Philosophie/Vérité

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La définition la plus simple de la vérité pourrait être la suivante : ce que nous disons ou pensons est vrai quand ce que nous avons en vue existe vraiment tel que nous le disons ou le pensons. De ce fait, la vérité serait l'image correcte, ou la connaissance, que nous avons de la réalité.

Organisation de l'article : cet article est divisé en deux grandes parties. Dans la première partie, nous avons organisé une réflexion sur la vérité en suivant un fil directeur énoncé ci-dessus. Il nous a semblé préférable de procéder ainsi afin d'éviter de faire un catalogue d'opinions philosophiques et d'offrir un texte structuré qui pourra, s'il atteint son but, donner une idée du travail philosophique que l'on doit fournir dans une dissertation. Le défaut de cette présentation est que cet exposé, même si nous avons pris soin de formuler des points de vue variés et diverses objections, est inévitablement sélectif et orienté. La seconde grande partie vient remédier en partie à ce défaut, en proposant des extraits aussi variés que possibles de textes classiques et en fournissant une liste de sujets de dissertation.
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Quelques remarques pour commencer

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La Vérité rayonnante.

Cette définition de la vérité, que nous plaçons en tête de ce chapitre et que nous allons avoir l'occasion de discuter, soulève de deux types de problèmes.

Premier problème : la vérité apparaît comme une qualité que nous attribuons à ce que nous disons ou pensons : cette phrase est vraie, cette idée est vraie, et la vérité n'existe pas à part de ce que nous qualifions de vrai. La question se pose donc de savoir à quoi exactement nous attribuons cette qualité (une phrase ou une idée) et si nous avons raison de penser que la vérité est quelque chose que nous attribuons.

Second problème : la vérité n'est attribuée que sous certaines conditions : il faut une idée ou une pensée de quelque chose, et également quelque chose qui existe dont nous avons l'idée et dont nous parlons. Dans ce cas, il y a une relation entre deux termes : la pensée et la réalité, et, en dehors de cette relation, parler de vérité n'a pas de sens. Quelle est alors la nature de cette relation ? comment savons-nous que l'image que nous avons de la réalité est fidèle ? et comment la réalité peut-elle se refléter dans notre esprit en sorte que nous puissions posséder la vérité ?

Afin de ne pas alourdir cet article, nous ne donnerons pas de références en notes. Toutes les références utilisées peuvent être retrouvées dans la bibliographie commentée et dans les extraits que nous donnons dans la section Textes.

Qu'est-ce que nous disons être vrai ou faux ?

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À quoi donnons-nous la qualité d'être vrai ? Nous avons dès le début supposé que la vérité résidait dans des phrases (ce que nous disons à propos de la réalité) ou des pensées (les idées que nous avons des choses). Nous commencerons par ce problème, sans pourtant avoir répondu à ce stade à la question de savoir ce qu'est la vérité : en examinant dans quels cas nous parlons de vérité, nous parviendrons peut-être à déterminer les usages corrects (s'il y en a) de cette notion, ce qui aura ensuite l'avantage de nous en faciliter la compréhension.

Phrase et proposition

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Il nous semble évident que les phrases disent des choses vraies ou fausses, comme nous l'avons supposé dès le début. Cette idée, dans sa généralité, est pourtant fausse. « Va me chercher du pain ! » est une phrase, mais elle n'est ni vraie ni fausse ; c'est un ordre. Il existe ainsi de nombreuses phrases que nous utilisons quotidiennement qui sont dans ce cas : les phrases qui expriment une demande (« pourriez-vous etc. »), un souhait (« je souhaiterais etc. »). Faut-il en conclure que les phrases ne disent rien de vrai ou de faux ? Évidemment non, car certaines phrases sont effectivement vraies ou fausses : « il pleut », « mon bureau est blanc », etc. Pour distinguer ces phrases des autres, nous appellerons « proposition » les phrases qui ont cette qualité de pouvoir être vraie ou fausse.

 
Première caractérisation : Une proposition est une phrase qui peut être vraie ou fausse.

