Cosmologie/L'évolution des perturbations avant le découplage

Dans ce chapitre, nous allons utiliser la décomposition en séries de Fourier du champ de densité. Celle-ci décrit le champ de densité comme la somme/intégrale d'une infinité d'ondes périodiques simples. Si on note chaque onde élémentaire , le théorème de Fourier nous donne l'équation suivante :

, avec le vecteur d'onde, un vecteur de norme .

On peut alors combiner cette équation avec l'équation suivante, dérivée il y a quelques chapitres :

On peut combiner les deux équations. Le résultat, très difficile à obtenir, est pourtant surprenamment simple :

L'équation différentielle précédente ressemble formellement à une équation d'oscillateur harmonique amorti. On rappelle qu'un oscillateur harmonique est un système soumis à une force de rappel proportionnelle à la distance : . La force de rappel est ici la somme de la pression et de la gravité, qui poussent le système à osciller de manière périodique. Pour obtenir un système amorti, il faut ajouter un terme de friction, qui tend à réduire l'amplitude des oscillations au fil du temps. Ici, la force de friction est le poids des baryons, qui force le système à se compresser. La forme générale d'une équation d’oscillateur harmonique est la suivante :

On voit que les deux équations précédentes sont identiques si on pose : , et .

Les solutions de cette équation sont de la forme :

, avec et les solutions de l'équation du second degré .

Le comportement de la solution dépend selon la valeur des racines. On distingue trois cas, qui sont décrits dans le tableau ci-dessous.

Discriminant Interprétation dans l'équation du fluide cosmologique
Cas périodique amorti Le discriminant de l'équation du second degré est positif. La pression et la gravité se compensent l'une l'autre.
Cas apériodique Le discriminant de l'équation du second degré est négatif. La pression est plus forte que la gravité.
Cas critique Le discriminant de l'équation du second degré est nul. La gravité est plus forte que la pression.

Nous allons voir chaque cas l'un après l'autre.

Le cas stable : la distance de Jeans

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Lorsque la pression est égale à la gravité, on a :

 

Cette équation dit simplement que la perturbation est stable : elle s'accentue au même rythme que l'expansion la dilue (terme d’entraînement de Hubble). En clair : la perturbation est stable et ne change pas. Mais rappelons-le, cela n'arrive que pour une longueur d'onde précise, appelée rayon de Jeans. Cette longueur d'onde donne la taille de la surdensité pour laquelle la perturbation se stabilise. Cela fonctionne pour les perturbations sphériques, même si elles ne sont pas périodiques (la magie des fonctions de Fourier...).

Le rayon de Jeans

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Le rayon de Jeans se calcule comme suit :

 

On utilise alors l'équation   :

 

On développe le carré :

 

Simplifions par   :

 

Prenons l'inverse de l'équation précédente :

 

Prenons la racine carrée :

 

Simplifions :

 


Démonstration

On peut donner une autre démonstration du rayon de Jeans. Pour cela, imaginons une surdensité sphérique et homogène de rayon   et de masse  . Et prenons le cas où il n'y a aucune force de pression. Toute surdensité va alors s'effondrer sur elle-même en mettant un certain temps, que l'on va appeler temps d'effondrement. Les équations de la physique classique disent que ce temps est proportionnel à :

 

Maintenant, ajoutons les forces de pression, dont on suppose qu'elles contrecarrent totalement la gravité. La transmission des forces de pression se fait à la même vitesse que le son. Une surdensité ne peut pas s'effondrer si le temps d'effondrement est égal au temps que met la pression pour parcourir la surdensité. Dit autrement, une surdensité s'effondre sur elle-même si :

 

Pour une surdensité de rayon   et une vitesse   pour la pression, le temps de parcours vaut :

 

En combinant les deux équations précédentes, on a:

 

On peut alors calculer le rayon R, appelé rayon de Jeans. Celui-ci est simplement le rayon au-delà duquel la surdensité ne peut pas s'effondrer sur elle-même.

 

L'évolution du rayon de Jeans avant et après le découplage

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Les calculs précédents nous disent que le rayon de Jeans dépend de la vitesse du son. Or, rappelez-vous que la vitesse du son dépend du rapport  . La relation exacte est la suivante :

 

Avant le découplage, le rapport R vaut 1, et ce durant toute la période avant le découplage. La vitesse du son est constante et le rayon de Jeans fait de même.

Mais après le découplage, le rapport R diminue progressivement et la vitesse du son évolue comme ceci :

 

Cela impacte le rayon de Jeans, qui évolue avec le facteur d'échelle et donc avec l'expansion. Celui-ci se calcule alors comme suit :

 

Ou encore :

 

Ce qui se simplifie en :

 

On voit que le rayon de Jeans diminue avec l'expansion.

Le cas où G > P : la croissance/décroissance infinie

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Prenons maintenant une perturbation dont la taille est supérieure à la longueur de Jeans, où la gravité l'emporte sur la pression. Il n'y a qu'une seule solution à cette équation différentielle, qui est de la forme :

 

On voit que cette solution est la somme de deux solutions particulières :

  • la première est une fonction  , strictement croissante ;
  • la seconde est une fonction  , strictement décroissante.

Dit autrement, toute structure d'une taille supérieure au rayon de Jeans va soit s'effondrer sur elle-même sous l'effet de sa propre gravité, soit gonfler à cause de l'expansion.

Le cas où P < G : les oscillations acoustiques de baryons

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Une perturbation dont la taille est inférieure au rayon de Jeans correspond au cas amorti. Dans celui-ci, la solution de l'équation est une fonction d'onde de la forme :

 
 
Illustration de l’oscillation de densité - équation d'un oscillateur harmonique amorti.

L'équation n'a que des solutions ondulatoires dont l'amplitude diminue au cours du temps. Dit autrement, la perturbation pulse, elle grossit avant de dégonfler et ainsi de suite, indéfiniment. On peut interpréter cette solution physiquement comme suit. Sous l'effet de la gravité, de petites zones de surdensités vont se former et vont se contracter sous l'effet de la gravité. Cette contraction va réchauffer la matière dans la zone de surdensité, ce qui en augmentera la pression de radiation (on néglige totalement la pression de la matière baryonique). Cette pression luttera contre la force de gravité, forçant la surdensité à gonfler et à se dilater. Cette dilatation fait chuter sa température, et sa pression fait alors de même. La gravité reprend alors ses droits, en devenant plus forte que la pression, et un nouveau cycle commence.

Ce gonflement/dégonflement périodique de la surdensité va retentir sur son environnement : elle va former des ondes de compression/décompression qui se propagent dans le plasma primordial. Ces ondes ne sont autres que des ondes sonores ! En clair : l'évolution des inhomogénéités cause des ondes sonores primordiales, aussi appelées oscillations acoustiques de baryons.

Lors du découplage, ces ondes sonores se sont figées, les photons n'agissant plus sur la matière. La pression de radiation reste la même, mais celle-ci influence relativement peu la matière, laissant la gravité faire son travail. Ne pouvant plus contrecarrer la gravité, la pression de radiation cesse de donner naissance aux oscillations acoustiques de baryons. Les zones de surdensité cessent d’osciller et s'effondrent sur elles-mêmes, donnant naissance à diverses structures : de futures galaxies pour les surdensités de grande échelle, notamment. Cependant, on trouve encore une trace des oscillations acoustiques de baryons dans le fond diffus cosmologique. On verra que ces oscillations acoustiques de baryons ont laissé de petites perturbations de température dans le fond diffus. Nous en reparlerons dans le prochain chapitre.