Neurosciences/L'état de conscience

Définir ce qu'est la conscience est très complexe, si ce n'est impossible dans l'état actuel de nos connaissances. On ne peut qu'observer un sujet conscient ou inconscient et voir les différences entre ces états. On sait qu'un Homme éveillé réagit à son environnement : il semble ressentir la douleur, voir les stimulus visuels ou auditifs, il peut parler, etc. Par contre, quelqu'un qui dort ou qui a perdu conscience ne le peut pas, sauf à se réveiller si le stimulus est trop fort. C'est sur ces critères que l'on peut décider si quelqu'un est éveillé et conscient, ou non. Mais cela ne permet pas vraiment de faire la différence entre quelqu'un qui s'est endormi et quelqu'un dans le coma ou qui a perdu connaissance. À part le sommeil, il n'existe pas de pertes de conscience qui soient "normales", non-pathologiques. Aussi, ne vous étonnez pas si ce chapitre sera surtout porté sur la médecine et non sur les neurosciences fondamentales. Nous parlerons rapidement des aires cérébrales impliquées dans la conscience, mais de manière extrêmement frustre. Il faut dire que le sujet est encore à l'état de recherche, ce qui fait qu'il vaut mieux ne pas en parler dans un cours qui se veut pérenne.

La veille et la conscience

modifier

Pour introduire ce chapitre, nous devons parler de la différence entre l'état d'éveil de l'état de conscience : les deux sont en effet des entités séparées qui peuvent dysfonctionner isolément, chacun de leur côté. La distinction se voit lors de certains "comas", mais aussi dans des situations plus courantes, comme le somnambulisme ou certaines crises d'épilepsie. Prenons l'exemple d'une crise d'absence : le patient est bien éveillé, dans le sens où il garde les yeux ouverts et sa tonicité musculaire, mais est bel et bien inconscient. Même chose pour un somnambule, qui est inconscient (il ne se souvient pas de sa crise) mais semble totalement éveillé, au point de se lever et de marcher dans son appartement ! Bref, qui dit état d'éveil ne dit cependant pas sujet conscient. La distinction se voit notamment dans les cas de coma prolongés : le patient peut ouvrir spontanément les yeux en journée et les fermer la nuit, ce qui traduit un état d'éveil, alors qu'il est totalement inconscient. Une analyse de l'EEG montre alors que l'activité électrique du cerveau, bien que fortement réduite, montre parfois une rythmicité semblable à celle d'un sujet sain. Il faut cependant signaler qu'il n'existe pas de sujets ayant un trouble de l'éveil sans trouble de la conscience. Dit autrement, l'éveil est une condition nécessaire, mais non-suffisante pour que se manifeste la conscience. Nous allons voir cela dans la section qui suit.

L'état de veille

modifier

L'état d'éveil est caractérisé par l'existence d'un rythme veille-sommeil. Le critère principal pour observer l'état de veille est l’ouverture des yeux. Cette ouverture peut avoir lieu soit spontanément, face à une stimulation lumineuse, ou alors quand on soumet le sujet à une douleur quelconque. Typiquement, un patient éveillé ouvre les yeux spontanément en journée, son EEG montre des stades du sommeil et de l'éveil préservés et garde des rythmes circadiens normaux. De plus, cette ouverture suit bien la rythmicité jour-nuit, bien que de manière imparfaite parfois : les yeux s'ouvrent en pleine journée mais se ferment la nuit. Quand le patient a les yeux fermés en pleine journée et qu'il ne peut pas les ouvrir spontanément, c'est le signe que l'état d'éveil est altéré. Un éveil faiblement altéré se traduit par le fait que les yeux restent fermés tant que l'on ne stimule pas le patient, soit en lui parlant ou en lui faisant mal. Il est possible pour un patient de s'éveiller suite à un stimulus douloureux. L'absence d'état d'éveil se traduit par le fait que le patient n'ouvre pas les yeux spontanément ou lors d'une stimulation quelconque (y compris douloureuse). Nous n'en dirons pas plus sur l'état d'éveil, qui a été vu en détail sans le dire explicitement dans le chapitre précédent.

