Les cartes graphiques/Le framebuffer

La mémoire vidéo est nécessaire pour stocker l'image à afficher à l'écran, mais aussi pour mémoriser temporairement des informations importantes. Sur les toutes premières cartes graphiques, elle servait uniquement à stocker l'image à afficher à l'écran. Le terme pour ce genre de mémoire vidéo est : Framebuffer. Au fil du temps, elle s'est vu ajouter d'autres fonctions, comme stocker les textures et les vertices de l'image à calculer, ainsi que divers résultats temporaires.

La taille du framebuffer limite la résolution maximale atteignable. Autant ce n'est pas du tout un problème sur les cartes graphiques actuelles, autant c'était un facteur limitant pour les toutes premières cartes d'affichage. En effet, prenons une image dont la résolution est de 640 par 480 : l'image est composée de 480 lignes, chacune contenant 640 pixels. En tout, cela fait 640 * 480 = 307200 pixels. Si chaque pixel est codé sur 32 bits, l'image prend donc 307200 * 32 = 9830400 bits, soit 1228800 octets, ce qui fait 1200 kilo-octets, plus d'un méga-octet. Si la carte d'affichage a moins d'un méga-octet de mémoire vidéo, elle ne pourra pas afficher cette résolution, sauf en trichant avec les techniques d'entrelacement. De manière générale, la mémoire prise par une image se calcule comme : nombre de pixels * taille d'un pixel, où le nombre de pixels de l’image se calcule à partir de la résolution (on multiplie la hauteur par la largeur de l'écran, les deux exprimées en pixels).

Le codage des pixels dans le framebuffer

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Tout pixel est codé sur un certain nombre de bits, qui dépend du standard d'affichage utilisé. Dans un fichier image, les données sont compressées avec des algorithmes compliqués, ce qui a pour conséquence qu'un pixel est codé sur un nombre variable de bits. Certains vont l'être sur 5 bits, d'autres sur 16, d'autres sur 4, etc. Mais dans une carte graphique, ce n'est pas le cas. Une carte graphique n’intègre pas d'algorithme de compression d'image dans le framebuffer, les images sont stockées décompressées. Tout pixel prend alors le même nombre de bit, ils ont tous une taille en binaire qui est fixe.

Le codage des images monochromes

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À l'époque des toutes premières cartes graphiques, les écrans étaient monochromes et ne pouvait afficher que deux couleurs : blanc ou noir. De fait, il suffisait d'un seul bit pour coder la couleur d'un pixel : 0 codait blanc, 1 codait noir (ou l'inverse, peu importe). Par la suite, les niveaux de gris furent ajoutés, ce qui demanda d'ajouter des bits en plus.

1 bit 2 bit 4 bit 8 bit
       

Le cas le plus simple est celui des premiers modes CGA où 4 bits étaient utilisés pour indiquer la couleur : 1 bit pour chaque composante rouge, verte et bleue et 1 bit pour indiquer l'intensité (sombre / clair).

La technique de la palette indicée

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Palette indicée. En haut, on a le framebuffer, qui contient les couleurs codées par des nombres. La table de correspondance est donnée au milieu, et l'image finale en bas.

Avec l'apparition de la couleur, il fallut ruser pour coder les couleurs. Cela demandait d'utiliser plus de 1 bit par pixel : 2 bits permettaient de coder 4 couleurs, 3 bits codaient 8 couleurs, 4 bits codaient 16 couleurs, 8 bits codaient 256 couleurs, etc. Chaque combinaison de bit correspondait à une couleur et la carte d'affichage contenait une table de correspondance qui fait la correspondance entre un nombre et la couleur associée. Cette technique s'appelle la palette indicée, la table de correspondance s'appelant la palette.

 
Palette de l'IBM16.

L'implémentation de la palette indicée demande d'ajouter à la carte graphique une table de correspondance pour traduire les couleurs au format RGB. Elle s'appelait la Color Look-up Table (CLT) et elle est placée immédiatement après la mémoire vidéo. Tout pixel qui sort de la mémoire vidéo est envoyé à la CLT, qui fournit en sortie le pixel coloré. La Color Look-up Table était parfois fusionnée avec le DAC qui convertissait les pixels numériques en données analogiques : le tout formait ce qui s'appelait le RAMDAC.