Ces propositions, telles que nous les définissons, ne sont pas vraies en elles-mêmes : nous disons qu'elles peuvent énoncer une vérité ou une erreur. Cela semble tenir au fait que la proposition énonce quelque chose à propos d'une réalité indépendante de nous : « il pleut » peut être vraie quand je vois qu'il pleut, mais fausse plus tard quand il ne pleut plus. Une proposition prétend donc nous informer sur un état de choses, et elle décrit correctement ou non cet état de choses. Nous pouvons alors énoncer les deux caractéristiques suivantes :

 
Deuxième caractérisation : Une proposition prétend nous apprendre quelque chose à propos d'un état de choses.
 
Troisième caractérisation : Une proposition est vraie ou fausse selon qu'elle s'accorde ou non avec un état de choses.

Nous examinerons plus loin ces conditions de la vérité d'une proposition, mais remarquons que le fait d'être vrai semble impliquer la possibilité d'être faux. Une proposition ne peut-elle pourtant pas toujours être vraie ? Sans doute, si elle exprime une réalité qui est toujours comme nous en parlons. Mais le monde extérieur est changeant, et cela laisse peu d'espoir de trouver des propositions toujours vraies.

Pourtant, il est une sorte de proposition qui semble posséder cette qualité : ce sont les propositions mathématiques. En effet, de quelque manière qu'on l'envisage, 2 + 2 = 4 est toujours vraie. Seulement, les propositions mathématiques ne parlent pas des objets du monde extérieur ; quel genre de réalités peuvent être les objets mathématiques est une question difficile que nous n'aborderons pas ici. Contentons-nous de dire qu'il y a des propositions qui portent sur le monde extérieur et qu'elles sont vraies ou fausses, et qu'il y en a d'autres qui portent peut-être sur autre chose et qu'elles semblent pouvoir être toujours vraies.

Cependant, si nous regardons d'un peu plus près ces rapports différents à la vérité et à la fausseté, nous sommes amenés à nous demander s'il ne faut pas distinguer des propositions de nature différente. En effet, dans le premier cas, la vérité (ou la fausseté) dépend d'un lien avec la réalité : « il pleut » reflète ou non le fait qu'il pleut. Mais que reflète « 2 + 2 = 4 » ? Loin d'avoir besoin d'une réalité empirique pour être vraie, cette phrase paraît être vraie en vertu de la définition des signes qu'elle contient, ou de ce que veulent dire ses termes et ses symboles et de la manière dont nous les utilisons (« 2 », « + », « = »). Nous n'allons pas tout de suite examiner ce problème, afin de poursuivre notre enquête sur ce que nous disons être vrai ou faux. Retenons pour le moment qu'il y a à l'évidence différents genres de phrases (les propositions) que nous disons êtres vrais ou faux, et que ces propositions ne sont sans doute pas vraies ou fausses pour les mêmes raisons et dans les mêmes conditions.

Enfin, nous devons considérer le type de réalité qu'est la proposition, afin de savoir exactement ce que nous qualifions de vrai ou de faux. Nous avons dit que la proposition est phrase. Elle se présente en effet comme telle. Considérons cependant les deux phrases suivantes :

  1. « il pleut », et :
  2. « es regnet ».

Nous avons là deux phrases distinctes, la première en Français, la seconde traduisant la première en Allemand. Ce sont toutes deux des propositions, puisqu'elles portent sur un état de choses et qu'elles peuvent être vraies ou fausses. Admettons qu'elles portent sur le même état de choses (c'est le même phénomène météorologique qui est décrit, au même endroit, au même moment). Il faut alors en conclure que ces deux phrases différentes sont en fait une seule et même proposition, et qu'une proposition n'est pas simplement un certain type de phrases composées de signes déterminés (lettres, mots associés par des règles de grammaire), puisqu'elle peut être traduite en différentes langues en restant la même proposition. Il y a donc des phrases qui sont des propositions, mais la proposition n'est pas à proprement parler une phrase déterminée.

Qu'est-ce alors qu'une proposition ? Si nous regardons nos deux exemples, nous pourrions dire qu'elles expriment toutes deux la même idée à propos d'une certaine réalité. La proposition ne serait-elle pas alors une certaine sorte d'idée ou de réalité mentale que nous pouvons exprimer de manière sensible, par des signes écrits ou des sons ? Il nous faut, pour tenter d'y répondre, examiner ce que nous entendons par ce terme d'« idée ».

