Neurosciences/La formation hippocampique et le lobe temporal

Dans ce chapitre, nous allons aborder l'anatomie d'une partie du lobe temporal appelée lobe temporal médian. Nous parlerons en effet beaucoup de ces structures dans le chapitre sur la mémoire. La raison est qu'il semblerait que la région hippocampique est le lieu de stockage à court terme des souvenirs et connaissances. Avec le temps, ces informations migreraient vers le reste des lobes temporaux, qui sont le lieu de stockage à long terme des informations en mémoire déclarative. L'ensemble de ces structures est présente sur la face interne du cerveau, à l'opposé de la surface du cerveau. Le cortex sur cette face fait plusieurs replis à la suite, au point d'avoir une forme de petit cheval, voire d'hippocampe. Pour être plus précis, le lobe temporal médian regroupe les aires cérébrales suivantes :

  • Le gyrus parahipocampique, ou lobe temporal médian, qui contient :
    • le cortex postrhinal , aussi appelé cortex parahippocampique ;
    • le cortex périrhinal ;
    • le cortex entorhinal.
  • La région hippocampique dans le cortex limbique, elle-même composée :
    • du gyrus denté ;
    • de l'hippocampe ;
    • du subiculum.
Parahippocampe.
Hippocampe et aires associées.

Le regroupement des différents aires du lobe temporal médian n'est pas très clair et les auteurs utilisent plusieurs subdivisions, les deux plus courantes étant la région hippocampique et la formation hippocampique. La première regroupe gyrus denté, hippocampe et subiculum. La formation hippocampique y ajoute le cortex enrothinal. Ces subdivisions sont illustrées ci-dessous.

Anatomie du lobe temporal médian.

La région hippocampique modifier

La région hippocampique comprend trois grandes structures aux frontières assez floues : le gyrus denté, l'hippocampe et le subiculum. C'est un archicortex, à savoir un allocortex plus évolué que le paléocortex, disposant de quelques couches de plus : entre 3 et 5 au total. Cette différence de nombre de couches peut sembler étrange, mais il faut savoir que la subdivision de la région hippocampique n'est pas très claire, les frontières du gyrus denté et de l'hippocampe variant selon les auteurs. La controverse tient surtout dans le statut de la couche CA4, qui est parfois placée dans l'hippocampe, parfois dans le gyrus denté, tout dépend du chercheur. Dans ce qui va suivre, nous allons considérer qu'elle appartient au gyrus denté, pour simplifier les explications. Nous allons partir du principe que l'hippocampe est donc une structure à trois couches : CA1, CA2 et CA3. Une autre différence tient dans le fait que le gyrus denté ne contient qu'une couche de neurone, si on omet la couche CA4, la couche restante étant surtout composée de dendrites. Si l'on fait le compte des couches de neurones, on se retrouve avec seulement 5 couches de neurones. Au final, l'archicortex contient 6 couches, dont 5 couches de neurones.

Le gyrus denté modifier

Le gyrus denté est une structure en forme de banane, dont la forme ressemble à un U ou un V, qui entoure l'hippocampe. Il s'agit d'un premier relai entre le cortex temporal médian et l'hippocampe. Celui-ci servirait essentiellement à éviter les confusions entre informations semblables : il peut ainsi faire la différence entre des connaissances analogues, différencier plusieurs visites dans un même lieu, distinguer des évènements similaires, etc. La production d'acétylcholine du gyrus denté a clairement une influence dans sa fonction, essentiellement centrée sur la mémoire des faits et souvenirs. À tel point que sa réduction est impliquée dans certaines démences, comme la maladie d'Alzheimer. Divers médicaments cholinergiques pour cette maladie stimulent la production d'acétylcholine dans la région hippocampique, afin de réduire les déficits mnésiques des patients. Mais les résultats sont assez peu encourageants et ces médicaments tombent de plus en plus en désuétude.

La structure en couches du gyrus denté modifier

Le gyrus denté est composé de trois couches, qui portent les noms de couches polymorphe, couche granulaire et couche moléculaire.

  • La couche polymorphe est située à la sortie du gyrus denté. Ses neurones sont surtout des mossy cells, qui servent d'interneurones non spécifiques. Elle est parfois appelée le hile du gyrus denté (hilus en anglais).
  • La couche granulaire est la couche intermédiaire, située entre les deux autres. Elle est composée de cellules granulaires, des neurones de petite taille (environ 10 à 18 micromètres). Elles ont un arbre dendritique complexe en forme de cône, et qui émettent des axones en direction de l'hippocampe.
  • La couche moléculaire est une couche assez petite, à peine 250 µm, qui contient juste quelques interneurones peu spécifiques. Le faible nombre de neurones dans cette couche fait qu'elle est souvent considérée comme une couche purement composée de substance blanche, sans neurones. Elle est surtout composée de dendrites des cellules granulaires, ainsi que d'axones provenant du cortex paralimbique, qui se connectent sur les dendrites pré-citées. Cette particularité lui vaut d'être subdivisée en deux sections : une sous-couche externe contenant les axones corticaux, et une sous-couche interne pour les dendrites des neurones granulaires.
 
