je n'ai pas les moyens de détecter toutes les solutions de mon problème, je cherche sans savoir ce que je cherche.

On peut avancer sans savoir où on va, simplement en allant droit devant soi. On cherche à aller plus loin, mais on ne sait pas ce qu'on cherche, parce que l'énoncé du problème, "aller plus loin", en dit très peu sur ses solutions.

Un débutant est capable de résoudre des problèmes de débutant, de reconnaître le savoir et les erreurs d'un débutant. Cela suffit pour démarrer. La capacité à reconnaître le savoir progresse en même temps que l'acquisition du savoir. Cela permet d'apprendre à résoudre des problèmes de plus en plus difficiles. C'est ainsi qu'on devient un expert. Il suffit de vouloir avancer, faire un pas après l'autre, et être toujours disposé à apprendre ce qui se présente sur le chemin.

Pour apprendre par l'exercice, par l'essai, l'erreur et la réussite, il n'est pas nécessaire de savoir où on va, il suffit de vouloir progresser.

Il n'est pas nécessaire de savoir par avance ce qu'on cherche, on peut l'apprendre en cours de route.

On peut apprendre à percevoir. On ne sait pas par avance ce qu'on sera capable de percevoir. On ne sait pas par avance ce qu'on sera capable de trouver parce qu'on n'est pas encore capable de le percevoir.

Nous ne savons pas de quoi nous sommes capables. La liste des problèmes que nous pouvons résoudre n'est pas connue d'avance.

On ne se connaît pas très bien soi-même. On ne sait pas par avance ce qu'on peut devenir. Quand on veut progresser on cherche sans savoir ce qu'on cherche parce qu'on se cherche soi-même.

On peut être porté et guidé par des idées sans savoir où elles nous mènent.

Pour qu'un problème théorique soit bien défini, il faut avoir explicité toutes les conditions et tous les principes qui déterminent ses solutions. En général l'énoncé d'un problème n'est pas suffisamment explicite pour qu'il soit un problème théorique bien défini. Nous devons trouver nous-mêmes les bons principes qui nous serviront à raisonner (Aristote, Topiques).

Comment trouver les bons principes ? - On reconnaît les bons principes à leurs fruits. - Comment reconnaît-on les fruits ? - La raison porte des fruits quand elles nous aide à bien penser et à bien vivre. Mais nous n'avons pas par avance les détecteurs du bien penser et du bien vivre. Il faut déjà être sage pour reconnaître les fruits de la raison. Il n'est pas toujours plus facile de reconnaître les fruits que de reconnaître les bons principes. Et les bons principes font eux-mêmes partie des fruits.

La raison porte des fruits quand elle nous aide à penser bien, à faire le bien, à vivre bien. Mais on se fait facilement des illusions. On peut très facilement croire qu’on pense ou qu’on agit bien pour de très mauvaises raisons. La raison n’apporte pas toujours des réponses tranchées parce que la différence entre les vrais fruits et les illusions, entre le bon grain et l'ivraie, n’est pas toujours claire et nettement marquée.

Quand on cherche les bons principes, le bon savoir, la raison, la vertu ou la sagesse, on cherche sans savoir ce qu'on cherche, parce qu'on n'a pas par avance un savoir suffisant pour reconnaître tous les bons principes, tous les bons savoirs ou tous les fruits de la raison. Mais on est disposé à accueillir tout ce que la raison peut nous enseigner.

Les grands problèmes théoriques (qu'est-ce que la raison ? La vertu ? La sagesse ? ...) sont nécessairement des problèmes indéfinis. Pour qu'ils soient des problèmes bien définis, il faudrait que nous connaissions par avance toutes les conditions et tous les principes qui déterminent toutes les formes de raison, de vertu et de sagesse. Nous n'aurions presque plus rien à apprendre. Il ne resterait plus qu'à vérifier dans chaque cas particulier un savoir connu d'avance. Mais pour nous la raison n'est pas de tout savoir d'avance, c'est plutôt le contraire. On en sait très peu par avance. Il faut avoir toujours l'esprit ouvert et accueillir ce qui se présente si on veut trouver les fruits de la raison.

Les pierres de touche de la raison modifier

Une pierre de touche est une pierre dure et rugueuse sur laquelle on frotte un échantillon de métal précieux pour éprouver sa pureté. L'essayeur identifie le métal à partir de la trace qu'il laisse sur la pierre. Nous sommes à la fois des pierres de touche et des essayeurs pour la raison. Nous éprouvons la raison sur nous-mêmes et l'évaluons à partir de ses traces sur nos esprits.

Un débutant n'est pas toujours capable de reconnaître les fruits de la raison et les bons principes, parce qu'il n'est pas encore un très bon essayeur de la raison, il doit l'apprendre, mais il est quand même un essayeur débutant, capable de reconnaître les fruits et les bons principes accessibles au débutant. Il prend conscience des bons principes quand ils le font progresser, quand ils le rendent plus compétent. Les bons principes doivent rendre compétent. S'ils ne rendent pas compétent, ils ne sont pas de bons principes. La raison doit être bonne pour tous les esprits, sinon elle ne serait pas la raison.