Au tout début, la Color Look-up Table était une ROM qui mémorisait la couleur RGB pour chaque numéro envoyé en adresse. De ce fait, la table de correspondance était généralement fixée une bonne fois pour toute dans la carte d'affichage, dans un circuit dédié. Mais par la suite, les cartes d'affichage permirent de modifier la table de correspondance dynamiquement. La CLT était alors une mémoire RAM, ce qui permettait de changer la palette à la volée. Les programmeurs pouvaient modifier son contenu, et ainsi changer la correspondance nombre-couleur à la volée.

Des applications différentes pouvaient ainsi utiliser des couleurs différentes, on pouvait adapter la palette en fonction de l'image à afficher, c'était aussi utilisé pour faire des animations sans avoir à modifier la mémoire vidéo. Les applications étaient multiples. En changeant le contenu de la palette, on pouvait réaliser des gradients mobiles, ou des animations assez simples : c'est la technique du color cycling.

Exemples d'animations obtenues avec du color Cycling
       

Le standard RGB et ses dérivés

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Image codée en RGB : l'image est un mélange de trois images : une ne contenant que des nuances de rouge, une des nuances de vert, et la dernière uniquement des nuances de bleu.

La table de correspondance grandit exponentiellement avec le nombre de bits, ce qui fait qu'elle devient rapidement très grande. Au-delà de 8/12 bits, la technique de la palette n'est pas très intéressante. Ce qui fait que le codage des couleurs a dû prendre une autre direction quand la limite des 8 bits fût dépassée. L'idée pour contourner le problème est d'utiliser la synthèse additive des couleurs, que vous avez certainement vu au collège. Pour rappel, cela revient à synthétiser une couleur en mélangeant deux à trois couleurs primaires. La manière la plus simple de faire cela est de mélanger du Rouge, du Bleu, et du Vert. En appliquant cette méthode au codage des couleurs, on obtient le standard RGB (Red, Green, Blue). L'intensité du vert est codée par un nombre, idem pour le rouge et le bleu.

Autrefois, il était courant de coder un pixel sur 8 bits, soit un octet : 2 bits étaient utilisés pour coder le bleu, 3 pour le rouge et 3 pour le vert. Le fait qu'on ait choisi seulement 2 bits pour le bleu s'explique par le fait que l’œil humain est peu sensible au bleu, mais est très sensible au rouge et au vert. Nous avons du mal à voir les nuances fines de bleu, contrairement aux nuances de vert et de rouge. Donc, sacrifier un bit pour le bleu n'est pas un problème. De nos jours, l'intensité d'une couleur primaire est codée sur 8 bits, soit un octet. Il suffit donc de 3 octets, soit 24 bits, pour coder une couleur.

Une autre astuce pour économiser des bits est de se passer d'une des trois couleurs primaires, typiquement le bleu. En faisant cela, on code toutes les couleurs par un mélange de deux couleurs, le plus souvent du rouge et du vert. Vu que l’œil humain a du mal avec le bleu, c'est souvent la couleur bleu qui disparait, ce qui donne le standard RG. En faisant cela, on économise les bits qui codent le bleu : si chaque couleur primaire est codée sur un octet, deux octets suffisent au lieu de trois avec le RGB usuel.

RGB 16 bits RG 16 bits
   

L'organisation du framebuffer

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Le framebuffer peut être organisé plusieurs manières différentes, mais deux grandes méthodes se dégagent. La toute première est celle du packed framebuffer, ou encore du framebuffer compact. Elle est très intuitive : les pixels sont placés les uns à côté des autres en mémoire. L'image est découpée en plusieurs lignes de pixels, deux pixels consécutifs sur une ligne sont placés à des adresses consécutives, deux lignes consécutives se suivent dans la mémoire. L'autre organisation est le planar framebuffer, aussi appelé la méthode des bitplanes. Et elle est moins intuitive à comprendre et va nécessiter quelques explications.

Le framebuffer planaires

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Pour la comprendre, prenons le cas où chaque pixel est codé par deux bits. L'organisation planaire va découper l'image en deux : une image qui contient seulement le premier bit de chaque pixel, et une autre image qui contient seulement le second bit. L'image est donc répartie sur deux framebuffers séparés. Le principe se généralise pour des pixels codés sur N bits, sauf qu'il faudra alors N images. Les N images sont appelées des bitplanes.

 
Exemple de framebuffer planaire, provenant de l'ordinateur soviétique Vector-06c.

