Le noyau atomique/Le modèle en couche du noyau

Il est maintenant temps de voir les derniers modèles abordés dans ce cours : ceux des couches nucléaires et du gaz de Fermi. Tout deux se basent sur les mêmes hypothèses, que nous développerons par la suite. Les hypothèses en question sont la quantification de l'énergie et le principe d'exclusion de Pauli. Les théories a base de couches nucléaires ont clairement de bons résultats empiriques : elles expliquent l'existence des nombres magiques, ainsi que la stabilité des noyaux avec un nombre égal de protons et de neutrons. Mais les hypothèses de ce modèle font qu'il a des limites. En premier lieu, il marche très bien pour les noyaux avec un nombre de masse petit, mais donne de mauvais résultats pour les gros noyaux.

La quantification de l'énergie

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Potentiel de Woods-Saxon.

Premièrement, ces modèles considèrent que le potentiel nucléaire est constant dans tout le noyau, sauf éventuellement en périphérie où il diminue très rapidement avec la distance. Ce sont donc des théories dites de champ moyen, où le vrai potentiel nucléaire (très variable selon la position des nucléons dans le noyau) est simplement remplacé par sa moyenne en tout point du noyau. La formule suivante, celle de Saxon-Woods, permet de calculer ce potentiel, en posant :

  •   le potentiel et   est le potentiel au centre du noyau ;
  •   est la distance par rapport au centre du noyau ;
  •   est le rayon du noyau, dans la partie où le potentiel est constant ;
  •   est la longueur sur laquelle le potentiel chute rapidement en périphérie.
 

En clair, chaque nucléon est donc bloqué dans un puits de potentiel de la même manière que dans le modèle de Gamow de la radioactivité alpha. Sauf que cette fois-ci, le modèle prend en compte la physique quantique pour décrire des nucléons individuels. Celle-ci nous dit que l'énergie d'une particule dans un puits de potentiel ne peut pas prendre toutes les valeurs possibles : elle évolue par paliers, chaque palier correspondant à une valeur bien précise de la longueur d'onde de la particule. La formalisation mathématique de ce raisonnement (la résolution de l'équation de Schrödinger dans un potentiel sphérique de Saxon-Woods) donne des niveaux d'énergie bien précis pour les nucléons du noyau.

Néanmoins, comme nous l'avons vu dans le chapitre sur l'interaction nucléaire, les potentiels centraux ne permettent pas de décrire correctement l'interaction nucléaire. Il faut leur ajouter une composante tensorielle, ainsi qu'un couplage spin-orbite. Si l'on peut négliger la composante tensorielle, en première approximation, ce n'est pas le cas de la composante spin-orbite. L'interaction nucléaire dépend si fortement des spins des nucléons que l'on doit la prendre en compte dans un modèle complet. Le potentiel s'écrit donc :

 , avec   le moment cinétique orbital d'un nucléon et   le spin du nucléon. Le terme   est une fonction des coordonnées dans le noyau.

Le principe d'exclusion de Pauli

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Ensuite, l'état d'une particule est définie par plusieurs nombres quantiques, qui permettent de décrire totalement l'état de la particule : l'énergie de la particule et son spin en sont de bons exemples. Dans un atome ou un noyau, deux particules ne peuvent pas avoir les mêmes nombres quantiques : elles doivent avoir au moins un nombre quantique de différent. Dit autrement, si deux particules ont la même énergie (ou le même spin, le même moment angulaire), alors elles doivent avoir un de leur nombre quantique différent. C'est ce qu'on appelle le principe d'exclusion de Pauli.

Ainsi, il est possible que plusieurs nucléons aient la même énergie dans le noyau. Il suffit qu'ils aient des spins, des charges électriques ou des moments angulaires différents. Conceptuellement, tout ce passe comme si les nucléons étaient répartis sur différents niveaux d'énergie, niveaux qui acceptent un nombre limité de particules. Mais attention : le nombre de particules acceptée dépend du niveau : le premier niveau ne peut accepter que deux particules, le second en accepte 6, etc. Ces niveaux d'énergie sont aussi appelées des couches nucléaire.

Un noyau cherche à minimiser à tout prix son énergie. Pour cela, il tente de remplir les couches les plus basses, celles avec l'énergie la plus faible. Ainsi, les noyaux les plus stables sont ceux pour lesquels les couches les plus basses sont totalement remplies, les couches supérieures étant vides. Si une couche est partiellement remplie, le noyau ne sera pas aussi stable qu'un noyau avec des couches soit totalement vides soit pleines. Cela permet d'expliquer l'existence des nombres magiques : en tenant compte de la capacité des couches calculée par la théorie, on trouve que les noyaux dont le nombre de protons/neutrons est un nombre magique ont des couches totalement remplies.

Du fait de leur charge, un proton et un neutron peuvent tout deux appartenir à la même couche. Si on prend en compte les autres nombres quantiques (qui sont les communs aux deux particules), on devine que chaque couche contient un nombre égal de protons et de neutrons. Cela permet d'expliquer pourquoi les noyaux les plus stables ont tendance à avoir le même nombre de protons et de neutrons : cela permet de remplir totalement les couches nucléaires. Si jamais il y a un excès de neutrons ou de protons, cet excès sera relégué dans une couche supérieure et aura donc un plus d'énergie que s'il était dans la couche du dessous. En se désintégrant dans l'autre type de nucléon, cet excès passera dans la couche inférieure en diminuera son énergie : le noyau devient alors plus stable.