Neurosciences/Le cortex associatif

Pour rappel, le cortex est découpé en plusieurs aires cérébrales, qui peuvent prendre en charge des traitements sensoriels, moteurs ou intellectuels. Certaines aires ont un rôle purement sensoriel, comme le sont les aires visuelles du lobe occipital, celles du cortex somesthésique ou encore celles du cortex auditif. D'autres sont des aires purement motrices, comme le sont les aires motrices et pré-motrices du cortex frontal. Mais d'autres sont des aires qui prennent en charge des traitement purement cognitifs, comme les aires dédiées à la mémoire, à l'attention, la pensée, la cognition spatiale, ou au comportement. Ces aires associatives représentent plus de 80% du cerveau chez un être humain normalement constitué. Ces aires sont localisées dans plusieurs lobes cérébraux distincts (à vrai dire, tous les lobes sauf le lobe occipital).

  • Outre son rôle dans le toucher et la proprioception, le lobe pariétal est impliqué dans l'attention visuelle, ainsi que dans la perception de l'espace et du corps. Il intègre les signaux sensoriels de diverses provenances (audition, vision, toucher, ...) en une perception globale de l'environnement. Il joue aussi un rôle dans l'attention visuelle et spatiale, comme le prouvent les observations de patients atteints de lésions pariétales. Leur attention visuelle et spatiale est fortement altérée et beaucoup perdent une bonne partie de leurs facultés visuo-spatiales.
  • Le lobe frontal prend en charge la motricité, mais aussi et surtout les capacités intellectuelles supérieures (mémoire de travail, attention, raisonnement, planification, ...), ainsi que le comportement. Des lésions de ce lobe entraînent des troubles intellectuels et/ou des troubles du comportement.
  • Le lobe temporal est responsable de l'audition, mais aussi de la reconnaissance visuelle des objets, du langage et de la mémoire. Outre son rôle dans l'audition pris en charge par le cortex auditif, il est associé à la compréhension de la parole (en lien avec la proximité du cortex auditif). Fait étrange, le cortex temporal n'a pas qu'une fonction auditive ou linguistique : il a aussi une grande importance dans la reconnaissance des objets. Des lésions du lobe temporal altèrent la capacité à nommer ou classer des objets présentés visuellement. Pour ce qui est de la mémoire, le rôle de ce cortex n'est pas très clair, mais on sait qu'il s'occupe du stockage des connaissances acquises. À ce propos, le prochain chapitre sera dédié à la formation hippocampique, une portion du lobe temporal dédiée à la mémorisation des souvenirs et connaissances.
Lobes du cerveau.

Le lobe temporal modifier

 
Lobe temporal.

Le lobe temporal est situé sous la tempe. On peut remarquer que le lobe temporal est loin d'être une entité unique. Il est découpé par plusieurs gyrus en plusieurs sections. Les premières, visibles de profil, sont les lobes temporaux supérieur, inférieur et moyen (aussi appelé médian). Visibles en regardant par dessous, on peut observer les gyrus parahippocampiques et fusiforme.

Le syndrome de Kluver-Bucy modifier

Les premières études sur ce cortex furent les études de Kluver et Bucy, datées de 1938. L'étude princeps étudiait l'ablation du cortex temporal sur des macaques. Il est rapidement apparu que cette lésion entraînait une constellation de symptômes divers : sexualité incontrôlée, docilité, tentative de consommation d'objets qui ne peuvent pas être mangés, abolition de la peur, troubles de la mémoire et troubles de la reconnaissance visuelle. Cette constellation de symptôme est aujourd'hui appelée syndrome de Kluver-Bucy. Celui-ci regroupe :

  • une surdité, preuve que ce cortex est au mieux partiellement sensoriel ;
  • des troubles de la reconnaissance des objets, lieux et visages, appelés agnosies ;
  • chez l'humain, des troubles de la compréhension du langage, appelés aphasies de compréhension ;
  • de lourds troubles de la mémoire, avec une profonde amnésie ;
  • une absence de peur, qui peut se traduire par de la docilité ;
  • un émoussement des affects, traduite par une réduction des émotions négatives et/ou positives ;
  • une hypersexualité, couplée à une boulimie et une hyperoralité (le sujet porte à la bouche tout ce qui lui passe dans la main).