L'état de conscience

modifier

L'état de conscience correspond à la capacité à réagir à son environnement. Un patient conscient peut ainsi répondre à un ordre, que ce soit en parlant ou en bougeant. Il peut avoir une réponse appropriée ou au moins montrer qu'il a vaguement compris ce qu'on lui demande. L'absence de conscience se manifeste par divers signes. Si on ouvre ses yeux manuellement, les yeux ne suivent pas la lumière : le regard reste fixe ou bouge sans réagir à l'environnement. Le patient ne réagit pas du tout au monde extérieur : il ne parle pas, ne répond quand on lui parle, ne bouge pas volontairement. De plus, le patient est insensible à la douleur.

Autrefois, les médecins classaient l'état de conscience en quatre niveaux : l'obnubilation, la stupeur, le coma et la mort cérébrale. Mais celle-ci était assez subjective, peu efficace et assez difficile à manier. Elle a donc été abandonnée. De nos jours, il existe plusieurs échelles d'évaluation de la conscience, qui sont imparfaites et sont à compléter avec d'autres examens comme l'electroencéphalogramme, l'IRM, des tests neurologiques, etc. Ces échelles cliniques sont souvent utilisées au début de la prise en charge d'un patient, en urgence, quand les médecins n'ont pas la possibilité ou le temps de faire des examens poussés.

La plus simple est l'échelle AVPU, AVPU étant l'acronyme pour Awake (éveillé), Verbal (parole), Pain (douleur), Unconscious (inconscient). Elle classe l'état de conscience en quatre stades : un stade de conscience normale, un stade où le patient répond aux ordres/demandes mais de manière incohérente, un stade où le patient réagit seulement à la douleur, et un stade où le patient ne réagit pas. Ces quatre stades sont nommés éveillé, parole, douleur, inconscient, d'où le nom de l'acronyme en anglais. Elle est utilisée par les secouristes/médecins dans des situations d'urgence. Mais en dehors de ces situations, elle ne sert pas à grand chose.

L'échelle d'évaluation de la conscience la plus connue est l'échelle de Glasgow. Elle teste trois composantes : la réponse verbale, la réponse motrice et l'ouverture des yeux. Chaque observation donne un score, la somme totale des scores donnant la profondeur du coma. Cette échelle donne un résultat qui va de 3 (coma profond) à 15 (conscience normale). Ce score total quantifie la profondeur du coma, le tout étant classé en quatre stades. Une conscience normale correspond à un score de 15. Entre 14 et 10, le patient est dans un état de somnolence, aussi appelé coma léger. Un score plus faible, entre 9 et 7 traduit un coma lourd. Entre 6 et 3, on est face à un coma profond, voire à un état de mort cérébrale.

Échelle de Glasgow
Ouverture des yeux Réponse verbale Réponse motrice
1 - nulle 1 - nulle 1 - nulle
2 - En réaction à la douleur 2 - Incompréhensible 2 - Rigidité de décérébration
3 - En réaction à la demande du médecin et/ou d'une stimulation visuelle 3 - Inappropriée 3 - Rigidité de décortication
4 - Spontanée, avec le respect de l'alternance veille/sommeil. 4 - Confuse 4 - Retrait
5 - Normale 5 - Orientée (localisatrice)
6 - En réaction à un ordre.

Score total :

  • 15 : conscience normale ;
  • 14 à 10 : coma léger ;
  • 9 à 7 : coma lourd ;
  • 6 à 3 : coma profond ou mort.