Disons-le clairement, la méthode est compliquée et pas intuitive, elle n'a pas d'intérêt évident. Son avantage principal est qu'elle gaspille moins de mémoire quand les pixels sont codés sur 3, 5, 6, 7, 9, 11 bits ou autre. La majorité des mémoires mémorisent des octets, chacun étant adressable. Et si ce n'est pas le cas, le cas général est d'associer un ou plusieurs octets par adresse. Encoder un pixel demande donc d'utiliser un ou plusieurs octets avec un framebuffer compact. Avec un framebuffer planaire, on n'a pas ce problème. L'avantage est très limité depuis que les cartes d'affichage se sont standardisées avec une taille des pixels multiple d'un octet. Aussi, ils sont rarement utilisés dans les cartes d'affichage, sauf pour les très anciens modèles qui codaient leurs couleurs sur 3, 5 ou 7 bits.

Dans le meilleur des cas, il y a une mémoire RAM par framebuffer planaire. Un pixel est alors répartit sur plusieurs mémoires, qu'il faut lire ou écrire simultanément. L’inconvénient que lire un pixel consomme plus d'énergie dans le cas général, car on accède à plusieurs mémoires simples au lieu d'une. Par contre, il est possible de modifier un bitplane indépendamment des autres, ce qui permet de faire certains effets graphiques simplement.

Un exemple d'utilisation d'un framebuffer planaire est le standard VGA. Dans sa résolution native de 640 par 480 en 16 couleurs, le framebuffer est de type planaire. Il y a quatre plans de 1 bit chacun, ce qui colle bien avec le fait que chaque couleur est codée sur 4 bits dans cette résolution. De plus, le framebuffer est une mémoire de 256 kibioctets, divisé en 4 banques de 64 kibioctets chacun. Les quatre banques sont accessibles en parallèles, ce qui permet de lire 4 bits en même temps. La raison derrière ce système est avant tout la compatibilité avec le standard d'avant le VGA, l'EGA, qui avait une mémoire limitée à 64 kibioctets.

L'exemple du framebuffer des micro-ordinateurs/console Amiga

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Pour donner un exemple d'utilisation de planar framebuffer est l'ancien ordinateur/console de jeu Amiga Commodore. L'Amiga possédait 5 bits par pixel, donc disposait de 5 mémoires distinctes, et affichait 32 couleurs différentes. L'Amiga permettait de changer le nombre de bits nécessaires à la volée. Par exemple, si un jeu n'avait besoin que de quatre couleurs, seule deux plans/mémoires étaient utilisées. En conséquence, tout était plus rapide : les écritures dedans étaient alors accélérées, car on n'écrivait que 2 bits au lieu de 5. Et la RAM utilisée était limitée : au lieu de 5 bits par pixel, on n'en utilisait que 2, ce qui laissait trois plans de libre pour rendre des effets graphiques ou tout autre tache de calcul. Tout cela se généralise avec 3, 4, voire 1 seul bit d'utilisé.

Un sixième bit était utilisé pour le rendu dans certains modes d'affichage.

  • Dans le mode Extra-Half Brite (EHB), le sixième bit indique s'il faut réduire la luminosité du pixel codé sur les 5 autres bits. S'il est mit à 1, la luminosité du pixel est divisée par deux, elle est inchangée s'il est à 0.
  • En mode double terrain de jeu, les 6 bits sont séparés en deux framebuffer de 3 bits, qui sont modifiés indépendamment les uns des autres. Le calcul de l'image finale se fait en mélangeant les deux framebuffer d'une manière assez précise qui donne un rendu particulier. Les deux framebuffer sont scrollables séparément.
  • Le mode Hold-And-Modify (HAM) interprète les 6 bits en tant que 4 bits de couleur et 2 bits de contrôle qui indiquent comment modifier la couleur du pixel final.

Le multibuffering et la synchronisation verticale

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Sur les toutes premières cartes graphiques, le framebuffer ne pouvait contenir qu'une seule image. L'ordinateur écrivait donc une image dans le framebuffer et celle-ci était envoyée à l'écran dès que possible. Cependant, écran et ordinateur n'étaient pas forcément synchronisés. Rien n’empêchait à l’ordinateur d'écrire dans le framebuffer pendant que l'image était envoyée à l'écran. Et cela peut causer des artefacts qui se voient à l'écran.

Un exemple typique est celui des traitements de texte. Lorsque le texte affiché est modifié, le traitement de texte efface l'image dans le framebuffer et recalcule la nouvelle image à afficher. Ce faisant, une image blanche peut apparaitre durant quelques millisecondes à l'écran, entre le moment où l'image précédente est effacée et le moment où la nouvelle image est disponible. Ce phénomène de flickering; d'artefacts liés à une modification de l'image pendant qu'elle est affichée, est des plus désagréables.