Les syndromes temporaux localisés modifier

Le syndrome de Kluver-Bucy nous dit que le cortex temporal prend en charge l'audition, la reconnaissance des objets, la mémoire et le langage. Diverses observations nous disent que ces fonctions sont elles mêmes localisées dans des portions biens précises du lobe temporal. Le lobe temporal est donc lui-même subdivisé en aires cérébrales distinctes, aux fonctions différentes. Par exemple, nous avons abordé le cortex auditif et l'amygdale cérébrale, qui font partie du lobe temporal. À ce propos, nous avons vu quelques unes de ces subdivisions dans les chapitres précédents. Certains gyrus prennent en charge l'audition, d'autres la peur, d'autres la mémoire, etc. En effet, des lésions localisées entraînent des déficits plus spécifiques que le syndrome de Kuver-Bucy, qu'une fraction des symptômes de Kluver-Bucy.

  • La surdité est liée à la lésion du cortex auditif, partie prenante du cortex temporal.
  • L'émoussement des affects et l'absence de peur sont liés à des lésions de l'amygdale. Pour rappel, on a étudié sa fonction, très liée à la peur, dans le chapitre sur les émotions.
  • Les troubles de la reconnaissances des objets 'agnosies) sont causées par des lésions du cortex temporal inférieur (dit inféro-temporal). Pour rappel, on a vu dans le chapitre sur la vision que celui-ci joue un grand rôle dans la reconnaissance visuelle des objets, de même que le gyrus fusiforme s'occupe de la reconnaissance de certains stimulus précis (visages, mots, autres).
  • Les autres symptômes peuvent s'expliquer de la même manière, par des lésions de certaines zones temporales précises. Par exemple, nous verrons dans quelques chapitres que des lésions dans le lobe temporal médian et dans le gyrus parahippocampique entraînent des troubles de la mémoire. Nous détaillerons cela plus en détail dans les divers chapitres sur la la mémoire, le langage, et autres.

Le lobe frontal (le cortex préfrontal) modifier

 
Lobe frontal.

Le lobe frontal est situé sous le front. Il est découpé anatomiquement en plusieurs gyrus, mais cette division anatomique ne correspond pas vraiment à une subdivision fonctionnelle. Cela veut dire qu'un même gyrus peut prendre en charge des rôles très différents, de même qu'un même rôle est pris en charge par plusieurs gyrus.

 
Cortex préfrontal.

Du point de vue de la fonction, on peut subdiviser le lobe frontal en deux régions aux rôles très distincts : un cortex moteur et un cortex préfrontal associatif. Nous avons déjà parlé du cortex moteur dans le chapitre sur la motricité, aussi nous n'en reparlerons pas ici. Par contre, le cortex préfrontal est nettement plus intéressant. Ce dernier prend en charge des tâches non-motrices, mais intellectuelles : mémoire de travail, attention, prise de décision et autres tâches typiques de l’intellect humain. Il est aussi en charge de notre comportement et de la régulation de nos émotions.

Le syndrome frontal modifier

Des lésions du cortex préfrontal causent un syndrome frontal qui se manifeste par des troubles du comportement et de l'intellect. Ce syndrome a été individualisé par un cas très célèbre de patient cérébrolésé : Phineas Gage. Cet homme était un contremaître sur des chantiers de chemin de fer, né en 1823 et mort en 1860. Le 13 septembre 1848, cet homme travaillait à mettre de la poudre dans un rocher, pour dégager une future voie de chemin de fer. Par malchance, la poudre explosa, projetant la barre à mine qu'il manipulait à travers son crane ! Phineas Gage survécu miraculeusement, mais cet accident lui endommagea son cortex préfrontal. À la suite de cet accident, les médecins et ses proches remarquèrent des changements assez radicaux dans son comportement. Phineas avait gardé ses capacités mnésiques et intellectuelles, mais il était devenu plus impulsif, grossier, agressif, instable, capricieux. Il était aussi devenu plus apathique, manifestait un retrait social assez important, et montrait des changements d'humeur assez importants. Il avait aussi des difficultés à garder un travail.

