Mémoire/Le modèle de Baddeley

Dans le chapitre précédent, nous avons constaté que le modèle modal de la mémoire a quelques défauts. Nous avons évoqué le fait que la vision de la MCT a largement été amendée depuis, et ce chapitre propose de vous montrer en quoi. De nos jours, la MCT est plutôt vue comme une mémoire de travail, dans le sens où celle-ci n'est pas seulement un lieu de stockage passif, mais un mécanisme mêlant mémorisation et capacités de traitement, les deux interagissant fortement. Pour expliquer son fonctionnement et sa structure, Alan Baddeley et Graham Hitch ont proposé un modèle contenant plusieurs MCT distinctes, qui interagissent et échangent des informations. Dans ce modèle, la mémoire à court terme est scindée en plusieurs sous-systèmes :

  • un sous-système verbal : la boucle phonologique ;
  • un sous-système visuel : le calepin visuo-spatial ;
  • un sous-système indépendant de la modalité sensorielle : le tampon épisodique ;
  • et un dernier un sous-système généraliste : le superviseur attentionnel, aussi appelé administrateur central, chargé de gérer les autres sous-mémoires.
Mémoires de travail

L'existence de mémoires séparées se fonde autant sur des arguments expérimentaux que de l'étude de cas cliniques. Nous verrons bientôt les arguments expérimentaux, mais nous allons d'abord évoquer les cas cliniques de dissociations. Quelques patients ayant subi un AVC ou une lésion cérébrale ont une MCT verbale parfaitement conservée couplée avec de lourds déficits de la MCT visuo-spatiale. L'exemple typique est celui du patient KF, étudié par Elisabeth Warrington. Il a un empan mnésique de 2, avec une absence totale d'effet de récence en MCT, qui n’apparaît qu'avec une présentation orale des items et disparaît lorsque les items sont présentés visuellement. Le déficit inverse, à savoir une MCT verbale altérée avec préservation de la MCT visuo-spatiale, existe aussi. Le cas classique est celui du patient LE, un ancien sculpteur aujourd'hui incapable de mémoriser temporairement des informations visuelles. Cependant, il faut signaler que sa capacité à mémoriser des informations spatiales est conservée : il sait se repérer dans son environnement, se déplacer dans des lieux connus, etc. D'autres cas montrent une dégradation de leur mémoire spatiale, alors que leur mémoire visuelle est conservée.

La boucle phonologique

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La boucle phonologique est une mémoire temporaire verbale, spécialisée dans le stockage et le traitement des informations auditives et la parole. Elle est impliquée dans la lecture, l'écriture, la compréhension orale, le calcul mental, l'apprentissage de la langue maternelle, et des autres langues. Des études ont montré une corrélation entre le développement de la boucle phonologique et développement du langage. De plus, des études faites sur des patients ayant une boucle phonologique atteinte par des lésions cérébrales montrent que ceux-ci ont de fortes difficultés à acquérir le vocabulaire d'un nouveau langage, alors que leur mémoire verbale à long terme n'est pas touchée. La boucle phonologique serait composée de deux sous-systèmes :

  • un entrepôt phonologique, une mémoire temporaire verbale de quelques secondes,
  • et un système de répétition, chargé de répéter mentalement le contenu de l’entrepôt phonologique.

L'existence de ce système a été postulée pour rendre compte d'expériences sur les listes de mots, chiffres, lettres. À vrai dire, c'est cette mémoire à court terme qui était étudiée dans les expériences mentionnées jusqu'à présent.

L'effet de similarité phonologique

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Les expériences d'interférences semblent montrer que cet entrepôt phonologique stocke bel et bien des informations verbales. Des mots phonétiquement proches interférent fortement, tandis que des listes de mots proches sémantiquement proches n’interfèrent pas. Pour vous en rendre compte, testez votre empan sur les listes de mots suivantes :

  • chat, tas, mât, cas, rat ;
  • vidoc, moche, stupide, vieux, long ;
  • mot, pro, seau, beau, lin ;
  • vide, rance, large, mieux, centre.

Vous remarquerez que les listes 1 et 3 sont plus difficiles que les autres. Il faut dire que les mots qu'elles contiennent se prononcent de la même façon. Du fait de leur prononciation similaires, les mots de la liste interfèrent entre eux, diminuant l'empan. En revanche, ce n'est pas le cas dans les autres listes, dont les mots se prononcent différemment. Cet effet est supposé provenir lors du rappel des informations depuis la mémoire à court-terme. Les informations n’interfèrent pas dans la boucle phonologique, lors de leur stockage. Cependant, le mécanisme de rappel des informations depuis la boucle phonologique n'est pas parfait et a tendance à confondre les informations similaires.