Un autre indice de l'état de conscience est la présence ou absence de certains réflexes du tronc cérébral. Cette dernière indique s'il y a eu ou non une lésion du tronc cérébral et permet cas échéant de localiser la lésion. Plus celle-ci est haute, limitée au haut du tronc cérébral, moins le coma est profond. Des lésions qui atteignent les zones basses du tronc cérébral (proches de la moelle épinière) sont souvent de mauvais pronostic et traduisent un coma profond. Les réflexes en question sont les réflexes fronto-orbiculaires, oculo-vestibulaires, photomoteur et oculo-cardiaques. Elle est cependant imparfaite. En effet, il arrive que des patients aient des réflexes tronculaires altérés en dehors de tout coma, voire alors qu'ils sont parfaitement conscients. Cela arrive lors d'un AVC ou d'une crise d'épilepsie, par exemple. Ces réflexes ont aujourd'hui été intégrés dans l'échelle de Glasgow, donnant l'échelle de Glasgow-Liège.

Réflexe Score
Fronto-orbiculaire 5
Oculo-vestibulaire vertical 4
Photomoteur 3
Oculo-vestibulaire horizontal 2
Oculo-cardiaque 1
Rien 0

Les états altérés de conscience

modifier

Les causes des pertes de connaissances sont multiples et certaines ne font pas intervenir le cerveau directement. Cependant, indépendamment des causes, on peut classer les pertes de conscience en deux grands types : les pertes de connaissances temporaires et les pertes permanentes. Les pertes de connaissance temporaires ne sont pas d'origine neurologique, sauf dans le cas des crises d'épilepsies.

Une mauvaise alimentation en sang/nutriments du cerveau est de loin la cause la plus fréquente de pertes de conscience temporaires. Par exemple, une hypoglycémie ou une hypoxie peuvent entraîner des pertes de connaissance. N'oublions pas non plus les malaises cardiaques, qu'ils soient bénins comme les malaises vagaux ou plus graves comme lors d'arrêts cardiaques. À ce propos, les pertes de connaissances d'origine cardiovasculaires (hors AVC) portent un nom que vous avez peut-être déjà entendu : ce sont des syncopes. Plus précisément, les syncopes sont causées par une baisse du débit sanguin cérébral. Pour résumer, on peut perdre connaissance en cas d'hypoglycémie, d'hypoxie ou de syncopes. Dans ces troubles, l'origine de la perte de connaissance est toujours la même : le cerveau étant moins bien alimenté en glucose/oxygène, il finit par réduire son activité temporairement, ce qui entraîne une perte de connaissance.

Il arrive aussi que le sujet perde conscience dans certaines crises épileptiques (partielles ou généralisées). La perte de conscience est alors causée par un autre mécanisme : un dysfonctionnement de l'activité électrique cérébrale. Chose importante, les crises qui font perdre connaissance sont surtout les crises généralisées, qui touchent l'ensemble du cortex cérébral. Il est supposé que ces crises prennent naissance dans le tronc cérébral, ou finissent par s'y généraliser. Cependant, les crises partielles peuvent parfois causer des pertes de connaissance : on parle alors de crises complexes.

Les syncopes et crises d'épilepsies sont, en théorie, brèves et cessent après un certain temps. Si la perte de conscience est prolongée, supérieure à quelques semaines ou mois, on entre dans le cadre des états de conscience altérés, une catégorie qui regroupe les comas, états végétatifs et états similaires. Les scientifiques distinguent plusieurs formes d'états de conscience altérée, allant du coma à la confusion, en passant par l'état d'éveil non-répondant, et quelques autres. Il en existe grosso modo trois types, qui se distingue par la présence/absence de l'éveil et de la conscience. Ces états portent le nom de coma, d'état d'éveil non-répondant et de l'état de conscience minimale.

  • L'état de conscience minimale se traduit par un éveil présent couplé à une conscience présente mais altérée.
  • L'état d'éveil non-répondant se traduit par une disparition de la conscience avec un maintien de l'éveil.
  • Le coma se traduit par une perte de la conscience et de l'éveil.

