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Étymologie de la langue française

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Les origines du vocabulaire

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L'essentiel du vocabulaire des langues indo-européennes provient de racines indo-européennes au travers du latin, du germanique ou du grec pour l'Occident, du slave pour l'Est et du nordique pour la Suède et la Norvège.

Pour la langue française, la source principale est le latin, soit par évolution spontanée (langue populaire) soit par construction explicite (langue savante). Par exemple, le mot latin « prisonnier » (captivus) donne chétif dans la langue populaire et captif en langue savante.

Une autre source importante d'un vocabulaire est l'emprunt à d'autres langues au travers, pour l'essentiel, du commerce et des guerres. Pour la langue française, ce furent le francique à l'époque des grandes invasions barbares, l'arabe au Moyen Âge, l'italien à la Renaissance, les langues d'Amérique du Sud lors de la découverte du Nouveau Monde et plus récemment l'anglais. Selon une étude de 1991, environ 13 % des mots (soit 8 000) parmi les 60 000 mots que comporte un dictionnaire usuel, sont d'origine étrangère ; en retirant les mots savants ou archaïques, on obtenait 4 200 mots empruntés sur 35 000, soit 12 %[1]. Sur ces 4 200 mots, 1 053 sont anglais (25 %), 698 italiens (16,6 %), 544 proto-germaniques (13 %), 481 des anciennes langues gallo-romanes (11,4 %), 215 arabes (5,1 %), 164 allemands (3,9 %), 160 proto-celtiques (3,8 %), 159 espagnols (3,8 %), 153 néerlandais (3,6 %), 112 persans et sanskrits (2,6 %), 101 des langues amérindiennes (2,4 %), 89 de diverses langues asiatiques orientales (dont le chinois ou le japonais) (2,1 %), 56 de diverses langues chamito-sémitiques (1,3 %), 55 de langues slaves ou baltes (1,3 %) et 144 d'autres langues diverses (3,4 %).

Origines des mots empruntés en français courant
Langue(s) ou famille de langues Nombre de mots Pourcentage de mots parmi les 4 200 Pourcentage total de mots parmi les 35 000
Anglais 1053 25 % 3 %
Italien 698 16,6 % 2 %
Proto-germanique 544 13 % 1,55 %
Langues gallo-romanes 481 11,4 % 1,37 %
Arabe 215 5,1 % 0,6 %
Allemand 164 3,9 % 0,47 %
Proto-celtique 160 3,8 % 0,46 %
Espagnol 159 3,8 % 0,454 %
Néerlandais 153 3,6 % 0,437 %
Persan et sanskrit 112 2,6 % 0,32 %
Langues amérindiennes 101 2,4 % 0,29 %
Diverses langues asiatiques orientales 89 2,1 % 0,254 %
Diverses langues chamito-sémitiques 56 1,3 % 0,16 %
Langues slaves ou baltes 55 1,3 % 0,157
Autres langues diverses 144 3,4 % 0,41 %

L'anglais a aussi beaucoup emprunté à la langue française au Moyen Âge. En effet, après sa victoire, Guillaume le Conquérant impose le normand comme langue de la cour – qui évolue en français anglo-normand – entraînant de nombreux emprunts. Ces emprunts doublonnent souvent avec des mots de radical germanique : le peuple emploie le mot d'origine germanique alors que les nobles utilisent le terme français. Par exemple, de nos jours encore, on différencie ox (d'origine germanique), le bœuf élevé par les paysans, et beef (de l'ancien français buef, aujourd'hui bœuf), ce même animal dans les plats de la noblesse. Quant au tunnel, il s'agit du mot d'ancien français tonnelle, emprunté par les Anglais puis restitué avec un autre sens lors de l'apparition du chemin de fer. Avant le chemin de fer, il y avait déjà des tunnels en France, mais on les appelait galeries, mot conservé en italien moderne (galleria).

Les autres sources notables sont l'emploi de noms propres comme noms communs (poubelle, barème, etc.), de sigles (laser, sida, radar, etc.), d'onomatopées (boum, croasser, etc.).

Enfin, quelques mots constituent des créations tout à fait conscientes et circonstanciées (ordinateur, bikini, monokini, etc.).

L'évolution et la disparition des mots

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Dans une langue vivante, les mots peuvent évoluer :

  • de façon interne par préfixation (couriraccourir) ou dérivation
  • de façon historique au fur et à mesure que la chose désignée évolue elle-même (de nos jours un pantalon ou une culotte n'ont plus grand-chose à voir avec les premiers pantalons ou les sans-culottes de la période révolutionnaire française)
  • de façon sémantique par analogie de forme, de couleur, de matière ou par application d'autres procédés voisins des figures de la rhétorique (le tout pour la partie, par exemple).

Enfin, les mots disparaissent lorsque le signifié (l'objet, l'action, le sentiment désigné par un mot) disparait (par exemple miniteler, qui signifiait « communiquer avec un minitel »), quand ils ne sont plus compris ou sous l'évolution de la sensibilité sociale.

Au Moyen Âge, la fauconnerie (le dressage et l'emploi des faucons pour la chasse) constituait une haute technologie et son vocabulaire s'est répandu dans le langage courant. Au XIXe siècle, le cheval était un « instrument » économique et social de base et le vocabulaire de l'équitation était compris de tous ; il est aujourd'hui remplacé par celui de l'automobile.

L'expression sans solution de continuité, de plus en plus mal comprise et parfois pour le contraire de ce qu'elle veut dire, est ainsi en voie de disparition au profit de sans arrêt ou 24/24 h - 7/7 j etc, selon le contexte. Il soulait (« il avait l'habitude ») ou peu m'en chaut (« peu m'importe ») ont de nos jours quasiment disparu.

Nègre, qui a appartenu au vocabulaire standard bien au-delà de la Seconde Guerre mondiale, n'est plus en usage aujourd'hui, si ce n'est pour désigner la personne qui a écrit un livre à la place de celle qui le signe comme auteur.

Ces disparitions sont lentes. L'adjectif débonnaire reste un témoin de la fauconnerie. Sans pratiquer l'équitation, on comprend encore ce que signifie avoir des œillères.

L'exposé suit l'enchaînement ébauché ci-dessus (origines - extension - évolution et disparition du vocabulaire) puis l'illustre par le commentaire étymologique d'un message fictif.

Références

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  1. Jacques Mousseau, « Le roman de la langue française : Henriette Walter. L'aventure des mots venus d'ailleurs », dans Communication & langages, vol. 114, no 1, 1997, p. 125 [texte intégral] .

Les mots d'origine latine

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Remarques préliminaires sur l'évolution de la prononciation

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Il convient de souligner l'importance du facteur phonétique dans l'évolution des mots. Par exemple, oie vient du latin populaire auca dérivé du latin classique avis (« oiseau ») que l'on retrouve dans aviculture (« élevage des oiseaux ») ou grippe aviaire (« transmise par des oiseaux »).

Pour comprendre les évolutions phonétiques, il faut garder à l'esprit :

  • Qu'elles se sont déroulées sur de nombreuses générations. En comptant qu'une génération « vaut » vingt-cinq ans, près de cinquante générations se sont succédé entre le sac de Rome en 410 et Le Cid de Pierre Corneille, où nous constatons que nous ne prononçons pas exactement comme notre grand-mère (génération G-2).
  • Que jusqu'au XXe siècle, il n'existait ni radio ni télévision et donc aucune norme nationale « palpable » en matière de prononciation. C'est la radio qui a facilité une prononciation homogène. Pendant la Première Guerre mondiale, des agrégés d'allemand faits prisonniers furent fusillés pour avoir refusé de servir d'interprètes entre des officiers du sud et du nord de l'Allemagne qui ne se comprenaient pas très bien. Dans les années 1950 et 1960, en Angleterre, il existait des offres d'emploi exigeant des candidats qu'ils eussent l'accent de la BBC (Abréviation de British Broadcasting Corporation, signifiant « Corporation britannique de radiodiffusion »), la radio nationale officielle britannique.
  • Que la conjonction de ces deux phénomènes fait qu'encore au XVIIe et XVIIIe siècles, à la Cour, le son [wa] se prononçait [wɛ] (d'où [lə rwɛ] pour « le roi », [lə bwɛ] pour « le bois ») et que l'on ne prononçait aucune lettre finale ([lə sɛr] pour « le cerf », [nuri] pour « nourrir ») alors que le peuple parisien prononçait [rwa], [bwa], [sɛr]. À la Cour comme à la ville, on roulait les r. Encore à l'époque de Victor Hugo, lorsque l'on déclamait : « le bruit sourd des canons roulants vers Austerlitz », l'auditoire entendait un véritable grondement.
  • Que jusque dans les années 1950, la sonorisation était rare et imparfaite, ce qui imposait de parler en articulant, en découpant bien les syllabes sans « manger » les finales rétablies en partie au début du XIXe siècle. Imaginez un cours sans micro dans un amphithéâtre de la Sorbonne, un sermon sans micro à Notre-Dame de Paris, une plaidoirie sans micro dans la grande salle d'audience d'un tribunal aujourd'hui classé monument historique, un discours dans l'hémicycle du Sénat. Des générations de professeurs, de prêtres, d'avocats ou d'hommes politiques ont pourtant dû le faire.

Pour le commun des mortels, se faire entendre dans une foire où tout le monde criait ne devait pas être facile, pas plus que dans la salle de garde d'un château (Essayez par exemple au Palais des Papes à Avignon un jour d'affluence : elle correspond à la salle d'accueil).

  • Qu'il y a toujours eu des modes qui laissent des traces. Au XVIe siècle, il était de bon ton de prononcer [z] le r compris entre deux voyelles. « Paris » se prononçait [pazi], et « oratoire » [ozatwar] d'où les noms de ville en -Ozoir ou -Osoir lorsque la commune comptait une chapelle. Sous Napoléon Ier, et peut-être parce que Joséphine de Beauharnais éprouvait des difficultés à les prononcer, il devient à la mode d'élider les r d'où les inc'oyables et les mé'veilleuses. Entre les deux, les Précieuses — qui étaient loin d'être nécessairement ridicules — ont fait la chasse à tous les gestes disgracieux ; on leur doit les mousses inventées par leurs cuisiniers à qui elles avaient demandé des plats qui n'exigeassent pas des mouvements musculaires trop marqués lors de la mastication. Cette volonté a sûrement exercé une influence sur leur prononciation.
  • Que, plus généralement, les sons des langues indo-européennes s'articulent en un système qui permet de distinguer des labiales, des dentales, des palatales et que le passage de l'une à l'autre est assez simple ce qui explique, par exemple, qu'au qu latin corresponde v ou f dans les langues plus nordiques comme « quatre » (français) / « quattro » (italien) et « vier » (allemand), « voor » (flamand) et « four » (anglais) ou encore « qui » (français) / « chi » (italien) et « who » (anglais) / « wer » (allemand) ; de même, on trouve une correspondance entre le [d] et le [t] (« dent » au Sud contre « tooth » (même sens) au Nord, « dies » (« jour ») au Sud contre « Tag » (même sens) au Nord).

Les doublets

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Au fil du temps, les mots latins ont évolué phonétiquement et sémantiquement en français. Par exemple, captivum a donné chétif avec le sens que nous lui connaissons, un captif étant souvent chétif du fait des mauvaises conditions de sa détention.

Lorsque, à partir du XIVe siècle, on se mit à traduire beaucoup de textes latins en français parce que le latin commençait à disparaître, alors même que le contenu des textes latins conquérait l'intérêt des lecteurs français, on traduisit captivum par captif pour désigner le prisonnier en tant que tel. On dit ainsi que captif et chétif sont des doublets. D'une façon générale, les mots de formation populaire se référent au concret et les mots de formation savante sont plus abstraits ; mais il existe des exceptions.

Exemples :

  • ancêtre (milieu du XIe siècle) ~ antécesseur (XIVe siècle) ← antecessor
  • août (e siècle) ~ auguste (e siècle) ← augustus
  • arracher (XIIe siècle) ~ éradiquer (XIVe siècle) ← eradicare
  • Alice (e siècle) ~ Adélaïde (e siècle) ← Adelais
  • Auvray (e siècle) ~ Alfred (e siècle) ← Alv(e)redus
  • banquier (XIIe siècle) ~ bancaire (XIXe siècle) ← bancarius
  • benêt (XVIe siècle) ~ béni (e siècle) ← benedictus
  • béton (XIIe siècle) ~ bitume (XIIe siècle) ← bitumen
  • biche (XIIe siècle) ~ bête (XIIe siècle) ← bestia
  • brimborion (e siècle) ~ bréviaire (e siècle) ← breviarium
  • Benoît (e siècle) ~ Bénédict (e siècle) ← Benedictus
  • carré (XIIe siècle) ~ quadrat (XVIIe siècle, via l'italien quadrato) ← quadratum
  • chaîne (XIIe siècle) ~ catène (XVIIIe siècle) ← catena
  • chaire (XIIe siècle) ~ cathèdre (XIIIe siècle) ← cathedra — N.B. : On a en réalité affaire à un triplet lexical, puisque le mot chaise n'est lui-même qu'une variante dialectale de chaire.
  • chance (XIIe siècle) ~ cadence (XVIe siècle, via l'italien cadenza) ← cadentia
  • chanoine (XIIe siècle) ~ canonique (XIIIe siècle) ← canonicus
  • chape (XIe siècle) ~ cape (XVIIe siècle) ← cappa
  • chasser (fin du XIIe siècle) ~ capter (XVe siècle) ← captare — N.B. : Captare s'est vraisemblablement altéré en captiare très tôt en bas-latin avant de donner chacier en ancien français.
  • chaume (fin du XIIe siècle) ~ calame (XVIe siècle) ← calamus
  • cheptel (XIIe siècle) ~ capital (XIIIe siècle) ← capitalis
  • chétif (XIe siècle) ~ captif (XVe siècle) ← captivus
  • chose (IVe siècle) ~ cause (milieu du XIIe siècle) ← causa
  • colère (XIIIe siècle) ~ choléra (XVIe siècle) ← cholera — N.B. Cholera est devenu colera en bas latin.
  • concierge (XIIe siècle) ~ conserve (XIVe siècle) ← conservus
  • confiance (XIIIe siècle) ~ confidence (XIVe siècle) ← confidentia
  • copain (XVIIIe siècle) ~ compagnon (XIIe siècle) ← companio
  • couple (XIIe siècle) ~ copule (XVe siècle) ← copula
  • déchéance (XIIe siècle) ~ décadence (XVIe siècle) ← decadentia
  • dépit (XIIe siècle) ~ despect (e siècle) ← despectus
  • dévoué (e siècle) ~ dévot (fin du XIIe siècle) ← devotus
  • employer (début du XIIe siècle) ~ impliquer (XIVe siècle) ← implicare
  • enchantement (XIIe siècle) ~ incantation (XIIIe siècle) ← incantatio
  • enchanteur / enchanteresse (XIIe siècle) ~ incantateur / incantatrice (XVe siècle) ← incantator / incantatrix
  • entier (XIe siècle) ~ intègre (e siècle) ← integer
  • esclandre (e siècle) ~ scandale (e siècle) ← scandalum
  • exploiter (début du XIIe siècle) ~ expliciter (XIXe siècle) ← explicitare — N.B. : L'ancien français espleitier / esploitier a été refait exploiter au XVIe siècle.
  • écluse (XIe siècle) ~ exclue (XIIIe siècle) ← exclusa, participe passé féminin du verbe excludere
  • écolier (XIIIe siècle) ~ scolaire (XIXe siècle) ← scholaris
  • écouter (Xe siècle) ~ ausculter (XVIe siècle) ← auscultare
  • écrit (XIIe siècle) ~ script (XXe siècle) ← scriptum
  • étroit (XIIe siècle) ~ strict (XVIIIe siècle) ← strictus
  • éveux (e siècle) ~ aqueux (XVIe siècle) ← aquosus
  • évêché (Xe siècle) ~ épiscopat (XVIIe siècle) ← episcopatus
  • évier (XIIIe siècle) ~ aquarium (XIXe siècle) ← aquarium
  • façon (XIIe siècle) ~ faction (XIVe siècle) ← factio
  • faix (XIIe siècle) ~ fasce (1re moitié du XIIe siècle) ← fascis
  • fantôme (XIIe siècle) ~ fantasme (XIIIe siècle) ← phantasma
  • faute (e siècle) ~ faillite (e siècle) ← fallita
  • ferme (XIIe siècle) ~ firme (XIXe siècle) ← firma
  • féal (XIIe siècle) ~ fidèle (Xe siècle, réintroduit au XVIe siècle) ← fidelis
  • fétiche (XVIIe siècle) ~ factice (XVIe siècle) ← facticius
  • forge (XIIe siècle) ~ fabrique (XIVe siècle) ← fabrica
  • frêle (XIe siècle) ~ fragile (XIVe siècle) ← fragilis
  • fuir (IXe siècle) ~ fuguer (XXe siècle) ← fugere — N.B. : Fugere a d'abord changé de conjugaison en bas latin (fugire) avant d'aboutir à « fuir ».
  • gaine (XIIIe siècle) ~ vagin (XVIIe siècle) ← vagina — N.B. : Vagina donnera aussi, via l'espagnol vainilla, le terme « vanille ». Ce dernier désigne à l'origine la petite gousse du vanillier, d'où le suffixe diminutif -illa (-ille).
  • gars (e siècle) ~ garçon (e siècle) ← garcionem
  • geindre (XIIIe siècle) ~ gémir (e siècle) ← gemere
  • grêle (XIIe siècle) ~ gracile (XVIe siècle) ← gracilis
  • Geoffroy (e siècle) ~ Godefroy (e siècle) ← Godefridus
  • Gilles (e siècle) ~ Égide (e siècle) ← Aegidius
  • hâbler (XVIe siècle) ~ fabuler (XVe siècle) ← fabulari
  • hôtel (XIe siècle) ~ hôpital (XIIe siècle) ← hospitalia
  • Havoise (e siècle) ~ Edwige (e siècle) ← Hedvigis
  • livrer (e siècle) ~ libérer (e siècle) ← liberare
  • luette (fin du XIIIe siècle) ~ uvule (XIIIe siècle) ← uvula
  • Louis (e siècle) ~ Ludovic (e siècle) ← Ludovicus
  • mâcher (XIIe siècle) ~ mastiquer (XVIe siècle) ← masticare
  • ménestrel (XIe siècle) ~ ministériel (XVIe siècle) ← ministerialis
  • métier (XIe siècle) ~ ministère (XIIIe siècle) ← ministerium
  • moutier (XIe siècle) ~ monastère (XIIIe siècle) ← monasterium
  • moyen (XIIIe siècle) ~ médian (XVIe siècle) ← medianus
  • mûr (XIIe siècle) ~ mature (XXe siècle, anglicisme) ← maturus
  • Maud (e siècle) ~ Mathilde (e siècle) ← Mathilda
  • nourrisson (XIIe siècle) ~ nutrition (XIVe siècle) ← nutritio
  • Noël (XIIe siècle) ~ natal (XVIe siècle) ← natalis
  • œuvre (XIIe siècle) ~ opéra (XVIIe siècle, via l'italien opera, de même sens) ← opera, pluriel d'opus
  • octroyer (e siècle) ~ autoriser (e siècle) ← auctorizare
  • ogre (e siècle) ~ orc (e siècle) ← Orcus
  • orfraie (XIVe siècle) ~ ossifrage (XVIe siècle) ← ossifraga
  • oreiller (XIIe siècle) ~ auriculaire (XVIe siècle) ← auricularis
  • orteil (XIIe siècle) ~ article (XIIe siècle) ← articulus
  • ourlet (e siècle) ~ orle (e siècle) ← orula
  • paladin (XVIe siècle, via l'italien paladino, XIIIe siècle) ~ palatin (XIIIe siècle) ← palatinus
  • parvis (XIIIe siècle) ~ paradis (fin du Xe siècle) ← paradisus
  • parole (XIe siècle) ~ parabole (XIIIe siècle) ← parabola
  • paume (e siècle) ~ palme (e siècle) ← palma
  • pèlerin (XIe siècle) ~ pérégrin (1re moitié du XIIe siècle) ← peregrinus
  • pitié (XIe siècle) ~ piété (fin du Xe siècle) ← pietas
  • poison (XIIe siècle) ~ potion (XVIe siècle) ← potio
  • Péronnelle (e siècle) ~ Pétronille (e siècle) ← Petronilla
  • raison (Xe siècle) ~ ration (XIIIe siècle) ← ratio
  • recouvrer (e siècle) ~ récupérer (e siècle) ← recuperare
  • renard (e siècle) ~ Renart (e siècle) ← Renartus
  • répit (XIIe siècle) ~ respect (XIIIe siècle) ← respectus
  • rouer (XIIe siècle) ~ rôder (XVe siècle via l'ancien occitan rodar, « vagabonder ») ← rotare
  • royal (IXe siècle) ~ régalien (XVIIe siècle) ← regalis
  • Renaud (e siècle) ~ Réginald (e siècle) ← Reginaldus
  • sanglier (fin du XIe siècle) ~ singulier (fin du XIIIe siècle) ← singularis — N.B. : Sanglier est en réalité tiré de l'expression porc sanglier, c'est-à-dire cochon solitaire.
  • sauveur (e siècle) ~ sauveteur (e siècle) ← salvator
  • seing (XIIe siècle) ~ signe (2de moitié du Xe siècle) ← signum
  • serment (IXe siècle) ~ sacrement (XIIe siècle) ← sacramentum
  • Solange (e siècle) ~ Solène (e siècle) ← Sollemnia
  • tarte (e siècle) ~ tourte (e siècle) ← torta
  • taverne (XIIe siècle) ~ tabernacle (XIVe siècle) ← taberna — N.B. : Tabernacle vient de tabernaculum, diminutif de taberna.
  • tâter (XIIe siècle) ~ taxer (XIIIe siècle) ← taxare
  • thiois (e siècle) ~ tudesque (XIIe siècle) ← theodiscus
  • tôle (e siècle) ~ table (e siècle) ← tabula
  • traiteur (XVIIe siècle) ~ tracteur (XVIIIe siècle) ← tractor
  • tremper (e siècle) ~ tempérer (e siècle) ← temperare
  • Thierry (e siècle) ~ Théodoric (e siècle) ← Theodoricus
  • Tiphaine (e siècle) ~ Théophanie (e siècle) ← Theophania
  • veiller (XIIe siècle) ~ vigiler (e siècle) ← vigilare
  • venimeux (e siècle) ~ vénéneux (e siècle) ← venenosus
  • verge (XIIe siècle) ~ vergue (XIIe siècle) ← virga
  • vergogne (XIIIe siècle) ~ vérécondie (XVIe siècle) ← verecundia
  • vérole (e siècle) ~ variole (e siècle) ← variola
  • vouivre (XIIe siècle) ~ vipère (XIIIe siècle) ← vipera

Il existe également des doublets constitués de deux termes populaires. C'est par exemple le cas de :

  • chaînon (XIIe siècle) et chignon (fin du XIIe siècle) qui proviennent chacun du bas latin catenion.
  • chaire (début du XIIe siècle) et chaise (début du XVe siècle) qui proviennent chacun du latin cathedra
  • gourde (XIIIe siècle) et courge (XIVe siècle) qui proviennent chacun du latin classique cucurbita.

