La Grande Chasse aux sorcières, du Moyen Âge aux Temps modernes/La fin des bûchers

La montée des doutes et des résistances

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L’Église, même si elle n’est pas innocente, joue un rôle modérateur. La doctrine défendue par le Haut-Clergé reste dans la ligne du Canon Episcopi affirmant que les sorcières font des rêves coupables. Certains clercs restent toujours fidèles à cette ligne, d’autres dérivent dans les fantasmagories du « Malleus ». Pourtant, des voix raisonnables se font entendre dès la seconde moitié du XVIe siècle, prenant en compte le rôle des problèmes de voisinage ou celles des médecins considérant les sorcières comme des malades. Mais ces voix sont rapidement submergées par celles des juristes et des démonologues qui permettent à la chasse de durer. Des procès de plus en plus scandaleux finissent par rallier la majorité de l’élite intellectuelle aux sceptiques. L’imagerie diabolique et la peur irraisonnée imposées déjà avec peine au peuple finissent par se dissiper. Les mentalités changent profondément pour permettre l’intervention des pouvoirs centraux. Finalement, les pouvoirs publics centralisés réussissent à imposer la fin des poursuites lorsque la population se rend compte qu’il y a eu trop de passion et de sang. Ainsi la France, très centralisée, les abolit rapidement alors que l’Allemagne, où les tensions entre catholiques et protestants restent vives, ne le fait que tardivement.

Les possessions scandaleuses et la réponse des pouvoirs publics

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À l’instar de la sorcellerie, la possession est un phénomène qui traverse les époques. Une recrudescence des possessions annonce la fin des poursuites pour sorcellerie. À la suite de cas devenus très célèbres et documentés par les démonologues, un grand nombre de jeunes filles influencées par la nouvelle conception de l’Enfer et le climat de haine religieuse qui règne entre catholiques et protestants, se disent possédées et dénoncent les responsables qui sont traduits en justice. Certains cas sont impressionnants, des jeunes filles se contorsionnent, jurent, etc. Le nombre de démons censé les habiter s’accroît à chaque cas et devient extravagant. Devenues des centres d’intérêt, tous prêtent attention à leurs accusations. Le cas le plus célèbre (Salem, 1692) où les filles du pasteur Parris se disent possédées et accusent la gouvernante ramenée des Caraïbes d’être responsable. Mais comme à Salem, les possédées dénoncent d’autres personnes qu’elles savent être des sorcières. Ces dénonciations multiples finissent par remonter trop haut dans l’échelle sociale (famille du gouverneur du Massachusetts, pour Salem) et les pouvoirs publics font stopper les poursuites.

Conséquences de la Chasse aux sorcières

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Si on considère que la société avait besoin à ce moment de boucs émissaires pour exorciser toute la pression occasionnée par les mauvaises récoltes, la réforme, la contre-réforme, la guerre de Trente Ans, le fossé qui se creusait entre le peuple et ses élites, alors on peut penser que la Grande Chasse a rempli son office. Le siècle des Lumières éclot dans une certaine mesure en réaction à la Chasse et les élites intellectuelles se réconcilient avec la population pour qu’éclate ensuite la Révolution française. Comme nous l’avons vu, le droit a évolué parallèlement à la Chasse. Le pouvoir central s’est renforcé pour unifier les codes et les règlements. L’histoire des idées retiendra sans doute les transformations de l’image du Diable, les changements opérés sur l’image de la sorcière, même si elle n’est plus diabolique aujourd’hui, mais aussi ceux qu’a subis l’image de la femme. Même s’il est délicat de mettre en évidence des relations de causes à effets directs, la Grande Chasse aux sorcières qui a éclaté dans toute sa puissance au seuil des Temps modernes s’insère indiscutablement dans l’évolution de notre société.