Dans tout état de conscience altérée, les réflexes du tronc cérébral sont encore présents, ce qui fait que le sujet respire encore, même si parfois imparfaitement. De plus, l'activité électrique du cerveau est certes très affaiblie, mais encore présente de manière plus ou moins frustre. Une abolition des réflexes du tronc cérébral et de l'EEG traduit généralement un état de mort cérébrale. Dans cet état, le cerveau cesse de fonctionner, plus aucune activité électrique n'étant observable.

Éveil/Conscience Conscience absente Conscience présente
Pas d'éveil Coma -
Présence de l'éveil État d'éveil non-répondant État de conscience minimale.

Le coma : l'inconscience sans éveil

modifier

Lors d'un coma, le patient a sa conscience abolie, de même que son état d'éveil. Un coma survient soit quand le tronc cérébral est lésé, soit quand le cortex cérébral et/ou la substance blanche dysfonctionne. Le cas le plus fréquent est de loin le premier, à savoir une atteinte du système réticulé ascendant du tronc cérébral. Plus rarement, le coma est causé par une altération générale des structures corticales, sur les deux hémisphères. À noter que cette atteinte corticale peut certes provenir d'une lésion quelconque, mais peut aussi être causée par une hypoglycémie, une intoxication, une overdose, des médicaments, etc. Dans ce dernier cas, on parle respectivement de comas métaboliques (hypoglycémie, autres) ou toxiques (médicaments, overdoses).

Lorsqu'un patient se présente en état comateux, les médecins doivent, entre autres manipulations thérapeutiques, évaluer la profondeur du coma. La profondeur d'un coma quantifie l'altération de la conscience : plus le coma est profond, plus la conscience est altérée. La profondeur du coma est cependant difficile à mesurer. Les médecins n'ont en effet pas de moyens fiables pour mesurer la profondeur d'un coma et n'ont pas d'autres choix que d'utiliser un grand nombre d'indices imparfaits. Typiquement, ils utilisent diverses échelles cliniques, dont l'échelle de Glasgow-liege, qu'ils complètent avec des examens comme l’électroencéphalogramme, l'IRM, des tests neurologiques, etc. La profondeur d'un coma est connue en étudiant ces indices, en espérant qu'ils convergent suffisamment pour avoir un résultat fiable. L'évaluation de la conscience, et donc la présence d'un coma, est cependant très compliquée et seul certains spécialistes sont capables de le faire correctement.

Le pronostic d'un coma est assez variable, mais il est souvent assez mauvais. Les cas de comas chroniques sont assez rares, la plupart des comas ne durant que quelques jours à quelques semaines. Plus souvent, le coma se conclut par une mort cérébrale irréversible ou par des troubles de la conscience plus légers que le simple coma. Le pronostic exact dépend surtout de la profondeur du coma : plus un coma est profond, plus le pronostic est mauvais et plus les possibilités de récupération sont limitées. Les comas toxiques/métaboliques sont de bons pronostics, le patient se réveillant dans la grande majorité des cas suite à un traitement adapté, en quelques semaines ou quelques jours. Ce qui n'est pas vraiment le cas lors des autres comas, surtout ceux causés par des lésions permanentes du tronc cérébral. Seule une minorité des patients se réveille de ces comas, et une bonne partie (près de 50% selon certaines sources) en meurt. S'il y a une récupération, celle-ci se produit dans les mois qui suivent l'apparition du coma, une persévérance du coma étant généralement permanente. Il existe cependant des cas de personnes sorties du coma après quelques années, mais ces cas sont rarissimes.