Nos idées

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J'ai par exemple l'idée qu'il pleut et il se trouve qu'il pleut. Il nous semblent ainsi évident que nos idées sont vraies ou fausses, et, dans ce cas, nous pensons à des idées que nous pouvons énoncer, comme nous l'avons dit ci-dessus, sous la forme de phrases. La proposition, vraie ou fausse, serait donc une sorte d'idée située dans notre tête, donc une réalité mentale, et la phrase serait l'expression sensible d'une idée ou d'un certain genre d'idées nommé « proposition ». Mais, comme dans le cas de la phrase, ce n'est peut-être pas une généralité que l'idée peut être vraie ou fausse. Nous devons chercher s'il y a des idées qui auraient, contrairement à d'autres, la particularité d'être des propositions parce qu'elles peuvent être vraies ou fausses.

Mais nous parlons d'idée à propos de toutes sortes de réalités mentales, ce qui ne facilite pas notre recherche. Appelons « idée » toutes les représentations, images, pensées, qui peuvent nous venir à l'esprit. Parmi ces idées, nous en trouvons dont nous pourrions peut-être dire qu'elles ne sont ni vraies ni fausses : nos rêveries, par exemple, même si nous pourrions dire qu'elles sont fausses car elles ne correspondent à aucune réalité, ne sont toutefois imaginées par nous que pour le plaisir et pour elles-mêmes, et non dans le but d'être vraies. Toutes les images que nous formons semblent ainsi faites que nous puissions les tenir pour vraies ou fausses, sans qu'un tel jugement soit cependant nécessaire : je peux simplement me représenter une chose (réelle ou pas) sans rien affirmer de sa réalité.

Cette dernière caractéristique nous suggère qu'il pourrait en être ainsi à propos des propositions : si une proposition est l'expression sensible d'une idée qui peut être vraie et fausse, mais que cette idée peut être pensée sans rien affirmer de la vérité ou de la fausseté de son contenu, une proposition ne pourrait-elle pas être aussi une simple assertion n'impliquant aucun jugement de vérité ? Dans ce cas, bien que la proposition puisse être vraie ou fausse, un acte de l'esprit, le jugement, doit s'ajouter à elle pour que nous puissions déterminer sa vérité ou sa fausseté. Nous reviendrons plus loin sur cette question.

Pour le moment, considérons nos idées en général ; par définition, toute idée représente quelque chose (nous avons toujours l'idée de quelque chose, la notion d'idée en elle-même est dépourvue de sens). De ce fait, toute idée peut être vraie ou fausse. Quand, par une phrase, j'exprime un souhait qui n'est ni vrai ni faux, l'idée que j'ai de ce souhait semble bien devoir être vrai ou faux. Néanmoins il ne s'agit pas de l'énoncé du souhait en lui-même, mais de la réalité de ce souhait et de ce que je souhaite, car je peux me tromper sur ce que je souhaite vraiment. Et il en va de même des objets du désir, de la volonté, etc. Toutefois, dire que ce type de réalités peut être vrai ou faux est sujet à discussion, car il faut par exemple faire appel à un terme caché (ce que je souhaite vraiment quand je me trompe sur mes aspirations véritables) pour qualifier un souhait de faux, ce qui ne contribue pas à clarifier le problème.

Cependant, parmi nos idées, nous en trouvons qui sont manifestement liées en elle-même à un jugement de vérité : ce sont l'opinion, la croyance, le savoir, la certitude, la foi, etc. ; toutes ces idées contiennent en effet des affirmations sur l'existence et la manière dont existent certains objets, et il semble bien que la vérité et la fausseté de ces affirmations constituent une partie importante de la manière dont nous pouvons les décrire et les comprendre. Il serait ainsi absurde de dire à la fois : « je sais ou je crois qu'il pleut » et « j'ai l'idée qu'il pleut, mais je n'affirme rien quant à la réalité que représente cette idée ». Nous avons donc là clairement des réalités mentales auxquelles nous pouvons attribuer la vérité et la fausseté. Mais il est aussi évident que ce n'est pas de la même manière que nous attribuons ces qualités à chacune d'entre elles. Examinons brièvement ce point.