Le double buffering

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Pour éviter cela, on peut utiliser la technique du double buffering. L'idée derrière cette technique est de calculer une image en avance et de les mémoriser celle-ci dans le framebuffer. Mais cela demande que le framebuffer ait une taille suffisante, qu'il puisse mémoriser plusieurs images sans problèmes. Le framebuffer est alors divisé en deux portions, une par image, auxquelles nous donnerons le nom de tampons d'affichage. L'idée est de mémoriser l'image qui s'affiche à l'écran dans le premier tampon d'affichage et une image en cours de calcul dans le second. Le tampon pour l'image affichée s'appelle le tampon avant, ou encore le front buffer, alors que celui avec l'image en cours de calcul s'appelle le back buffer.

 
Double buffering

Quand l'image dans le back-buffer est complète, elle est copiée dans le front buffer pour être affichée. L'ancienne image dans le front buffer est donc éliminée au profit de la nouvelle image. Le remplacement peut se faire par une copie réelle, l'image étant copiée le premier tampon vers le second, ce qui est une opération très lente. C'est ce qui est fait quand le remplacement est réalisé par le logiciel, et non par la carte graphique elle-même. Par exemple, c'est ce qui se passait sur les très anciennes versions de Windows, pour afficher le bureau et l'interface graphique du système d'exploitation.

Mais une solution plus simple consiste à intervertir les deux tampons, le back buffer devenant le front buffer et réciproquement. Une telle interversion fait qu'on a pas besoin de copier les données de l'image. L'interversion des deux tampons peut se faire au niveau matériel.

La synchronisation verticale

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Lors de l'interversion des deux tampons, le remplacement de la première image par la seconde est très rapide. Et il peut avoir lieu pendant que l'écran affiche la première image. L'image affichée à l'écran est alors composée d'un morceau de la première image en haut, et de la seconde image en dessous. Cela produit un défaut d'affichage appelé le tearing. Plus votre ordinateur calcule d'images par secondes, plus le phénomène est exacerbé.

 
Tearing (simulé)

Pour éviter ça, on peut utiliser la synchronisation verticale, aussi appelée vsync, dont vous en avez peut-être déjà entendu parler. C'est une option présente dans les options de nombreux jeux vidéo, ainsi que dans les réglages du pilote de la carte graphique. Elle consiste à attendre que l'image dans le front buffer soit entièrement affichée avant de faire le remplacement. La synchronisation verticale fait disparaitre le tearing, mais elle a de nombreux défauts, qui s'expliquent pour deux raisons que nous allons aboder.

Rappelons que l'écran affiche une nouvelle image à intervalles réguliers. L'écran affiche un certain nombre d'images par secondes, le nombre en question étant désigné sous le terme de "fréquence de rafraîchissement". La fréquence de rafraichissement est fixe, elle est gérée par un signal périodique dans l'écran. Par contre, sans Vsync, le nombre de FPS n'est pas limité, sauf si on a activé un limiteur de FPS dans les options d'un jeu vidéo ou dans les options du driver. Avec Vsync, le nombre de FPS est limité par la fréquence de l'écran. Par exemple, si vous avez un écran 60 Hz (sa fréquence de rafraichissement est de 60 Hertz), vous ne pourrez pas dépasser les 60 FPS. Vous pourrez avoir moins, cependant, si l'ordinateur ne peut pas sortir 60 images par secondes sans problème. Un autre défaut de la Vsync est donc qu'il faut un PC assez puissant pour calculer assez de FPS.

Par contre, même avec la vsync activée, l'écran n'est pas parfaitement synchronisé avec la carte graphique. Pour comprendre pourquoi, nous allons faire une analogie avec une situation de la vie courante. Imaginez deux horloges, qui sonnent toutes les deux à midi. Les deux ont la même fréquence, à savoir qu'elles sonnent une fois toutes les 24 heures. Maintenant, cela ne signifie pas qu'elles sont synchronisées. Imaginez qu'une horloge indique 1 heure du matin pendant que l'autre indique minuit : les deux horloges sont désynchronisées, alors qu'elles ont la même fréquence. Il y a un décalage entre les deux horloges, un déphasage.