Structuration en couches de l'archicortex du gyrus denté.

On peut ajouter qu'à certains endroits, il existe une quatrième couche extrêmement fine entre la couche polymorphe et la couche granulaire : la couche subgranulaire. Cette couche, bien que contenant très peu de cellules, est particulièrement connue pour être une zone où des neurones naissent régulièrement. On y trouve en effet des cellules-souches neurales, qui peuvent donner naissance à de nouveaux neurones granulaires. Nous en avons déjà parlé dans le chapitre sur la neurogenèse, aussi nous ne la détaillerons pas plus ici.

 
Image qui montrent l'existence de la couche subgranulaire. Légende : ML = couche moléculaire (Molecular layer). GCL = Couche granulaire (Granular Cortical Layer). SGZ = couche subgranulaire (Sub-Granular Zone). Hilus = couche polymorphe. DCX++ cells = cellules-souches neurales.

Les cellules du gyrus denté modifier

 
Stellate cell

Le gyrus denté est composé de neurones particuliers, appelés cellules granulaires, mossy cells, et pyramidal basket cell.

  • Les cellules granulaires sont des neurones elliptiques de 10 à 18 μm de diamètre. Ceux-ci sont fortement compactés dans le gyrus denté, au point qu'il n'y a souvent aucune cellule gliale entre eux. Elles émettent chacune un seul long axone vers l'hippocampe, ce qui contraste avec leur arbre dendritique particulièrement touffu en forme de cône. Cet arbre dendritique est assez long, allant de 2800 à 3500 μm. On estime qu'elles forment plusieurs milliers de synapses avec les neurones provenant du cortex para-limbique. Ces synapses sont des synapses excitatrices, sensibles au glutamate. Ces cellules émettent des axones en direction de l'hippocampe, qui émettent de grandes quantités de glutamate et probablement de GABA. Les cellules granulaires du gyrus denté émettent des axones en direction de l'hippocampe, vers la couche CA3 pour être précis. Ces axones ont une forme particulière, quand on les regarde avec les techniques de colorations usuelles, qui leur vaut le nom de fibres moussues. Ces fibres moussues sont totalement non-myélinisés, chose rare pour les axones du système nerveux central. Ces fibres moussues émettent du glutamate, peut-être un peu de GABA. Pour résumer, les cellules granulaires sont des neurones excitateurs fortement innervés.
  • Outre les cellules granulaires, excitatrices, le gyrus denté contient aussi des interneurones inhibiteurs. Notamment, il est aussi très riche en cellules pyramidales particulières (les pyramidal basket cell), ainsi qu'en cellules moussues (mossy cells).
    • Les pyramidal basket cell sont des interneurones inhibiteurs gaba-ergiques, localisés entre la couche granulaire et la couche polymorphe. Elles ont une forme pyramidale, et sont plus grosses que les cellules granulaires (entre 25 et 35 μm de diamètre). Elles émettent des dendrites dans la couche moléculaire, qui font synapse avec les axones du cortex entorhinal. Par contre, leur corps cellulaire est localisé dans la couche granulaire, de même que leur arbre axonal. Leur riche arbre axonal innerve surtout des cellules granulaires et quelques autres cellules, mais la majorité de leur efférences se connecte aux cellules granulaires.
    • Les cellules moussues, aussi appelées stellate cells, ont un corps cellulaire assez gros, de 25 à 35 µm, avec un nombre limité de dendrites (environ 5) assez peu ramifiées. Elles sont localisées dans la couche polymorphe uniquement, leurs dendrites ne traversant pas les couches granulaires ou moléculaires. Elles s'interfacent avec les fibres moussues des cellules granulaires, dont elles modulent vraisemblablement le fonctionnement.

L'hippocampe modifier

 
Hippocampe.

L'hippocampe est composé de 3 couches sont nommées CA1, CA2 et CA3. La couche CA2 est la moins étudiée, surtout comparé aux deux autres. Il faut dire qu'elle a une petite taille et qu'elle contient beaucoup moins de neurones que les deux autres couches. Si on regarde l'hippocampe à l’œil nu, la couche CA2 n'est même pas visible, alors que les couches CA1 et CA3 le sont.