Note : Les datations correspondent à la première attestation écrite d'un mot, mais ne sont pas forcément représentatives de sa première utilisation orale.

Les fusions

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On notera aussi les fusions de mots :

  • affaire (initialement ce qu'il y a à faire)
  • alarme (initialement all'arme, « aux armes »). L'italien actuel a conservé la forme originelle all'arme.
  • antan (initialement *ant(e) anu en latin vulgaire, du syntagme latin ante annum « l'année dernière »).
  • aujourd'hui (composé de au jour de et de hui, du latin hodie, (« en ce jour »), il signifie donc « au jour présent »). De ce fait, au jour d'aujourd'hui est un splendide pléonasme.
  • bonhomme (initialement un bon homme, c'est-à-dire un brave homme, un homme cultivé).
  • gendarmes (initialement gens d'armes).
  • lingot (composé de l'article défini français le et du mot anglais ingot)
  • malgré (initialement mal gré, « de mauvais gré »)
  • naguère (initialement il n'y a guère de temps)
  • parce que (initialement par ce que ce mot, etc.)
  • voilà (initialement vois là)

Les emprunts

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Note : les astérisques (*) indiquent une forme reconstruite, c'est-à-dire non attestée à l'écrit mais supposée par plusieurs autres formes. C'est par exemple le cas de l'indo-européen commun, qui est une langue hypothétique (puisque non attestée à l'écrit) dont découlent, entre autres, les langues indo-iraniennes, les langues celtiques, germaniques, helléniques, italiques, etc.

Les emprunts au francique

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Les mercenaires et travailleurs ruraux avaient déjà introduit quelques termes dès les années 250 après J.-C.[1], mais ce sont surtout les Grandes invasions qui ont introduit le vocabulaire de la guerre et du droit salique[1], très différent du droit romain. Par la suite, les vainqueurs ont adopté la langue de l'ex-Empire romain comme les Romains avaient eux-mêmes adopté la civilisation des Grecs, qu'ils avaient dominés militairement (L'élite romaine parlait le grec ancien ; lorsqu'il fut poignardé, Jules César s'exprima en grec ancien en reconnaissant Brutus parmi les conspirateurs ; il ne dit pas : « Tu quoque mi fili. » mais « Καὶ σὺ τέκνον. » (Kaì sù téknon.) Parmi les mots d'origine francique, citons :

  • bordel qui désignait une grosse planche. Comment est-on passé du sens de « planche » à celui de « désordre » ? À partir de ces planches, on pouvait construire de pauvres maisons rudimentaires et ce fut le premier sens (le composé à partir du composant). Cette cabane de planches en « bord'eau » ou « bord'elle » (la mer, la rivière) servant de « guinguette », etc.
Avec le temps, ces maisons rudimentaires n'offrirent plus le confort minimal que les gens attendaient d'un foyer et seules les plus pauvres continuaient à abriter des prostituées. Le mot se spécialisa dans le sens de « maison de passe », « maison de tolérance », et autres locutions employées jusqu'alors.
En latin, la maison de prostitution est appelée « lupanar ». Ce nom dérive du mot « lupa » (louve) qui désigne métaphoriquement une prostituée. L'image de la « louve » prenant soin de Romulus et Rémus ne doit donc pas être interprétée selon le sens premier du terme.
Les clients de ces établissements se livrant à des débordements en tout genre, le mot en vint à désigner l'état de désordre qui en résultait.
En anglais, la formule correspondante est « what a mess ». « mess » vient du latin « mensa », désignant la table. Le mess des officiers est l'endroit où il y a des tables pour manger. La fraternité militaire donnant parfois lieu à des excès de beuverie, le mess se trouve alors dans un état qui sert de référence en matière de désordre. Le même mot latin donne aussi « manséatique » qui désigne des montagnes aplanies comme une table (par exemple le massif ibérique).
En italien, la formule correspondante est « che casino » où casino a le même sens qu'en français, mais y est perçu comme un lieu de débordement et surtout très bruyant.
  • chambellan de *kamerling.
  • danser de *dintjan, ou de *dansôn (« tirer », « traîner »).
  • échanson de *skankjo (même sens).
  • épier de *spehôn (« observer avec attention »).
  • fauteuil de *faldistôl (« chaise pliable »).
  • frapper, peut-être de *hrappan (« arracher »).
  • garou de *werwolf (« homme-loup ») (« garou » signifiant déjà « homme-loup », il était erroné d'ajouter « loup » à ce terme).
  • gâcher de *waskôn (« laver »).
  • gâteau de *wastil (« nourriture »).
  • grès de *greot (« gravier, sable »).
  • grêler de *grisilôn, de même sens.
  • gris de *grîs, (néerlandais : grijs) de même sens ; de ce mot dérive grisette, « étoffe commune de teinte grise » puis par métonymie « jeune fille d'humble condition ».
  • guerre : du mot francique *werra (« querelle ») qui donne war et Wehr respectivement en anglais et allemand modernes. En latin, la guerre se disait bellum que l'on retrouve dans belliqueux. Beau se dit pulcher en latin classique, mais une forme populaire, bellus, se développa, générant une confusion entre bellus (« beau ») et bellum (« guerre ») qui favorisa l'adoption du mot francique au IXe siècle.
  • Guillaume de *Willahelm (« volonté de protection »).
  • haïr de *hatjan, que l'on retrouve en néerlandais en tant que haten, dans l'anglais to hate, l'allemand hassen. Le terme francique est issu d'une racine indo-européenne *kehd-[2].
  • hargne de *harmjam (« insulter »).
  • haubert (cotte de maille) de *halsberg (proprement « ce qui protège le cou »), composé de *hals (« cou ») et *bergan (« mettre en sûreté, protéger »). En allemand moderne, on retrouve Hals pour le cou, mais non en anglais où neck vient d'un radical *hnakkô. En néerlandais, on les retrouve tous les deux : hals et nek.
  • heaume de *helm (« casque ») d'où l'allemand Helm, l'anglais helm.
  • héraut de *heriwald («  »).
  • honnir de *haunjan (« insulter »). On le retrouve dans honen (« bafouer ») en néerlandais, ou dans höhnen (« bafouer ») en allemand.
  • honte de *haunita. Le latin disait pudor, qui a donné le français pudeur. Cf. honnir.
  • houx de *hulis (« houx »). Ce radical a donné hulis, huls en ancien haut allemand, huls en moyen néerlandais, hulst en néerlandais.
  • laid de *laiþ (« désagréable », « contrariant », « rebutant »). En néerlandais, on retrouve leed pour « désagréable », mais aussi lelijk pour « laid ». On le retrouve aussi dans l'allemand leid et Leid
  • loge de *laubja (« hutte de feuillage »), qui donne l'allemand Laube.
  • maçon de *makjo, lui-même dérivé de *makôn (« faire »). On retrouve en néerlandais le verbe maken (« faire », « construire »), en anglais to make, en allemand machen.
  • malle de *malha (« sacoche »), d'où le moyen néerlandais male (« sac de voyage », « coffre »), le néerlandais maal (« sac », « sacoche », « coffre »).
  • marais de *marisk. En moyen néerlandais, on retrouve mersch, maersch (« pré », « terrain marrécageux »). En néerlandais moderne, moeras (« marais, marécage »). L'anglais marsh et l'allemand Marsch sont également issus de la racine.
  • maréchal de *marhskalk (« palefrenier »).
  • moue de *mauwa (même sens), source du moyen néerlandais mouwe.
  • rang de *hring (« anneau », « cercle »). De ce terme sont issus ring (« anneau ») en néerlandais et en anglais, Ring en allemand.
  • riche de *riki (« puissant »), que l'on retrouve dans le vieil anglais rīce (d'où l'anglais moderne rich), le moyen néerlandais rijcke, rijck (d'où le néerlandais moderne rijk), l'ancien haut allemand rîchi, rîche (d'où l'allemand reich), etc. En ancien français, le mot a d'abord signifié « puissant » avant d'acquérir le sens moderne.
  • renard de *Reginhart ; a remplacé « goupil » dans le vocabulaire courant suite au succès du Roman de Renart.
  • sénéchal de *siniskalk (« serviteur doyen »).
  • trêve de *treuwa (« contrat », « convention »). En néerlandais, on le retrouve dans trouw (« fidèle »), Treue en allemand (« fidélité »).
  • trotter de *trottôn (« courir »).

Les emprunts au moyen néerlandais

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Le moyen néerlandais a beaucoup apporté à la langue française, notamment — mais non exclusivement — dans le vocabulaire maritime[1]. Cependant, celui-ci a diminué au XVIIe siècle, laissant place à l'anglais[1]. Parmi les mots empruntés, citons :

  • bâbord de bakboord, composé de bak (« dos ») et de boord (« bord »). À l'époque, le gouvernail était constitué d'un aviron de gouverne fixé à l'arrière droit (tribord), le barreur trouvait ainsi le dos au côté gauche (bâbord)[3]. Tribord vient, lui, de stierboord, une variante de stuurboord composé de stuur (« gouvernail »), et de boord, littéralement « côté du gouvernail », puisqu'il se trouvait du côté droit[4].
  • bière est soit emprunté au moyen haut allemand bier, soit au moyen néerlandais bier.
  • botte (Au sens de « assemblage de plusieurs choses liées ensemble ») vient de bote (« touffe de lin »), rattaché au verbe boten (« frapper »).
  • bouquin d'un diminutif de boec (« livre »), apparenté à book en anglais et Buch en allemand. Compte tenu du fait que les formes attestées (boecskijn, boekelkij) rendent difficilement compte du français bouquin, on a supposé une forme non attestée *boeckijn.
  • brique de bricke, brike. À l'origine, il y a la racine francique *brëkan (« casser », « briser ») que l'on retrouve dans le néerlandais breken (« casser »), l'anglais to break (« casser »), l'allemand brechen (« briser »). Brioche est dérivé de brier (forme normande de broyer, au sens de « pétrir la pâte ») avec le suffixe -oche. Broyer est issu du francique *brëkan, et signifie à l'origine « réduire en morceaux, en poudre, en pâte ». Au XIIIe siècle, brique avait en français le sens de « petit morceau », « miette »[3] ; passé le XVIe siècle, ce sens a disparu, sauf dans une expression populaire qui a survécu jusqu'à la fin du XIXe siècle : « bouffer des briques » (« n'avoir à manger que des miettes, c'est-à-dire rien »), où l'idée de dureté et de caractère indigeste de l'aliment comparable à de la brique de construction s'ajoute à la notion de pénurie. La brique à pont, c'est une pierre de grès fin utilisée par les marins pour nettoyer leur navire, d'où le sens familier de briquer « frotter dynamiquement, nettoyer »[3].
  • digue de dijc, d'où la forme moderne dijk.
  • drogue (« substance psychotrope ») vient peut-être de droge (« produits séchés », « drogue »), substantivation de droge vate (« tonneaux secs »).
  • étape de stapel (« entrepôt »).
  • lof de loef (« côté du navire présente au vent »).
  • mannequin (« figurine ») de mannekijn (« petit homme »). Le sens de « panier » est emprunté au moyen néerlandais mannekijn (« petit panier »), diminutif de manne (« panier »).
  • pamplemousse est emprunté au néerlandais moderne pompelmoes (avec moes prononcé /mus/), dont l'étymologie est discutée : soit composé de pompel (« gros ») (ou de pompoen, « citrouille ») et de limoes (« citron »), soit lui-même emprunté au tamoul பம்பரமாசு (pamparamāsu) (« bigarade »). À l'origine, pamplemousse désigne Citrus maxima, mais s'applique aujourd'hui souvent à Citrus paradisi.
Appellations des deux fruits en France et dans quelques pays francophones.
Citrus maxima Citrus paradisi
français, usage en botanique et horticulture
français pamplemousse pomélo
français, usage commercial et courant
   
Belgique pomelo pamplemousse
Canada pamplemousse pomélo (ou pomelo), grapefruit (anglicisme) ou pamplemousse
France pamplemousse pamplemousse, pomélo (Moins courant)
Suisse pomélo grapefruit ou pamplemousse

Le néerlandais a également fourni des mots à d'autres langues. Par exemple, dans le cas de l'anglais :

  • cookie vient de koekje, diminutif de koek (« gâteau »)[5].
  • Santa Claus (Le surnom états-unien du père Noël.) vient de Sinterklaas (désignant saint Nicolas), lui-même altération de Sint Nikolaas[6].

Les emprunts à l'arabe

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Même après l'effondrement de l'Empire romain, l'Occident n'a jamais cessé d'entretenir des relations entre, d'une part, Byzance et, d'autre part, les pays d'Afrique du Nord et du Proche-Orient, essentiellement à partir de la Provence, du Languedoc et de l'Italie[1]. Les Croisades ont accentué ces contacts[1]. Inversement, la conquête de la péninsule Ibérique par les Arabes n'a pas laissé de traces majeures dans le reste de l'Europe, le franchissement des Pyrénées étant, somme toute, plus difficile que la traversée de la Méditerranée. Parmi les emprunts à l'arabe, citons :

  • adobe : de ألطوب (ʾāṭ-ṭwb) (« brique séchée au Soleil »). Le terme est arrivé en français au XIXe siècle, par le biais de l'espagnol, attesté dès le XIIe siècle. [1868]
  • alambic : de الإنبيق (āl-anbyq) formé de ال (āl) (« le », « la ») et du grec ancien ἄμϐιξ (ámbix) (« vase »), de même sens, peut-être via le latin médiéval des alchimistes. Dauzat a proposé un intermédiaire espagnol alambique, mais celui-ci est impossible car l'espagnol n'est attesté que depuis 1444. Le mot arabe a aussi donné l'italien lambisco, le portugais alambique. [1265]
  • alcali : de القلي (āl-qily) (« soude (plante) »), via le latin médiéval alkali. [1363]
  • alchimie : de الكيمياء (āl-kymyāʾ) (« science des quantités »). Le terme est arrivé en français au XIIIe siècle, par l'intermédiaire du latin médiéval alchimia. L'arabe viendrait du grec ancien χυμεία (khumeía) (« mélange »), lui-même de χυμός (khumós) (« jus »), ou d'un mot copte signifiant « noir », désignant aussi l'Égypte. Les mots alchimie et chimie sont restés synonymes jusqu'à l'apparition de la chimie moderne à la fin du XVIIIe siècle [3]. [1275]
  • alcool : de الكحل (āl-kuḥl) (« distillat », « poudre »), par l'espagnol alcohol. [1586]
  • alcôve : de القبة (āl-qubba) (« petite pièce »), par le biais de l'espagnol alcoba. [1646]
  • algèbre : de الجبر (āl-ǧabr) (« réduction » au sens où nous disons que le problème se ramène / se réduit à un système à deux équations), via le latin médiéval algebra. [fin du XIVe siècle]
  • algorithme : du nom du mathématicien perse Al-Khwârizmî, par l'intermédiaire de l'ancien espagnol algorismo. La forme actuelle est calquée sur le latin médiéval algorithmus, altération influencé par arithmetica. [1230]
  • amiral : de أميرالعلي (ʾāmyr āl-ʿalī) (« grand chef »). [1100]
  • avarie : de عَوَارِيَّة (ʿawāriyya), dérivé de عور (ʿawar) (« défaut »), par le génois avaria. [1200]
  • aya : de آية (ʾāya) (« verset »)
  • azur : de لازورد (lāzaward) (« lapis-lazuli ») [1080]
  • Abdallah : de عبد الله (ʿAbdullāh) (« serviteur de Dieu »)
  • Abdellatif : de عبد اللطيف‎ (ʿAbdullāṭyf) (« serviteur de l'Aimable »)
  • Aladin : de علاء الدين (ʿAlāʾad-dyn) (« noblesse de foi »)
  • Allah : de الله (ʾAllāh) (« Dieu »)
  • Al-Qaïda : de القاعدة (āl-Qāʿyda) (« la Base ») [XXe siècle]
  • brêle : de بغل (beġel) (« mulet »)
  • cafard : de « كافر » (kāfir) (« hypocrite », « faux dévot »)
  • café : de « قهوة » (qahwah)
  • calife : de « خليفة » (ḫalyfah) (« successeur [du Prophète] »)
  • camphre : de « كافور » (kāfwr) issu du sanskrit « कर्पूरम् » (karpūram).
  • candi : initialement dit condi, par l'intermédiaire de l'italien, emprunté à l'arabe « قندي » (qandy) (« confit ») [1256]
  • chahada : de « شهادة » (šahādat) (« témoignage de foi »)
  • charia : de « شريعة » (šaryʿah) (« chemin pour respecter la loi [de Dieu] »)
  • cheh : de « صح » (ṣaḥ) («  »)
  • cheikh : de « شيخ » (šayḫ) (« maître », « vieillard », « sage »)
  • cheykha : de « شيخة » (šayḫa) (« »)
  • chéchia : de « شاشية » (šašyah) («  »)
  • chérif : de « شريف » (šaryf) («  »)
  • Coran : de « القران » (āl-Qurān) (« la Récitation »)
  • dawa : de « دعوة » (daʿwa) (« appel »)
  • djihad : de « جهاد » (ǧihād) (« effort »)
  • djinn : de « جن » (ǧinn) (« génie » au sens d'« être merveilleux »)
  • estragon : de « طرخون » (ṭarḫwn)
  • élixir : de « إكسير » (āl-ʾiksyr) (« la pierre philosophale ») formé de « ال » (āl) (« le », « la ») et du grec ancien « ξηρίον » (xêríon) (« poudre siccative à mettre sur les blessures »)
  • éfrit : de « عفريت » (ʿfryt)
  • émir : de « أمير » (ʾāmyr) (« commandant », « prince »)
  • fanfaron : de « فرفار » (farfār) (« volage », « inconstant », « bavard »)
  • fez : de « فأس » (fās) (« »)
  • fissa : de « في ساعة » (fy sāʿah) (« dans l'instant », « sur l'heure »)
  • fondouk : de « فندق » (funduq) (« hôtel ») issu du grec ancien « πανδοκεῖον » (pandokeîon) (« auberge »)
  • Fatima : de « فاطمة » (Fāṭima) (« jeune chamelle sevrée »)
  • gazelle : de « غزال » (ġazāl) (« antilope ») [fin du XIIe siècle]
  • goudron : de « قطران » (qaṭrān) (« asphalte »)
  • goule (au sens de « créature monstrueuse ») : de « غول » (ġwl) (« démon »). Le nom du criminel Ra's al Ghul vient de « رأس الغول‎ » (Rāʾs āl-Ḡwl) (« Tête de démon »).
  • gourbi : de « غوربي » (ġwrby) (« »)
  • gwer : de « غور » (ġwr) («  »), diminutif de « غوري » (Ġawry) (« Ligurien »)
  • hadith : de « حديث » (ḥadyṯ) (« parole du Prophète »)
  • hajj : de « حج » (ḥaǧ) (« pèlerinage »)
  • halal : de « حلال » (ḥalāl) (« licite »)
  • hamdoullah : de « الحمد لله » (āl-ḥamdullāh) (« louange à Dieu »)
  • haram : de « حرام » (ḥarām) (« illicite »)
  • hasard : de « الزهر » (az-zahr) (« dé », « jeu de dés »), nommé d'après « زهر » (zahr) (« fleur ») car la face gagnante du dé portait une fleur
  • hchouma : de « حشومة » (ḥswmah)
  • inch'Allah : de « ان شاء الله » (in šāʾ ʾAllāh) (« si Allah le veut »)
  • Iblis : de « إبليس‎‎ » (Iblīs) (« Celui qui n'a plus d'espoir [de se repentir] »)
  • Jafar : de « جعفر » (Ǧaʿfar)
  • Jaouad : de « جواد » (Ǧawād)
  • Jasmine : de « ياسمين » (Yāsmyn)
  • keffieh : de « كوفية » (kwfīya) («  »)
  • khey : de « أخي » (ʾaḫī) (« frère »)
  • maboul : de « مهبول » (mahbwl) (« fou », « débile ») [XIXe siècle]
  • machallah : de « ماشاء الله » (māšāʾallāh) (« ce que Dieu veut »)
  • masser (au sens de « pétrir avec les mains ») : de « مس » (mas) (« palper », « toucher ») [XVIIIe siècle]
  • matelas : de « مطرح » (maṭraḥ) (« tapis », « lieu où l'on jette quelque chose ») [XVIe siècle]
  • mesquin : de « ‎مسكين » (miskyn) (« pauvre »)
  • miramolin : de « أمير المؤمنين ‎» (ʾāmyr āl-mwʾminyn) (« commandeur des croyants »)
  • momie : de « مومياء » (mwmyāʾ) (« corps embaumé »)
  • mounâfik : de : « ‏منافق » (munāfiq) (« hypocrite »)
  • Machrek : de « المشرق » (āl-Mašriq) (« le Levant »)
  • Maghreb : de « المغرب » (āl-Maġrib) (« le Couchant »)
  • Mahomet : de « محمد‎ » (Muḥammad) (« digne de louanges »)
  • Moustapha : de « مصطفى » (Muṣṭafaā) (« l'Élu »)
  • nifâk : de « نفاق‎‎ » (nifāq) (« hypocrisie »)
  • niquer : de « نك » (nik) (« faire l'amour ») [XIXe siècle]
  • nuque : de « نخاع » (nuḫāʿ) (« partie dorsale du cou ») [XIVe siècle]
  • Omar : de « عمر » (ʿOmar) («  »)
  • papegai (ancien nom français du perroquet) : de « ببغاء » (babaġāʾ) («  »)
  • ramdam : de « رمضان » (Ramaḍān) (« mois de jeûne »)
  • roumi : de « رومي » (Rwmy) (« Romain »)
  • salat : de « صلاة » (ṣalāt) (« ensemble de cinq prières »)
  • salep : de « ثعلب » (ṯaʿlab) (« renard ») abréviation de « خصى الثعلب » (ḫuṣān aṯ-ṯaʿlab) (« testicules de renard ») Le nom complet fut choisi en raison de la forme des bulbes de cette plante.
  • saoum : de « صوم‎ » (ṣawm) (« jeûne »)
  • starfallah : de « أستغفر الله » (ʾastaḡfirullāh) (« Que Dieu me pardonne »)
  • soubhanallah : de « سبحان الله » (subḥān allāh) (« louez Dieu »)
  • souk : de « سوق » (sūq) (« marché »)
  • sourate : de « سورة » (swrah) (« chapitre »)
  • sucre : de « سكر » (sukar) issu du sanskrit « शर्करा » (śarkarā).
  • sultan : de « سلطان » (sulṭān) (« pouvoir », « autorité »)
  • Saïd : de « سعيد »‎ (Saʿyd) (« heureux »)
  • Salîm : de « سليم » (Salym) (« le Saint », « le Parfait »)
  • Shaytân : de « شيطان » (Šayṭān) (« l'Adversaire »)
  • talc : de « تلك » (talk)
  • tarbouche : de « طربوش » (ṭarbwš) (« »)
  • toubib : de « طبيب » (ṭabyb) (« médecin ») [1617]
  • wallah : de « والله » (wallāh) (« par Dieu »)
  • wesh : de « واش » (wāš) (« quoi »)
  • Wahid : de « واحد » (Wāḥid) (« l'Unique »)
  • zakât : de « زكاة » (zakāt) (« purification »)
  • zinzolin : de « جنجلان » (ğunğulān) (« semence de sésame »)
  • zob : de « زب » (zubb) (« pénis »)

Beaucoup de mots empruntés à l'arabe commencent par al ou a car, en arabe, al est l'article défini qui a été accolé au substantif lors de l'emprunt. (Comme si un enfant qui maîtrisait encore mal le français disait le lane pour l'âne.)