Eh bien la même chose a lieu, avec la vsync. La vsync égalise deux fréquences : la fréquence de l'écran et les FPS (la fréquence de génération d'image par la carte graphique). Par contre, les deux fréquences sont généralement déphasées, il y a un délai entre le moment où la carte graphique a rendu une image, et le moment où l'écran affiche une image. Cela n'a l'air de rien, mais cela peut se ressentir. D'où l'impression qu'ont certains joueurs de jeux vidéo que leur souris est plus lente quand ils jouent avec la synchronisation verticale activée. Le temps d'attente lié à la synchronisation verticale dépend du nombre d'images par secondes. Pour un écran qui affiche maximum 60 images par seconde, le délai ajouté par la synchronisation verticale est au maximum de 1 seconde/60 = 16.666... millisecondes.

Un autre défaut est que la synchronisation verticale entraîne des différences de timings perceptibles. Le phénomène se manifeste avec les vidéos/films encodés à 24 images par secondes qui s'affichent sur un écran à 60 Hz : l'écran affiche une image tous les 16.6666... millisecondes, alors que la vidéo veut afficher une image toutes les 41,666... millisecondes. Or, 16.666... et 41.666... n'ont pas de diviseur entier commun : une image de film d'affiche tous les 2,5 images d'écran. Concrètement, écran et film sont désynchronisés. Si cela ne pose pas trop de problèmes sans la synchronisation verticale, cela en pose avec. Une image sur deux est décalée en termes de timings avec la synchronisation verticale, ce qui donne un effet bizarre, bien que léger, lors du visionnage sur un écran d'ordinateur. Le même problème survient dans les jeux vidéos, qui ont un nombre d'images par seconde très variable. Ces différences de timings entraînent des sauts d'images quand un jeu vidéo calcule moins d'images par seconde que ce que peut accepter l'écran, ce qui donne une impression désagréable appelée le stuttering.

Pour résumer, les problèmes de la vsync sont liés à deux choses : le nombre de FPS n'est pas nécessairement synchronisé avec le rafraichissement de l'écran, et le déphasage entre ordinateur et écran se ressent.

Le triple buffering et ses dérivés

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Diverses solutions existent pour éliminer ces problèmes, et elles sont assez nombreuses. La première solution ajoute un troisième tampon d'affichage, ce qui donne la technique du triple buffering. L'utilité est de réduire le délai ajouté par la synchronisation verticale : utiliser le triple buffering sans synchronisation verticale n'a aucun sens. L'idée est que l'ordinateur peut calculer une seconde image d'avance. Ainsi, si l'écran affiche l'image n°1, une image n°2 est terminée mais en attente, et une image n°3 est en cours de calcul.

 
Triple buffering

Le délai lié à la synchronisation verticale est réduit dans le cas où les FPS sont vraiment bas comparé à la fréquence d'affichage de l'écran, par exemple si on tourne à 40 images par secondes sur un écran à 60 Hz, du fait de l'image calculée en avance. Dans le cas où les FPS sont (temporairement) plus élevés que la fréquence d'affichage de l'écran, la troisième image finit son calcul avant que la seconde soit affichée. Dans ce cas, la seconde image est affichée avant la troisième. Il n'y a pas d'image supprimée ou abandonnée, peu importe la situation.

Les améliorations de la synchronisation verticale

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La technologie Fast Sync sur les cartes graphiques NVIDIA est une amélioration du triple buffering, qui se préoccupe du cas où les FPS sont (temporairement) plus élevés que la fréquence d'affichage de l'écran. Dans ce cas, avec le triple buffering simple, aucune image n'est abandonnée : on a deux images en attente, dont l'une est plus récente que l'autre. La technologie fast sync élimine la première image en attente et de la remplacer par la seconde, plus récente. L'avantage est que le délai d'affichage d'une image est réduit, le temps d'attente lié à la synchronisation verticale étant réduit au strict minimum.

Une autre solution est la synchronisation verticale adaptative, qui consiste à désactiver la synchronisation verticale quand le nombre d'images par seconde descend sous la fréquence de rafraîchissement de l'écran. Le principe est simple, mais il s'agit pourtant d'une technologie assez récente, introduite en 2016 sur les cartes NVIDIA. Notons qu'on peut combiner cette technologie avec la technologie fast sync : cette dernière fonctionne quand les FPS dépassent la fréquence de rafraîchissement de l'écran, alors que la vsync adaptative fonctionne quand les FPS sont trop bas. C'est utile si les FPS sont très variables.