 
Hippocampe - Cornu Ammonis
 
Connectivité axonale dans l'hippocampe.

Les connexions entre couches de l'hippocampe sont assez limitées, vu qu'il n'y a que trois couches. La couche CA2 est connectée aux deux autres couches, mais on ne sait pas très bien comment, et les connexions en question semblent de toute façon assez limitées, peu importantes. Par contre, les couches CA3 et CA1 sont fortement connectées entre elles. Les axones qui partent de la couche CA3 et arrivent dans la CA1 forment les collatérales de Schaffer. Enfin, la couche CA3 est fortement innervée par elle-même : de nombreux neurones de CA3 émettent des axones qui se connectent à des dendrites dans la CA3. Ces connexions forment ce qu'on appelle le système collatéral récurrent. Ce système contraste avec l'organisation de la couche CA1, qui contient très peu de connexions de ce genre. Les neurones pyramidaux de CA1 sont faiblement interconnectés entre eux, avec peu d'axones intra-couche.

Après avoir vu les connexions entre couches, passons maintenant aux entrées et sorties de l'hippocampe. La couche CA3 reçoit des axones provenant du gyrus denté, mais aussi du cortex entorhinal dans une plus faible mesure. L'essentiel de ces axones est composé d'axones provenant du gyrus denté, les fameuses fibres moussues provenant des cellules granulaires. La couche CA1 envoie des axones en direction de nombreuses aires cérébrales. La majeure partie de ces fibres fait synapse sur le subiculum, mais le reste forme un faisceau nommé le fornix qui atterrit sur les corps mamillaires.

L'hippocampe est composé à 90% de cellules pyramidales, secondées par d'autre neurones inhibiteurs. Les neurones de l'hippocampe se divisent en deux classes : les neurones pyramidaux sont les plus nombreux, secondés par des interneurones. Les neurones pyramidaux hippocampiques sont glutamatergiques, alors que les interneurones hippocampiques sont surtout GABAergiques. Les cellules pyramidales de la couche CA3 semblent être plus grosses que celles de la couche CA1. À ce propos, les cellules de la couche CA1 sont bien organisées sur un plan et forment une couche très compacte, alors que l'organisation de la CA3 est un peu moins compacte. Les axones des neurones hippocampiques sont parfois myélinisés, parfois non. Les axones entre neurones hippocampiques, qui restent dans l'hippocampe, ne sont pas myélinisés. Par contre, les axones qui sortent de l'hippocampe pour innerver d'autres structures corticales ou le gyrus denté le sont.

Le complexe subiculaire modifier

 
Transition entre la couche CA1 et le subiculum.

Le complexe subiculaire est un ensemble de plusieurs structures, situées en sortie de l'hippocampe. Si l'on parle de complexe subiculaire, c'est parce que celui-ci regroupe plusieurs aires cérébrales associées : le subiculum proprement dit, le pré-subiculum et le para-subiculum. On peut le voir comme un relai entre le néocortex et l'archicortex de l'hippocampe, à savoir un péri-archicortex. Certaines sections ayant un cortex à 3 couches, d'autres ayant une organisation plus proche du néocortex, avec 6 couches bien établies : le subiculum possède 3 couches, comme l'archicortex de l'hippocampe, mais le pré-subiculum et le para-subiculum en possèdent 6. Le subiculum est organisé comme l'hippocampe, avec une couche moléculaire qui surmonte une couche de cellules pyramidales, elle-même au-dessus d'une couche polymorphe. La couche de cellules pyramidales est cependant moins compacte que la couche CA1 : les cellules sont plus espacées et la couche est plus informe, là où la CA1 était une véritable couche bien plane.

Le subiculum reçoit des axones provenant des couches CA3 et CA1 de l'hippocampe. Il émet aussi des axones en direction du néocortex et du septum. Les projections vers le néocortex innervent essentiellement vers les cortex préfrontaux et pariétaux, dans leurs portions dites médianes. Les efférences en direction du septum permettent au subiculum d'innerver, bien qu'indirectement, l'hypothalamus.

La région parahipocampique modifier

 
Aires du lobe temporal impliquées dans la mémoire.