Formellement, le syndrome frontal se manifeste par toute une série de symptômes extrêmement variés : déficits de planification, difficultés à résoudre des problèmes, problèmes d'attention, troubles mnésiques, prise de décision erratique, déficits volitionnels, désinhibition, syndrome apathique/dépressif, etc. Intuitivement, on peut distinguer les symptômes comportementaux des symptômes cognitifs/intellectuels.

Les symptômes psychiatriques sont les plus simples à comprendre et à décrire. Dans les grandes lignes, on peut distinguer deux cas : un syndrome frontal désinhibé ou le patient a du mal à réguler ses émotions et à se comporter correctement et un syndrome frontal apathique où le patient devient apathique et/ou déprimé.

  • Le sous-type désinhibé est plus simple à comprendre. Pour un psychiatre, le tableau ressemble soit à un état maniaque permanent, soit à un cas de psychopathie acquise. Pour le premier cas, le patient est euphorique, hyperactif, impulsif, énergique. Dans le second cas, le patient n'est pas euphorique et hyperactif, mais il est fortement impulsif et perd toute capacité de réguler ses émotions. Son comportement moral se dégrade fortement et sa personnalité change du tout au tout. De tels patients ne peuvent plus fonctionner correctement en société et deviennent dangereux, aussi bien pour eux-même que pour les autres.
  • Dans le sous-type apathique, les patients ressemblent à des dépressifs, bien qu'ils ne soient pas forcément tristes. Les symptômes liés à la tristesse dépressive (tristesse, pessimisme, culpabilité, dépréciation de soi, pensées suicidaires) sont parfois absents chez ces patients, mais les autres symptômes sont présents. Le syndrome principal est une réduction de l'activité, appelée avolition. De tels patients ont une activité réduite, font peu de chose, ont peu de centres d'intérêt. Un patient atteint fait moins de mouvements qu'avant, il reste souvent sans rien faire, il perd tout initiative, même ses mouvements sont plus lents. Dans des cas très graves, mais aussi extrêmement rares, le patient ne bouge plus du tout, par manque de motivation à faire quoi que ce soit. Le patient peut encore bouger les yeux, mais ne bouge presque pas le reste du corps. On parle alors de mutisme akinétique. Le patient a aussi une réduction de son activité émotionnelle. Ses centres d'intérêts sont souvent réduits au minimum syndical, peu de choses lui plaisent encore, bref : sa motivation et sa capacité à prendre du plaisir sont dégradées. Même ses émotions sont émoussées, le patient devenant indifférent à ce qui l’entoure ou ce qui lui arrive, symptôme que l'on qualifie parfois d'athymhormie.

Au niveau cognitif, il y a une prédominance des troubles de l'attention et de l'intellect (les fonctions exécutives pour les puristes), souvent des troubles du langage, des troubles de l'utilisation des objets et outils, plus rarement des troubles légers de la mémoire au second plan. Les lésions qui causent ce syndrome sont limitées dans certaines parties du lobe préfrontal, et plus précisément dans le cortex préfrontal latéral et/ou le lobe cingulaire antérieur. Ces régions semblent spécialisées dans les traitements intellectuels de haut-niveau, comme le raisonnement, la résolution de problèmes, la planification, le contrôle de l'attention, la mémoire de travail, l'inhibition cognitive, etc. Elles ont un rôle de contrôle cognitif, qui est activé quand les automatismes acquis ou innés ne suffisent pas à faire face à l'environnement. Voyons maintenant quels sont les symptômes qui peuvent découler de ces lésions.

