La Grande Chasse aux sorcières, du Moyen Âge aux Temps modernes/Sociologie de la sorcellerie et étude géographique

Sociologie des sorcières modifier

Si à cause de l’absence de dénominateurs communs, il est difficile de dégager un profil précis et constant de la sorcière, il est possible de le décrire approximativement. En général, les accusés sont des femmes, de vieilles femmes, surtout des veuves. Cependant, là où l’idée de complot satanique pénètre difficilement, les hommes sont nombreux au banc des accusés, car traditionnellement ce sont eux les chamans et les magiciens.

Nous avons vu que les accusations mûrissent longtemps avant un procès et les suspects vieillissent. Cependant, les sorcières doivent aussi pouvoir séduire et pervertir. Il faut donc qu’elles aient certains appas. C’est pourquoi de jeunes femmes célibataires sont accusées. Sans mari, une femme peut s’abandonner au Mal dont on la croit déjà proche. Pire encore, les veuves peuvent être victimes de leur libido puisqu’elles connaissent les plaisirs de la chair. Il ne faut pas pour autant oublier que des personnes de tous âges (10 à 100 ans) sont condamnées. Pour ce qui est de leur classe sociale, leur profession, ou leur comportement, on ne note pas de traits particuliers. Les accusés exercent toutes les professions. Ils sont rarement prospères, si on excepte les affaires de dénonciations ou les procès essentiellement politiques, mais ne vivent pas dans la précarité. Les guérisseurs, médecins et sages-femmes, côtoyant très souvent la maladie et la mort et manipulant des produits étranges, sont souvent accusés. Du côté de leur comportement, malgré ce que Freud déclare sur la psychologie des sorcières, il n’apparaît de pathologies d’ordre psychologique que dans certains cas de possession et non à l’occasion de procès de sorcellerie. Soumis à un examen minutieux, leur aspect comme leur comportement est toujours remis en question, mais ils ne semblent en rien différer de ceux des autres membres de la communauté. La population étant essentiellement rurale à cette époque, les accusés viennent le plus souvent des campagnes, mais cela s’explique aussi parce que le maléfice (faire mourir le bétail, faire grêler…) est une forme de sorcellerie qui y est plus utilisée. Avec la diabolisation de la sorcellerie sont apparus les sorcières citadines accusées de « semer la peste ».

Ce portrait sociologique mérite d’être nuancé par l’analyse de particularités régionales.

La géographie du phénomène modifier

La sorcellerie de premier type concerne presque tous les pays d’Europe. Les pays christianisés en dernier connaissent encore un paganisme vivace. Le recours au portrait-robot intervient à ce moment. Les premiers suspects qui semblent y correspondre sont jugés en Suisse, puis en Savoie, ensuite en France. Du bassin lémanique, le portrait remonte le cours du Rhin. L’idée du complot diabolique a beaucoup de succès en Allemagne. Remontant toujours, il rencontre par contre une forte résistance dans les pays scandinaves qui restent fidèles à la sorcellerie de premier type. Parallèlement à cette progression, il essaime également le reste de l’Europe, s’étend sur toute l’Europe continentale, l’actuelle Angleterre, l’Écosse et la Nouvelle-Angleterre.

Chaque région connaît ses particularités. Par exemple, la sorcellerie anglaise est une sorcellerie à part. L’idée du sabbat ou du pacte avec le Diable n’est que rarement invoquée dans les procès.

Sans entrer dans les détails, on peut retenir que l’Europe continentale est aussi assez hermétique au diabolisme et que les pays d’Europe du Sud se montrent modérés dans leur répression de la sorcellerie.

Concernant l’intensité de la Chasse, il est singulier de constater que les pays qui connaissent les chasses les plus longues et violentes ont un climat continental avec de grands écarts de température entre été et hiver et sont aussi plus sensibles au portrait-robot de la sorcière diabolique.