Cependant, cet effet disparaît sous certaines conditions. Premièrement, il disparaît avec des listes de mots très longues, qui dépassent de loin la taille de l'empan mnésique usuel. Ensuite, il disparaît dans les tâches de répétition articulatoire, où les sujets doivent mémoriser une liste de mots, tout en prononçant à voix haute un mot en boucle. Dans de telles conditions, la boucle articulatoire n'est plus utilisée, la mémoire à long-terme prenant la relève.

L'effet de longueur du mot

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Les séries de mots qui se mémorisent le plus facilement sont celles dont les mots sont courts à prononcer. Dit autrement, l'empan est supérieur pour des mots courts, comparé à des mots plus longs : c'est l'effet de longueur des mots (word length effect). Pour vous en rendre compte, essayez de mémoriser les deux listes suivantes :

  • cas, mot, don, mort, stop ;
  • éléphant, misérable, médiocrité, anticonformiste, dépravation.

La première est nettement plus facile que la seconde, ses mots étant plus courts et contenant moins de syllabes.

L'effet de la suppression de la répétition subvocale

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Pour vérifier que la boucle phonologique est bien impliquée dans l'effet précédent, il suffit d’empêcher le cobaye de répéter mentalement les mots qui lui sont donnés. Pour cela, on ajoute une tâche de Brown-Peterson entre chaque mot. L'effet de la longueur du mot disparaît : les mots longs sont alors aussi bien rappelés que les mots courts. Pour estimer la durée de ce processus de répétition subvocale, on peut essayer de se fonder sur la longueur à partir de laquelle un mot commence à être difficilement mémorisable. Cette longueur dépend des personnes, qui peuvent lire ou parler plus ou moins vite. Mais dans tous les cas, le taux de mémorisation chute brutalement pour les mots qui mettent plus de deux secondes à prononcer.

Ensuite, d'autres expériences ont testé la suppression de la répétition à haute voix. Il apparaît que l'on mémorise mieux les listes de mots quand elles sont prononcées à haute voix que silencieusement. De même, on observe un phénomène d'interférence avec la parole. Si, juste après chaque présentation d'un mot, on demande aux cobayes de prononcer un autre mot que celui à mémoriser à haute voix, la mémorisation dans la boucle phonologique est alors fortement affectée, et devient inférieure à celle obtenue avec une tâche de Brown-Peterson.

 
Effet subvocalisation mémoire, d’après Slowiaczek et Clifton, 1980

L'effet des sons distracteurs

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Enfin, on peut mentionner les expériences faisant appel à des sons distracteurs. Dans ces expériences, les sujets doivent mémoriser une liste écrite de mots/chiffres. Ceux-ci sont présentés en même temps qu'un son (un bruit blanc ou un mot d'une langue étrangère), que les sujets doivent ignorer. Un exemple de ce type d'étude est celle de Colle et Welsh (1976), dont les résultats ne s'expliquent correctement qu'avec un système de répétition articulatoire. Dans cette étude, les mots présentés en même temps qu'un bruit blanc sont mémorisés avec des performances identiques à celle d'un groupe contrôle. En revanche, les mots présentés en même temps que de la parole sont nettement moins bien mémorisés. L'explication est que le système de répétition articulatoire est utilisé pour traduire l'écrit en oral, transduction perturbée par les distracteurs verbaux.

Le calepin visuo-spatial

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Outre nos capacités verbales, le cerveau gère aussi des images mentales, ses capacités d'imagerie étant impressionnantes. Autant dire que l'existence d'une mémoire de travail visuelle, où les informations sont encodées par des images mentales, n'est pas étonnante. Elle se nomme le calepin visuo-spatial.

Un codage visuel

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Pour prouver l'existence d'un tel codage visuel, les chercheurs ont utilisé des expériences de parcours mental. On fait mémoriser aux cobayes la carte d'une île contenant un lac, une hutte et un rocher. On leur demande de parcourir mentalement le chemin qui mène de la hutte au rocher, ou tout autre endroit de l’île. Le temps mis par les cobayes pour faire cette traversée est proportionnel à la distance du trajet : le trajet s'effectue toujours à la même vitesse. D'autres expériences utilisées sont les expériences de rotation mentale. Dans ces expériences, on montre deux formes géométriques à des cobayes, et on leur demande de vérifier si ces deux formes sont différentes, ou s'il s'agit de la même forme présentée sous un angle différent. Pour faire cette vérification, le cobaye va devoir faire tourner mentalement l'objet, et appuyer sur un bouton poussoir quand il a fini. Statistiquement, le temps mis pour faire la rotation est presque proportionnel à l'angle de rotation.