  • l'opinion : nous exprimons ordinairement des opinions à tout propos, et toutes ces opinions ne sont pas fondées de la même manière, mais peuvent être justifiés par des motifs extrêmement variés : des on-dits, des préférences irréfléchies, l'habitude, les traditions, etc. L'opinion est ainsi une sorte de jugements subjectifs qui s'accommodent de l'ignorance et des préjugés, mais que nous revendiquons cependant parfois comme nos opinions. Elle a donc un caractère subjectif très marqué, et cela se traduit par des degrés subjectifs de certitude que nous exprimons par des termes psychologiques : « je suis persuadé, convaincu que ».
  • la croyance : dans le langage de tous les jours, la croyance se distingue assez peu de l'opinion : « je pense que », « je crois que », « mon avis est que », expriment également des opinions et des croyances que nous tenons pour vraies, quoique leur justification soit très vague. Pourtant, dans certains cas, le mot « croyance » semble bien insister sur le fait que nous tenions une proposition pour vraie en mettant plus en avant l'objet ou le contenu d'un jugement que ne le fait l'opinion, plutôt centrée quant à elle sur l'individu qui s'exprime. La croyance semble alors correspondre à un état de certitude plus objectif. À l'évidence, pourtant, ce n'est pas toujours vrai, car nous disons « je crois en Dieu », en désignant un objet dont l'existence objective est difficile à attester. Néanmoins, dans ce cas, on parle plutôt de foi, et la certitude que cette foi exprime est appelée un acte de foi.
  • la connaissance, le savoir : toutes nos connaissances sont des croyances. Nous pouvons par exemple croire que la vitesse est la distance divisée par le temps. Cette croyance est un savoir si elle décrit correctement la réalité sur laquelle elle porte. Puisque l'idée de connaissance fausse est une contradiction, nous pouvons dire que la connaissance est toujours vraie. Nous voyons par là un lien entre vérité et connaissance : chercher ce qu'est la vérité, cela peut bien être également se demander ce qui fait qu'une pensée est une connaissance (et pas simplement une croyance ou une opinion).

Ces quelques remarques nous permettent de faire une importante distinction : l'opinion, la croyance, le savoir, etc. ont un contenu objectif, c'est-à-dire qu'ils désignent un certain fait, à tort ou à raison ; mais ils font également l'objet d'un état du sujet (la conviction par exemple). Or, quand une personne énonce un jugement et que nous souhaitons éprouver la vérité ou la fausseté de ce jugement, la question de savoir dans quel état se trouve la personne est sans pertinence. Ainsi, si Pierre affirme qu'il est convaincu que Marie l'aime, nous avons un état de conviction de Pierre et un contenu de sa conviction :

  1. Pierre est convaincu que Marie l'aime ;
  2. Marie aime Pierre.

L'examen de la vérité de la conviction de Pierre ne portera pas sur la proposition 1, mais sur la 2. Autrement dit, la vérité et la fausseté de ce qu'énonce un individu sont indépendantes de l'état dans lequel il se trouve, et la proposition que nous avons à examiner est l'énoncé du contenu de la conviction, de la croyance, etc.

Nous pouvons maintenant réviser notre idée de ce qu'est une proposition. Nous avons vu que la proposition n'est pas une phrase. Mais elle n'est pas non plus simplement une idée. Selon la distinction que nous venons de faire, nous devons dire que la proposition est le contenu d'une croyance, en donnant à ce terme de croyance un sens large (comme une opinion ou un savoir). Et c'est ce contenu que nous tenons pour vrai ou faux.

Sensation et perception

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Pour plus de détails voir : Philosophie/Perception.
 

Lorsque nous avons abordé les idées, nous avons du mal à distinguer celles qui peuvent être exprimées par des propositions vraies ou fausses de ces mêmes idées considérées comme contenu. Aussi, une autre catégorie de réalités que nous pourrions qualifier de vraies ou de fausses sont les réalités mêmes dont nous parlons et auxquelles nous pensons, c'est-à-dire le contenu de nos propositions et de nos idées, désignant tous les objets des sens, ainsi que ces réalités plus difficiles à saisir que sont nos passions, nos sentiments, nos volontés, nos pensées, etc. À première vue, toutes ces réalités, même si nous disons vrai à leur propos, ne sont pas vraies en elles-mêmes. Un arbre, ce rouge, la colère, vouloir marcher ne sont pas des réalités vraies, mais simplement des réalités : elles existent, et c'est le fait qu'elles existent qui nous permet de dire des vérités à leur propos si nous en parlons en les décrivant comme elles sont.