Un cas intéressant est l'emprunt du mot « صفر » (ṣifr) qui signifie « vide » et a été transcrit à la fois par « chiffre » et par « zéro » (la notation arabe des chiffres utilisant un point pour le zéro).

Les emprunts à l'italien

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Les royales épouses et les nobles dames venues d'Italie au XVIe siècle et au début du suivant ont apporté la civilisation du Quattrocento dans leurs bagages : vocabulaire des cours ducales et princières et du commerce qui avait permis les développements économiques lombard et toscan. Bref, quelque 8000 mots à l'époque, dont environ 10% sont utilisés encore aujourd'hui. Sur les 2000 à 8000 italianismes que comptait la langue française, seulement 700 environ ont survécu. Citons :

  • accort : de accorto (« clairvoyant », « adroit »)
  • amouracher : de amoracciare («  »)
  • assassin : de assassino (« meurtrier »)
  • avoir martel (terme aujourd'hui disparu) : être jaloux(se)
  • bambin : de bambino (« bébé », « enfant »)
  • bamboche : de bamboccio (« poupard », « bébé joufflu »)
  • banque : de banca. La banque est un banc ou plutôt une petite table sur laquelle on pose l'argent à changer, ce qui constituait l'activité première des banques. En cas de faillite (d'une racine signifiant « tomber » que l'on retrouve dans « défaillir ») du banquier, la corporation lui interdisait symboliquement de continuer son activité en lui cassant sa table. (D'où l'italien « bancarotta », qui a donné le français « banqueroute ».)
  • bataillon : de battaglione
  • berlingot : de berlingozzo
  • bombe : de bomba
  • birouchette : de baroccio (« charrette à deux roues »)
  • brocoli : du pluriel de broccolo
  • burler (terme aujourd'hui disparu) : se moquer
  • brusque : de brusco (« âpre », « aigre »)
  • cabriole : de capriola (« saut de cabri »)
  • caprice : de capriccio (« frisson »)
  • carrière : de carriera (« chemin de chars »)
  • carrosse : de carrozza
  • carrousel : de carosello
  • carton : de cartone
  • cartouche : de cartuccia
  • charlatan : de ciarlatano
  • citrouille : de citruolo
  • colonel : de colonello
  • cortège : de corteggio
  • courtisan : de cortigiano
  • courtiser : de corteggiare
  • couci-couci : de così così (« ainsi ainsi »)
  • désastre : de disastro (« mauvaise étoile »)
  • discote (terme aujourd'hui disparu) : de discotto (« éloigné »)
  • escadre : de squadra
  • escadron : de squadrone
  • escarpe (terme aujourd'hui disparu) : de scarpa (« chaussure »)
  • escarpin : de scarpino
  • escroc : de scrocco
  • espadon : de spadone (« grande épée »)
  • -esque : de -esco
  • estafette : de staffetta (« courrier à cheval »)
  • estivallet (terme aujourd'hui disparu) : de (« bottine »)
  • fantassin : de fantaccino
  • fantoche : de fantoccio (« marionnette »)
  • filigrane : de filigrana
  • frasque : de frasca (« soudain écart de conduite »)
  • fresque : de fresco (« frais »)
  • galbe : de garbo (« courbe gracieuse »)
  • ganache : de ganascia (« mâchoire »)
  • gonze : de gonzo (« idiot »)
  • hippogriffe : de ippogrifo
  • imbattre (terme aujourd'hui disparu) : de imbrattare
  • intrigue : de intrigo
  • jalousie (au sens de « treillis de bois ou de fer permettant d'observer sans être vu ») : de gelosia
  • lasagne : du pluriel de lasagna.
  • le plus de temps : de il più del tempo
  • leste : de lesto (« adroit, agile »)
  • manège : de maneggio
  • masque : de maschera
  • page (au sens de « serviteur d'un aristocrate ») : de paggio
  • paillasse (au sens de « bouffon ») : de pagliaccio (« bateleur », « clown », « pitre »)
  • pécore : de pecora (« brebis »)
  • pédant : de pedante
  • pianelle (terme aujourd'hui disparu) : de pianella (« chaussure de daim »)
  • piédestal : de piedestallo
  • pizza
  • pizzaïolo : de pizzaiolo
  • plastron : de piastrone
  • poltron : de poltrone (« paresseux »)
  • porcelaine : de porcellana
  • salami : du pluriel de salame
  • sbire : de sbirro (« homme de main »)
  • sigisbée : de cicisbeo (« galant », « dameret »)
  • spadassin : de spadaccino (« bretteur »)
  • spaghetti : du pluriel de spaghetto.
  • spurquesse (terme aujourd'hui disparu) : de sporchezza (« saleté »)
  • supercherie : de soperchieria
  • taffetas : de taffetà
  • trop mieux : de troppo meglio
  • trop plus : de troppo più
  • voltiger : de volteggiare (« voleter »)
  • zibeline : de zibellino

L'essentiel du vocabulaire français lié à la musique est emprunté à l'italien. Citons :

  • allégro = joyeux
  • andante = simple, habituel (mot à mot : qui marche [à pieds])
  • adagio = lentement (Si vous circulez en véhicule sur les routes d'Italie, vous constaterez que ce mot apparaît fréquemment à l'entrée des parkings souterrains ou aux abords des écoles.)
  • scherzo = plaisanterie
  • ténor = de « tenore » qui désigne le « contenu essentiel » ; formule comparable aux expressions françaises « teneur de la loi » ou « teneur en oxygène ». Le ténor est le chanteur qui assume l'essentiel de l'opéra.

À la période romantique s'ajouteront des mots allemands comme « Lied » (« chant »).

Les emprunts au russe

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Vers la fin du XIXe siècle, la popularité des romans russes, traduits en français, apportent beaucoup de nouveaux mots (steppe, cosaque, toundra, etc.)[1]. À leur tour, la révolution russe et le développement du socialisme introduisent nombre de nouveaux termes en français (kolkhoze, bolchévique, koulak, soviet, etc.)[1]. Parmi les nombreux emprunts, citons :

  • bogatyr : de « богатырь » (bogatyr’) (« héros »).
  • combinat : de « комбинат » (kombinat).
  • cosmonaute : de « космонавт » (kosmonavt).
  • datcha : de « дача » (datcha).
  • drojki : de « дрожки » (drojki).
  • goulag : lexicalisation de « ГУЛАГ » (GULÁG), acronyme de « Главное Управление Лагерей » (Glávnyj Upravlěniě Láger') (« Direction Principale des Camps »).
  • icône : de « икона » (ikona) (« image religieuse »).
  • isba : de « изба » (izba).
  • jaleïka : de « жалейка » (jaleïka).
  • kopeck : de « копейка » (kopeïka).
  • lezguinka : « лезгинка » (lezginka).
  • mammouth : de « мамант » (mamant), variante désuète de « мамонт » (mamont).
  • mazout : de « мазут » (mazout), issu de l'arabe « مَخْزول » (maḫzwl) (« résidu »).
  • morse : de « морж » (morj).
  • moujik : de « мужик » (moujik), diminutif de « муж » (mouj) (« homme »).
  • niet : de « нет » (niet) (« non »).
  • novitchok : de « новичок » (novitchok) (« novice »).
  • oblast : de « область » (oblast').
  • pérestroïka : de « перестройка » (perestroika).
  • podzol : de « подзол » (podzol).
  • rouble : de « рубль » (rubl').
  • sarafane : de « сарафан » (sarafan).
  • taïga : de « тайга » (taiga).
  • télègue : de « телега » (telega).
  • tsar : de « царь » (tsar'), lui-même du vieux slave « цѣсарь » (cěsarĭ), emprunté au latin « Caesar » via le grec ancien « Καῖσαρ » (Kaîsar), source aussi de l'allemand « Kaiser » (d'où kaiser en français).
  • ukase : de « указ » (oukaz).
  • vodka : de « водка » (vodka), diminutif de « вода » (voda) (« eau ») avec le suffixe « ­-ка » (-ka).
  • yourte : de « юрта » (jourta).

Les emprunts à l'allemand

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Les emprunts à l'allemand sont souvent limités à des vocabulaires spéciaux, notamment celui de la guerre[1]. Ils ont été apportés par les mercenaires allemands et suisses des XVIe et XVIIe siècles, et, dans une moindre mesure, par l'occupation allemande de 1870 à 1873 et l'occupation de 1940 à 1943[1] :

  • accordéon : de Akkordeon, mot forgé en 1829 par Cyrill Demian, inventeur de l'instrument.
  • aspirine : de Aspirin.
  • aux fines herbes (« au revoir ») : c'est une déformation de « auf Wiedersehen ».
  • blitzkrieg : de Blitzkrieg (« guerre éclair »), composé de Blitz (« éclair ») et de Krieg (« guerre »).
  • blockhaus : de Blockhaus
  • bunker : de Bunker
  • cobalt : emprunt à l'allemand Kobalt, de Kobold, nom d'un lutin malicieux.
  • devise : au sens financier, probablement de Devise
  • écologie : de Ökologie, terme forgé par Ernst Haeckel en 1866.
  • ersatz (mot à mot qui se tient à la place de).
  • feldwebel : de l'allemand Feldwebel, même sens.
  • flic est dérivé de « Fliege » (« mouche », d'après le sens argotique « espion »), ou de « Flick » (« garçon, jeune homme »).
  • fritz : du prénom allemand Fritz, diminutif de Friedrich.
  • Gestapo : de l'allemand, ellipse de Geheime Staatspolizei (« police secrète d’État »).
  • heimatlos : emprunt à l'allemand heimatlos (« apatride »).
  • homosexuel : probablement de homosexual, composé de homo- et de sexual.
  • képi : de Käppi.
  • lansquenet : de Landsknecht (« fantassin »).
  • loustic est la francisation de lustig (« joyeux »). Dans les troupes allemandes, il y avait un bouffon que l'on appelait « Lustig » (« le Joyeux »).
  • nazi : de Nazi, contraction de Nationalsozialist.
  • obus : de Haubitze (« obusier »), lui-même emprunté au tchèque houfnice (« catapulte »).
  • putsch : de Putsch.
  • se faire appeler Arthur (« se faire gronder ») : dans cette locution, « Arthur » est une déformation de « acht Uhr » signifiant « huit heures » ; pendant la Seconde Guerre mondiale, en France occupée, le couvre-feu était à huit heures du soir. Les patrouilles allemandes avaient donc pour habitude de prévenir les retardataires en leur indiquant leur montre et en leur disant « acht Uhr! ».
  • thalweg : de Thalweg, composé de Thal (« vallée ») et de Weg (« chemin »).
  • Wehrmacht : de Wehrmacht.

Les emprunts aux langues américaines indigènes

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Tous les produits exotiques découverts aux « Indes occidentales » comme l'on disait alors ont été importés, le plus souvent via l'Espagne ou le Portugal avec leur nom d'origine plus ou moins bien compris et déformé. Ainsi :

  • avocat et hamac des Caraïbes
  • cacahuète
  • chocolat
  • topinambour qui en même temps qu'il désignait le tubercule comestible avait aussi le sens de « personne de caractère ombrageux », caractère que l'on attribuait à la tribu Topinambour d'où ont été exportées les premières de ces plantes.

Cela explique que ces mots soient peu ou prou identiques dans toutes les langues européennes d'aujourd'hui. On notera le cas de l'espagnol qui appelle « platanas », les bananes. Lorsque les premiers Conquistadores rapportèrent des bananes à Séville, les badauds leur demandèrent combien il en poussait « là-bas ». « Autant que de platanes à Séville » fut la réponse qui parut par trop exagérée (bien qu'elle fut vraie) et conduisit à appeler le fruit « platana » à Séville puis dans toute l'Espagne.

Indépendamment de ces importations, espagnol et portugais ont laissé quelques mots apportés par les mercenaires et liés à la vie militaire tels « adjudant » ou « camarade ».

L'adjudant est celui qui aide (Du verbe adjutare, « aider ») un officier (un aide de camp) comme l'adjuvant est un additif qui renforce (qui aide) les qualités d'un remède ou d'un produit industriel comme le béton.

Le camarade est celui avec qui l'on partage sa chambre (« camera » d'où la « camera obscura » (chambre noire) qui aboutit plus simplement à la caméra [de cinéma]). Le camarade est le compagnon de chambrée, le compagnon étant celui avec (cum) qui l'on partage le pain (panis).

Du portugais l'on peut aussi retenir :

  • pintade qui est l'abrégé de « galina pintada » (poule peinte)
  • sombrer qui vient — via un verbe français « soussoubrer » — d'un verbe portugais « soçobrar » signifiant « aller sous l'eau ».

Les emprunts à l'anglais

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S'ils sont aujourd'hui importants, surtout à travers l'américain, il n'en fut pas ainsi pendant longtemps ne serait-ce que parce que les familles anglaises parlaient français et que la première grammaire française fut rédigée en anglais pour permettre aux féodaux autochtones d'acquérir la langue d'expression de leurs souverains.

Les premiers emprunts à l'anglais apparaissent au XVIIIe siècle sous la double influence du libéralisme politique qui se développe en Angleterre et définit les notions et les mots de « parlementaire » ou de « comité » et de l'expansion pré-industrielle comme de l'hégémonie maritime qui succède à celle des pays du Sud de l'Europe d'où « rail », et « tunnel ».

Les emprunts aux autres langues

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Les autres langues ont moins apporté, en dehors de mots désignant des institutions ou des produits locaux (comme les boyards, le caviar). Citons :

Le vieux norrois avec :

  • garer : de « varask » (« être sur ses gardes »).
  • quille (terme de marine), emprunté au vieux norrois « kilir », pluriel de « kjǫlr ».
  • saga, signifiant « récit mythologique ou historique » ; le mot est à rapprocher de l'anglais « to say » (« dire ») et de l'allemand « sagen » (même sens).
  • vague est issu de « vágr », apparenté à l'anglais « wave ».

Le japonais avec :

  • emoji : de « 絵文字 » (emoji).
  • judo, de « 柔道 » (jūdō), composé de « 柔 » (ju) (« souplesse ») et « 道 » (do) (« voie »), littéralement « voie de la souplesse ».
  • kakemono emprunté au japonais « 掛物 » (kakemono).
  • manga tiré de « 漫画 », lui-même composé de « 漫然 » (manzen) (« sans intention ») et « 画 » (ga) (« dessin »).
  • zen : emprunt au japonais « 禅 » (zen), issu du chinois « 禪 » (chán), lui-même abréviation de « 禪那 » (chánnà), du sanskrit « ध्यान » (dhyāna) (« méditation »).

Le turc avec :

  • babouche, de « papuç » (« chaussure »).
  • derviche, emprunté au turc « derviş », lui-même emprunt au persan « درويش » (derwiš) (« mendiant, pauvre »).
  • kebab, tiré de « kebap ».

L'occitan avec :

  • aïoli : de « alhòli ».
  • bosquet, issu de « bosquet », diminutif de « bòsc » (bois) avec le suffixe « -et ».
  • garrigue, emprunté à l'occitan « garriga », de l'ancien occitan « garric » (« chêne kermès »).
  • malfrat, probablement issu de « maufaras », « malfaras » (« malfaiteur »).
  • muscat.
  • péguer, mot utilisé en Occitanie signifiant « coller », est issu de l'occitan « pegar » (même sens).
  • pétanque, de l'occitan « petanca ».

Le fond gaulois

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La littérature gauloise était essentiellement composée de poésies épiques et transmise exclusivement par voie orale. C'est pourquoi s'il reste encore de nombreuses traces du gaulois dans les noms de lieux, cette langue n'a laissé — essentiellement à travers le latin — qu'une quarantaine de mots :

  • alouette
  • berceau
  • bordigue, cabane avec des étagères pour garder le poisson au bord de la mer
  • les braies, les « pantalons » de l'Antiquité, d'où viennent les mots « braguette » et « débraillé ».
  • bruyère. Le mot a été, par ailleurs confondu avec le mot latin « ruscus » qui signifiait « houx ». Un terrain à bruyères était appelé « bruscia » (qui signifiait « taillis », « buisson ») puis « brousse » (et « broussaille ») mais aussi « brosse » d'où les premières brosses qui n'étaient pas faites pour se coiffer mais pour laver le linge ou le sol et donc fabriquées à partir de végétaux très durs et acérés. « brosse » et « brousse » se spécialisèrent par la suite mais il reste des traces de cette synonymie en français moderne : « brosser » lorsque l'on parle d'un animal qui se faufile dans les taillis (ex : En brossant, le lièvre évita le chasseur.). Par analogie, on appelle aussi « brosse », la rangée de poils que l'on trouve au bout des pattes ou antennes de certains insectes et qui leur permettent, par exemple, de se situer dans l'espace tout en servant à la pollinisation.
  • cervoise, bière d’orge ou de blé sans houblon.
  • charrue qui désigne à l'origine un char gaulois puis un char agricole puis finit par se limiter à un instrument muni de roues et d'un soc.
  • chêne qui est une fusion du gaulois latinisé casanus et du mot bas latin fresne
  • glaner
  • sillon d'une racine signifiant amasser de la terre
  • probablement tamis avec le même sens.
  • taisson qui est l'ancien nom du blaireau.
  • talus, de talo qui désigne le front puis, par analogie avec la pente du front, un terrain en pente dans le langage des mineurs

L'emprunt par composition lexicale

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Une forme particulière d'emprunt est la composition lexicale à partir de racines grecques et latines, contrairement à l'emprunt proprement dit où un mot étranger courant est introduit dans la langue d'accueil. Initié dès le XVIe siècle, le procédé a été particulièrement utilisé de 1750 à 1950 (pour avoir des chiffres ronds) dans tous les domaines de la vie scientifique et technique. En principe les deux racines doivent être ou grecques ou latines mais l'on rencontre des mots mixtes.

Les spécialités médicales en sont un bon exemple ; à partir de « -logie » (de « λόγος », l'étude) on construit :

  • « andrologie » [] de « ἀνήρ », l'homme en grec ancien.
  • « anthropologie » [] de « ἄνθρωπος », l'être humain en grec ancien.
  • « cardiologie » [1797] de « καρδία », le cœur en grec ancien.
  • « coprologie » [] de « κόπρος », l'excrément en grec ancien.
  • « dermatologie » [1836] de « δέρμα », la peau en grec ancien. Le mot latin « pellis » désigne initialement la peau de bête tannée ; appliquer ce terme à la peau humaine a dû être quelque peu grossier à l'origine, comme aujourd'hui parler de la « gueule » de quelqu'un.
  • « gynécologie » [] de « γυνή », la femme en grec ancien.
  • « hématologie » [] de « αἷμα », le sang en grec ancien.
  • « œnologie » [] de « οἶνος », le vin en grec ancien.
  • « oncologie » [1970] de « ὄγκος », la tumeur en grec ancien ; les tumeurs constituent un amas en imagerie médicale comme à la palpation
  • « ophtalmologie » [1753] de « ὀφθαλμός », l'œil en grec ancien
  • « proctologie » [1970] de « πρωκτός », l'anus en grec ancien
  • « scatologie » [] de « σκῶρ », l'excrément en grec ancien.
  • « urologie » [] de « οὖρον », l'urine en grec ancien

De la même façon, on construit :

  • « saurien » [1800] (de « σαῦρος » (« lézard »)) reptile à écailles
  • « dinosaure » [1845] (de « δεινός » (« terrible ») et « σαῦρος » (« lézard »)
  • « ichtyosaure » [1824] (de « ἰχθύς » (« poisson ») et « σαῦρος » (« lézard »)
  • « lycoperdon » [] (de « λύκος » (« loup ») et « πέρδομαι » (« flatuler »)
  • « callipyge » [] (de « κάλλος » (« beauté ») et « πυγή » (« fesse »)

ou encore, en vrac :

  • « alopécie » [e siècle] qui désigne la chute des cheveux comparée à celle des poils du renard (« ἀλώπηξ ») se produisant chaque année.
  • « dromadaire » [XIIe siècle] qui est le coureur (« δρομάς ») du désert
  • « éthologie » [1856] l'étude des mœurs (« ἦθος »)
  • « hippopotame » [1265] qui est le cheval (« ἵππος ») du fleuve (« πόταμος »)
  • « hippodrome » [1534] qui est la course (« δρόμος ») du cheval (« ἵππος »)
  • « pétrole » [XIIIe siècle] de « πετρέλαιον »
  • « rhinocéros » [1288] qui a une corne (« κέρας ») sur le nez (« ῥίς »)

Certains mots furent composés autrement :

  • « chauve-souris » vient du bas latin calvas sorices (pluriel), altération sous l'influence de calvus (« chauve »), du bas latin cawa sorix, formé de cawa (« chouette ») et sorix (« souris »), signifiant littéralement « chouette-souris ». Le petit de ce mammifère volant s'appelle le « chauve-souriceau » (« chauve-souricelle » au féminin). Le nom anglais de cet animal est « bat », ce qui insipira Bill Finger et Bob Kane pour la création de Batman.
  • « soutien-gorge » [1904] dérive de soutien et de gorge. Dans ce mot, gorge signifie métaphoriquement « poitrine » ou « sein ».