Une dernière possibilité est d'utiliser des technologies qui permettent à l'écran et la carte graphique d'utiliser une fréquence de rafraîchissement variable. La fréquence de rafraîchissement de l'écran s'adapte en temps réel à celle de la carte graphique. En clair, l'écran démarre l'affichage d'une nouvelle image quand la carte graphique le lui demande, pas à intervalle régulier. Évidemment, l'écran a une limite physique et ne peut pas toujours suivre la carte graphique. Dans ce cas, la carte graphique limite les FPS au maximum de ce que peut l'écran. Les premières technologies de ce type étaient le Gsync de NVIDIA et le Free Sync d'AMD, qui ont été suivies par les standards AdaptiveSync et MediaSync.

Les accès concurrents au framebuffer

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Sur les anciens micro-ordinateurs et les anciennes consoles de jeu, la mémoire vidéo était soudée sur la carte mère, à côté du processeur, des circuits vidéos, des circuits audio, etc. Le processeur a sa propre mémoire RAM, séparée de la mémoire vidéo. Tous les systèmes ne fonctionnaient pas ainsi, certains avaient une seule mémoire qui servait à la fois de mémoire vidéo et de mémoire RAM pour le CPU, mais les explications qui vont suivre marchent aussi pour ce genre de systèmes.

Le processeur a accès à la mémoire vidéo. Il peut y écrire les sprites, l'arrière-plan, l'image à afficher, ou bien d'autres choses. La carte d'affichage ou les autres circuits vidéos accèdent eux à la mémoire vidéo pour récupérer les pixels à afficher à l'écran. Le processeur comme la carte d'affichage lisent et écrivent dedans, avec cependant une spécificité : le processeur accède à la mémoire vidéo principalement en écriture, alors que la carte d'affichage y accède surtout en lecture. Et il faut éviter que les deux se marchent sur les pieds ! Diverses optimisations visent à faciliter l'accès à la mémoire par deux composants, ici le processeur et la carte d'affichage. Voyons lesquelles.

Les mémoires vidéo double port

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Sur les premières consoles de jeu et les premières cartes graphiques, le framebuffer était mémorisé dans une mémoire vidéo spécialisée appelée une mémoire vidéo double port. Par double port, on veut dire qu'elles avaient deux entrée-sorties sur lesquelles on pouvait lire ou écrire leur contenu simultanément.

Le premier port était connecté au processeur ou à la carte graphique, alors que le second port était connecté à un écran CRT. Aussi, nous appellerons ces deux port le port CPU/GPU et l'autre sera appelé le port CRT. Le premier port était utilisé pour enregistrer l'image à calculer et faire les calculs, alors que le second port était utilisé pour envoyer à l'écran l'image à afficher. Le port CPU/GPU est tout ce qu'il y a de plus normal : on peut lire ou écrire des données, en précisant l'adresse mémoire de la donnée, rien de compliqué. Le port CRT est assez original : il permet d'envoyer un paquet de données bit par bit.

De telles mémoires étaient des mémoires dont le support de stockage était organisé en ligne et colonnes. Une ligne à l'intérieur de la mémoire correspond à une ligne de pixel à l'écran, ce qui se marie bien avec le fait que les anciens écrans CRT affichaient les images ligne par ligne. L'envoi d'une ligne à l'écran se fait bit par bit, sur un câble assez simple comme un câble VGA ou autre. Le second port permettait de faire cela automatiquement, en permettant de lire une ligne bit par bit, les bits étant envoyés l'un après l'autre automatiquement.

Pour cela, les mémoires vidéo double port incorporaient un registre capable de stocker une ligne entière. Le registre en question était un registre à décalage, à savoir un registre dont le contenu est décalé d'un rang à chaque cycle d'horloge. Le bit sortant est récupéré sur une sortie du registre, sortie qui était directement connectée au port CRT. Lors de l'accès au second port, la carte graphique fournissait un numéro de ligne et la ligne était chargée dans le tampon de ligne associé à l'écran. La carte graphique envoyait un signal d'horloge de même fréquence que l'écran, qui commandait le tampon de ligne à décalage : un bit sortait à chaque cycle d'écran et les bits étaient envoyé dans le bon ordre.

Le multiplexage temporel des accès mémoire

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Les mémoires double port n'étaient pas si rares, mais elles n'étaient pas la solution la plus utilisée. La majorité des micro-ordinateurs et consoles utilisaient une mémoire vidéo normale, simple port, bien plus courante et bien moins chère. Mais il ajoutaient de circuits annexes ou utilisaient des ruses pour éviter que le processeur et la carte d'affichage se marchent sur les pieds. L'idée est de garantir que le processeur et la carte d'affichage n'accèdent pas à la mémoire en même temps. On parle de multiplexage temporel.