Parmi les structures du cortex impliquées dans la mémoire, la région parahippocampique est de loin la plus étudiée. Celle-ci regroupe trois aires cérébrales : le cortex périrhinal, le cortex postrhinal et le cortex entorhinal. Ces trois cortex sont reliés entre eux assez simplement : les cortex périrhinal et postrhinal s'interfacent entre le cortex entorhinal et le reste du cerveau, alors que le cortex entorhinal fait l'interface entre les deux autres cortex et la région hippocampique. Leur rôle fonctionnel est encore débattu, mais il semblerait que ceux-ci aient chacun une spécialité. Le cortex périrhinal semble impliqué dans la reconnaissance visuelle des objets. Le cortex postrhinal est impliqué dans la reconnaissance des lieux, du contexte. Des lésions dans ce cortex donnent toutes les mêmes conséquences : le patient ne peut plus reconnaître les lieux où il se trouve ou les lieux présentés en photo, alors que la reconnaissance des objets est parfaitement conservée. Le cortex entorhinal relaie les informations du cortex dans le l'hippocampe.

Le cortex entorhinal modifier

Le cortex entorhinal est un cortex à 6 couches, similaire au néocortex usuel. La seule différence avec le néocortex normal est que sa couche numéro 4 est extrêmement pauvre en neurones, sans compter que celle-ci n'est que peu reliée au thalamus. Les autres couches contiennent des neurones glutamatergiques, essentiellement des neurones pyramidaux usuels, ainsi que des cellules stellaires (stellate cells similaires à celles du gyrus denté). On y trouve aussi quelques interneurones GABA-ergiques, plus rares.

Le cortex entorhinal est divisé en deux sections nommées cortex entorhinal médian et cortex entorhinal latéral. Comme dit plus haut, le cortex entorhinal fait l'interface entre les cortex périrhinal/postrhinal et la région hippocampique. Au niveau des entrées, le cortex entorhinal reçoit des axones des deux cortex postrhinal et périrhinal. Précisément, le cortex entorhinal médian reçoit de nombreux axones de l'aire postrhinal, alors que la portion latérale reçoit surtout des afférences du cortex périrhinal.

 
Anatomie de la région parahippocampique.

Le cortex entorhinal reçoit aussi quelques axones en provenance du subiculum et de la couche CA1 de l'hippocampe. Ceux-ci se connectent sur les couches 4 et 5. Au niveau des sorties, le cortex entorhinal envoie de nombreux axones vers l'hippocampe, le gyrus denté et vers les couches CA3 et CA1. L'ensemble des axones émis par le cortex entorhinal vers l'hippocampe forme ce qu'on appelle la voie perforante. Celle-ci prend naissance dans les couches 2 et 3, soit les couches basses. La voie perforante se divise ensuite en deux : une voie en direction du gyrus denté, et une voie temporo-ammonique en direction des couches CA1/CA3.

 
Afférences et éfférences du cortex entorhinal avec l'hippocampe.

Ceux qui veulent en savoir plus peuvent lire l'article suivant :

L'interconnexion des aires du lobe temporal médian modifier

La connexion de l'hippocampe au reste du cerveau est relativement complexe, de nombreuses couches envoyant des axones vers le cortex entorhinal, ainsi que vers les autres couches de l'hippocampe. Les livres d'anatomie cérébrale parlent surtout d'un ensemble de quelques liaisons particulières, qui relient le cortex entorhinal, l'hippocampe et le subiculum. Ce circuit dit tri-synaptique a une grande importance dans le fonctionnement de la région hippocampique, et comprendre son fonctionnement est absolument primordial. Mais il existe d'autres connexions entre aires hippocampiques et parahippocampiques, qu'il vaut mieux connaître. Dans cette section, nous allons voir le circuit tri-synaptique en premier lieu, avant de fournir une vision plus détaillée et plus complète des interconnexions du lobe temporal médian.

Le circuit tri-synaptique modifier

Les scientifiques ont identifié un circuit à trois synapses, qui relie le cortex entorhinal au subiculum en passant par l'hippocampe et le gyrus denté. Ce circuit part du cortex entorhinal, se connecte sur le gyrus denté, puis fait synapse sur la couche CA3, qui innerve la couche CA1. À partir de la couche CA1, les axones partent dans diverses direction, vers le cortex ou d'autres structures hypothalamiques.

 
Anatomie de la région de l'hippocampe.
 
Illustration de la formation hippocampale.

L'organisation globale modifier

Au circuit tri-synaptique décrit ci-dessous, il faut ajouter les nombreuses afférences et éfférences qui entrent dans l'hippocampe et la région parahippocampique. Globalement, l'hippocampe est surtout relié aux cortex temporaux et préfrontaux. Il reçoit des axones en provenance de ces aires, tout autant qu'il envoie des éfférences à leur destination. Les connexions entre amygdale et hippocampe sont aussi très nombreuses. Enfin, on peut aussi noter que l'hippocampe communique avec les corps mamillaires de l'hypothalamus, par le biais du fornix. Nous avions déjà parlé du fornix dans le chapitre sur la substance blanche.

 
Connexions axonales dans le lobe temporal médian.