Les noms propres (personnes, villes, personnages de roman) devenus noms communs

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Le plus connu est Poubelle du nom du préfet de police de Paris, qui imposa, en 1884, de placer les déchets dans un récipient et non de les déposer en vrac sur la chaussée et institua leur collecte régulière mais l'on peut également citer :

  • le père Clément qui fut le premier à obtenir des clémentines dans un orphelinat d'Oran en 1902 par greffe d'un hybride d'oranger et de mandarinier sur un pied de mandarinier.
  • John Loudon MacAdam qui utilisa un revêtement qui venait d'être mis au point pour solidariser les routes et les rendre plus confortables.
  • En 1950, après avoir assisté à une grande exposition du peintre Vittore Carpaccio, le chef Giuseppe Cipriani inventa une recette de viande de bœuf crue à laquelle il donna le nom de famille de l'artiste.
  • Casanova est le nom de famille d'un Italien qui écrivit de célèbres mémoires érotiques (et non « pornographiques » ; bien qu'« érotisme » et « pornographie » viennent tous deux du grec ancien, les sens respectifs de ces deux mots sont très différents.) Aujourd'hui, on appelle « casanova » un homme désirant ardemment séduire de nombreuses femmes.
  • Doberman est le nom de famille d'un gardien de fourrière d'une petite ville allemande qui, chargé d'exterminer les chiens errants, réussit à les croiser de façon à obtenir une race de chiens de garde et en sauva ainsi quelques-uns d'une mort prématurée
  • John Duns Scot (1266-1308) est un théologien et philosophe écossais. Devenu « dunce » en anglais, son nom pris le sens du mot français « cancre » désignant un écolier paresseux. Dans les écoles anglo-américaines, on coiffait autrefois les mauvais élèves de chapeaux coniques portant le mot « ᴅᴜɴᴄᴇ ». L'anglais « dunce cap » correspond métaphoriquement au français «  bonnet d'âne ».
  • Guillaume est l'imprimeur qui introduisit les guillemets (appelés initialement « guillaumets ») dans l'imprimerie ; dans ce secteur, un autre Guillaume, Massiquot (1797-1870) laisse son nom sous une forme orthographique simplifiée (massicot) au dispositif qui permet de couper les feuilles.
  • Louis Pasteur dont le nom se retrouve dans la plupart des langues dans des termes comme « pasteuriser » ou « pasteurisation »
  • François Barrême, mathématicien (1640-1703) auteur d'un des premiers manuels pratiques de comptabilité
  • Partisane de la réforme vestimentaire, l'employée des postes Amelia Bloomer fit la promotion de culottes bouffantes ; avec le temps, ces sous-vêtements prirent le nom de leur promotrice.
  • Devenu aveugle très jeune, Louis Braille improvisa un système d'écriture en relief facilement lisible du bout des doigts.
  • Carlo Tonti qui conçu les tontines (dans une tontine, un emprunteur offre 100 euros par an pour rémunérer un capital initial de 10 000 euros par exemple. Au fur et à mesure que les prêteurs meurent la rémunération annuelle qui reste constante à 100 euros est répartie sur les seuls survivants ; ce procède fut très utilisé par les rois de France du milieu du XVIIe siècle aux abords de la Révolution française puis par les premières institutions mutualistes)
  • Figaro. Personnage de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, il est le barbier du Comte Almaviva ; « aller chez le figaro » signifie « aller chez le barbier/coiffeur ». Dans la deuxième pièce de la trilogie lui étant consacrée, il dit à la scène 3 de l'acte V : « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. » Depuis sa fondation le 15 janvier 1826, le journal quotidien Le Figaro met cette réplique en exergue comme étant sa devise.
  • Frangipane. Marquis italien, Frangipani mis au point en 1558 un parfum pour les gants ; ledit parfum connut rapidement du succès pour accommoder les pâtisseries.
  • Fuller. Eugène Fuller est l'architecte qui dessina les plans de la géode. Les nano-particules ont une structure qui rappelle une géode. Pour honorer Fuller on eut l'idée de donner son nom à la structure.
  • Bougainvilliers, navigateur qui ramena la plante. De même, camélia (initialement écrit Camellia) à qui Linné (qui nomma nombre de plantes de façon raisonnée) donna ce nom en souvenir du père jésuite qui l'avait ramené du Japon : Camellus
  • Oignon était le responsable du protocole de Louis XIV et il exigeait des Grands qu'ils fussent rangés. Par la suite, la référence à ce royal ordonnancement fut oubliée et l'image d'oignons rangés sur un marché se substitua à l'originale.
  • Calepin. En 1502, Ambrogio Calepino publia un dictionnaire de latin. Le mot « calepin » désigna d'abord un dictionnaire (latin ou non) puis évolua vers le sens de recueil de notes.
  • Sandwich est le nom d'un comte anglais (1718-1792) qui, joueur infatigable, demanda qu'on lui servît son repas entre deux tranches de pain pour ne pas quitter le salon de jeu.
  • grégorien : Pape de 590 à 604, Grégoire XIII fixa définitivement les textes rituels et plaça la messe à la première place des cérémonies du culte, sur le plan artistique. Il fit établir une sélection de chants épurés destinés à toutes les fêtes de l'année (l'antiphonaire) et fonda une école de musique destinée à diffuser une nouvelle interprétation mélodique. Il réforma également le calendrier julien.
  • Lalune était un général dont les bourdes étaient nombreuses d'où l'expression bête comme la lune
  • À l'inverse, Jean Colin-Maillard, aveuglé par le sang d'une blessure infligée par l'ennemi se saisit d'un maillard (« marteau » — à comparer avec « maillet » —) et frappant plus ou moins au hasard massacra nombre de ses adversaires ; d'où le jeu de colin-maillard.
  • Hooley était un Irlandais qui rançonnait les paysans en faisant montre d'une extrême violence vis à vis de ceux qui ne se soumettaient pas à ses exactions d'où les « hooligans » des stades.
  • Étienne de Silhouette était contrôleur général des Finances au XVIIIe siècle. Son nom est resté dans la langue soit en raison des nombreuses caricatures que l'on fit de lui soit du fait de ses passages rapides aux affaires qui ne permettaient que de l'y apercevoir.
  • dulcinée désigne poétiquement une femme inspirant une passion romanesque. Cet emploi provient du nom d'un personnage de L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, l'œuvre la plus connue de Miguel de Cervantes (1547-1616).
  • Paparazzo est le nom d'un photographe apparaissant dans le film La Dolce Vita (1960). Aujourd'hui, on appelle « paparazzo » un photographe ayant comme domaine de prédilection la vie privée des célébrités.

Dans le genre « grunge » on trouve isabelle et bourdaloue.

  • isabelle est la couleur de la robe d'un cheval ou du pelage d'un chat qui associe jaune pâle, rouge et noir. La légende veut qu'une noble dame prénommée Isabelle ait fait vœu de ne pas changer sa chemise entre le départ de son époux pour la guerre et son retour. Il existe deux variantes : Isabelle la Catholique lorsque le roi soutint le siège de Grenade (1491) qui dura un an et l'archi-duchesse Isabelle, petite fille de Catherine de Médicis et de Henri II lorsque son époux — Albert — partit pour Ostende et revient en triomphateur après que la ville ait cessé de lui résister pendant trois ans. D'où la couleur de la chemise au retour du bien-aimé. Il semble cependant aux philologues modernes que le mot est tout simplement l'emprunt du mot hiza (lion) à l'arabe à cause de la couleur du pelage de ce fauve.
  • Bourdaloue (ce n'est plus légende mais réalité) était un prédicateur de Notre-Dame de Paris à l'éloquence fort prisée des dames de la bourgeoisie parisienne. Rhétoricien accompli, il captivait son public pendant plusieurs heures et certaines dames eurent l'idée de s'équiper d'un petit vase très discret leur permettant de satisfaire leurs besoins naturels sans quitter leur place (à l'époque les robes étaient assez larges)
  • Dans l'Orlando innamorato, Matteo Maria Boiardo raconte que le roi circassien Sacripante fit preuve d'une bravoure et d'une force extraordinaires pour porter secours à la dame de ses pensées sans qu'on le payât en retour. Francisé en sacripant, le nom de ce personnage désigna d'abord un bravache (Au même titre que « matamore » et « rodomont ».), puis un mauvais sujet et une personne dont la compagnie est peu recommandable. Aujourd'hui, il s'emploie affectueusement pour désigner un individu espiègle ou malicieux (En particulier les petits garçons, au même titre que « chenapan », « coquin » et « garnement »).

Coté paillettes, au contraire, le strass fut inventé par un joailler parisien : Georges Frederic Strass (1770-1773)

Pour ce qui est des villes citons :

  • angora : Initialement on ne parlait pas d'un chat angora mais d'un chat d'Angora, ancien nom de la ville d'Ankara en Turquie
  • bougie. Cire fine de Bougie, ville située dans l'Algérie actuelle, prisée dès le XIVe siècle car elle ne produisait pas trop de fumée pour un bon éclairage.
  • corbillard. Dès le XVIe siècle, on appelait « corbeillard » le coche d'eau — peint en noir — qui assurait une navette entre Paris et Corbeil. Le mot pris son sens actuel au XVIIIe siècle. Les bateaux-mouches ont une origine identique : une navette entre Lyon et le quartier de La Mouche.
  • cordonnier. Étymologiquement, c'est celui qui travaille le cuir à la façon des Cordouans (habitants de Cordoue en Espagne) ou, plus probablement, le cuir en provenance de cette ville.
  • cravate. C'est à l'origine le large ruban que les soldats du Royal Croate étaient autorisés à porter par Louis XIV. « Croate » se prononça rapidement « cravate ».
  • faïence. Ce type de poterie fut imaginé dans le région italienne de Faenza (une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Bologne).
  • jeans. Vers 1850, Levi-Strauss fabrique des pantalons avec de la toile servant à bâcher les chariots dont il renforce les coutures avec des rivets. Cependant une dizaine d'années plus tard il trouve encore plus résistant : un tissu de coton fabriqué à Nîmes depuis la fin du XVIe siècle, teint en bleu avec de l'indigo. Ce tissu de Nîmes deviendra denim d'abord prononcé denime. Comme Nîmes n'est pas un port, c'est de Gênes que le tissu prend la mer pour les États-Unis d'où sa seconde appellation de tissu bleu de Gênes devenu blue-jeans puis simplement jeans.
  • sardine. Originellement il s'agit d'un poisson pêché en Sardaigne.

Sans dériver de noms de personnes, des noms communs sont issus de noms de personnages de roman ou de noms commerciaux :

  • Le Roman de Renart fut aussi célèbre au Moyen Âge que les aventures d'Harry Potter de nos jours. Il met en scène un goupil (c'est à dire en ancien français un renard) nommé « Renart » (Du francique Reginhart, signifiant « le fort en conseil ») qui berne Ysengrin le loup, Noble le lion ou encore Tibert le chat. Ce récit eut tellement de succès que le nom de son personnage principal se substitua au mot « goupil », issu du latin « vulpes ». En 1973, Walt Disney Pictures s'inspira de cette œuvre pour Robin des Bois. En 1985, ce roman fut adapté assez librement et « modernisé » dans une série d'animation française intitulée Moi Renart. En 1919, l'écrivain américain Johnston McCulley publie Le Fléau de Capistrano un récit dont le héros a choisi de lutter contre l'injustice en cachant sa véritable identité sous le nom espagnol du renard. (« zorro » Pour désigner le justicier homonyme, les hispanophones disent et écrivent « El Zorro ».)
  • La syphilis (une maladie sexuellement transmissible) doit son nom au berger Syphilus des Métamorphoses d'Ovide, un des auteurs latins les plus lus au Moyen Âge. (Qui connut d'ailleurs une « renaissance ovidienne ».) Le plus original est que cette maladie, importée du Nouveau Monde, n'existait pas à l'époque antique. C'est un traducteur de Vérone, Girolamo Fracastoro, qui ajouta cet épisode à son modèle en 1530, époque où cette maladie faisait aussi peur que le sida aujourd'hui ; car, les Européens n'ayant jamais été au contact de l'agent infectieux, ils étaient nombreux à en mourir. Selon les endroits, on donnait différents surnoms à la syphilis : « mal italien » (pour les Français), « mal français » (pour les Italiens, les Espagnols, les Russes, les Allemands, les Anglais et les Polonais), « mal espagnol » (pour les Portugais et les Néerlandais), « mal anglais » (pour les Écossais), « rash de Canton » / « ulcère chinois » (pour les Japonais).

Nicolas Chauvin, personnage d'un vaudeville de 1831 (La Cocarde tricolore) représentait un soldat de l'Empire un peu bébête au patriotisme quelque peu excessif.

  • éclair La fermeture Éclair est une marque de fermeture à glissière. Cette marque s'étant imposée dans toute l'Europe on parle aussi de « chisura lampa » (même formule) en italien.
  • frigidaire est une marque de réfrigérateur (on parlait initialement d'armoire réfrigérante d'où réfrigérateur)
  • klaxon est le nom du premier fabricant de cet outil.
  • texto est une marque déposée par SFR pour désigner les SMS. (c'est à dire originellement l'élément du Short Message Service que l'on a francisé en Service messager succinct.)

À Marseille, entre les deux guerres mondiales on n'utilisait pas d'eau de Javel (nom de l'inventeur) mais de la pigeonne, du nom de la marque locale.

On trouve des phénomènes identiques dans toutes les langues. Ainsi, l'italien appelle « montgomery » (Du nom d'un général qui portait ce vêtement avec élégance.) ce que l'anglais nomme « duffle coat ».

Les abréviations

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Le fait que certains mots constituent des acronymes reste parfois conscient mais est oublié :

  • « apud » [] pour « amine precursor uptake and decarboxylation  » (Il s'agit de cellules de la crête neurale qui migrent chez l'embryon et jouent un rôle important dans le système neuro-endocrinien.)
  • « cyborg » [1960] pour « cybernetic organism »
  • « CEDEX » [1972] pour « courrier d'entreprise à distribution exceptionnelle »
  • « CIDEX » [] pour « courrier individuel à distribution exceptionnelle »
  • « glare » [] pour « glass laminate aluminium reinforced epoxy » ()
  • « laser » [1960] pour « light amplification by stimulated emission of radiations » ()
  • « maser » [1954] pour « microwave amplification by stimulated emission of radiations » ()
  • « prion » [1982] pour « proteinaceus infective only particule » (particule infectieuse de nature protéique)
  • « quasar » [1965] pour « quasi-stellar radio source » (radiosource quasi-stellaire)
  • « radar » [1944] pour « radio detecting and ranging » ()
  • « sida » [1981] pour « syndrome d'immunodéficience acquise »
  • « sonar » [1970] pour « sound navigation and ranging » ()
  • « snob » est l'abréviation (s. nob.) de « sine nobilitate » (non noble), mention que portaient les collèges anglais habitués à n'accueillir que les enfants de la noblesse lorsqu'ils s'ouvrirent à la bourgeoisie. Que ce fut vrai ou médisance, on disait que les enfants issus de la bourgeoisie affectaient des comportements habituels à la noblesse et cherchaient à se montrer plus nobles que les nobles.
  • « S.O.S. » qui a gardé les points séparateurs est (par rétroacronymie) l'abréviation de « Save our souls » (Sauvez nos âmes). Au temps du code Morse, le s correspondant à trois brèves et le o à trois longues, l'envoi d'un S.O.S. se traduisait par la répétition sans fin de trois brèves, trois longues et trois brèves.
  • « jeep » constitue l'évolution ultime de la prononciation des initiales « G.P. » pour « General Purpose » (tous usages) caractéristique essentielle voulue par les militaires commanditaires de cette voiture. Le mot est à rapprocher de « G.I. » terme affectueux pour désigner les soldats américains dont les effets portent le terme « G.I. » pour « Government Issue » (propriété de l'État).

Comme tous les mots communs, les abréviations donnent des dérivés : radarisé, snober, snobinard, apudlike

Les onomatopées

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Ce mot vient du latin onomatopoeia, issu du grec ancien « ὀνοματοποιία ». Il s'agit de mots qui visent à imiter un son ou à suggérer la chose nommée :

  • boum, paf, crac
  • brrr qui remonte au XVIIIe siècle
  • gazouillis
  • glouglou
  • frou frou qui vient de frifilis, mot du XVIIIe qui évoque le froissement des tissus
  • susurrer
  • vrombir
  • murmure : initialement le mot désignait un bruit assourdissant.
  • patte serait la traduction du bruit fait par le frottement des poils des pattes d'un animal qui court vite
  • bat, le bruit que l'on fait en bâillant est à l'origine du latin batare qui a donné le français « bâiller ».
  • slogan vient du gaélique écossais sluagh-gairm (« cri de guerre »).

Les mots forgés de toutes pièces

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  • Ordinateur : dans la plupart des pays, on parle de computer (= qui calcule). En France, lorsque la machine commença à être connue, on parlait d'ensemble électronique ou encore de calculateur électronique pour celles qui n'étaient pas dédiées à la gestion mais à des calculs proprement dits. Le principal constructeur de l'époque, pour ne pas dire le seul, IBM souhaita trouver un mot spécifique à sa marque et chargea un linguiste, J. Perret de cette démarche. Ce dernier, en retenant que la machine triait rapidement les données, rechercha un vieux mot de théologie "ordinateur" et le "vendit" à IBM. Il est dit dans la Bible que Dieu est le Grand Ordinateur car Il trie et assemble. La protection de la marque ayant pris fin, le mot est tombé dans le domaine public.
  • Récemment les informaticiens ont à nouveau puisé dans le vocabulaire de la théologie en imaginant d'utiliser le mot ontologie pour désigner la description sémantique d'un domaine c'est à dire l'ensemble des mots du domaine et des relations qui les unissent.
  • Bikini et monokini. Le créateur du premier bikini — même si sa culotte était bien plus haute et couvrante que la nôtre — savait que ce vêtement allait faire scandale, d'autant qu'aucun mannequin professionnel n'avait accepté de le présenter au public et qu'il avait dû s'adresser pour ce faire à une danseuse de spectacle nu. Tout le monde avait alors à l'esprit le petit atoll de Bikini où eut lieu la première explosion atomique expérimentale en grandeur réelle ; le créateur retint donc de nom à la fois pour la petite surface du vêtement (comme l'atoll) et l'explosion « atomique » qu'il allait créer. Lorsque la mode d'un bronzage quasi intégral fut lancée, on joua à nouveau sur le mot en appelant « monokini » un maillot composé seulement de la pièce du bas comme si le préfixe bi- de « bikini » caractérisait l'existence de deux parties (à comparer à la plaisanterie éculée : « Elle a attrapé des microbes et même des crobes entiers. »).
  • français moyen date très exactement d'un discours d'un homme politique de l'entre deux guerres, Édouard Herriot, prononcé le 19 août 1924 et désigne en fait ce que les statisticiens appelleraient plutôt le français modal.

D'autres mots sans avoir été inventés ont eu une introduction dans la langue française liée à un phénomène bien identifié. Ainsi :

  • rescapé. Le mot appartient à un dialecte wallon. En 1906, la France connut une des plus grandes tragédies industrielles, l'explosion de la mine de Courrières qui fit près de 1100 morts. Des mineurs belges étaient venus aider au sauvetage de leurs camarades français bloqués depuis plusieurs jours dans un puits à la suite d'un éboulement. Interrogés par un journaliste, ils parlèrent des « rescapés ». Ce mot fut repris par l'ensemble de la presse et introduit du jour au lendemain dans le français standard qui en généralisa vite le sens.
  • côté cour et côté jardin. Cette expression des gens de théâtre est une première manière de politiquement correct (sous peine de mort). Sous l'Ancien Régime français, le théâtre royal comportait deux loges, l'une pour le roi et l'autre pour la reine. La mise en scène faisait ainsi naturellement référence au côté de la reine ou au côté du roi. Avec la Révolution française, un tel référentiel pouvait valoir un aller immédiat pour l'échafaud. Une des loges était située du côté d'une cour et l'autre du côté d'un jardin, d'où la substitution.

Références

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Sources

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  1. 1,00 1,01 1,02 1,03 1,04 1,05 1,06 1,07 1,08 et 1,09 Jean Dubois, Henri Mitterand, Albert Dauzat, Dictionnaire étymologique et historique du français, Éditions Larousse, 2007
  2. Guus Kroonen, Etymological Dictionary of Proto-Germanic
  3. 3,0 3,1 3,2 et 3,3 Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires Le Robert, Paris, 1992
  4. « tribord », dans TLFi, Le Trésor de la langue française informatisé, 1971–1994 → consulter cet ouvrage
  5. « cookie », dans Merriam-Webster, 2022 → consulter cet ouvrage
  6. « Santa Claus », dans Merriam-Webster, 2022 → consulter cet ouvrage

Bibliographie

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  • TLFi, Le Trésor de la langue française informatisé, 1971–1994 → consulter cet ouvrage
  • Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires Le Robert, Paris, 2019


Les extensions grammaticales

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Nous regroupons sous cette expression

  • la construction d'un nouveau verbe ou d'un nouveau nom par adjonction d'un préfixe, plus rarement d'un suffixe à un verbe ou à un nom
  • la construction d'un mot d'une catégorie grammaticale à partir d'un mot d'une autre catégorie grammaticale (nom à partir d'un verbe, adjectif à partir d'un nom, adverbe à partir d'un adjectif, etc...)

La préfixation

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Un riche exemple de la dérivation par préfixation est le verbe latin eo qui signifie je vais (il va se dit it et l'infinitif aller est ire). Par simple adjonction de préfixes l'on obtient :

  • trans (au-delà de) : à la fois transiter (un camion en transit en France va au-delà de la France, par exemple d'Espagne en Italie) et transes (celle ou celui qui est en transes va au-delà de sa personnalité)
  • per (complètement) : périr, celle ou celui qui périt a traversé sa vie d'un bout à l'autre
  • sub (sous) : subir, celle ou celui qui subit passe sous la volonté de l'autre
  • cum/co (avec) : le coït est populairement le fait d'aller avec ; le comte est le haut dignitaire qui accompagne protocolairement le roi. Les deux mots sont de même racine.
  • ex (hors de) : il existait en ancien français un verbe exeo, signifiant je sors dont il ne reste plus que les formes exit (il sort, formule souvent utilisée dans les indications de mise en scéne), issu (Mlle X est issue de la haute noblesse et, plus simplement, issue de secours) et exeat, certificat de radiation ou autorisation de sortie.
  • in (dans) : ineo c'est entrer quelque part et, plus généralement, commencer, débuter, d'où la lettre initiale qui se situe au début d'un mot ou l'initiation.

Ce mot latin donne également itinéraire, itinérant (= qui est sur les chemins).

Les déverbaux et dérivés adverbiaux

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Ils sont légion :

  • encombrer - encombrement
  • dessiner - dessein et dessin (jusqu'au XVIIIe siècle ces deux mots avaient le même sens puis, comme c'est le cas dans une pareille situation, chacun d'eux s'est spécialisé dans une acception particulière)
  • rapide - rapidement ; évident - évidemment ; sage - sagement ; doux - doucement (conduire doucement c'est conduire de façon à ne pas secouer les passagers et donc lentement) ; cher - chèrement qui ne se rencontre quasiment plus que dans « vendre chèrement sa vie » c'est-à-dire en coûtant cher à ses ennemis.
  • devant - devanture
  • rose, marron et autres, passés de l'objet à la couleur. L'avocat ou le notaire marron n'entretiennent pas de rapport direct avec cette couleur. On appelait marron un esclave qui fuguait. Par assimilation, un avocat ou un notaire marron est quelqu'un qui manque de statut légal, de professionnalisme et, partant, de déontologie.

Les extensions analogiques et rhétoriques

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L'analogie est un mode de réflexion qui fait correspondre un objet à un autre objet car ils ont « beaucoup » en commun. L'étendue de ce « beaucoup » est cependant très variable. Pour ce qui est du vocabulaire, l'argument de la comparaison peut être la couleur, la forme, l'étendue, le bruit.