Les états d'éveil répondant et non-répondant

modifier

En sortie d'un coma, le patient passe dans des états de conscience altérés moins sévères, sauf dans quelques exceptions où le patient se réveille assez rapidement. Le patient est alors éveillé, mais sa conscience est absente ou réduite. En sortie immédiate du coma, il manifeste un état végétatif (aussi appelé état d'éveil non-répondant) : le patient est en état d'éveil, mais sa conscience n'est pas revenue. Le patient respire sans assistance respiratoire, a ses yeux ouverts spontanément et voit ses réflexes préservés. Cela indique que leur tronc cérébral fonctionne correctement, au moins suffisamment pour que les signes réflexes d'un coma disparaissent. De plus, l'hypothalamus et l'hypophyse fonctionnent à merveille, ce qui fait que l'homéostasie est conservée sans assistance médicale ou extérieure. Une courte majorité des patients en état d'éveil non-répondant voit son état s'améliorer en moins d'un mois, avec un retour plus ou moins partiel de la conscience. Mais au-delà, les chances de récupération sont faibles, voire inexistantes, et le patient entre alors en état d'éveil non-répondant persistant. Si le patient voit son état s'améliorer, il entre souvent en état de conscience minimale, qui peut lui aussi devenir chronique ou céder à un retour de la conscience du patient.

L'état d'éveil non-répondant et l'état de conscience minimale sont deux états assez difficiles à distinguer et qui sont facilement confondus. Il faut dire qu'une faible conscience et pas de conscience du tout sont tout de même assez proches. Difficile de distinguer des actions réflexes et des comportements volontaires chez ces patients, fortement atteints neurologiquement. Comment savoir si le fait que le patient se mette à grimacer est la preuve d'une conscience ou une simple activité "réflexe" ? Et cela est d'autant plus compliqué qu'il n'y a pas d'indicateur biologique précis qui permette de distinguer ces deux états. Vu la difficulté à les distinguer, nous allons les voir dans la même section.

L'état d'éveil non-répondant, se traduit par un état d'éveil sans conscience. L'ouverture des yeux est donc présente, que ce soit après une stimulation ou spontanément avec une rythmicité jour-nuit claire. Mais le patient n'a aucune manifestation pouvant laisser croire à une présence de conscience. Il ne parle pas et n'émet aucune verbalisation cohérente. Tout au mieux peut-il grogner ou émettre quelques bruits, mais sans que cela soit une réaction à l'environnement. Les yeux peuvent bouger et peuvent parfois suivre un objet durant quelques secondes. Le patient peut avoir quelques mouvements spontanés et peut même pleurer ou rire spontanément. Mais ces comportements ne sont pas une réaction au monde extérieur et surviennent sans crier gare. On peut les voir comme une sorte d'activité "réflexe", sans cause. Ce fait est bien explicité par l’appellation d'éveil non-répondant : "non-répondant" signifiant que le patient ne répond pas au monde extérieur. Cet état était autrefois appelé état végétatif, mais cette dénomination est aujourd'hui tombée en désuétude. La raison tient dans la conception qui se cache derrière ce terme : état végétatif signifie que le cerveau ne gère plus que les fonctions dites végétatives, comme la respiration ou le rythme cardiaque. Mais il est apparu que le cerveau fonctionne encore dans un tel état et qu'il conserve certaines fonctions non-végétatives.

Les patients avec un état de conscience minimal manifestent les mêmes signes que les patients en état d'éveil non-répondant, sauf que le patient présente aussi des réactions à des évènements extérieurs. Par exemple, ils peuvent suivre un objet du regard ou bouger, pleurer, rire, grimacer en réaction à un stimulus. Par exemple, le patient peut grimacer quand on lui fait mal, ou sourire quand on prononce le nom de ses enfants. Ces patients peuvent aussi répondre à des ordres ou commandes s’ils sont suffisamment simples, clairs et soutenus. Le patient peut ainsi bouger la tête si on lui demande et peut même prononcer quelques mots chez les patients les moins atteints. Pour résumer, l'état de conscience minimal peut être appelé état d'éveil répondant, pour le distinguer de l'état d’éveil non-répondant. Il se caractérise par au moins une des quatre possibilités suivantes :

  • production de verbalisations intelligibles ;
  • capacité à répondre à des commandes simples ;
  • mouvements ou comportements avec un but (non-réflexes) ;
  • réponses de type oui/non, qu'elles soient verbales ou posturales.