Je suis la source, le milieu et la fin de la raison, la source parce que la raison naît de mes pensées, le milieu parce qu'elle se développe en moi quand je la cherche, la fin parce qu'elle s'accomplit quand je m'accomplis.

Je suis pour moi-même un critère fondamental de reconnaissance du bon savoir, puisque je le reconnais en reconnaissant ma compétence.

La réalité, la vie et les pensées mettent en permanence les pensées à l'épreuve. La pensée ne peut pas se développer sans se critiquer elle-même, parce qu'elle doit s'adapter à la réalité, y compris la réalité qu'elle est elle-même. Un esprit ne connaît pas par avance ce qui est bon pour lui-même. Il l'apprend par l'expérience et la critique.

Chaque esprit est pour lui-même comme pour tous les autres un critère de reconnaissance de la raison, parce qu'elle est nécessairement ce qui est bon pour tous les esprits.

Un véritable savoir peut toujours être partagé. Il me rend compétent parce qu'il peut rendre compétent tous les esprits. Si j'acquiers un savoir sans savoir l'expliquer, et donner des preuves acceptables par tous les esprits, c'est que je ne l'ai pas bien compris. Pour maîtriser un savoir, il faut être capable de l'enseigner clairement à tous ceux qui veulent l'acquérir.

Nous justifions notre savoir en donnant des preuves fondées sur des principes. Mais les principes doivent être eux-mêmes justifiés. Il faut qu'ils fassent leurs preuves en nous aidant à développer un bon savoir. Chacun peut se servir de sa propre expérience pour mettre des principes à l'épreuve et apprendre ainsi à reconnaître leur valeur. Mais il ne faut pas se limiter à sa propre expérience. Quand on prend un principe comme base d'un raisonnement, on affirme implicitement qu'il a une valeur universelle, qu'il peut servir à tous ceux qui veulent raisonner. Un principe doit donc être mis à l'épreuve de toutes les expériences de tous les esprits. Un principe fait ses preuves en aidant tous les esprits à développer un bon savoir.

Le développement de la raison est une œuvre collective (Leibniz 1688-1690, Goldman 1999), à laquelle chaque être humain peut participer dès qu'il le veut, qu'il sait qu'il en est capable et qu'il se soumet volontairement à sa discipline : justification et évaluation critique.

Afin d'évaluer nos preuves nous devons les soumettre volontairement à la critique de tous les esprits. Les objections et les tentatives de réfutation peuvent nous conduire à modifier nos raisonnements, et parfois même à les abandonner, si la réfutation est décisive. Nous développons le savoir en conservant les principes et les preuves qui résistent bien aux épreuves critiques et en renonçant aux autres.

Tout le développement du savoir peut être conçu comme la résolution d'un unique et vaste problème. L'objectif est un savoir qui satisfasse notre désir de bien penser et de bien vivre. Nous explorons l'espace des possibles à chaque fois que nous examinons un savoir en vue de l'évaluer. Les épreuves critiques sont destinées à sélectionner les possibilités prometteuses. La critique est donc une heuristique qui nous aide à résoudre le problème du développement de la raison (Goodman 1955, Rawls 1971, Depaul 2006). Mais nous cherchons sans savoir ce que nous cherchons, parce que nous ne savons pas toujours par avance comment reconnaître la raison.

Que pouvons-nous espérer ? modifier

La raison nous rend capables, mais de quoi ? Que pouvons-nous réaliser avec les compétences que nous développons rationnellement ? Que pouvons-nous espérer ?

Nous ne connaissons pas d'avance la portée de nos capacités à résoudre des problèmes. Nous la découvrons par l'exercice. En résolvant des problèmes, nous prenons davantage conscience de nos capacités. Mieux nous les connaissons et plus nous pouvons étendre leur champ d'applications. Nous nous découvrons ainsi nous-mêmes en tant qu'êtres rationnels, c'est à dire capables de développer la raison. Tous les développements de la raison sont des découvertes, parce que nous ne savons pas ce que la raison nous révélera avant de nous mettre au travail. Nous découvrons que nous sommes capables de découvrir la raison.

Si la liste des problèmes que nous pouvons résoudre rationnellement était connue d'avance, nous saurions quoi espérer. Mais justement elle n'est pas connue d'avance. Nous ne connaissons pas l'étendue des compétences que la raison peut nous donner.

Comme nous ne savons pas de quoi la raison nous rend capables, nous pouvons placer nos espoirs très haut, que le présent éphémère soit la splendeur de la vérité éternelle, ou très bas, la raison ne sera jamais plus qu'une pauvre consolation dans une vallée de larmes.

Le développement de la raison est l'histoire d'un étonnement perpétuellement renouvelé. Les sciences ont dépassé nos espérances. La Nature nous a révélé beaucoup plus de secrets que ce que nous pouvions rêver.

Pour savoir de quoi la raison nous rend capables, la meilleure façon, et la seule, est d'essayer. Si on n'essaie pas on n'a aucune chance de se rendre compte de ce qui marche.