La rhétorique utilise des figures comme l'emploi d'une partie pour désigner le tout et l'inverse, celui de la cause pour la conséquence et l'inverse, etc. L'argot illustre abondamment ce phénomène et certains mots de la langue française standard actuelle sont d'anciennes expressions argotiques.

S'y ajoute le passage du concret à l'abstrait et, parfois, de l'abstrait au concret.

Les figures élémentaires

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La forme

  • le « rouleau de mer » à partir du mot « rouleau »
  • le « volume ». En latin, « volumen » désigne ce qui est enroulé sur lui-même. Les parchemins correspondant à une œuvre étaient cousus les uns aux autres et l'ensemble, roulé sur lui-même, constituait un volume. Lorsque l'œuvre était trop importante, elle se composait, comme aujourd'hui, de plusieurs volumes pour que chacun reste maniable.
  • chalumeau : ce mot vient du latin « calamus » (« roseau ») que l'on retrouve dans une des rares expressions latines encore en usage de nos jours, « lapsus calami » ou « erreur de plume » pour désigner les oublis ou les substitutions d'un mot à un autre dans les textes écrits, les premières « plumes » ayant été fabriquées à partir de roseaux. Le roseau a été utilisé pour tailler l'ancêtre de la clarinette, appelée « chalumeau », la matière donnant son appellation à l'objet pris dans son entier. Également utilisé dans la confection des premières pailles permettant d'aspirer une boisson, celles-ci sont encore appelées « chalumeaux » en français soutenu. L'outil permettant de souder ou de couper du métal dont la forme du tube « lance-flamme » est celle d'un chalumeau et en a également pris le nom pour le désigner en entier.
  • papillon : la forme de l'insecte est celle du nœud papillon ou de l'écrou papillon
  • clavicule et cheville viennent de clef car elles ont une forme coudée comme les clefs d'autrefois (celles que l'on voit sur les illustrations des contes de fées)
  • coccyx : l'os a une forme qui rappelle le bec du coucou (« κόκκυξ » (kόkkyx) en grec ancien).
  • coude : la forme du coude anatomique s'est étendue aux tuyaux et tunnels.
  • delta : sur une carte de géographie, le delta du fleuve a la forme triangulaire de cette majuscule grecque.
  • rétine : le réseau que font les petits vaisseaux sanguins de l'œil.
  • lunettes : ces verres forment de petites lunes. Initialement on parlait de « bérycles » à partir de l'élément constituant des verres : le béryl. Le r entre deux voyelles se prononçant [z], cela donna « bésicles » ; « lunettes » le concurrença puis se substitua largement à lui.

Il est à noter que la même forme n'évoque pas nécessairement la même chose à tous les peuples :

  • d'une racine indo-européenne *bʰrewsos signifiant « gonflé », l'anglais a tiré breast (« sein ») et le russe брюхо (brioukho) (« ventre »)
  • d'une racine indo-européenne *ḱewb- signifiant « plié », l'anglais a tiré hip (« hanche ») l'allemand Hüfte (même sens) d'où, via le latin cubitus, le français coude et l'italien gomito de même sens.
  • une autre racine indo-européenne *h₁édti donne tooth (« dent ») en anglais Zahn en allemand (même sens), dent en français et edere (« manger ») en latin ainsi que to eat (même sens) en anglais et essen (même sens) en allemand.

L'étendue

  • une larme de lait à partir du volume d'une larme
  • un cahier — dont la première orthographe est quaer qui rappelle sa parenté avec « quatre » — est, à l'origine, une feuille de papier pliée en quatre.

La dureté

  • Dur : du temps où les trains avaient une troisième classe dont les banquettes étaient en bois alors que les trajets étaient bien plus longs qu'aujourd'hui on disait « prendre le dur » pour « prendre le train » (qualité désignant l'ensemble), expression aujourd'hui disparue grâce à l'amélioration du confort ferroviaire. À noter que les premières gares de voyageurs des chemins de fer s'appelaient des embarcadères par analogie avec les transports par voie d'eau. Les gares étaient des lieux où l'on garait les trains ; les deux lieux se rapprochant, les deux mots se rapprochèrent aussi et « gare » remplaça « embarcadère » ; mais nous avons conservé le terme maritime de « quai ».

La position

  • Le talon est la partie arrière du pied, d'où le « talon » de jambon puis le « talon » du chèque qui est ce qui reste quand le chéquier est fini comme le talon de jambon est ce qui reste quand le jambon est presque totalement consommé.
  • même chose avec pied (d'où l'explication est donnée au pied du tableur)

La différence par rapport à une valeur Haut signifie généralement élevé mais le mot latin altus dont il est issu traduisait une différence de niveau quel qu'en soit le sens, différence qui persiste dans la haute mer qui est la mer profonde.

Le bruit

  • buculus est le jeune taureau en latin d'où le verbe français « beugler » et par analogie son emploi en argot
  • l'anglais noise (« bruit ») vient du latin nausea (« nausée »). L'étalon du bruit est en quelque sorte celui de quelqu'un qui vomit. Quant à l'expression chercher noise à quelqu'un, elle anticipe la fait qu'il va y avoir des cris de dispute

Le comportement ou la physiologie d'un animal

  • Alopécie vient du grec ancien « ἀλωπεκία » (alôpekía) (« chute des cheveux ») par analogie avec la chute annuelle des poils du renard. (« ἀλώπηξ »)

Le tout pour la partie et la partie pour le tout

  • En argot moderne, « se faire une toile » signifie « aller au cinéma » : la toile désigne ici le tout alors qu'elle ne constitue qu'une partie de l'équipement
  • L'habit vert des Académiciens est noir brodé avec des feuilles d'olivier vertes qui ont donné le nom à l'ensemble du costume
  • Page : « παῖς » (paîs) est, en grec ancien, l'enfant et plus spécialement le garçon adolescent et jeune adulte. Le mot désigne aussi le serviteur, fonction la plus répandue des jeunes garçons dans l'Antiquité puis le page, lui-même serviteur du Prince. Le mot « παῖς » se retrouve dans pédagogue. Initialement le pédagogue est celui qui conduit l'enfant à l'école. Cette personne était non seulement chargée d'accompagner l'enfant mais aussi d'assister à l'enseignement pour s'assurer qu'il soit conforme aux souhaits des parents d'où les sens modernes de « pédagogie » et « pédagogue », qui a désigné celui qui enseigne avant de désigner celui qui sait enseigner (sens actuel). Enfin, « pédéraste », abrégé aujourd'hui en pédé, signifie celui qui aime les jeunes garçons.
  • Nouveautés. Au XVIIIe siècle, les nouveautés étaient des comédies (d'où le théâtre des Nouveautés qui existe encore à Paris) puis le mot s'est étendu à toutes les nouveautés littéraires, à celles de la mode et enfin à tout ce qui est nouveau.
  • Soupe. À l'origine, il s'agit d'une tranche de pain assez compact sur lequel on dispose des légumes bouillis et éventuellement de la viande. D'où l'expression qui subsiste aujourd'hui, « trempé comme une soupe » c'est à dire comme le morceau de pain une fois que l'on y a versé les légumes et le bouillon qui les accompagne. Au fil des temps le mot a désigné le légume et le bouillon.

Il en est de même dans d'autres langues. Par exemple en italien, la ricotta est une herbe. Cette herbe a été utilisée pour envelopper un fromage qui a pris son nom. Ce fromage est mou, d'où « avere le gambe di ricotta » qui est l'équivalent italien du français « avoir les jambes en coton ».

Le passage du concret à l'abstrait

  • un impact est la résultante concrète d'un choc (exemple : un impact de balle). Le mot acquiert un sens abstrait dans l'impact médiatique ou le déménagement de l'entreprise impactera essentiellement les personnels qui habitent au Sud de Paris.
  • un étalon est un cheval qui sert à la reproduction compte tenu de ses qualités hors du commun, de même que le kilogramme étalon sert à la reproduction des poids d'un kilogramme.
  • ourdir est l'opération qui consiste à amorcer le tissage sur un métier à tisser ; de là l'idée d'amorcer un complot.
  • La peinture est originellement la couleur puis devient le résultat de l'application de cette couleur puis la représentation de quelque chose par un procédé qui mêle description et art (la peinture d'une même société n'est pas la même chez Hugo, Balzac et Zola) mais aussi la technique comme dans la peinture au couteau.
  • Conséquent est à l'origine ce qui suit mais les conséquences d'une chose étant parfois aussi importantes (voire plus importantes) que la cause, le mot a pris au XIXe siècle le sens d'« important » comme dans c'est un prix conséquent, emploi qui reste toutefois incorrect.
  • La grève est initialement la partie lourde des alluvions (gravis en latin signifie « lourd » d'où le « gravier »). À Paris, un des endroits où la Seine déposait le plus de gravier a été appelée « Place de Grève » (l'emplacement de l'actuelle Place de l'Hôtel de Ville). C'est là que se réunissaient les travailleurs qui cherchaient un emploi puis ceux qui suspendaient leur travail à titre de protestation, d'où le sens actuel. À comparer les images suivant les différents pays avec l'expression « grève perlée » qui se dit mot à mot « grève à hoquet » en italien (sciopero a singhiozzo) et « grève du lambin » en allemand (Bummelstreik) où bummel est un terme familier que l'on retrouve dans bummeln qui signifie « flâner », « faire du lèche-vitrine ».

La cause et la conséquence :

  • Achalandé : initialement un magasin achalandé est une boutique fréquentée par de nombreux chalands c'est à dire passants. Une boutique où il y a de nombreux chalands est probablement une boutique pleine de marchandises propres à attirer le client par leur diversité et leur fraîcheur d'où le second sens du mot : bien fourni (cause et conséquence sont confondues)
  • Aimable. Lorsque les carottes rendent aimables, elles n'agissent pas sur le caractère mais sur le teint qu'elles rendent plus agréable à la vue. La mangeuse de carottes est ainsi plus aimable mais on associe l'idée de gentillesse à celle de beauté (les princesses sont rarement méchantes, Carabosse est méchante mais laide alors que les gentilles fées sont très fines) d'où le sens actuel.
  • Belladone. C'est le nom d'une plante qui contient un suc utilisé autrefois pour dilater la pupille. De grands yeux étaient un élément de la beauté féminine. La plante permettait ainsi de se donner l'aspect d'une belle jeune fille (« bella dona » en italien).
  • Cuistre. Ce mot désignait à l'origine le professeur de ce que nous appelons un collège, trop souvent fier de montrer ses connaissances au grès de ses contemporains des XVIIIe et XIXe siècles d'où le glissement de sens.
  • Féliciter. « Felix » signifie « heureux » en latin, d'où la félicité. Féliciter c'est, à l'origine [1450], rendre heureux ; ce sens subsiste dans l'expression je me félicite de c'est à dire je suis heureuse que. Le sens actuel se réfère à une façon particulière de rendre quelqu'un heureux(se) : en lui adressant des compliments.

Les enchaînements

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Les évolutions peuvent s'enchaîner. Toilette était initialement une petite toile ou plus exactement une toile fine.

  • c'est avec une toile fine que l'on peut essuyer son visage après s'être rafraîchi(e)
  • puis l'action de se laver elle-même (faire sa toilette)
  • puis l'ensemble des actions qui sont associées : comme se peigner, se maquiller, se vêtir d'où l'expression être toute à sa toilette
  • puis le vêtement lui même : avoir une belle toilette, une nouvelle toilette, une toilette apprêtée
  • puis le local où l'on se lave et se prépare (cabinet de toilette)
  • puis, par pudeur, les WC même lorsque ceux-ci ne sont plus situés dans le cabinet de toilette comme c'était le cas initialement, pour minimiser les conduits d'amenée et d'évacuation d'eau
  • puis l'usage de ce lieu.

Citons aussi bureau qui est également d'origine textile

  • au commencement il s'agit d'un morceau de bure (étoffe de laine grossière quasiment brute et qui gratte)
  • que l'on utilise donc peu à peu seulement comme tissu d'ameublement et non pour se vêtir
  • et dont on revêt les tables (d'où le nom donné à la table)
  • puis à la pièce où se trouve la table
  • puis à l'ensemble des pièces
  • puis l'ensemble des personnes qui travaillent dans une partie de ces immeubles ou l'exécutif ou l'ensemble du personnel administratif.

Les dérivations issues de mauvaises compréhensions

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  • « rester en rade » renvoie pour beaucoup de locuteurs d'aujourd'hui à l'image d'un bateau en panne qui ne peut sortir de la rade. Pourtant cette expression signifie plutôt que le bateau ne peut pas rentrer au port mais reste en route parce qu'il n'y pas assez de vent. Rade doit être rapproché de l'anglais road (« route »)
  • « retirer les marrons du feu » Celui qui retire les marrons du feu se brûle les doigts sans en profiter puisque c'est un autre qui les mange. Il est la victime et non le bénéficiaire comme l'entend le sens actuel.
  • En latin malum désigne le mal par opposition au bien mais aussi la pomme. Dans le premier sens, le a est long, dans le second il est bref et les deux mots restent bien distincts. Au fils des temps, le a long est lui aussi devenu bref et les deux mots se sont confondus. De ce fait, l'arbre biblique du bien et du mal est devenu un pommier. Quand à la pomme son nom vient de pomum qui désignait en latin un fruit, quel qu'il soit, dans une civilisation qui ne connaissait que peu de fruits (figues, nèfles). Comme l'on mettait de la pomme dans les cosmétiques pour leur donner un parfum acceptable, le mot a donné pommade même s'il n'y a plus beaucoup de pomme dans les pommades modernes. Quant à l'expression tomber dans les pommes elle n'a rien à voir avec le fruit mais constitue une mauvaise compréhension de tomber dans les pâmes encore compréhensible de nombre de Français dans la formule tomber en pâmoison. Au fil des temps, certains locuteurs ont imaginé une personne qui se trouve mal à côté d'un cageot de pommes et s'écroule sur les fruits.


Évolution ou disparition des signifiés

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Les mots évoluent et, éventuellement, disparaissent avec la chose, l'action ou le sentiment qu'ils représentent.

Cette évolution (disparition) peut porter sur des mots isolés ou des champs sémantiques entiers.

On pense immédiatement aux articles de mode (habillement ou décoration) par définition passagers. Ainsi « culotte » et « pantalon » ne désignent-ils manifestement plus aujourd'hui ce qu'ils désignaient au XVIIe siècle. Nous ne comprenons plus immédiatement pourquoi les Révolutionnaires français étaient qualifiés de « sans-culottes », et même l'expression « user ses fonds de culotte sur les bancs de l'école » apparaît désuète. Knickerbockers (abrégé en knickers) très répandu entre les années 1920 et 1940 pour désigner un pantalon de golf est en passe de complètement disparaître. Gibus, chapeau haut-de-forme que l'on peut aplatir pour le ranger grâce à un système de ressorts inventé par Antoine et Gabriel Gibus dans les années 1830, est largement oublié.

Toutefois l'ensemble du vocabulaire est concerné. Voici un retour sur une ou deux générations.

Dans les années 1950, « tender », « micheline » et « tub » faisaient partie du vocabulaire standard. Aujourd'hui le premier n'est plus d'un usage immédiat et les deux autres ont complètement disparu.

  • le tender (en anglais serviteur de to tend « servir », qui partage son radical avec « attendre », le serviteur étant à la disposition de son maître ou de sa maîtresse) était le wagon que l'on accrochait derrière la locomotive à vapeur pour y stocker le charbon et une partie de l'eau nécessaires au voyage.
  • la micheline était un autorail construit par la société Michelin avec des roues métalliques entourées de bandages pneumatiques. Dépassant les 100 km/h, elle était rapide pour l'époque et surtout confortable.
  • le tub, anciennement écrit tob, est entré dans la langue française vers 1880. Il s'agissait d'une grande bassine (ce mot signifie « baquet » en anglais) que l'on installait au milieu de sa cuisine (car il y avait encore peu de salles de bains) pour prendre une douche (en se versant un broc d'eau chaude sur la tête) ou un bain (en remplissant le tub avec un broc). Le mot « broc » est lui-même en voie de disparition.

Pour s'en tenir à une époque plus récente, il y a vingt-cinq ans les manuels d'organisation de travail de bureau se référaient à des stencils, du vernis correcteur et des documents ronéotés, vocabulaire qui n'a plus cours aujourd'hui.

  • le stencil (« pochoir » en anglais, du verbe « to stencil », « enluminer ») qui partage la même origine que le français « étinceler » était un support de papier que l'on passait entre deux rouleaux dont l'un était enduit d'encre
  • lorsque l'on commettait une faute de frappe, on « rebouchait » la perforation du pochoir avec un vernis proche du vernis à ongles dit « vernis correcteur ».
  • « Ronéo » était le nom de l'entreprise qui produisait la machine encreuse ; le dépôt de la marque eut lieu en 1921. Cela donna « ronéoté » qui concurrençait « polycopié » ou « multigraphié ». Seul « polycopié » demeure aujourd'hui pour désigner le support de cours donné par des professeurs à leurs étudiants, le sens du mot demeurant (« qui est copié plusieurs fois ») même si le mode de reproduction n'est plus le même.

Dans ces mêmes années 1950 on comprenait qu'un pharmacien fût amicalement appelé un potard car il préparait encore quelques potions magistrales en mélangeant des produits puisés dans de nombreux pots comme on en voit dans les musées de pharmacie et que l'on retrouve aujourd'hui plutôt chez certains marchands de thé.

À la même époque les centraux téléphoniques n'étaient pas encore entièrement automatisés et les demoiselles des P.T.T. constituaient le personnel obligatoirement féminin qui assurait à la main la mise en relation. Le demandeur appelait le central, annonçait le numéro demandé et la jeune femme le connectait.

Parmi les champs sémantiques qui disparaissent on trouve :

  • le vocabulaire des chevaux qui n'est plus directement utilisé que par celles et ceux qui pratiquent l'équitation alors que, inversement, le vocabulaire de l'automobile constitue un pourcentage appréciable du vocabulaire du français moyen du début du XXIe siècle et s'adapte en permanence aux améliorations du véhicule : le mot « starter », employé pour désigner un levier ou un bouton qui enclenchait un dispositif facilitant le démarrage des voitures a disparu en vingt ans car le démarrage est maintenant automatique mais « ABS » ou « GPS » sont des sigles connus de tous.
  • le vocabulaire de l'héraldique, science des blasons, qui jusqu'à la fin du XXe siècle bénéficiait d'une planche en couleur dans tous les dictionnaires classiques du type Petit Larousse illustré et dont la connaissance reste nécessaire pour une bonne compréhension de la littérature française antérieure à la Seconde Guerre mondiale.
  • le vocabulaire de l'industrie textile et de la métallurgie dans une France qui importe (pour le textile) ou d'usines très automatisées (pour la métallurgie) et donc sans grands effectifs pour relayer le vocabulaire technique en dehors du métier.

Les évolutions de la société

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La notoriété respective des professions, l'importance des effectifs employés par les différentes branches économiques ou le contenu des activités des contemporains expliquent aussi des évolutions.

Du temps où le service militaire pouvait durer jusqu'à trois ans pour un homme dont l'espérance de vie à la naissance était de l'ordre de 60 ans, le vocabulaire courant comportait de nombreuses références à ces obligations civiques aujourd'hui disparues ou en voie de disparition, d'autant que l'armée est devenue plus technique.

À la même époque, le caractère essentiellement rural de la France faisait aussi que la plupart des lycéens étaient internes, d'où des références linguistiques à ces longues années (de 7 à 10 ans) pas toujours faciles à en lire les récits. Ce même caractère rural faisait aussi que quasiment chacun connaissait le vocabulaire de la campagne (culture et élevage, oiseaux, fleurs).

L'évolution des mentalités

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Les grands courants comme l'abandon d'une vie religieuse quotidienne prégnante, l'émancipation de la femme, la possibilité d'une consommation de biens et services élargie, un plus grand respect des handicapés ou la régression de la xénophobie rendent malséantes voire obscures des expressions autrefois courantes :

  • « mettre à l'index » est une expression d'origine ecclésiastique signifiant : « mettre à l'Index librorum prohibitorum les livres qu'un Chrétien ne doit pas lire ». La censure catholique n'ayant plus guère d'audience, la mise à l'index n'est plus comprise de certains bacheliers.

Beaucoup de jurons autrefois fort inconvenants car ils enfreignaient le commandement le nom de Dieu n'invoquera sont aujourd'hui oubliés voire précieux comme « pardieu », « palsambleu » (« par le sang de Dieu »), « sacrebleu » (« bleu » y est le substitut de « Dieu »)

  • « tuer le mandarin », expression signifiant que l'on se souciait aussi peu d'une décision que de tuer un mandarin (lettré et haut fonctionnaire chinois) a complètement disparu
  • betterave pour diabétique (la France a longtemps tiré l'essentiel de son sucre des betteraves de Champagne).

Cette évolution influence aussi la perception du corps et de ses fonctions. Le Moyen Âge était plutôt libre vis à vis du corps et de sa nudité. Il y avait alors autant de vols à Paris qu'aujourd'hui mais le nombre d'heures de travail nécessaires pour s'acheter un vêtement volé était considérablement plus élevé que de nos jours. Aussi, par temps de canicule, les habitants se déshabillaient-ils chez eux et allaient-ils se baigner dans la Seine pour prévenir tout chapardage. Les autorités ecclésiastiques fustigeaient cette façon de faire mais la fréquence de leurs rappels prouve le peu d'impact de l'interdit. À cette même époque les femmes avaient des « mamelles ». Avec le Quattrocento italien puis la Renaissance française elles eurent des « seins » en même temps que s'introduisaient des règles de convenance réfrénant l'expression corporelle (ne pas émettre de bruits à table, ne pas y relater ses ébats amoureux, ne pas y faire allusion à une prostituée, etc.).

Le mot « sein » vient du latin « sinus » (« courbe ») que l'on retrouve dans « sinueux » et « sinus »/« sinusite » (les sinus sont des cavités de forme irrégulière). Il s'agit du pli que fait un vêtement (toge romaine ou robe médiévale) au niveau de la poitrine. Il reste un souvenir de ce sens en français moderne : « réchauffer un serpent (ou un renard) dans son sein ». Cela ne veut pas dire que l'animal en question sortira de notre poitrine comme Minerve du crâne de Jupiter dans la mythologie romaine mais que, pris de pitié on a placé (garçon ou fille) un serpenteau ou un renardeau abandonné par sa mère dans notre vêtement pour qu'il profite de la chaleur de notre corps et ne meure pas et qu'au lieu de récompenser son bienfaiteur, cet animal le mord. Dès le XVIe siècle, on désigne par le pli du vêtement ce qu'il y a dessous. Le mot « sein » devient seul bienséant tandis que « mamelle », populaire, disparaît sauf volonté spécialement dépréciative. Au XIXe siècle deux phénomènes vont se superposer : d'une part, le mot « sein » est devenu un terme standard et tout le monde comprend à quoi il renvoie, d'autre part, la pudeur (ou la fausse pudeur) est une valeur montante. Le mot est alors remplacé par « poitrine », beaucoup plus neutre et également employé pour les hommes (un soldat blessé à la poitrine). On trouve même l'expression « poumon de maman » employée pour enseigner l'anatomie aux enfants à une époque où le mot « poumon » est très connoté émotionnellement car lié à la tuberculose qui fait d'immenses ravages. De nos jours on est revenu à la forme standard de la Renaissance française.