Un première mise en œuvre fait en sorte que la moitié des cycles d'horloge de la mémoire soit réservé au processeur, l'autre à la carte d'affichage. En clair, on change d’utilisateur à chaque cycle : si un cycle est attribué au processeur, le suivant l'est à la carte d'affichage. L'implémentation la plus simple utilise une mémoire qui va à une fréquence double de celle du processeur et de la carte d'affichage, les deux étant cadencés à la même fréquence. Un exemple est celui du micro-ordinateur BBC Micro, qui avait une fréquence de 4 MHz avec un processeur à 2 MHz et une carte d'affichage de 2 MHz lui aussi. Les fréquences du CPU et de la carte d'affichage étaient décalées d'une moitié de cycle, ce qui fait que leurs cycles correspondaient à des cycles mémoire différents. Le défaut est que cette technique demande une RAM très rapide, ce qui est un un gros problème.

Une autre solution laissait le processeur accéder en permanence à la mémoire vidéo. La carte d'affichage ne peut pas accéder à la mémoire vidéo quand le CPU écrit dedans, car des circuits annexes désactivent la carte d'affichage quand le processeur écrit dedans. Le micro-ordinateur TRS-80 faisait ainsi. Un défaut de cette méthode est qu'elle cause des artefacts graphiques à l'écran. Des pixels ne sont pas affichés et des écritures processeur trop longues peuvent causer des lignes noires à l'écran.

Enfin, une autre solution utilisait les mécanismes d'arbitrage du bus, qui gèrent les accès concurrents sur un bus. Le processeur et la mémoire sont reliés à la mémoire par le même ensemble de fils, et non par des ports séparés. La carte d'affichage et la mémoire envoient des demandes d'accès mémoire sur le bus, et elles sont ou non acceptées selon l'état de la mémoire. La carte d'affichage a la priorité, ce qui fait que si le processeur lance une demande d'accès à la mémoire pendant que la carte d'affichage y accède, le bus lui envoie un signal indiquant que le bus est occupé. Le processeur se met en attente tant que ce signal est à 1.

L'utilisation de la synchronisation verticale et des périodes de blanking

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Une autre idée part du principe que l'affichage d'une image se fait à fréquence régulière. La carte d'affichage accède à la mémoire vidéo durant un certain temps pour envoyer l'image à l'écran, mais la laisse libre le reste du temps. Par exemple, sur un écran à 60 Hz, avec une image accédée toute les 16.66666 millisecondes, la carte d'affichage accède à la RAM vidéo pendant 5 à 10 millisecondes, le reste du temps est laissé au processeur.

De même, il y a un certain temps de libre entre l'affichage de deux lignes, le temps que le canon à électron du CRT se repositionne au début de la ligne suivante. Cela laissait un petit peu de temps au processeur pour changer la configuration de la carte graphique, par exemple pour changer la palette de couleur, changer des sprites, écrire dans la mémoire vidéo, ou tout autre chose. Le tout est très utile pour rendre certains effets graphiques.

Si le processeur sait quand la carte d'affichage affiche une image/ligne à l'écran, il sait quand la mémoire est libre et peut alors accéder à la mémoire vidéo. Reste à indiquer au processeur que la carte d'affichage n'utilise pas la mémoire vidéo. Une solution assez simple utilisait un registre de statut dans la carte d'affichage, qui indiquait si la carte d'affichage affichait une ligne ou non. Avant d’accéder à la mémoire vidéo, le processeur vérifiait ce registre pour savoir si la carte d'affichage faisait quelque chose. Si c'est le cas, il lui laisse la mémoire vidéo. Sinon, le processeur accédait à la mémoire vidéo.

Une autre mise en œuvre utilise une fonctionnalité du processeur appelée les interruptions. Pour rappel, les interruptions sont des fonctionnalités du processeur, qui interrompent temporairement l’exécution d'un programme pour réagir à un événement extérieur (matériel, erreur fatale d’exécution d'un programme…). Lors d'une interruption, le processeur suit la procédure suivante :

  • arrête l'exécution du programme en cours et sauvegarde l'état du processeur (registres et program counter) ;
  • exécute un petit programme nommé routine d'interruption ;
  • restaure l'état du programme sauvegardé afin de reprendre l'exécution de son programme là ou il en était.
 