Les troubles du langage semblent causés par des lésions dans le cortex infra-latéral, pas loin d'une aire appelée l'aire de Broca. Les malades atteints comprennent encore ce qu'on leur dit et n'ont pas de troubles de compréhension du langage. Par contre, ils ont des troubles pour ce qui de la production du langage, quand il s'agit de s'exprimer. Leur syntaxe est désorganisée, la grammaire de leur discours dégradée, voire absente, leur articulation est mauvaise, etc. Un tel syndrome est appelée une aphasie de production, comme on le verra dans le chapitre sur le langage.

Les troubles de l'attention et de la mémoire de travail sont bien plus manifestes, bien que plus difficiles à décrire. Pour simplifier, le patient a beaucoup de mal à se concentrer et à focaliser son attention. Le tout ressemble à ce qu'on observe chez les patients atteint de trouble déficitaire de l'attention (TDAH), la différence étant que les troubles sont acquis dans le cas d'un syndrome frontal, présents dès l'enfance pour le TDAH.

Les patients atteint de syndrome frontal peuvent aussi avoir des troubles pour utiliser les objets du quotidien ou pour manipuler des outils, qui portent le nom d'apraxies. Celles causées par des lésions préfrontales ont quelques particularités, ce qui leur vaut d'être classées dans un sous-type particulier. Dans le détail, elles se caractérisent par des déficits de planification des actions. Pour une action en plusieurs étapes, le patient arrive encore à faire chaque étape indépendamment, mais ne peut pas les séquencer correctement. Il va faire les étapes dans le désordre, ajouter des étapes en trop, en supprimer, intervertir des étapes, etc. Enfin, signalons les nombreux troubles mentaux subjectifs que ressentent les patients. La plupart se plaignent de leur mémoire, de leur capacité à réfléchir, qui n'est plus aussi bonne qu'avant la lésion. Ils décrivent leurs pensées comme ralenties (bradyphrénie), leur parole est plus lente/pauvre, ils ont du mal à réfléchir, leur pensée est moins efficace, etc.

L'anatomie du cortex préfrontal modifier

 
Aires de Broadmann appartenant au lobe préfrontal.

L'anatomie du cortex préfrontal n'est pas simple et la terminologie n'est pas des plus stable. Pour ne pas arranger le tout, la terminologie et le découpage des aires du cortex préfrontal a changé avec le temps. Néanmoins, les auteurs s'accordent sur les aires de Broadmann qui appartiennent au cortex préfrontal. Ce sont les aires 8, 9, 10, 11, 12, 24, 32, 44, 45, 46 et 47. Les aires 8, 9, 10, 11, 44, 45, 46, 47 se trouvent sur la face latérale (celle visible sur le coté visible du cerveau), et les aires 12, 32, 24 sur la face médiale (celle située dans la scissure interhémisphérique. Ce qui pose problème est la subdivision du cortex préfrontal en aires séparées.

Délimiter le cortex préfrontal ne s'est pas fait sans mal et il y a plusieurs définitions possibles, non-équivalentes. L'une d'entre elle, assez influente, définit le cortex préfrontal comme la portion du lobe frontal qui contient des cellules granulaires (un type de neurone) dans la 4ème couche du néocortex. Mais cette définition ne fonctionne que pour les primates, les autres espèces n'ayant pas de cellules granulaires. Une autre méthode pour délimiter le cortex préfrontal est de se baser sur la zone innervée par le noyau médiodorsal du thalamus. Elle est assez utile, surtout quand on veut comparer l'anatomie cérébrales d'espèces animales différentes. La dernière définition, la plus simple à comprendre, dit que le cortex préfrontal est la portion du lobe frontal qui n'est pas impliquée dans la motricité. Concrètement, toute aire cérébrale du lobe frontal dont la stimulation n’entraîne aucune manifestation motrice fait partie du lobe préfrontal. Il s'agit de la définition fonctionnelle, c'est à dire liée à la fonction du lobe préfrontal, supposé ne pas intervenir dans la motricité mais seulement dans la cognition et le comportement. Il ne s'agit pas formellement d'une délimitation anatomique proprement dit.