Autre exemple : Les Plaideurs de Jean Racine met en scène le procès burlesque d'un chien accusé d'avoir mangé un chapon qu'un cuisinier s'apprêtait à rôtir. Des chiots, ses enfants, assistent au procès pour émouvoir le juge qui constate, en vers, « ils ont pissé partout ». À l'époque de Racine ce terme n'est ni grossier ni affecté. Il relève du langage standard et on le retrouve chez Madame de Sévigné par exemple. Au XIXe siècle, avec la volonté affirmée de cacher le corps et ses fonctions, ce mot devient grossier ; des livres se contentent de l'imprimer sous la forme « p..... » et dans les années 1930, il est conseillé aux professeurs de lire « ils ont sali partout ». Même « faire pipi » n'était pas à dire, sauf à un tout jeune enfant. Il convenait surtout de se taire et éventuellement d'utiliser des périphrases qui insistent sur le caractère négligeable de la fonction : « eau salée », « petite commission » en français, « to spend a penny » en anglais. De nos jours le mot racinien reste pour le moins populaire et à éviter, mais « faire pipi » relève du langage standard tout en étant officiellement familier.

Au XIXe le terme « virginité » était lui-même camouflé sous des périphrases comme (pour les filles) « petit capital » qui témoigne d'ailleurs tant de la découverte des principes d'accumulation économique que du peu de considération que l'on nourrissait pour les femmes assimilées à un avoir.

La politique scolaire et universitaire - l'environnement culturel

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Depuis la formation des États européens modernes, les programmes scolaires façonnent la langue. Très centralisatrice, la France a longtemps imposé des programmes détaillés tendant à l'instauration d'une culture minimale commune à l'ensemble de la collectivité. Selon le contenu de ce programme des expressions naissent, vivent ou disparaissent. Vous pouvez aisément constater que des expressions tirées des grands classiques comme « Avocat passons au déluge » (Jean Racine), « Albe vous a nommé, je ne vous connais plus » (Pierre Corneille) ou « Voilà pourquoi votre fille est muette » (Molière) ne sont plus utilisées de façon courante que par des personnes au bord de la retraite à moins qu'une tradition familiale — et non un enseignement scolaire standard — ne les ait conservées dans la famille. Une remarque identique peut être faite à propos d'autre auteurs comme José Maria de Heredia ou Leconte de Lisle (fin du XIXe siècle). Lorsque Alphonse Allais met en scène le couple Timéo Danaos et Dona Ferrentes, tous les lecteurs de son temps sourient immédiatement, privilège aujourd'hui réservé aux titulaires d'un master de logique ; la formule signifie : « Je me méfie des Grecs, même lorsqu'ils apportent un cadeau. », par allusion au cheval de Troie. Les différentes syllabes constituent un moyen mnémotechnique de se souvenir des principes de la logique d'Aristote qui ont été les seuls enseignés jusque dans les années 1950 où les travaux menés depuis la fin du XIXe siècle à partir des algèbres de relation et multivalentes se sont imposés et, surtout, ont été relayés par l'informatique.

La conception des livres pour enfants joue aussi un rôle important. La Révolution française a unifié les structures juridiques de la France en supprimant les sénéchaux et les baillis et en remplaçant les lieues par les kilomètres ; les boyards et les voïvodes n'ont pas survécu aux bouleversements de l'Europe de l'Est, mais ces personnages continuent de survivre dans les contes avec la fameuse « bobinette qui cherra » du Petit Chaperon rouge. Au contraire, à partir du moment où, en préférant la simplification à la couleur « historique » les nouvelles éditions évoqueront simplement des princes, des seigneurs ou « la porte qui s'ouvre », le vocabulaire se perdra rapidement.

L'inflation

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Comme la monnaie, les mots se dévaluent à l'usage. L'image initiale s'estompe et doit être renouvelée. Aujourd'hui nous pouvons être étonnés d'un simple résultat de calcul et vérifier les données ; à la période classique, l'étonné était celui qui était frappé par le tonnerre (en fait l'éclair). Le sens de ce mot était vraiment fort ; il était proche d'« atterré », « anéanti ». À l'époque d'Émile Littré, le sens initial commençait à s'estomper. On rapporte à ce sujet qu'étant rentrée plus tôt que prévu et s'estimant « surprise » de trouver son mari en galante compagnie, madame Littré aurait obtenu cette réponse de ce dernier : « Surpris c'est nous qui le sommes ; vous, vous êtes étonnée ».

Dans le même ordre d'idées, le coup de foudre était initialement un évènement désastreux (mort, incendie, naufrage…) ; ce n'est qu'à l'époque de Stendhal que la formule se spécialise dans le domaine amoureux d'abord pour caractériser un amour aussi tragique que subit puis abandonne l'aspect tragique pour, aujourd'hui, presque relever du domaine moqueur ou de l'application à des babioles.

Avant la Seconde Guerre mondiale, « masochiste » et « sadique » appartenaient strictement au vocabulaire médical spécialisé. Ils sont ensuite passés dans celui de la littérature puis du journalisme et du quotidien.

À l'origine, « merveilleux  » signifiait « surnaturel » ; ce sens est conservé dans Les Aventures d'Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll mais il s'est progressivement atténué au sens d'« admirable », « exceptionnel ». Les deux sens co-existent en français moderne : le premier est vieilli, le second courant.

La médiocrité est étymologiquement ce qui se situe au milieu c'est à dire la moyenne ; avec le développement des lycées au XIXe siècle et le souci de ne pas blesser les parents, le terme est passé du sens de « moyen » à celui de « moins que moyen ».

Il en est de même de tous les mots « familiers ». À l'époque de ma grand-mère, « Je m'en fiche. » prononcé lors d'un repas familial entraînait une sévère réprimande. Aujourd'hui, « Je m'en fous. » n'entraîne guère de blâme. La comparaison de deux éditions d'un manuel de conversation franco-néerlandais montre que le même mot néerlandais était traduit en français par « mince » il y a quinze ans et par « merde » aujourd'hui.

Les personnes qui troublent l'ordre public ont été appelées « Apaches » en 1902, « sauvageons » dans les années 1990 puis « racailles ». Les Apaches constituaient une tribu amérindienne passant pour être très violente vis à vis des ennemis vaincus. « Racaille » est un très vieux mot normand [1138] venant lui même du latin populaire « rasicare » (« gratter ») lui même issu de « radere » (« raser »). Il donne en ancien français « rasche » qui désigne une teigne dont les piqûres démangent comme celles des poux. Cette famille compte également le verbe « racler » (une casserole) et la raclée (fessée, gifle) que l'on a peut-être prise dans notre enfance quand on n'était pas sages.

Les décisions judiciaires

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Il existe quelques cas de « condamnation à mort » d'un mot par décision judiciaire. Dans les années 1930, une société française inventa un produit de synthèse, la viscose, diffusé sous le nom de soie artificielle. Les producteurs de soie naturelle intentèrent un procès pour faire cesser cette appellation qui fut interdite. Le produit fut renommé « rayonne » car sa structure rappelait les rayons d'une toile d'araignée et fut exporté aux États-Unis d'Amérique sous ce nom. C'est avec cette prononciation et cette orthographe qu'il rentra en France.

Les modalités de la disparition

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La disparition d'un mot peut être lente, par exemple si l'expression initiale n'est plus comprise mais que la formule paraît drôle (peut-être d'autant plus drôle que l'on ne la comprend pas). Voici quatre exemples dont deux assez proches :

  • En faire une pendule. Lors de leur apparition, les pendules de table étaient des objets chers et de grande taille. Il convenait de les décorer avec art. Le serrurier qui les construisait choisissait donc un « sujet de pendule » pour illustrer le socle. Il s'agissait souvent d'un sujet historique ou mythologique en rapport avec les goûts, le passé ou les ambitions du futur propriétaire de l'objet, bref quelque chose d'important et de solennel d'où l'expression qui signifie : tu ne vas pas m'en faire quelque chose d'aussi important qu'un sujet de pendule. On trouvait encore une expression similaire jusque dans les années 1960 : cela ferait un beau sujet de pendule pour se moquer de quelqu'un qui donnait trop d'importance à ce qui lui était arrivé.
  • En faire un fromage. On se situe quelques siècles après l'invention des pendules, au XIXe siècle, dans le milieu du spectacle. Les procédés d'impression des affiches de l'époque faisaient que l'on imprimait les couleurs une à une sur du papier blanc puis que l'on terminait par l'impression du noir. Pour que les noms des principaux acteurs ressortent mieux on les imprimait en noir sur fond blanc. Avant l'impression en noir, l'affiche présentait ainsi des blancs que l'on appelait des réserves dans le langage officiel et des fromages (car elles étaient le plus souvent de forme ronde) dans la pratique. Vouloir en faire un fromage c'est donc vouloir avoir le premier rôle, placer son affaire au premier plan.
  • Coupe sombre. Lorsque les bûcherons exploitent la forêt, ils peuvent effectuer soit des coupes limitées (pour permettre à une nouvelle génération d'arbustes de pousser) soit des coupes plus importantes (par exemple pour faire passer une route). Dans le premier cas la coupe est sombre car le feuillage global reste suffisamment important pour empêcher la lumière du Soleil de venir jusqu'au sol ; dans le second, elle est claire puisque l'absence de couverture végétale permet aux rayons solaires de frapper le sol. Une coupe importante (par exemple dans le budget d'un service ou les effectifs d'une entreprise) est donc, techniquement, une coupe claire. Dans les faits on la dit souvent sombre car l'idée de sombre, de nuit, liée à celle de gravité, de difficulté l'a emporté sur l'aspect « métier » du bûcheron.
  • Potasser. Lorsque nous potassons un examen puis un dossier, nous évoquons la révision des premiers wagons de chemin de fer et de quelques autres machines de la grande époque mécanique. Les premiers wagons faisaient l'objet de révisions périodiques selon une échelle allant de 1 à 5. Les révisions du premier niveau correspondaient à l'entretien courant. Au niveau 5, les wagons étaient entièrement débarrassés de tout élément annexe ou accessoire et plongés dans un bain de potasse pour en sortir parfaitement dégraissés et débarrassés d'oxydations. Potasser c'est donc procéder à la plus grande révision possible.

Voici un e-mail fictif. Les mots en gras sont ceux qui font l'objet d'un commentaire.

Texte du mail

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Cet après-midi, réunion de cadres : laïus soporifique de Raphaële sur le contrôle interne, mémo de Nadine sur la Net-Etiquette car Renée a traité Sabine de conne sur sa messagerie, mon topo sur l'apport des nanotechnologies. Le patron a enchaîné sur l'avenir de l'entreprise. Mercredi et jeudi, je serai à Zurich pour élaborer la synthèse des travaux de juillet. J'emporterai dans ma valise trois hauts dont deux sans manches, deux pantalons (le blanc et le kaki), mon combishort avec mes bottines blanches, un pyjama et mon ours en peluche. Il faudra que je pense à prendre des francs suisses et montre beaucoup de gentillesse à ma correspondante Samantha qui ne fume plus qu'un paquet de cigarettes par jour. Bisous. Caresses à mon caniche préféré.

Commentaire

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Au XVIIIe siècle, on ne demandait pas aux élèves de disserter sur un sujet littéraire ou philosophique comme de nos jours, mais de rédiger le discours (éventuellement intérieur) de personnages historiques ou mythologiques dans des circonstances bien connues de leur vie (César décidant de franchir le Rubicon, Hannibal se demandant s'il devait marcher sur Rome après la victoire de Cannes où il avait écrasé les Romains, etc.). Lors de la création de l'École Polytechnique, la première composition en français (et non en latin, ce qui constituait une innovation), en 1804, eut pour sujet Laïos, roi de Thèbes qui avait bien des raisons de s'interroger sur son sort. Un oracle lui ayant prédit qu'il serait tué par son fils, il décida d'abandonner celui-ci, Œdipe, dans la montagne, dès sa naissance. Recueilli, le bébé fut élevé à Corinthe. Devenu adulte, il se querella avec un voyageur et le tua ; ce voyageur se révéla être son père. Œdipe, toujours sans le savoir, épousa ensuite sa mère Jocaste (d'où le complexe d'Œdipe (ou d'Électre) marqué par le désir envers le parent du sexe opposé.). Pour finir, Jocaste se pendit et Œdipe se creva les yeux puis erra dans le désert guidé par sa fille Antigone.

Soporifique

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« Qui fait dormir ». Le terme sopor désigne le sommeil en latin. Le suffixe -fique (du latin -ficus) signifie « qui fait », « qui rend » d'où le terme magnifique (emprunté au latin magnificus, proprement « qui rend grand »), bénéfique (emprunté au latin beneficus, « qui fait le bien, bienfaisant »). L'adjectif bénéfique, aujourd'hui employé couramment, a été emprunté au latin par François Rabelais en 1532, mais est resté d'un emploi rare jusqu'au XXe siècle. Soporifique, attesté dès 1680, a remplacé soporifère (« qui apporte le sommeil »), attesté depuis la fin du XVe siècle jusqu'à 1694. Dès 1556, on trouvait la forme soporaire. Existaient aussi deux termes médicaux : soporeux (construit sur le modèle de liquoreux) et soporatif (construit sur le modèle de roboratif).

Le verbe latin facere (« faire ») a donné beaucoup de mots en français : facteur, emprunté au latin classique factor (« artisan, fabricant ») ; façon et faction viennent de factio ; artifice est emprunté au latin artificium ; facile emprunté au latin facilis ; perfection de perfectio ; etc. Il est issu d'une racine indo-européenne *dʰeh₁, d'où le grec ancien θεσμός (thesmós), l'anglais to do, le néerlandais doen, l'allemand tun, etc. Le latin facere a aussi donné, outre le français faire, l'asturien facer, le catalan fer, corse , espagnol hacer, galicien facer, italien fare, occitan far, faire, portugais fazer, roumain face, sicilen fari

Contrôle interne

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Il s'agit d'un faux ami anglais car il n'est pas question d'un contrôle au sens policier ou scolaire mais d'une aptitude à maîtriser sa gestion. Apparu en 1610, contrôle est la contraction de contre-rôle, connu dès le XIVe siècle pour désigner un registre tenu en double. Ce sens de doublure se retrouve dans le grade de contre-amiral qui double l'amiral.

Mémo est l'abréviation de mémorandum, mot latin passé en français qui signifie « ce dont il faut se souvenir » Memorandum est la substantivation de la forme neutre de l'adjectif memorandus, gérondif adjectivé de memorare (« rappeler »). Un mot proche est mémento, emprunt savant au latin memento, seconde personne de l’impératif présent du verbe latin memini (« se souvenir ») et signifiant donc proprement « souviens-toi ». La marque d'un gérondif se retrouve dans agenda, de ago (d'où agir) ou dans référendum.

Le verbe memini est de la famille de mens qui signifie « esprit » (d'où l'expression mens sana in corpore sano = un esprit sain dans un corps sain), que l'on retrouve dans mental (par exemple calcul mental). Un dément est une personne aliénée : de- / dé- est ce que l'on appelle un préfixe privatif, que l'on retrouve dans dépressif (« privé d'énergie ») et dont le correspondant grec est le préfixe a-, comme dans asexué, asocial, athée ou asphyxie ; dément est emprunté au latin classique demens, composé du suffixe privatif de- et de mens.

Les deux verbes montrer et mentir appartiennent aussi à la famille de mens. Un mensonge, pour être crédible, exige une certaine intelligence. Démontrer, c'est utiliser son cerveau pour établir rationnellement la vérité d'une hypothèse ou, au contraire, établir qu'elle est sans fondement.

Étiquette

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De la même famille que ticket, ce mot est né dans la sphère du droit. L'étiquette était initialement une pancarte fixée à un pieu auquel on attachait plus particulièrement les sacs contenants les documents d'un procès. Cette pancarte mentionnait les noms des parties. Les juristes ont été procéduriers de tous temps. Le mot en est ainsi venu à désigner l'ensemble des règles à respecter pour instruire correctement un procès puis un ensemble de codifications de la vie en société édictées dès Philippe le Bel mais portées à leur apogée par Louis XIV qui y trouvait un moyen de discipliner la Cour. Par la suite le mot s'est étendu à tout système de convenances sociales.

« Con » et quelques autres « gros » mots

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Comme les autres, les « gros » mots ont une étymologie. Au cas particulier, le terme désigne initialement le sexe de la femme comparé à un terrier. Le latin « cuniculus » donne « coniglio » en italien, « conejo » en espagnol. En ancien français on disait « conil » avant que le mot « lapin » n'apparaisse au XVe siècle.

La plupart des « gros » mots ont des origines liées au sexe, aux excréments (et par assimilation, en anglais, au sang menstruel d'où les « bloody day », « bloody guy ») et, pour les plus anciens, au blasphème.

Leur grossièreté relative est fluctuante. « Enfoiré » est aujourd'hui imprimé sur des carnets de titres restaurant alors qu'il figurait autrefois dans le top 5 de la grossièreté. Le français connaît deux mots « foire » : un d'origine latine et un d'origine francique. Le mot latin est de la famille de « férié ». Comme on ne travaille pas un jour férié, on en profite pour aller au marché car il est un peu plus fourni ; de là, la notion de « foire ». Le mot francique signifie « diarrhée ». On le retrouve dans l'expression « le projet a foiré » c'est-à-dire : « est parti en diarrhée ». Lorsque dans Le Malade imaginaire Molière met en scène les docteurs Purgon et Diafoirus tous les spectateurs de l'époque comprennent immédiatement ce que signifient les noms de ces médecins burlesques. En ce sens, un enfoiré est quelqu'un qui souffre de diarrhée, à ceci près que le mot inclut la cause de cet accident : une dilatation du sphincter anal supposée liée à la pratique régulière de la sodomie (entre garçons) à une époque où elle était très réprimée tant par les autorités civiles que religieuses. À la même époque, était également grossier le mot « bougre » (aujourd'hui en voie de disparition) qui signifiait « Bulgare » car l'on prêtait les mêmes conduites aux habitants de la Bulgarie.

Faire la foire au sens de « s'amuser » vient du fait que le Moyen Âge n'ayant rien d'une société de consommation, les foires annuelles ou semestrielles étaient l'occasion de mieux manger qu'à l'ordinaire, de se coucher plus tard et de dépenser ses maigres économies en plaisirs variés.

Les plus intéressants pour l'historien sont les « gros » mots transitoires issus de circonstances particulières. Par exemple, lorsqu'au début du XXe siècle un puceron, le phylloxéra (mot à mot : feuille séchée) anéantit toutes les vignes du Languedoc qui en constituaient la principale richesse, « phylloxéra » resta quelque temps une interjection de rage ou de colère. Plus avant dans le temps, la pomme de terre, importée du Nouveau Monde, fut mal accueillie par la population qui la réservait aux animaux — notamment aux porcs — et n'en consommait qu'en période de disette alors que certains agronomes tentaient d'en faire une nourriture de base. La pomme de terre s'appelait alors, par assimilation à la truffe (puisque toutes les deux poussent dans le sol), « tartifle » (étymologie conservée dans l'allemand moderne « Kartofel » à partir de l'ancienne forme « cartofle »). Appliqué à autre chose qu'une pomme de terre, « tartifle » était considéré comme une grossièreté.

Pourquoi « lapin » a-t-il remplacé « conil » ? Jusqu'au XVe siècle, il y avait relativement peu de lapins en France. Au XVe siècle, nos ancêtres connurent une pénurie de gibier et importèrent, pour y remédier, des lapins d'Espagne où ils étaient nombreux, car les lapins se reproduisent vite et sont faciles à attraper. Avec l'animal, ils importèrent son appellation ibérique de « lapere » (d'où « lapereau ») qui est une déformation de « lepor » (« lièvre » en latin). « lapere » donna vite « lapin ».

Les lapins s'endorment sous les diligences et partent avec elles. De là la vielle expression « voyager en lapin » pour dire « voyager sans payer ». Parfois la fraude se caractérise par un arrangement entre le cocher et le client ; le lapin est alors le passager ou le colis que le cocher ne déclare pas. Ce passager non déclaré est, en quelque sorte, inexistant d'où l'expression apparue à la fin du XIXe siècle de « poser un lapin », c'est à dire se montrer inexistant comme un passager clandestin.

En grec ancien, « τόπος » est le lieu, l'endroit, d'où « topographie » (description d'un lieu), « toponymie » (nom de lieu) ou « topologie » (étude des propriétés mathématiques d'une figure quelles que soient les déformations qui lui sont progressivement appliquées, comme sur les écrans de veille des ordinateurs). Un croquis topographique est ainsi un relevé sommaire d'un lieu qui en retrace le plan général et en donne les principaux repères ou caractéristiques (arbre, pente plus ou moins prononcée, escalier, poteau.). Par analogie un topo est une présentation succincte d'un sujet qui en donne un périmètre global ainsi que les principaux traits. La distinction entre laïus, mémo et topo est la suivante : le laïus est verbeux et ne sert pas à grand-chose, le mémo doit déboucher sur une action et le topo informe.

Nanotechnologies

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Les nanotechnologies s'attachent à la conception et à la fabrication de structures physiques ou biologiques en se rapprochant du niveau atomique. Les préfixes qui expriment les multiples et sous-multiples du mètre sont les suivants : Pour les multiples, avec leur signification en grec et leur valeur : kilo- (De «  χίλιοι » (khílioi) signifiant « mille ».), giga- (De « γίγας » (gígas) employé pour 1 milliard.), tera- (monstrueux = 1000 milliards), peta- (1000 tera) forgé sur le grec ancien « πέντε » (pénte) qui signifie « cinq » car 1 peta s'écrit avec un 1 suivi de cinq groupes de trois zéros : 1 000 000 000 000 000.

Pour les sous-multiples : milli- (= 0,001), micro- (De « μικρός » (mikrós) signifiant « petit » d'ou micromètre = 0,000 001) [dimension de la taille des bactéries], nano- (De « νᾶνος » (nânos) signifiant « nain ».) [dimension de la taille des molécules, équivaut à un cheveu divisé en 100.000 dans le sens de la longueur], angström, du nom d'un physicien suédois [niveau de l'atome], pico- (de l'italien piccolo, signifiant « petit »), fento- (du danois signifiant « quinze » car c'est l'exposant de la puissance négative de 10) [dimension de la taille des nucléons : protons et neutrons], atto (du danois signifiant « dix-huit », exposant de la puissance négative de 10) [dimension de la taille des quarks]. Zepto (10 puissance moins 21) est utilisé en spectrométrie ; ce nom a été imaginé par le Comité International des Poids et Mesures et évoque le grec « ἑπτά » (heptá) car la puissance 21 est égale à trois fois 7, soit 7 séries de trois zéros. Dans la foulée a été forgé yocto qui rappelle « ὀκτώ » (oktố) car il correspond à la puissance 24 soit trois fois 8 ; pour l'instant il n'a encore rien mesuré à ma connaissance. (Abréviations officielles à partir du pico : pm - fm - am - zm - ym).