Interruption processeur

Les interruptions matérielles, aussi appelées IRQ, sont des interruptions déclenchées par un périphérique et ce sont celles qui vont nous intéresser dans ce qui suit. Les IRQ qui nous intéressent sont générées par la carte graphique quand c'est nécessaire. Pour que la carte graphique puisse déclencher une interruption sur le processeur, on a juste besoin de la connecter à une entrée sur le processeur, appelée l'entrée d'interruption, souvent notée INTR ou INT. Lorsque la carte graphique envoie un 1 dessus, le processeur passe en mode interruption.

Si vous avez déjà lu un cours d'architecture des ordinateurs, vous savez sans doute que les choses sont assez compliquées, qu'un ordinateur moderne contient un contrôleur d'interruption pour gérer les interruptions de plusieurs périphériques, mais nous n'avons pas besoin de parler de tout cela ici. Nous avons juste besoin de voir le cas simple où la carte graphique est connectée directement sur le processeur.

Les cartes graphiques d'antan géraient deux types d'interruptions, qui sont regroupées sous le terme de Raster Interrupt. Grâce à ces interruptions, le processeur sait quand la mémoire vidéo est libre.

  • La première indiquait que la carte graphique a fini d'afficher une image. Elle s'appelle la Vertical blank interrupt (VBI). Elle servait à implémenter la synchronisation verticale.
  • Le second type est l'horizontal blank interrupt, qui indique que l'écran a fini d'afficher une ligne à l'écran, et donc que la mémoire vidéo est libre le temps que le canon à l'électron se mette en place.

La Vertical blank interrupt elle était parfois utilisée pour d'autres choses qui n'ont rien à voir avec l'écran ou le rôle d'une carte graphique. Par exemple, sur les anciens ordinateurs qui ne disposaient pas de timers sur la carte mère, la VBI était utilisée pour timer les échanges avec le clavier et la souris. A chaque VBI, la routine d'interruption vérifiait si le clavier ou la souris avaient envoyé quelque chose à l'ordinateur.

L'horizontal blank interrupt était utilisée pour changer les sprites d'une image ou les repositionner, afin de donner l'illusion que le matériel supporte pus de sprites que prévu. Les programmeurs utilisaient ce genre de ruses pour afficher plus de sprites à l'écran que ne peut en supporter la console. En changeant la position d'un sprite au bon moment, on peut dupliquer ce sprite sur l'image finale. Il est aussi possible de changer la couleur de l'arrière-plan à partir d'une certaine ligne. Et bien d'autres effets graphiques sont rendus possibles grâce à cela.

L'usage de tampons de synchronisation FIFO

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Une dernière solution est l'usage de mémoires tampon entre le processeur et la mémoire vidéo. Le processeur n'écrivait pas directement dans la mémoire vidéo, mais dans une mémoire intermédiaire. La mémoire intermédiaire est une mémoire FIFO, à savoir qu'elle mémorise les données à écrire et leur adresse dans leur ordre d'arrivée. Elle sert à mettre en attente les accès mémoire du processeur tant que la mémoire vidéo est occupée.

Ainsi, si la mémoire vidéo est libre, le processeur peut écrire directement dans la mémoire vidéo, sans intermédiaire. Mais si la carte d'affichage accède à la mémoire vidéo, les écritures du processeur sont mises en attente dans la mémoire FIFO. Elles s'accumulent tant que la mémoire vidéo est occupée, elles sont conservées dans l'ordre d'envoi par le processeur. Dès que la mémoire vidéo se libère, les données présentes dans la FIFO sont écrites dans la mémoire vidéo, au rythme d'une écriture par cycle d'horloge de la VRAM : la mémoire FIFO se vide progressivement.

Si la mémoire FIFO est pleine, elle prévient le processeur en lui envoyant un bit/signal, et le processeur agit en conséquence en cessant les écritures et en se mettant en pause.

 
FIFO d'écriture en mémoire vidéo

Sur les cartes d'affichage, le processeur n'adresse pas la mémoire vidéo directement. A la place, le processeur envoie des données sur le bus, sur le connecteur de la carte d'affichage. La carte d'affichage récupère les données transmises sur le bus et les mets en attente dans une mémoire FIFO assez similaire. Elle les écrit en mémoire vidéo si besoin quand elle est libre. En conséquence, les cartes graphiques modernes n'ont pas besoin de raster interrupts, qui étaient utilisées sur les premiers PC ou les premières consoles. A la place, c'est la carte graphique qui s'occupe de tout, et notamment son circuit de contrôle qui gère la mémoire vidéo. D'ailleurs, c'est ce circuit de contrôle qui gère la synchronisation verticale, pas le processeur, pas besoin de vertical blanking interrupt.