Pourtant, ne sommes-nous pas victimes d'illusions des sens ? Dans ce cas, ce sont bien les sens qui se trompent. Or, s'ils se trompent, c'est qu'ils sont dans l'erreur, et s'ils sont dans l'erreur, c'est que, habituellement, ils sont dans le vrai. Les données que nous fournissent nos sens seraient donc vraies en ce sens que les sens nous offrent une image correcte de la réalité et ils seraient dans l'erreur dans le cas contraire. Cette conception est discutable. En effet, nous avons vu que, pour qu'il y ait vérité, il faut une relation entre une réalité et quelque chose qui décrit cette réalité. Il faudrait donc que les sens nous donnent à la fois une intuition d'une réalité et l'image de cette réalité. Mais ce que nous appelons sensation, c'est justement cette intuition de la réalité par les sens, tandis que l'image de la réalité est une représentation, c'est-à-dire que c'est l'idée que nous avons d'une réalité et cette idée est le fait de l'esprit.

Il n'en reste pas moins, pourriez-vous objecter, que nous parlons d'illusions des sens, et c'est pourquoi ce sont les sens qui se trompent et une sensation peut être vraies ou fausses. La preuve en est que, de loin, je vois ronde une tour carrée, et il y a ainsi mille exemples qui démontrent que ce sont les sens qui se trompent en nous donnant à voir ce qui n'existe pas. Donc, quand ils ne se trompent pas, les sens sont véridiques. Mais cette objection repose sur une confusion entre l'impression sensible que nous avons de certaines formes, et les jugements que nous formulons à leur propos. En effet, tant que, voyant au loin une forme qui ressemble à une tour ronde, je ne juge pas que ce que je vois est une tour réellement ronde, je ne suis pas dans l'erreur, et mes sens, qui ne m'offre que la vision d'une forme, ne me disent rien sur la réalité de ce que je vois. Ainsi les sens ne sont-ils ni vrais ni faux :

« [...] en général [Les sens] ne mentent pas. C’est ce que nous faisons de leur témoignage qui y met le mensonge, par exemple le mensonge de l’unité, le mensonge de la réalité, de la substance, de la durée... » Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles, « La "raison" dans la philosophie ».

Cette thèse, défendue par des philosophes aussi différents qu'Épicure et Nietzsche, ne semble toutefois pas si facile à soutenir. Si vous avez regardé l'illustration située au début de cette section, vous avez vu deux ronds oranges de taille différente. En réalité, ces ronds sont identiques. Bien que vous le sachiez maintenant, vous continuez cependant à voir un cercle plus grand que l'autre, et cela, votre vue vous le montre et donc se trompe. Si nous disons avec Nietzsche que c'est ce que nous faisons des témoignages des sens qui y introduit l'erreur, comment pourrions-nous comprendre que l'erreur peut s'y trouver avant même que nous jugions par la raison de certaines propriétés des choses (comme sa forme ou ses dimensions), et même après ? bien plus, comment expliquer que des opérations aussi complexes que la comparaison puisse se trouver dans ces témoignages ?

 

Nous pourrions alors distinguer deux choses pour tenter de voir plus clair dans ce problème : la sensation considérée en elle-même (cette couleur, cette forme, etc.), que nous pourrions définir comme l'ensemble des impressions brutes — voire originelles, qui se présentent à nous avant toute mise en ordre de quelque nature qu'elle soit ; et un autre type de sensations, élaborées à partir des premières, sensations par lesquelles nous voyons, touchons, supposons, etc., des objets possédant certaines qualités, avant même de formuler une proposition à l'aide de nos facultés intellectuelles. Ces dernières sensations contiennent alors manifestement des jugements, qui échappent à notre raison, sur les qualités des choses et sur l'existence même des choses, comme nous pouvons en faire l'expérience dans les illusions d'optique ; afin de les distinguer des premières, nous les appellerons des perceptions.

Ces perceptions peuvent-elles être considérées comme des propositions, au sens que nous avons donné plus haut à ce mot, et peut-on les placer au même rang que nos croyances et leurs contenus ? Ce que nous voulons savoir, c'est si les perceptions peuvent légitimement être dites vraies ou fausses.

Tentons à présent de reprendre de manière synthétique l'ensemble de nos réflexions.

Nous avons établi que nous disons vrais ou faux des jugements, et que nous pouvons exprimer ces jugements (qu'il s'agisse d'idées ou de perceptions) par une forme particulière de phrases que nous nommons propositions. Ces jugements sont des mises en relations de réalités, comme la relation entre un objet et une qualité ou entre deux objets. Elles doivent en outre être tenues pour réelles ou niées et être comparées à ce sur quoi elles portent, c'est-à-dire qu'elles doivent être l'objet de nos croyances, opinions, savoirs, etc.