À propos des mesures, les marins expriment la vitesse des navires en nœuds car pendant longtemps pour mesurer les déplacements on laissait filer une corde le long de laquelle on avait fait des nœuds à intervalle régulier et l'on comptait le nombre de nœuds déroulés par intervalle de temps mesuré avec un sablier ou outil analogue.

À Rome, le patronus est le défenseur. Le mot dérive de pater (« père »), qui donne « patrimoine  » et « patrie » car un bon père doit défendre son bien et son pays. Cette idée de protection explique l'expression "saint patron" (sainte Cécile pour les Musiciens, Sainte Barbe pour les pompiers et les métallurgistes qui ont tous les deux à faire avec le feu).

L'idée de protection se retrouve dans celle de patronage. Initialement le mot désigne l'association de bienfaisance constituée pour protéger les enfants puis il s'étend aux réalisations de ces associations. Au sens figuré on parle aussi d'une conférence ou d'une revue éditée sous le patronage d'un chercheur de renommée internationale.

De patron au sens de personne qui commande à des apprentis ou des employés on est passé à l'idée de modèle (le patron doit être un modèle pour son personnel) d'où le patron utilisé en couture et dans bien d'autres domaines.

Le singe, mot par lequel on désigne parfois le patron, est une trace du compagnonnage dans lequel chaque grade, de l'apprenti au maître, avait une correspondance animale. Au maître correspondait le singe, le plus proche de l'homme et le plus malin.

Contraction dès le XVe siècle de la locution "temps à venir" comme

  • vinaigre est la contraction de vin aigre,
  • charcutier de "chair cuitier" (qui vend de la chair cuite = de la viande cuite)
  • tambouille est celle de "pot en bouille",variante régionale pour l'Ouest de la France de pot bouille où pot où l'on fait bouillir les aliments par opposition aux aliments rôtis. L'opposition sociale entre ces deux types de cuisson a été fondamentale jusqu'aux Trente Glorieuses : le bouilli étant la nourriture pauvre que l'on consommait soi-même et le rôti la nourriture riche que l'on offrait à ses invités de marque.

Les jours de la semaine

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Un radical indo-européen que l'on note habituellement *dyew- désigne le ciel bleu et clair. Il donne à la fois le mot jour (dies en latin), le mot dieu et le nom grec Zeus (principal dieu de l'Olympe). La première mention connue d'une semaine de sept jours associée aux luminaires célestes se trouve dans le titre d'un ouvrage perdu de Plutarque (46-120) intitulé Pourquoi les jours qui portent le même nom que les planètes ne sont pas comptés d'après le rang de celles-ci, mais en sens inverse. Les jours y sont mentionnés dans l'ordre suivant : « ἡμέρα Ἡλίου» (hêméra Hêlíou), « ἡμέρα Σελήνης » (hêméra Selếnês), « ἡμέρα Ἄρεως » (hêméra Áreôs), « ἡμέρα Ἑρμοῦ » (hêméra Hermoû), « ἡμέρα Διός » (hêméra Diós), «ἡμέρα Ἀφροδίτης » (hêméra Aphrodítês), « ἡμέρα Κρόνου » (hêméra Krónou). Le mot dies correspond au -di que l'on retrouve dans les noms des jours de la semaine : lundi ou « jour de la Lune », mardi ou « jour de Mars », mercredi ou « jour de Mercure », jeudi ou « jour de Jupiter », vendredi ou « jour de Vénus », samedi ou « jour de Saturne ». dimanche est le jour du Seigneur : dies dominica donne diemenche par disparition du second d, passage du c à ch et du a à e.

L'étymologie est semblable dans la plupart des pays européens où day (anglais), Tag (allemand) proviennent du proto-germanique *dagaz, de même sens que le latin dies. Tout en reprenant le système gréco-romain, les Germains adjoignirent leurs propres dieux aux jours ; ce qui donna *Mēniniz dagaz, *Tīwas dagaz / *Þingsus dagaz, *Wōdanas dagaz, *Þunras dagaz, *Frijjōz dagaz, *Saturnus dagaz / *Laugō dagaz et *Sunnōniz dagaz. Ainsi Monday et Montag correspondent-ils à lundi puisque moon et Mond désigne la Lune. Dans Friday et Freitag (Vendredi) le nom de Vénus (la déesse romaine de l'amour) a été remplacé par celui de Frigga, l'épouse d'Odin (ou Wotan) et dont la racine indo-européenne *pri désigne l'amour (parallèlement à la racine *wenh₁- d'où vient Vénus), se retrouve dans free et friend (frei et Freund en allemand). free et frei signifient « libre ». friend et Freund signifient « ami ». L'idée directrice est que les gens que l'on aime font partie de notre famille (au sens de l'Antiquité qui est très élargie) et qu'il leur est permis d'agir librement. Avant de désigner des amis, le mot friend / Freund désignait les parents. Dans Thursday et Donnerstag (jeudi), le nom du dieu de référence est celui de Thor (ou Donnar), associé au tonnerre dans le panthéon germano-scandinave (voir thunder en anglais, et Donner en allemand). Mercure fut remplacé par Odin (voir Wednesday en anglais, woensdag en néerlandais et onsdag en danois, norvégien et suédois). Toutefois, l'allemand Mittwoch et l'islandais Miðvikudagur signifient « milieu de la semaine ». Selon le même schéma, Mars fut remplacé par Týr (voir Tysdagr en vieux norrois (ce qui a donné tisdag en suédois et tirsdag en danois et norvégien bokmål), Tuesday en anglais, du vieil anglais Tiwesdæg (« jour de Tīw »). Il existe encore de nombreuses variantes régionales, en frison tīesdi, en vieux haut-allemand zīostag, en moyen haut-allemand zīestag et en alémanique zīstac. Toutefois en allemand on trouve Dienstag et en moyen néerlandais dinxendach, ce qui correspondrait au titre de « dieu-du-Thing » de Týr, ce qui rappelle alors le nom de Mars Thincsus.

Samedi vient de « Sabbati dies », désignant le jour de repos des Juifs. On retrouve l'association de ce jour à Saturne dans Saturday en anglais, Disadorn en breton et Dydd Sadwrn en gallois.

Dans l'ancienne Chine, les jours de mardi à samedi portaient les noms des cinq éléments dans la philosophie traditionnelle est-asiatique : feu (Mars), eau (Mercure), bois (Jupiter), métal (Vénus) et terre (Saturne). L'ordre de succession était le suivant : 「日曜日」 (Rìyàorì), 「月曜日」 (Yuèyàorì), 「火曜日」 (Huǒyàorì), 「水曜日」 (Shuǐyàorì), 「木曜日」 (Mùyàorì), 「金曜日」 (Jīnyàorì) et 「土曜日」 (Tǔyàorì). Lors de leur passage en japonais, ces combinaisons de caractères furent prononcées différemment :

  • « Rìyàorì » → « Nichiyōbi »
  • « Yuèyàorì » → « Getsuyōbi »
  • « Huǒyàorì » → « Kayōbi »
  • « Shuǐyàorì » → « Suiyōbi »
  • « Mùyàorì » → « Mokuyōbi »
  • « Jīnyàorì » → « Kin'yōbi »
  • « Tǔyàorì » → « Doyōbi »

Synthèse

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En grec ancien, « τίθημι » (títhêmi) signifie « poser ». « σύν » (sýn) est l'équivalent grec du latin cum, qui signifie « avec ». La thèse est l'argument que l'on propose. L'antithèse est l'argument que l'adversaire oppose, la synthèse l'ensemble des arguments que l'on pose ensemble soit qu'on les ait puisés pour partie dans la thèse et pour partie dans l'antithèse, comme dans les examens soit que l'on ait réuni des éléments de différentes branches, par exemple les aspects scientifiques, techniques, juridiques et financiers d'un projet. La prothèse (dentaire ou mammaire) est ce que l'on pose à la place de l'organe malade où pro signifie « à la place de » comme dans procuration où l'on s'occupe (curare) de quelque chose à la place de quelqu'un d'autre. La métathèse est un changement de position d'une lettre à l'intérieur d'un mot comme le font les personnes qui déplacent le r d'infarctus et comme l'ont fait nos ancêtres en disant formage au lieu de fromage (production laitière qui se caractérisait par l'usage d'une forme). La justice étant ce qui pose les règles de vie en société, sa déesse est Thémis, nom conservé par une collection de manuels de base pour les étudiantes en droit.

« θήκη » (thếkê) est l'endroit où l'on pose et plus particulièrement le coffre d'où :

  • bibliothèque : coffre à livres puis meuble puis rayonnages puis salle de consultation puis l'ensemble du bâtiment voire des bâtiments comme dans la Très Grande Bibliothèque
  • discothèque : où l'on rangeait les disques de vinyle puis où on les écoute puis où on danse sur leur musique
  • pinacothèque : où l'on expose des peintures (« πίναξ » (pínax) = tableau en grec ancien).

« ἀποθήκη » (apothếkê), en grec ancien, est l'endroit où l'on pose pour échanger c'est à dire le magasin. Le mot donne apothicaire qui s'est spécialisé dans le sens de « pharmacien » (dont le nom moderne reste Apotek en allemand) car c'est l'une des professions qui détenait le plus de stocks de produits différents. Le mot initial, mal prononcé par des générations de clients et de vendeurs, a donné bottega en italien (d'où boutique en français) et bodega en espagnol.

syn- (= avec, ensemble) est également présent dans nombre de mots européens :

  • la sympathie est ce que l'on exprime quant on partage les souffrances (« πάθος » (páthos) d'où « pathétique ») d'une personne
  • synchroniser deux choses c'est faire qu'elles se produisent ensemble (« χρόνος » (khrónos) = temps)
  • la syncope (mot à mot maladie avec arrêt) caractérise un arrêt cardiaque
  • le symbole est ce que l'on envoie avec. Initialement le symbole était l'équivalent de nos ID et mots de passe. Un texte était gravé sur une plaque de bois ou de terre cuite qui était cassée en deux. Chaque signataire emportait la moitié du texte. Pour rétablir le texte complet il fallait rapprocher les deux morceaux. Le procédait prévenait ainsi les falsifications et les usurpations. Par la suite le mot a désignait tout ce qui était lié comme les deux parties du morceau de bois ou de la tablette : le lion est le symbole du roi car dans tous les textes de notre culture il est associé au roi.

Élaborer - Travail

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En latin, le travail se dit « labor ». Ce mot est à l'origine de labour, laboureur, laborantin, laboratoire, labeur, collaborateur, laborieux et élaboré. Initialement tout travailleur, autre qu'artisan, avait de fortes chances d'être un laboureur mais comme la société était essentiellement agricole, le mot s'est spécialisé dans le sens actuel.

Le laboratoire est le lieu où l'on travaille ; le mot s'est également spécialisé dans les domaines techniques et scientifiques mais il désigne encore quelques lieux de travail non nécessairement humains comme la chambre d'un fourneau où la matière se transforme. La référence à une hygiène parfaite dans les laboratoires pharmaceutiques a conduit, ces dernières années, à appeler « laboratoires » les cuisines de restaurants ou de traiteurs manipulant des produits alimentaires sensibles à des risques de contamination. Le mot « laborantin » puise à la même source mais n'est entré dans la langue française qu'au XXe siècle par emprunt à l'allemand d'où sa terminaison en -in qui caractérise les professions en allemand alors que le français utilise plutôt -ier / -eur (instituteur, épicier, chausseur, vendeur, cordonnier, pâtissier.)

Si « labeur » ne désigne plus aujourd'hui qu'un travail pénible et long, il avait autrefois un sens plus large. Le secteur de l'imprimerie insiste sur ce caractère de pénibilité en distinguant les travaux de labeur (impression d'ouvrages ou d'imprimés en un grand nombre d'exemplaires pour les Administrations) et les travaux dits « de ville », en petites séries et sans difficultés majeures également appelés bibelots voir bilboquets pour souligner leur légèreté.

« laborieux » a caractérisé le travail (très fatiguant) deux siècles avant de qualifier le travailleur susceptible de fournir l'effort correspondant. Le premier sens est encore présent dans l'expression familière « C'est laborieux ! » Un style laborieux est un style embarrassé au travers duquel on sent que l'auteur a éprouvé des difficultés pour exposer ses idées.

« élaboré » est la résultante du travail (mot à mot : ce qui sort du travail : « ex labore » en latin). L'idée contenue dans cet ex est celle d'un processus lent, réfléchi, non immédiat que l'on retrouve dans des expressions comme « une coiffure compliquée » ou « une cuisine élaborée » qui peut utiliser une sauce qui, elle, n'est pas nécessairement compliquée à faire mais emploie des substances qui vont mettre du temps à se mélanger intimement.

« travail » est une métaphore. « palus » est le poteau ou le pieu en latin. Pour entraver les animaux, les maréchaux-ferrants avaient imaginé un dispositif constitué de trois pieux montés en faisceau ou « tripalium ». La souffrance des animaux (le fer est porté au rouge avant d'être rivé sur le sabot et les maréchaux-ferrants marquaient aussi le bétail par une brulure au fer rouge) fait que, par comparaison, on a aussi parlé de « travail » au sens de « supplice » ou de « torture » pour les êtres humains. Le sens de « douleur importante » est encore présent dans le « travail » de l'accouchement. Il en est de même de l'expression « Ça me travaille. » en parlant d'un problème ou d'une situation qui revient sans cesse à l'esprit. Par analogie on dit aussi que l'on travaille quelque chose lorsqu'on la malaxe comme l'argile en poterie ou la pâte en cuisine.

« travail » fait au pluriel « travaux », comme « cheval » fait « chevaux », alors que « chacal » fait « chacals ». À l'origine, travail (ou cheval) faisait travails (chevals) au pluriel comme tous les autres mots de la langue française. Cependant les copistes, pour gagner du temps, utilisaient des ligatures, c'est à dire, pour simplifier, des signes destinés à remplacer des syllabes ou des groupes de lettres. Un de ces signes qui correspondait à ls ressemblait à un x. Mal compris il entraina le pluriel travax, chevax. Phonétiquement la syllabe ax est instable et passe à [o] d'où les travaux et les chevaux. Lorsque au XVIe siècle on se rendit compte de l'erreur on se garda de l'appliquer aux noms des « nouveaux » animaux que l'on découvrait comme le chacal entré en France et en français vers 1646.

En grec ancien le travail se dit « ἔργον » (érgon) que l'on retrouve dans :

  • ergonomie (loi du travail) : l'ensemble des règles qui permettent de travailler en minimisant l'effort — physique ou mental — du travailleur
  • ergothérapie (traitement par le travail) :
  • erg : une unité de mesure d'énergie dans le système CGS (centimètre, gramme, seconde).

En grec ancien un atelier s'appelait « ἐργαστήριον » (ergastếrion), mot repris par les Romains pour désigner une prison. Dans la même langue, « ἄλλος » (állos) c'est l'autre d'où l'allergie qui est le « travail que fait l'autre » : en effet l'allergie est l'ensemble des réactions d'un organisme en présence d'un agent pathogène avec lequel il a déjà été mis en contact.

Ces mots grec ancien (« ἔργον »), comme anglais et allemand (« work » et « Werk ») viennent de l'indo-européen commun *wérǵom. Le mot latin (« labor ») vient de l'indo-européen commun *lep, *lap

« trimer » et « turbiner » sont deux mots familiers qui rappellent deux fleurons de l'expansion économique française de jadis : le textile et la métallurgie. La trime est un élément du métier à tisser qui ne cesse d'être en mouvement, la turbine (d'où « turbo ») tourne très vite ; d'où le passage à la description d'une activité soutenue.

Juillet

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Juillet est le mois de Jules (César) qui, au demeurant, réforma le calendrier en usage jusque là en créant un calendrier fondé sur une année solaire de 365,25 jours et dénommé de ce fait 'calendrier julien'.

Le nom de Jules César est à l'origine de nombreuses légendes :

  • pour les uns, son nom viendrait de ce qu'il serait né par césarienne (de caedere, « couper ») mais cette hypothèse peu vraisemblable n'est pas confirmée par les historiens latins ; inversement, c'est cette légende qui fait que nous parlons de césarienne,
  • pour d'autres, César tirerait son nom d'un de ses ancêtres qui, au péril de sa vie et témoignant d'une force hors du commun, aurait tranché la patte d'un malheureux éléphant enrôlé par les troupes carthaginoises contre Rome car kesar désigne l'éléphant en punique.

Ce qui est certain c'est que le titre de César au sens d'« empereur » s'est répandu dans toute l'Europe puisqu'on le retrouve dans l'allemand Kaiser ou le russe « царь » (tsar').

Août est le mois d'Auguste, le nom pris par Octave, le fils adoptif de Jules César. Auguste a pour racine un mot indo-européen qui traduit une idée de croissance que l'on retrouve dans auteur, auxiliaire (un moteur auxiliaire renforce le principal), autorité (un projet mené avec autorité se développe plus vite qu'un projet non dirigé), autoriser (la personne autorisée dispose d'un pouvoir accru) et, bien sûr, augmenter.

Comme toute science, l'étymologie a ses limites ; l'origine de certains mots reste inconnue (indication o.i. dans les dictionnaires) ; pour d'autres, seules des hypothèses peuvent être bâties. Ainsi en est-il de valise, emprunté à l'italien valigia en 1560 et que certains rapprochent de l'arabe «  » (walïha) (« sac de blé »). Initialement, il s'agissait d'un long sac de cuir que l'on transportait sur la croupe des chevaux. L'aspect que nous connaissons depuis le dernier tiers du XIXe siècle n'est que l'aboutissement de transformations.

Sac a une origine qui n'est pas indo-européenne mais sémitique, d'une langue que l'on parlait en Cilicie (Turquie) avant la conquête grecque et à laquelle les Grecs empruntèrent le mot. Initialement, il s'agissait d'une étoffe grossière. Le premier sac a donc été désigné par la nature de son tissu. Par la suite, le mot s'est centré sur l'idée de contenant et sur sa forme.

On retrouve ce mot, bien plus au Nord, dans l'allemand Sakman (= homme de sac) pour désigner le sac d'une ville où les soldats triomphants emportent le maximum de richesses dans des sacs.

Après avoir empli un sac on en ressort le contenant. S'il est mal rangé ou trop rempli, il faut parfois tirer pour obtenir l'objet désiré comme c'est parfois le cas dans nos sacs à mains. L'action de retirer un objet d'un sac c'est, en espagnol, le sacar qui va donner, en français, saccade et saccader qui insistent sur les efforts à fournir pour extraire l'objet recherché. L'idée de tirer violemment donne aussi un verbe sachier puis saquier qui signifie précisément « tirer violemment » connaîtra différentes prononciations selon les provinces, surtout au Nord de la Loire. Sacquer quelqu'un, expression familière de la fin du XIXe siècle, est probablement un mixte de cette violence et de l'image de l'ouvrier licencié qui reprend son sac pour partir. Initialement, l'expression signifiait uniquement « licencier » puis l'idée de mésentente l'a emporté, d'où la multiplicité des situations où deux personnes (voire deux chiens) ne peuvent pas se sacquer.

Au Moyen Âge, les malfaiteurs étaient soit enfermés dans des sacs soit pendus. Un homme de sac et de corde était donc un malfrat ; parfois l'aspect aventureux du gredin l'emportait sur l'aspect immoral et l'expression en vint à désigner quelqu'un prêt à tout.

Au Moyen Âge où le tissu coûtait cher, on avait observé que les manches se salissaient (et s'usaient) plus vite que le reste du vêtement. On les fit donc amovibles pour pouvoir les changer sans remplacer l'habit dans son entier. Les artisans donnaient ainsi des manches en cadeau à leurs ouvriers d'où l'expression française faire la manche (demander quelque chose comme l'ouvrier qui sollicitait une nouvelle paire de manches) ou le mot italien moderne mancia qui signifie officiellement pourboire.

Au XIXe siècle, les fonctionnaires et les employés aux écritures usaient encore leurs manches sur les bureaux. Ils les protégeaient donc par des "sur - manches" en lustrine qui étaient régulièrement brocardées par les chansonniers. Comme ils étaient également fort sédentaires et que la nourriture n'était pas équilibrée, il craignaient les hémorroïdes et s'en protégeaient en plaçant sur leur siège une espèce de mince bouée de cuir qui évitait une pression trop importante propice à la formation de stases veineuses. Ce peu glorieux accessoire leur valut le nom de ronds de cuir, encore utilisé de nos jours dans le langage familier.

Pantalon

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Les mots qui désignent les vêtements sont de ceux qui changent le plus rapidement. « jupe » est ancien mais n'a pas toujours décrit la même chose. Emprunté à l'arabe « جوبة » (ǧwbba) au XIIe siècle, le mot désigne initialement un long vêtement de laine que portent garçons et filles sous les vêtements de dessus. « jupon » apparaît en 1319 et conserve ce sens premier en français moderne. « jupe-culotte » date de 1935, « jupette » de 1952 et « mini-jupe » des années 1970. L'idée d'un vêtement qui va de la taille à une certaine distance du sol a d'abord été reprise par les ingénieurs pour désigner le carénage en tôle ajouté au bas des wagons pour améliorer leur aérodynamisme puis par l'industrie automobile pour l'appliquer aux voitures. Les tôliers se sont, quant à eux, inspirés de l'aspect globalement cylindrique du vêtement pour désigner par « jupe » la partie cylindrique des cuves.

« Pantalon » est le nom d'un vieillard de la commedia dell'arte vêtu à la mode vénitienne de l'époque, c'est à dire d'un habit unique couvrant tant le torse que les jambes. Les premiers pantalons, composés d'un haut de chausse étroit lié aux bas rappelaient cet habit et prirent le nom du personnage.

Tout le monde sait que « short » veut dire « court » en anglais et qu'il s'agit donc d'un raccourci et même, à l'origine, le plus souvent purement et simplement coupé. Bien que associé au tennis chez la plupart des locuteurs d'aujourd'hui, c'est le sport où il est apparu en dernier. Dès la seconde moitié du XIXe siècle, les boxeurs ou les rugbymen portaient des shorts qui ressemblaient globalement à ceux que portent ces sportifs aujourd'hui. Les footballeurs l'adoptèrent autour de 1900. Le tennis ayant l'Angleterre pour patrie et l'Angleterre Mary pour reine, celle-ci assistait aux principaux tournois mais comme elle s'offusquait à la vue du moindre pouce carré de peau nue ce ne fut qu'en 1933 qu'un premier joueur eût le courage de se présenter ainsi sur les courts devant la Cour. À la fin des années 1950 on trouvait encore quelques joueurs qui n'avaient pas adopté le short. « mini-short » date des années 1970, « micro-short » est un mot du XXIe siècle et « combi-short » se situe entre les deux (vers 1990) par contraction de « combinaison » (au sens de « combinaison de plongée » ou de « vêtement de garagiste ») et de « short ».