À l'heure où j'écris ces lignes, les chercheurs distinguent deux types d'ECM (état de conscience minimale), appelées ECM+ et ECM-. La différence entre les deux est le fait que le patient répond à des commandes simples dans un ECM+, mais pas dans un ECM-. Cette distinction est apparue lors d'études cliniques étudiant l'évolution des patients et leurs capacités de récupération. Généralement, les patients ECM+ sont plus proches d'une récupération et d'une rémission que les patients ECM-. Un patient ECM- qui passe en état ECM+ est supposé avoir vu son état s'améliorer. D'ailleurs, on peut remarquer que répondre à une commande est une activité cognitivement plus demandeuse que la production de verbalisations ou la possibilité de faire des mouvements.

Le delirium : une altération légère de la conscience

modifier

Les états de coma et d'éveil (non-)répondant sont des perturbations assez importantes de la conscience et/ou de l'état d'éveil. Celles-ci durent généralement longtemps, sauf quelques cas assez rares de comas qui ne durent heureusement pas trop. Mais il existe un autre syndrome qui se manifeste par une altération soudaine et temporaire de la conscience, d'une durée de quelques jours ou semaines, rarement plus. Ce syndrome est bien connu par les psychiatres et les neurologues, ainsi que des médecins des unités de soin intensif : nous parlons du delirium. Il se caractérise par une soudaine altération de la conscience, qui est fluctuante ou réduite, accompagnée de troubles cognitifs ou de l'éveil.

Les symptômes du delirium

modifier

Le symptôme principal est une altération de l'attention du sujet et de sa capacité à se concentrer. C'est le symptôme qui se voit le plus facilement : le patient a du mal à se concentrer, a l'esprit qui divague, ne peut fixer ses pensées, etc. L'altération de l'attention est suffisamment profonde pour retentir sur l'ensemble du fonctionnement cognitif, au point de s'accompagner par des troubles de la mémoire, du langage, et de l'intellect. Le diagnostic du délirium impose non seulement la présence d'une altération massive de l'attention, mais aussi d'au moins une manifestation cognitive autre : trouble de la mémoire, du langage ou des fonctions exécutives. Par exemple, la parole est souvent altérée chez les patients en delirium : le discours est souvent incohérent, désorganisé, déstructuré. De manière générale, la pensée est souvent désorganisée lors d'un délirium, ce qui peut parfois simuler un état psychotique. Le patient a du mal à comprendre ce qu'on lui dit, il répond à côté de la plaque, voir ne répond pas du tout, etc.

Le delirium peut aussi s'accompagner de manifestations purement psychiatriques. L'humeur d'un patient en plein délirium a tendance à varier assez rapidement, allant d'une profonde dépression à une euphorie manifeste en passant par un état fortement anxieux. Enfin, le patient peut être aussi apathique ou au contraire très agité. Certains patients manifestent une certaine léthargie lors d'un delirium, avec un fort ralentissement psychomoteur, une difficulté à réagir à divers stimulus, un mutisme allant de léger à extrême, et quelques autres symptômes. Dans d'autres cas, le patient peut être au contraire très agité, combatif, énervé, désinhibé, impulsif. Certains patients sont cependant les deux à la fois, successivement. Enfin, un delirium peut s'accompagner d'hallucinations, de délires ou de nombreuses manifestations neuropsychiatriques diverses.

L'altération de l'état de veille est souvent très importante, se traduisant alors par une dégradation du rythme veille-sommeil, une somnolence extrême, une difficulté à rester éveillé, etc. Mais elle n'est pas un argument diagnostic, tout au plus une manifestation facultative. Parfois, on observe une inversion du cycle veille-sommeil, le patient étant plus agité et confus en pleine nuit, alors que la journée est dominée par une profonde somnolence.

Le diagnostic différentiel du delirium

modifier

Diagnostiquer un delirium est loin d'être chose facile, à cause de sa ressemblance avec la démence ou une psychose. La confusion avec la psychose était fréquente autrefois, d'où le surnom de "psychose des unités de soin intensifs" autrefois donné au delirium. Le fait est que la désorganisation du discours peut faire sembler à un épisode psychotique, de même que l'agitation associée. Les hallucinations et délires sont aussi fréquents lors d'un delirium, et il s'agit de symptômes caractéristiques d'une psychose. D'un autre côté, la léthargie peut se confondre avec un épisode catatonique, rendant le diagnostic difficile.