 
Expérience de rotation mentale.

Une autre expérience, réalisée par Shepard et Feng, a montré une autre forme de traitement visuo-spatial dans la mémoire de travail. Dans leur étude, les chercheurs présentaient des figures qui ressemblaient à des patrons de cube à leurs sujets. Certaines faces avaient des flèches dessinées dessus et les sujets devaient dire si les deux flèches se rencontraient tête contre tête quand on pliait le patron. Certaines figures demandaient un simple pliage, tandis que d'autres en demandaient plusieurs pour réussir la tâche. Il s'est avéré que le temps de réponse des sujets était proportionnel au nombre de plis à effectuer, preuve que les sujets utilisaient une représentation visuelle pour résoudre le problème.

Une capacité limitée à quelques items

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L'étude de la capacité de la MDT visuelle se fonde sur des expériences dites de détection de changement. On présente une image au sujet durant un certain temps, suivie par une seconde image après quelques secondes de noir entre les deux. Le sujet doit dire si les deux images présentées sont identiques ou non. Le sujet doit catégoriser ainsi une succession de paires d'images, certaines paires ayant des images identiques, d'autres des images différentes. Pour donner un exemple, on peut prendre l'étude de Phillips, datée de 1974. Les sujets de cette étude se voyaient présenter des plateaux d'échec de complexité variable : de 4 * 4 cases pour les plus simples à 8 * 8 cases pour les plus complexes. Les délais de présentation entre les deux plateaux variaient entre 0 et 9 secondes. Il se trouve que dans cette expérience (et dans toutes les autres du même type), les performances diminuaient avec le délai inter-image. D'une détection quasi-parfaite avec un délai inférieur à la seconde, les performances chutaient au-delà. Cela suggère que la MDT visuelle a une capacité limitée.

L'ensemble des expériences de ce type semble indiquer une capacité proche de 3 à 4 items. Pour donner un exemple de ces expériences, qui visent à mesurer précisément la capacité de la MDT visuelle, on peut citer l'étude de Luck et Vogel (1997). Dans celle-ci, on présentait des images contenant des carrés colorés aux sujets. Là encore, les sujets devaient détecter un changement dans la couleur des carrés, ou dans leur position. En augmentant le nombres de carrés, la performance suivait un motif assez simple : la performance décline doucement à moins de 4 carrés, mais devient abrupte pour de courtes durées au-delà.

Le calepin est subdivisé en deux sous-systèmes

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Certains psychologues pensent que ce calepin est lui aussi composé de plusieurs sous-systèmes. Un pour mémoriser les couleurs et caractéristiques visuelles d'un objet, et un autre pour mémoriser la position de l'objet sur le champ de vision. D'un côté, le cache visuel spécialisé dans les formes et les couleurs, et de l'autre, l'inner scribe pour la localisation et la vitesse des objets. Ce découpage est cohérent avec le fait que ces deux informations sont gérées par des zones du cerveau séparées : une voie ventrale pour la reconnaissance des formes, et une voie dorsale pour la position des objets. Cela se voit sur les IRM : les zones du cerveau activées ne sont pas les mêmes. De plus, certaines lésions cérébrales empêchent la reconnaissance des formes, mais pas leur localisation dans le champ de vision, et réciproquement. Là encore, certains patients ayant une lésion cérébrale particulière sont capables de retenir des informations spatiales en MCT, mais pas des informations visuelles, et réciproquement.