« combinaison » a pour origine le latin « combinare » (« assembler »). Combiner un plan c'est organiser des éléments d'une façon efficace. Le mot était neutre à ses origines ; un bon plan comportant toutefois une part de ruse, le mot prit au fil des temps un sens péjoratif d'où une « combine » et un « combinard ». En russe, les combinats sont des industries qui associent plusieurs secteurs d'activité, si possible en synergie. À propos des co-générateurs nucléaires (réacteurs produisant à la fois de l'électricité et de la chaleur pour l'industrie chimique par exemple) on parle de production combinée. Le combiné téléphonique des vieux appareils fixes associait l'émission et la réception de la voix d'où son nom. Associant un haut et un bas, la combinaison justifie son nom.

« pull-over » est le mode d'emploi : on le tire (to pull) par-dessus (over) la tête. L'étymologie de « chandail » tient de la facétie. À une époque où la publicité lumineuse n'existait pas, les marchands des foires hurlaient le nom de leurs produits : marchand d'ail, marchand d'huile, marchand d'eau, souvent abrégés en « chand d'ail », « chand d'eau », … L'épais vêtement qu'ils portaient a donc été appelé d'après leur cri. Il faut noter qu'à l'époque l'ail constituait un produit beaucoup plus important que de nos jours.

La ceinture est ce qui ceint (du verbe « ceindre ») comme les enceintes autrefois et les boulevards de ceinture de nos jours entourent les villes. « ceindre » n'est plus guère utilisé aujourd'hui que pour les rois (la couronne), les maires (l'écharpe tricolore) et les Académiciens (l'épée dont le fourreau est cousu sur une sorte de ceinture).

En italien, le string se nomme « perizoma » où zoma signifie zone. En géométrie, une zone est une surface allongée comme une ceinture puis, par extension, toute sorte de surface. La zone industrielle est la partie qui entoure la ville.

« culotte » vient de culasse, mot d'argot lui-même dérivé de cul.

Bottines

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L'origine du mot bottes est incertaine.

Pyjamas

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Pyjamas est apparu dans le Journal des jeunes personnes de 1837 avec l'orthographe pyjaamah via l'anglais pyjamas. Ce mot vient de l'hindi « पैजामा » (paijāmā) où « पै » (pai) signifie « de jambes » et « जामा » (jāmā) « vêtement ». Il s'agit initialement d'un vêtement ample et bouffant mais qui ne se porte pas spécialement la nuit.

L'ours en peluche est né d'une belle histoire. En 1897, Théodore Roosevelt, vingt-sixième président des États-Unis, participait à une chasse comme cela se faisait à l'époque où les ours constituaient une menace encore réelle pour les habitants de certains états de l'Union. Au cours de cette chasse, il épargna un ourson. La presse s'empara de ce fait divers qui témoignait d'une grande sensibilité pour son temps et des artisans mirent sur le marché des petits ours en peluche qui illustraient cet événement. En anglais, « ours en peluche » se dit Teddy bear, construit sur « Teddy », diminutif de « Théodore ».

Ours est à l'origine d'« oursin » que l'on appelait au XVIe siècle « orsin de mar » (« ours de mer »). Ce fut une question théologique et scientifique majeure du XVIe au XVIIIe siècle de savoir si les animaux marins étaient spécifiques ou s'ils étaient la transcription des animaux terrestres. Cette seconde hypothèse prévalait et les savants recherchaient une analogie entre les êtres terrestres et marins dont il reste des traces dans le vocabulaire comme :

  • le lion de mer
  • l'araignée de mer
  • le marsouin, du proto-germanique « *mariswīną » (« cochon de mer »)
  • l'otarie, soit également ours marin (l'otarie rappelle l'ours par sa masse, l'oursin par son aspect revêche)
  • la langouste, c'est à dire « sauterelle de mer ». Langouste vient du latin locusta, qui désigne la sauterelle. Le mot langouste désigne cet insecte jusqu'au XIIIe siècle. Par la suite, le mot provençal sauterelle, qui le concurrençait depuis 1120, le remplaça pour l'insecte terrestre, car il était plus imagé ; langouste se spécialisa pour l'espèce marine.

Blanc - Kaki

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Les Indo-Européens connaissent trois couleurs : le blanc, le rouge et le noir. Pour chacune d'elles, leur vocabulaire distinguait de nombreuses nuances en fonction de leur intensité et de leur brillance. Pour le blanc, les Romains utilisaient les mots « albus » (blanc mat) et « candidus  » (blanc brillant).

Albus reste présent dans de nombreux mots français :

  • aube (la blancheur du ciel lorsque le Soleil se lève), aubépine (l'arbuste aux épines blanches).
  • aube : la tunique blanche des communiantes
  • l'ablette : la petite able ou poisson blanc
  • l'albumine protéine essentielle du blanc d'œuf dont la désignation officielle est albumen (Au XVIe siècle, on appelait encore le blanc d'œuf aubain dans la langue courante).
  • albinos et albinisme. Est qualifié d'albinos un animal au pelage blanc et aux yeux bleus très clairs du fait d'une altération génétique qui se traduit par l'absence de mélanine. Ces animaux voient très mal. À son apparition, en portugais en 1665, le mot s'appliquait aux hommes et, plus particulièrement, à une tribu africaine de Noirs blancs.
  • le mot de la famille le plus fréquemment employé aujourd'hui est album, d'illustre naissance puisqu'il s'agissait à l'origine d'une sorte de tableau blanc où l'on inscrivait le nom des grands personnages de l'État romain. La notion se perdit puis, à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles, des érudits allemands la ressuscitèrent en créant un album amicorum où ils demandaient à leurs amis d'écrire quelques mots (c'était l'ancêtre de ce que nous appelons un livre d'or). Par la suite, l'usage du support s'élargit aux notes de voyage puis se généralisa à bien d'autres activités avant de désigner le support indépendamment du contenu d'où un album philatéliste (pour les collections de timbres poste), un album photo…
  • en russe, le radical correspondant est « белый » (belyï), d'où «  белуга » (belouga), introduit en 1575 en français pour désigner un poisson sous la forme béluga puis, en 1775, un dauphin et plus particulièrement le grand esturgeon (l'orthographe bélouga est recommandée).

Le descendant français d'albus fut rapidement remplacé par le francique *blank qui désignait originellement le blanc brillant que les Romains dénommaient candidus, issu d'une racine indo-européenne *cand signifiant « brûler » et plus particulièrement « chauffer à blanc un métal pour le forger ». Cette idée de brillance (une ampoule électrique classique chauffe à blanc le filament) aboutit à des blancheurs concrètes ou symboliques :

  • chandelle (cierge vient, quant à lui, de cera (cire) que l'on retrouve dans cérumen (sécrétion de l'oreille externe)),
  • encens (mot à mot : chose allumée qui brille). À noter, à propos de ce mot, l'expression encenser en parlant d'un cheval qui remue sa tête de bas en haut comme l'enfant de chœur qui secoue l'encensoir.
  • candeur, blancheur éclatante et symbole de pureté d'où le candidat qui se doit d'être moralement parfait (Les candidats aux fonctions électives romaines devaient d'ailleurs s'y présenter vêtus de blanc et cette pureté allait très loin puisque ne pouvait y participer un citoyen qui avait été « souillé » par la mort d'un proche parent dans l'année.).
  • canitie : c'est le fait d'avoir des cheveux blancs.
  • incendie est de la même famille.

Kaki. Le fruit a une couleur qui rappelle le kaki. Pourtant les deux mots n'entretiennent aucune parenté. Le fruit est d'origine japonaise : il fut importé en 1873, en même temps que le mot qui signifie « plante » en japonais. La couleur apparut en français vingt-cinq ans plus tard ; ce mot est hindi et signifie « poussière ». Les hommes de l'armée anglaise des Indes furent les premiers à porter un uniforme de cette teinte qui s'est d'abord écrit khakee en anglais.

Le mot latin pes, -dis a donné pied en français. Dans les premières années, les officiers ne se distinguaient pas tant par leurs capacités stratégiques que par la possession d'un cheval. On distinguait ainsi les cavaliers et les piétons (les fantassins allant à pieds) qui constituaient le gros des troupes, mal payées et intermittentes (souvent on ne se battait pas en hiver et les soldats n'étaient pas payés pendant cette période de chômage forcé). Les piétons formaient la piétaille. Le mot se transforma en peon puis en pion (d'où le pion du jeu d'échec qui a moins de valeur que les autres pièces) et le morpion (un pou qui mord les pions dont les conditions de vie ne facilitaient pas l'hygiène). Quant au péage, il représente la taxe que les piétons devaient payer pour employer un pont et éviter de franchir la rivière à gué (les chars devaient aussi payer le péage mais ils étaient bien moins nombreux).

« Franc » et autres monnaies ou termes associés

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Lors des premières transactions commerciales, la contrepartie était constituée par du bétail (« pecus » en latin), idée qui reste présente dans le français « pécuniaire ». Les Indiens utilisent, de la même façon, la roupie qui trouve sa source dans le mot « » (), signifiant « troupeau ».

Vers 400 av. J.-C., les Romains imaginèrent un système d'échange plus simple à base de morceaux de bronze. En latin, « bronze » se dit « aes », d'où l'as (monnaie que l'on rencontre au hasard des films peplum) et l'airain (vieux mot pour « bronze » qui est un alliage de cuivre et d'étain).

L'Antiquité classique connaissait déjà la dévaluation en ce sens que le poids de métal de chaque pièce diminuait lentement. Entre 311 et 313, Constantin mit en œuvre un premier contrôle des prix en fixant par décret le prix de tous les biens et services en usage dans l'empire. En parallèle, il décida une nouvelle dévaluation, en fondant 72 pièces au lieu de 60 avec la même quantité d'or, mais en affirmant que ce serait la dernière et que la monnaie serait désormais stable. « stable » se dit « solidus » en latin d'où le mot « sou », après un passage par « sols ». Le franc est né de la même idée : une monnaie franche (au sens de « constante »).

Le florin, qui fut une monnaie forte de l'Europe du XIIIe au XVIe siècle, doit son nom à la fleur de lys qui le distinguait des autres monnaies et rappelait ses origines florentines (la fleur de lys est le symbole de Florence). Le commerce du textile avec le Nord fait qu'avant l'euro, les Hollandais utilisaient le florin et que les Hongrois emploient toujours le florint. Le zloty polonais tire son nom de l'adjectif złoty signifiant « doré ».

La livre (comme la lire) est une unité de poids : c'est celle qui sert de référence pour le découpage des pièces de plus petite valeur et c'est elle qui explique la monnaie anglaise (et d'autres pays du Commonwealth) comme de l'Italie avant l'euro.

Le thaler était une monnaie allemande forgée à partir de l'argent extrait des mines de Joachimsthale (aujourd'hui en République tchèque). Frappé dès 1518, il fut très apprécié dans la seconde partie du XVIIIe siècle et devint la monnaie des É.U.A. sous le nom de « dollar ». Lorsqu'il se prononça sur la langue nationale à retenir, le nouveau peuple américain était divisé entre tenants de l'anglais et tenants de l'allemand ; les premiers ne l'emportèrent que d'une voix.

Quant au rouble, son nom vient du russe « рубль » (roubl') signifiant « haché », les premières pièces ayant été découpées à la hache dans des lingots de métal précieux. Un rouble est divisé en 100 kopecks. Le mot « копейка » (kopeïka) vient de « копьё » (kop'io) signifiant « lance », car les premières pièces de ce type arborait une image de Georges de Lydda tuant un dragon avec sa lance. Enfin, le leu (unité monétaire de la Roumanie jusqu'en 2018 ou 2019, où ce pays adoptera l'euro) vient du fait que les premières pièces de cette monnaie représentaient un lion (« leu » en roumain).

Le mot « soldat » vient de la solde qui le rémunère c'est à dire des sols (sous) qui lui sont donnés. Les fonctionnaires civils perçoivent un traitement, les artistes un cachet : au XVIIIe siècle les professeurs, essentiellement de professions dites aujourd'hui artistiques, étaient déjà payés à la leçon ; ils avaient une carte sur laquelle les élèves, en appliquant leur cachet, attestaient de la réalité du cour et s'engageaient à les payer.

Initialement le bénéfice était une faveur que l'on accordait à quelqu'un. Ce sens demeure en français moderne dans des expressions comme « le bénéfice du doute » ou « des circonstances atténuantes ». Ce fut ensuite une faveur très concrète sous forme d'une concession de terres accordée par le roi ou un seigneur puis, par glissement de sens, le patrimoine attaché à une fonction ecclésiastique. À partir du XVIIe siècle, avec le développement du commerce, le bénéfice désigna le gain tiré d'une opération commerciale ou financière, d'où le sens actuel.

Le revenu est, comme l'indique le mot, ce qui revient. Initialement le terme ne s'appliquait qu'aux revenus agricoles puisque les fruits, les céréales ou les bébés des animaux domestiques reviennent tous les ans, puis il y eut extension aux loyers — appelés d'ailleurs fruits du produit loué — puis extension à toute source financière qui paraît constante dans le temps comme les salaires ou les retraites (impôt sur le revenu).

Le mot « salaire » vient de « sel ». Le sel est indispensable à la vie et à la conservation des aliments. Aujourd'hui grâce à nos moyens de transport c'est un produit très peu coûteux. Il en était autrement à une époque où il fallait le transporter sur des chariots tractés par des bœufs depuis des marais salants ou des mines jusque sur les lieux de consommation. Une des principales voies romaines (de Rome à Brindisi) s'appelait d'ailleurs, mot à mot, la voie du sel car elle servait au précieux approvisionnement de la capitale.

L'expression « de bon / mauvais aloi » est d'origine monétaire. La plupart des pièces a toujours été fait d'alliage (« alloy » en ancien français comme en anglais) et il était tentant de tricher sur les quantités respectives de métal noble et de métal vil. La fausse monnaie était au demeurant un des crimes les plus sévèrement punis au Moyen Âge avec dans les cas les plus graves immersion du contrevenant dans un baquet d'eau bouillante.

Le mot « monaie » vient du lieu de frappe des premières pièces romaines proche du temple de Juno Moneta c'est à dire « Junon (l'épouse légitime de Jupiter) l'Avertisseuse ». « moneo » se retrouve dans « moniteur » (celui qui avertit l'apprenti de ce qu'il faut faire ou non).

« patraque », mot familier en désuétude (sauf dans le Sud-Est) pour désigner un état de mal-être physique a une histoire très liée à l'argent : le mot arabe «  » (bâ-tâqua) a été introduit en espagnol sous la forme « pataco », abrégée en « patac », pour désigner une pièce d'argent qui était souvent altérée d'où « patard » puis « patraco » en provençal et « patraque » en français pour désigner une monnaie usée ou plus ou moins faussée et, par analogie, un état de mal-être.

« argent » est un terme générique car s'il y eut des pièces en bien des matières (par exemple en cuir chez les Carthaginois) et même si, parfois, la pénurie de métal conduisit à utiliser d'autres supports pour monnayer les échanges (comme les grains de poivre), l'argent est resté le métal le plus prisé, après l'or, pour les monnaies d'importance.

Gentil - Débonnaire - Ingénu - Méchant

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Gens est un mot latin très prolifique. Il désigne la famille au sens large et, plus précisément, la lignée noble. Ainsi est gentil quelqu'un de bien né, de bonne famille, d'illustre naissance comme on disait autrefois. Un gentil homme est un noble et le titre de Molière « Le Bourgeois gentilhomme » était bien compris comme une incompatibilité par la Cour de Versailles. De l'idée de noblesse on passe à celle de justice, de hauteur de vue, de magnanimité, de pardon et de clémence (les vertus, au moins théoriques, du prince). De cette dernière idée on glisse à celle de gentillesse au sens actuel. On remarquera que être gentille avec est une des rares expressions actuelles qui n'a pas le même sens selon qu'elle a pour objet une fille ou un garçon.

Débonnaire a une histoire curieuse. À l'origine, il y a le mot aire (surface) que l'on retrouve dans l'aire géométrique. Un faucon de bonne aire était un faucon qui régnait sur une grande surface. Par analogie un seigneur de bonne aire était un seigneur de qualité et donc vertueux puis il y eut une évolution semblable à celle de gentil.

Un ingénu c'est aussi, initialement, celui qui est né libre. Cette naissance libre l'empêche de nuire, de faire du mal (c'est le deuxième sens) mais cette incapacité à faire le mal a été perçue comme le signe d'une certaine niaiserie (c'est le sens actuel).

Quant au méchant c'est initialement celui qui a de la malchance (XIIe siècle). Malchanceux il devient miséreux. Misérable, il est prêt à tout pour survivre et devient 'enclin à faire du mal' (XIVe siècle) puis le mot a acquis son sens actuel.

Cigarette

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Cigaro est un mot espagnol d'origine inconnue né vers 1680 qui ne se répandit en France qu'après les expéditions militaires françaises en Espagne de 1823 et ce sous trois formes : cigarette, cigareto et cigaret. Ces trois mots se firent une âpre concurrence de 1830 à 1840 où cigarette l'emporta définitivement sur ses deux rivaux.

Les différents noms familiers ou populaires donnés à la cigarette illustrent les différents modes de création lexicologique.

Cibiche : c'est un jeu phonétique populaire classique du style « cool Raoul » avec recherche d'assonance

Pipe de 9 ou Tube de 9 : c'est la marque de la France industrielle où la cigarette est comparée à un outil (la pipe est ici la clef recourbée des garagistes) de 9 millimètres de diamètre (le diamètre standard des cigarettes)

Une séche. Les premières cigarettes étaient confectionnées par les fumeurs eux-mêmes en roulant du tabac dans une feuille de papier à cigarette qu'ils léchaient pour la coller sur elle-même. La cigarette était donc 'mouillée' de salive. Par opposition, une cigarette industrielle était sèche.

Caresse

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En latin, carus signifiait cher avec le même double sens affectif et financier qu'a ce mot en français, d'où les enchères où l'objet de la vente revient à celui qui le paie le plus cher. En italien, carus a donné caro de même sens et un verbe carezzare qui signifiait « chérir » mais désignait aussi les gestes de tendresse correspondants et, plus particulièrement les caresses. Le substantif latin correspondant à l'adjectif carus est caritas qui a donné charité, le prochain devant être cher au cœur du chrétien.

Caniche - Fox - Teckel - Épagneul - Berger allemand

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Ce mot vient de « cane », les caniches étant jadis dressés pour ramener sur le bord des étangs les canards tués ou blessés par les chasseurs. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on les tondaient partiellement afin qu'ils ne risquent pas de se noyer sous l'effet de l'eau que leur fourrure absorbe comme une éponge.

Plusieurs noms de races de chiens sont liés à l'espèce qu'ils chassaient avec le plus de succès. Ainsi le fox est-il un chien pour la chasse au renard (fox en anglais) et le teckel pour la chasse au blaireau (Dachs en allemand, avec la correspondance habituelle entre le d et le t). Le schnauzer est un mot suisse-allemand qui désigne les moustaches, caractéristiques de ce chien. Ces deux derniers mots sont entrés dans la langue française au XXe siècle seulement.

L'épagneul est un chien de chasse introduit d'Espagne. Quant au berger allemand il doit son nom à ce qu'un officier allemand ait été le premier à en entreprendre le dressage ; à sa mort, tout son élevage fut conduit sur sa tombe et les chiens aboyèrent ensemble pendant une minute (de silence).

Préféré

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Avec préféré on retrouve le verbe ferre (= porter) qui donne entre autres :

  • avec ad (vers) = afférents : les vaisseaux afférents apportent le sang aux muscles
  • avec cum (avec) = conférence : se porter ensemble en un même lieu
  • avec de (en dehors) = déferrer (devant le juge) mais aussi déférence ou attention en dehors (au delà) du commun
  • avec prae (mettre devant) = préféré
  • avec pro (mettre en avant) = proférer (dans proférer une injure l'image est que l'on jette violemment l'injure sur l'adversaire comme un javelot)
  • avec sub (sous) = souffir c'est à dire porter une charge bien lourde sur ses épaules

et aussi

  • conifères : arbres qui portent des fruits en forme de cônes
  • aurifère : qui contient (porte) de l'or.

Enfin puisque le voleur emporte les bien qu'il dérobe le vol se disait furtum en latin, mot dont il reste une trace dans le français furtif.

Généralité des mécanismes illustrés ci-dessus

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L'ensemble des mécanismes illustrés ci-dessus se retrouve peu ou prou dans toutes les langues, y compris des langues non européennes. Par exemple si l'on se penche sur le japonais on observe :

  • que le signe qui signifie repos est à l'origine un homme couché au pied d'un arbre avec son chien couché à côté de lui,
  • que la neige est la juxtaposition des symboles de la pluie et la main, la neige étant la pluie que l'on attrape avec la main,
  • que lumineux, brillant est la conjonction (non l'éclipse) du soleil et de la lune, les deux principales sources de clarté,
  • que le mois de février est celui où l'on porte plusieurs vêtements,
  • et le mois d'août celui des feuilles comme avril est celui des lapins,
  • que lundi est aussi le jour de la lune (mardi celui du feu),
  • que le signe qui signifie noir est originellement le dessin du fond d'une marmite (avec ses deux anses, vue de dessous) noirci par le feu de la cuisson,
  • et que le feu est symbolisé par un volcan.

Le mot dispute est très sexiste puisqu'il a pour étymologie deux femmes.

Enfin l'appellation des mafieux japonais (yakuza) signifie mot à mot « 8-9-3 », combinaison perdante d'un jeu de cartes. En effet, à l'origine, ces criminels étaient recrutés parmi les plus pauvres et les exclus, c'est à dire les « perdants » de la société.


Quelques remarques sur le tableau donné ci-après.

A défaut d'une colonne supplémentaire, précisions que le flamand est issu du néerlandais, le corse de l'italien comme le sarde.

Le gheg est un dialecte albanais parlé au Nord, le tosk est le dialecte albanais du Sud ainsi que dans la plupart des colonies albanaises de Grèce de d'Italie.

Le celtibérien était une langue de la péninsule ibérique à l'époque où l'on parlait gaulois dans ce qui allait devenir la France.

Le roman a donné deux langues disparues en tant que telles : le picard, largement intégré dans le français moderne et l'anglo-normand.

Bien qu'il s'écrive en caractères arabes, l'iranien est une langue européenne.

Le finnois, le hongrois et l'estonien ne sont pas des langues indo-européennes mais des langues caucasiennes que l'on retrouve en Sibérie et auxquelles se rattache probablement (mais ce n'est pas une certitude) le basque. Le français leur a emprunté quelques mots dont le morse (le lapon est aussi une langue caucasienne), paprika, hussard, toundra et sauna (finnois).