 
Cortex préfrontal latéral, avec certaines subdivisions. Le cortex dorsolatéral et ventrolatéral sont regroupés dans ce qui s'appelle le cortex latéral. Le cortex orbitofrontal fait partie du cortex ventromédian.

De ce qu'on sait de nos jours, on peut raisonnablement découper le cortex préfrontal en quatre aires cérébrales principales, elles-mêmes regroupées en deux grandes sections : le cortex préfrontal latéral et le cortex préfrontal ventromédian. Le premier est localisé surtout sur la face visible du cerveau, sur le coté gauche ou droit, alors que le second est placé à sa base et à la surface de la fissure qui sépare les deux hémisphères. Le cortex préfrontal latéral est lui-même subdivisé en deux aires distinctes : le cortex préfrontal dorsolatéral et le cortex préfrontal ventrolatéral. Quant au cortex préfrontal ventromédian, il regroupe le cortex préfrontal ventral et le cortex préfrontal médian.

Cortex préfrontal (aires de Broadmann)
8 9 10 46 45 47 44 12 25 32 33 24 11 13 14
Latéral Ventromédian
Dorsolatéral Ventrolatéral Médian Ventral
Cortex cingulaire

L'étude des lésions semble indiquer que le cortex préfrontal latéral est impliqué dans les capacités cognitives, alors que se second est en charge du comportement et de la régulation émotionnelle. Les patients avec des lésions au cortex préfrontal ventromédian ont des capacités intellectuelles globalement préservées, mais de lourds troubles du comportement et des difficultés à contrôler leurs émotions. Ils ont un syndrome frontal de type désinhibé, à savoir qu'ils se comportent de manière impulsive et désinhibée. À l'inverse, les patients avec des lésions dans le cortex préfrontal latéral manifestent surtout des troubles cognitifs majeurs, des troubles du langage et une mémoire de travail altérée, mais les troubles du comportement se réduisent à une apathie.

La subdivision du cortex préfrontal latéral semble là aussi indiquer que les aires qui le compose ont chacune une fonction distincte. Le cortex préfrontal dorsolatéral serait celui qui prend en charge certains capacités intellectuelles, regroupées sous le terme barbare de fonctions exécutives. Des lésions à ce cortex entraînent des troubles attentionnels et des troubles de la mémoire de travail manifestes. Le cortex préfrontal ventrolatéral serait lié à la production du langage. C'est d'ailleurs dans celui-ci que se trouve l'aire de Broca, une aire cérébrale impliquée dans la production du langage, qui eu une grande importance historique dans l'étude de la neurologie du langage.

Le lobe pariétal modifier

 
Lobe pariétal.

Le lobe pariétal, situé au sommet du crâne, est lui-même décomposé en plusieurs gyrus séparés : un gyrus supérieur, qui lui-même surmonte un gyrus inférieur, et un gyrus post-central et le prenuceus. Le rôle de ce cortex pariétal est assez difficile à décrire, surtout qu'il est subdivisé en aires cérébrales aux fonctions distinctes. Les scientifiques ont cependant des indices sur les fonctions prises en charge par le cortex pariétal, qui proviennent de l'étude des lésions de ce cortex, ainsi que des expériences de stimulations corticale. Nous avons vu il y a quelques chapitres que le cortex pariétal est impliqué dans la perception tactile et la proprioception, du moins pour les aires somesthésiques. Le reste du cortex pariétal a un rôle lié à l'attention et l'intégration des sensations en un tout cohérent.

Le syndrome d’hémicorps-négligence spatiale latérale modifier

 
Exemple de dessin d'horloge réalisé par un patient atteint d'héminégligence spatiale latérale.