Enfin, un delirium ressemble souvent à une démence, au point que les médecins ont souvent du mal à distinguer un delirium d'une démence dans certains cas particuliers. La différence avec la démence est que le delirium se déclenche soudainement alors que l'installation de la démence est beaucoup plus progressif. Mais la différence est souvent difficile à faire chez les patients déments : une présentation de delirium chez ces patients peut être expliquée aussi bien par l'installation d'un delirium que par la démence préexistante... Et même chez les patients non-déments, la reconnaissance d'un delirium est loin d'être aisée, sauf pour des professionnels. L'apparition d'un delirium peut avoir de multiples causes, allant d'une intoxication médicamenteuse à des origines neurologiques.

L'activité électrique cérébrale des différents états de conscience

modifier
 
Activité métabolique cérébrale de patients sains ou atteints de troubles de la conscience.

Tout état de conscience altérée retenti sur l'activité électrique du cerveau, ainsi que sur son activité métabolique. Cependant, il n'y a que dans la mort cérébrale que le cerveau cesse toute activité. Si on observe le cerveau à l'EEG ou via l'imagerie, on s’aperçoit qu'il y a des altérations significatives de l'activité cérébrale, mais celle-ci est tout de même présente. L'EEG est atténué, avec des ondes moins amples et moins nombreuses, avec une baisse de la fréquence des rythmes cérébraux. Les rythmes cérébraux rapides, les ondes Gamma, disparaissent dans tous les états de conscience altérée.

Les comas et états d'éveil (non-)répondant

modifier

Plus la profondeur de l'atteinte de la conscience est forte, plus l'EEG est faible. Par exemple, l'EEG d'un coma est plus faible que celui d'un état de conscience minimale. Même chose pour le métabolisme cérébral, qui est réduite dans un état de conscience altérée. Mais il n'est pas encore possible d'utiliser l'EEG ou l'imagerie pour distinguer les différents états de conscience. On ne peut pas faire la différence entre un patient en état de conscience minimale et un autre en état d'éveil non-répondant sur la base de l'EEG, par exemple. La raison est relativement simple : il existe une forte variabilité individuelle de l'activité électrique et métabolique de repos chez les patients. L'EEG et l'imagerie servent aux médecins d'indice pour diagnostiquer l'état du patient, avec d’autres indices comportementaux ou diverses échelles cliniques.

Cependant, les études ont montré que l'activité cérébrale des patients en état de conscience minimale ont une activité cérébrale semblable à celle de patients éveillés, bien qu'un peu inférieure. L'activité des patients en état d'éveil non-répondant est assez proche de celle observée dans le sommeil ou lors d'une anesthésie. On observe notamment que le thalamus et les aires corticales fronto-pariétales sont endormies et particulièrement peu actives. Tel n'est pas le cas chez les patients en état de conscience minimale, où on observe une activation des aires fronto-pariétales et du thalamus, avec présence de communication entre ces aires. Ces résultats renforcent l'idée que les boucles thalamo-corticales sont importantes pour le maintien de la conscience et l'état de veille.

L’anesthésie générale

modifier

L'étude du cerveau lors de l'anesthésie générale donne des résultats assez proches de ceux obtenus lors des comas. On observe là aussi une dégradation des boucles thalamico-corticales et de l'activité fronto-pariétale. Mais les recherches montrent aussi un autre résultat : la perte de conscience dépend fortement de la baisse généralisée des rythmes cérébraux. La profondeur de l'inconscience est ainsi fortement corrélée à des rythmes à ondes lentes. Les ondes alpha ou gamma ne sont observées que lorsque le patient est conscient. Ce qui est exactement ce qui est observé lors du sommeil (profond surtout).