Le tampon épisodique

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Si l'on soumet des cobayes à des tâches demandant de retenir des listes de mots, l'ajout d'une tâche de Brown-Peterson ou l'utilisation d'une tâche de suppression articulatoire va supprimer les phénomènes d'interférences phonétiques. Cependant, on voit apparaître des interférences sémantiques : plus les mots appartiennent à la même catégorie ou sont proches sémantiquement, plus le taux de rappel est mauvais. Cette observation peut être attribuée à l'existence d'une mémoire à long-terme dans une certaine mesure, mais sans être vraiment compatible avec le modèle précédent. D'autres observations ne peuvent s'expliquer simplement avec le modèle précédent. De plus, dans les tâches de répétition articulatoire, les cobayes arrivent tout de même à retenir quelques mots en mémoire à court terme. De même, la taille de cet empan est différente de la taille de la boucle phonologique : les cobayes retiennent environ 4 items, au lieu des 7 que la boucle phonologique peut permettre. Enfin, les expériences d'apprentissage de listes de mots et de phrases donnent des empans totalement différents : de 5 à 6 mots dans une liste de mots à 15 à 20 mots pour l'apprentissage d'une phrase. Une telle capacité dépasse de loin celle de la boucle phonologique verbale et du calepin visuo-spatial.

Finalement, quand on lit un texte, qu'on réfléchit, ou qu'on cherche à résoudre un problème, il est évident que notre mémoire de travail est mise à contribution. Néanmoins, les données sur lesquelles on travaille ne sont ni des images, ni des données verbales : ce sont des concepts, des informations qui ont une signification. Dans ces conditions, le calepin visuo-spatial et la boucle phonologique ne peuvent pas servir à stocker ces concepts. Pour gérer les éléments porteurs de signification, la mémoire de travail doit fatalement contenir un sous-composant, en plus de la boucle phonologique et du calepin visuo-spatial.

Rendre compte de ces observations demande de postuler une nouvelle forme de mémoire. Pour cela, le modèle de la mémoire de travail a été adapté dans les années 2000, par ses auteurs, pour rajouter une autre MCT contenant des informations épisodiques ou sémantiques. Cette MCT s'appelle le tampon épisodique, ou encore l'executive buffer. Il est supposé que cette mémoire serait en lien direct avec la mémoire à long terme. Ce tampon épisodique aurait une capacité de quatre items maximum, capacité qui serait cependant influencée par le phénomène de morcelage, qui aurait lieu dans cette mémoire. Il est aussi supposé que les informations dans ce tampon seraient autant visuelles que verbales ou conceptuelles. Le tampon permettrait de lier entre elles ces représentations afin de former des morceaux cohérents.

Le superviseur attentionnel

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Les composants précédents sont des "sous-mémoires" distinctes, dédiées à des formes d'informations spécialisées. Ces mémoires suffiraient pour rendre compte des expériences qui considèrent la mémoire comme un processus purement passif. Mais la vision actuelle de la mémoire de travail est que celle-ci est un dispositif de traitement de l'information plus que de stockage passif. Cette vision implique fatalement un système de contrôle, non-mnésique, dans la mémoire de travail. Ce système de contrôle est un système attentionnel, qui se charge de l'allocation de l'attention dans les différentes sous-mémoires vues précédemment. De par sa nature attentionnelle et son rôle de contrôle, celui-ci est appelé le superviseur attentionnel.

Les tâches d’empan complexe

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L'existence de ce superviseur attentionnel est utile pour rendre compte des résultats dans les expériences d'empan complexe. Les expériences du chapitre précédent étaient relativement simples : il s'agit d'expériences d'empans basiques, qui n'impliquent que la mémorisation d'items. Pour mieux évaluer la capacité et le fonctionnement de la mémoire à court terme, les psychologues ont créé des tâches d'empan complexes, où l'on introduit une tâche de traitement entre chaque item à retenir. Par exemple, on peut demander à un cobaye d'effectuer un calcul mental entre chaque mot d'une liste.

La mesure la plus simple de l'empan complexe consiste à intercaler des calculs entre paires de mots.

  • Château | 4 * 70 | Martien
  • Combat | 25 * 15 | Nul
  • Fin | 12 * 41 | Discriminatoire
  • ...

D'autres épreuves demandent de mémoriser des résultats de traitements mentaux. Par exemple, faites les calculs suivants, et essayez de les mémoriser :

  • 4 * 70
  • 25 * 15
  • 12 * 46
  • 49 * 73
  • 13 * 40
  • 76 * 16
  • 44 * 22
  • 79 * 46

Ces expériences montrent clairement que la mémorisation est bien plus difficile quand elle est effectuée avec des traitements intercalés. Ces tâches font intervenir le superviseur attentionnel, et montrent clairement que celui-ci a une forte importance dans la gestion des sous-systèmes de la mémoire à court terme.

La répartition entre traitement et mémorisation

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Pour décrire les résultats des expériences d'empan complexe, divers modèles ont été créés. Le plus abouti à l'heure actuelle est le modèle TBRS (Time Based Resource Sharing), créé par des chercheurs français (Barrouillet, Bernardin et Camos, 2004). Ce modèle se fonde sur quatre axiomes de base.