Ce rôle a été identifié par les études de patients qui ont des lésions dans le cortex pariétal. Ces lésions entraînent divers symptômes qui font penser à des troubles de l'attention et de la cognition spatiale. Des lésions du cortex pariétal causent des déficits d'attention spatiale, aussi bien visuels que corporels, que cognitifs : on parle d'héminégligence spatiale latérale. Ce déficit attentionnel touche la perception des objets. Ces patients ne peuvent pas prendre conscience du côté gauche des objets. Par exemple, si vous leur donnez une feuille remplie de lignes, et que vous leur demandez de toutes les barrer, ils ne vont barrer que les lignes situées sur le côté droit de la feuille. De même, si vous leur demandez de dessiner une maison, ils vont seulement dessiner le côté droit, que ce soit pour reproduire un dessin de maison que de dessiner la maison de mémoire. Certains patients ne mangent que la moitié droite de leur assiette, et oublient la gauche. Ce trouble touche aussi la mémoire. Quand les patients se remémorent des souvenirs, et qu'on leur demande de décrire ce qu'ils ont vu avant leur accident, ils ne peuvent pas se rappeler de ce qui était à leur gauche.

Mais les déficits touchent aussi la perception corporelle : un côté du corps est totalement ignoré par le patient, inaccessible à sa conscience. Ces patients sont ainsi incapables de se rendre compte que leur corps a un côté gauche : ils ne réagissent pas quand on touche leur corps du côté gauche, ne se rasent que du côté droit. Dans certains cas, ils pensent que ce côté gauche appartient à quelqu'un d'autre : on parle de somatoparaphrénie. L'exemple le plus impressionnant est celui d'un patient qui s'était réveillé en pleine nuit et qui déplaça sa jambe hors de son lit, pensant qu'elle était à un cadavre placé dans son lit par l'équipe médicale : il tomba hors de son lit sans comprendre ce qu'il s'était passé. Fait étrange, les lésions du côté droit donnent naissance à des déficits très prononcés, contrairement aux lésions de l'hémisphère gauche. La raison est simple : la latéralisation du cortex pariétal est particulièrement idiosyncratique, avec une latéralisation de l'hémisphère gauche, mais pas de l'hémisphère droit ! L'hémisphère droit prend en charge les deux côtés du corps, tandis que l'hémisphère gauche ne prend en charge que la droite. En cas de lésion du côté droit, l'hémisphère gauche ne peut prendre en charge que le côté droit, donnant de lourds déficits du côté gauche du corps.

Le syndrome de Balint modifier

Le syndrome de Balint combine divers symptômes moteurs et attentionnels, les trois principaux étant les suivants : ataxie optique, apraxie oculomotrice et simultagnosie. Chez beaucoup de patients, ces trois symptômes ne sont pas présents en même temps. Les patients qui expriment les trois symptômes en même temps sont moyennement fréquents. Certains patients n'ont qu'une simultagnosie, ou qu'une apraxie optique, d'autres n'ont qu'une ataxie optique, etc. Les combinaisons de symptômes sont nombreuses.