Cependant, si nous faisons un bilan de nos réflexions d'après les différentes manières que nous avons vues pour une proposition d'être vraie (ou fausse), nous trouvons qu'il y a deux sortes de propositions : les propositions qui portent sur le monde extérieur et les propositions vraies en vertu des symboles qui les composent. Nous pouvons alors conclure cette partie en citant ces paroles du philosophe Alfred Ayer :

« [...] je divise toutes les propositions authentiques en deux classes : celles qui [...] concernent les "relations d'idées" et celles qui concernent les "matières de fait" (matter of fact). La première classe comprend les propositions a priori de la logique et des mathématiques pures, que je ne considère comme nécessaires et certaines, que parce qu'elles sont analytiques. Je maintiens, en effet, que la raison pour laquelle ces propositions ne peuvent être démenties par l'expérience, est qu'elles ne font aucune assertion au sujet du monde empirique, mais indiquent simplement notre détermination d'user de symboles d'une certaine manière. Par contre, les propositions empiriques concernant les matières de fait, je soutiens qu'elles sont des hypothèses qui peuvent être probables, mais jamais certaines. Et en exposant la méthode de leur validation, je prétends aussi élucider la nature de la vérité. » Langage, vérité et logique, « Préface »

La question de la nature de la vérité se ramène donc à la question de la méthode de validation de nos propositions : par quels moyens, procédés ou méthodes établissons-nous que nos propositions sont vraies ? À partir de nos remarques sur la nature de la proposition, voyons donc comment nous pouvons maintenant tenter d'élucider ce qu'est la vérité.

Quelle est la nature de la vérité ?

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"Qu'est-ce que la vérité ?" Le Christ et Pilate. Nikolaï Gay (1831–1894)

À présent que nous avons passé en revue les réalités (propositions, idées telles que la croyance et l'opinion, perceptions) susceptibles de se voir attribuer la qualité de vérité, voyons dans quelles conditions nous sommes justifiés à faire une telle attribution.

Ce que nous cherchons, ce sont en particulier des critères pour nous guider afin de pouvoir reconnaître une proposition et une pensée vraie (et donc également celles qui sont fausses). C'est en cela que nous faisons consister la nature de la vérité, c'est-à-dire que nous ne cherchons pas une réalité qui existerait à part et que nous nommerions Vérité, mais des règles pour bien juger, et, le cas échéant, pour atteindre la plus grande certitude possible.

L'adéquation

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Définition

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Commençons par l'idée que nous avons déjà largement esquissée, à savoir que la vérité est la qualité d'une proposition ou d'une pensée qui énonce une réalité telle qu'elle est. Dans cette conception de la vérité, nous avons une relation entre deux termes : une pensée que nous formulons par une proposition et une réalité sur laquelle porte cette proposition. Par exemple, si je dis : « Le chat est sur le tapis », ma proposition porte sur une réalité composée d'un chat et d'un tapis qui sont entre eux dans un certain rapport. Cette réalité n'est donc pas un objet isolé (comme « chat » ou « tapis »), mais un fait composé de deux objets dans une certaine relation (« être sur »). Cette composition se traduit dans ma proposition par un jugement qui énonce cette relation. En conséquence, nous pouvons supposer que la vérité d'une proposition est la correspondance entre un jugement que l'on énonce et une relation entre plusieurs objets, correspondance que l'on constate dans l'expérience (je vois le chat qui est sur le tapis).

Définition 1
Une proposition (un jugement, une croyance, une pensée, etc.) est vraie si, et seulement si, elle correspond à un fait.

Objections :

  1. Il semble néanmoins y avoir des cas qui ne correspondent pas à cette définition. Par exemple, si, voyant un arbre, je constate qu'il y a un arbre, il ne semble pas que ma proposition soit un jugement, mais qu'elle soit le simple constat de l'existence d'un objet, et ce constat est vrai (ou faux). Toutefois, au témoignage de mes sens (je vois une certaine forme colorée d'une certaine manière), s'ajoute mon affirmation que ce que je vois est un arbre et que cet arbre existe. Aussi peut-on penser que le prétendu constat intuitif est en réalité un jugement, et qu'il est conforme à la définition que nous avons donnée de la vérité comme adéquation.
  2. Cette définition semble exclure ces propositions dont nous avons vu qu'elles paraissent être toujours vraies, comme les propositions des mathématiques. Nous aborderons ce problème dans la section suivante sur la vérité formelle.