  • Premièrement, les tâches d'empan complexes utilisent l'attention pour maintenir et traiter les informations en mémoire de travail. Les items à retenir s'effacent avec le temps, mais il est possible de contrer cet effacement progressif est de rafraîchir les items. Ce rafraîchissement n'a rien à voir avec la répétition articulatoire de la boucle phonologique, mais est en réalité un processus de répétition séparé, capable d'intervenir dans toutes les mémoires à court terme. Il s'agit d'un mécanisme qui consomme de l’attention et est donc le fait du superviseur attentionnel. Pour résumer, l'attention sert justement à rafraîchir les informations en MCT, afin de contrer leur oubli.
  • Deuxièmement, les traitements et le rafraîchissement des informations s'effectuent les uns après les autres : l'attention est focalisée sur un objet à la fois. La mémoire de travail utilise traitements et rafraîchissement de manière séquentielle. L'administrateur central va ainsi constamment basculer entre traitements et rafraîchissement, rafraîchissant et traitant les morceaux les uns après les autres en mémoire de travail.
  • Troisièmement, l'attention est disponible en quantité limitée, et ne peut traiter ou rafraîchir qu'un seul morceaux à la fois. Cette capacité à ne pouvoir maintenir qu'une quantité limitée de morceaux sous le feu de l'attention fait que l'on parle de focus attentionnel : on peut focaliser son attention sur un morceau en particulier.
  • Et enfin, quand l'attention n'est pas portée sur un objet, que ce soit pour rafraîchissement ou pour traitement, celui-ci se désactive progressivement et finit par être oublié s'il n'est pas rafraîchi par le focus attentionnel.

Sur une tâche qui dure un temps limité, une partie de la durée de la tâche sera dédiée aux traitements, et une autre partie servira pour le rafraîchissement. La difficulté de mémorisation ne dépend alors pas tellement du nombre d'informations qu'il faut mémoriser, mais surtout du pourcentage de temps passé à faire les traitements. Plus les traitements prennent de temps, plus le temps disponible pour rafraîchir les autres regroupements en mémoire de travail sera faible : cela peut empêcher de rafraîchir à temps les morceaux en dehors du focus attentionnel.

Le fonctionnement supposé du superviseur attentionnel

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Le fonctionnement de ce superviseur est basé sur l'attention, la capacité de concentration. Ce superviseur contiendrait une certaine quantité finie d'attention, qu'il pourrait utiliser pour diverses choses. Tout le travail du superviseur attentionnel demande de répartir l'attention dans les diverses tâches qui lui sont confiées. Si cette répartition est mal faite, les performances s'en ressentent. Une modélisation complète du superviseur attentionnel a été réalisée par Norman et Shallice, modèle considéré comme cardinal par Baddeley. Ce modèle part des acquis de la psychologie cognitive, qui distingue des comportements contrôlés des comportements automatiques.

Les comportements automatiques sont des comportements habituels, appris et acquis avec l’entraînement, la répétition ou l'habitude. Ces comportements sont mémorisés en mémoire à long-terme, sous la forme de ce que les psychologues appellent des schémas. Ces derniers sont des ensembles unifiés d'actions et de pensées reliés entre eux qui permettent d'appliquer une procédure, une méthode ou une routine. Ceux-ci sont activés automatiquement par la perception ou la pensée, cette activation permettant à ceux-ci de s'"exécuter". Lorsque plusieurs schémas s'activent en même temps, un dispositif de contention sélectionne le bon schéma à appliquer. Lors de cette étape de contention, chaque schéma va tenter d'inhiber les schémas concurrents, seul le plus activé restant activé suite à cette étape.

Cependant, quand les schémas activés ne permettent pas de répondre aux exigences de la situation, le superviseur attentionnel prend la relève. Le processus de pensée quitte alors le domaine de la pensée automatique et tombe dans le registre de la pensée contrôlée : le superviseur utilise les ressources cognitives comme la mémoire de travail pour trouver une solution. Ces processus contrôlés sont assez stratégiques, basés sur des algorithmes, des méthodes générales de résolution de problèmes. Ce superviseur a un rôle de contrôle des schémas, que ce soit pour désactiver les schémas inadaptés (rôle d'inhibition) ou pour en créer de nouveaux (rôle dans l'apprentissage).

 
Illustration du modèle de Norman et Shallice.