  • L'ataxie optique est un trouble de la coordination œil-main, une difficulté à faire des mouvements guidés par la vision. Par exemple, saisir un objet présent dans le champ visuel, pointer une cible visible, sont des mouvements difficiles à faire pour quelqu'un atteint d'ataxie optique, mais faciles pour un sujet sain. Pour saisir un objet, le sujet atteint d'ataxie optique initiera un mouvement, mais sera lent, irrégulier, sa main aura du mal à saisir l'objet, le bras se déplacera avec difficulté jusqu’à la cible. Notons que les mouvements qui ne sont pas guidés par la vision ne sont pas touchés par l'ataxie optique, preuve que ce syndrome n'est pas un symptôme purement moteur, mais un problème de coordination œil-main, de coordination visuo-motrice. Le sujet qui a une ataxie optique n'a pas de problèmes au niveau de sa vision et ses voies visuelles sont normales, de même que sa motricité est intacte. Il voit bien les objets à manipuler et arrive à les distinguer du reste, de même que sa motricité proprement dite est préservée. Notons que le nom d'ataxie optique signifie : difficulté de coordination des mouvements (ataxie) liée à la vision (optique).
  • L'apraxie optique est une difficulté/incapacité à fixer le regard sur une cible (surtout si celle-ci est dans le champ visuel périphérique). Ce symptôme ressemble un petit peu à l'ataxie optique, mais appliquée au regard : le patient ne peut plus saisir du regard une cible dans son champ de vision. Le patient a beaucoup de mal à déplacer son regard vers une cible. Il regarde dans le vague, son regard reste fixé assez longtemps sur l'objet qu'il est en train de regarder. Ce symptôme est parfois appelé "paralysie psychique du regard", parce que le patient donne l'impression que son regard est comme paralysé, mais c'est un abus de langage (les muscles oculaires ne sont pas paralysés). En termes techniques, il ne peut pas faire de saccades oculaires, ou alors celles-ci sont retardées, dégradées, inhibées.
  • La simultagnosie est une réduction de l'attention visuelle. Les sujets sains non-simultagnosiques, peuvent percevoir plusieurs objets à la fois dans leur champ de vision. Ils savent qu'une scène visuelle complexe contient plusieurs objets et intègrent ceux-ci dans un ensemble plus large. Mais le patient atteint de simultagnosie ne le peut pas : son attention visuelle est réduite et il ne peut "voir" qu'un nombre très limité d'objets. Dans les cas les plus courants, le patient ne peut voir qu'un seul objet à la fois, rien de plus.

Comme on l'a vu dans le chapitre sur la motricité oculaire, l'apraxie optique est surtout liée à des lésions du sillon intra-pariétal. L'ataxie optique est, quant à elle, liée à des lésions des aires pariéto-occipitales (qui sont situées "entre" le lobe pariétal et le lobe occipital, qui font la liaison entre les deux), ainsi qu'à des lésions des aires du sillon intra-pariétal.

Le syndrome de Gertsmann modifier

Des lésions très localisées du cortex pariétal donnent un syndrome de Gertsmann. Celui-ci associe les symptômes suivants : une incapacité à nommer ses doigts (agnosie digitale), une dyscalculie (troubles du calcul), des difficultés d'écriture (dysgraphie) et une difficulté à différencier sa droite de sa gauche. Pour l'acalculie, les sujets ont du mal à faire certaines calculs simples, comme des multiplication ou des divisions, parfois des additions ou des soustractions. L'existence de ce syndrome suggère que le cortex pariétal serait lié d'une manière ou d'une autre aux capacités d'apprentissage du calcul et de la numération, bien que les recherches suggèrent aussi une implication des cortex temporaux et frontaux.

Diverses hypothèses disent que les capacités de représentation mentales des nombres seraient, en partie, des représentations spatiales. D'où une implication du cortex pariétal dans le calcul et la numération. Le cortex pariétal se chargerait des calculs approximatifs, ainsi que des calculs exacts, les deux étant prises en charge par des aires distinctes du cortex pariétal. Les calculs exacts se baseraient sur une représentation verbale des nombres, alors que les calculs approximatifs utilisent une représentation visuelle des nombres (une droite graduée purement mentale, par exemple). On peut ainsi distinguer deux systèmes de calcul : un système analogique pariétal et un système symbolique lié aux aires du langage. Les expériences d'imagerie auraient localisé le système analogique dans le sillon intrapariétal. Cette zone cérébrale est activée lors des comparaisons de petites quantités et des additions/soustractions approximatives. Les calculs exacts, plus verbaux, seraient localisés dans le gyrus angulaire gauche. Celui-ci serait le lieu de mémorisation des tables de multiplication/d'addition/etc. Fait intéressant, cette aire cérébrale est celle qui est lésée dans le syndrome de Gertsmann. Les débats à ce sujet sont loin d'être clos et la recherche avance lentement, mais sûrement.