Remarque : La conception de la vérité comme adéquation suppose que nous puissions vérifier les jugements que nous énonçons en constatant que ceux-ci reflètent bien la réalité dont nous parlons. Nous avons donc un rôle actif dans l'établissement de la vérité. Elle n'apparaît pas d'elle-même, mais est le résultat d'un jugement qui est dans mon esprit et d'une confrontation de ce résultat avec une vérification empirique. Par cette vérification, je dois pouvoir constater que ma proposition reflète bien la réalité : le fait dont je parle existe-t-il ou non ? existe-t-il tel que j'en parle, ou autrement ?

Problématique : La question se pose de savoir ce qu'il faut entendre par « reflètent ». En philosophie, on emploie, plutôt que le mot « refléter », les termes de « correspondance » ou d' « adéquation » que nous avons eu déjà l'occasion d'employer. Qu'entendons-nous alors par ces deux termes ? À première vue, la réponse est simple : toute proposition serait une idée que nous avons à l'esprit et il suffirait de la comparer avec le témoignage de nos sens pour nous assurer de sa fidélité. Ainsi l'adéquation (ou la correspondance) est-elle une relation de ressemblance entre ce que nous jugeons et ce sur quoi nous jugeons.

Ressemblance/correspondance

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Se reconnaît-il ?

Cette conception pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, lorsque nous parlons de ressemblance, il ne semble pas que nous ne fassions autre chose que de répéter l'idée même d'adéquation : être adéquat, c'est ressembler, mais ressembler, c'est être adéquat. Aussi l'idée de ressemblance demeure-t-elle mystérieuse. Et elle devient encore plus obscure si l'on cherche à comprendre de quelle manière un jugement pourrait ressembler à la réalité sur laquelle il porte. Nos propositions sont formées de mots (signes ou sons), alors que les réalités que ces mots désignent sont des objets physiques ou psychiques d'une autre sorte. Il n'y a de toute évidence aucune ressemblance entre les mots et les choses que les mots désignent. On pourrait dire alors (comme nous avons eu déjà l'occasion de le dire) que les propositions traduisent des images qui sont dans notre esprit, et que ce sont ces images qui sont formées fidèlement ou non sur le modèle des réalités extérieures. Ainsi Wittgenstein dit en ce sens :

« La totalité des pensées vraies est l'image du monde. » (Tractatus logico-philosophicus, 3.01)

Nos idées vraies sont une peinture fidèle du monde, et, ajoute-t-il « une pensée peut être exprimée dans une proposition en sorte que les éléments du signe propositionnel correspondent aux objets de la pensée. » (3.2) Puisque ces objets de la pensée exprimés par la proposition sont eux-mêmes des images (vraies ou fausses) du monde, il en résulte qu'une proposition peut être ou non adéquate aux réalités que nous percevons.

C'est une idée assez vraisemblable, car chacun peut faire l'expérience de cette imagerie mentale ; par exemple, le rêve pourrait venir renforcer cet argument, car dans cet état, nous prenons des images produites par notre esprit pour la réalité. C'est donc bien que nos images mentales ont quelque chose en commun avec la réalité et que nous pouvons les comparer. Bien que nous puissions nous demander comment des images ressemblant à la réalité sont produites en général dans notre esprit, nous pouvons constater que c'est le cas.

Cependant, cet argument ne fait que reculer le problème. En effet, c'est toujours à l'aide de mots que nous exprimons nos images mentales (« ... que les éléments du signe propositionnel correspondent aux objets de la pensée » dit Wittgenstein) ; or, il faut bien que ces mots expriment convenablement ces images, et donc leur soient adéquats, autrement dit, leur ressemblent.

On pourrait alors faire remarquer que cette volonté de faire ressembler une proposition (croyance, idée, etc.) avec un fait repose sur une confusion. La proposition n'a en effet pas pour but de peindre un fait, mais d'en décrire la structure en reliant des objets et des propriétés entre eux. Il n'y a dès lors pas à chercher une ressemblance comme reflet, mais une correspondance terme à terme entre une proposition et le fait sur lequel elle porte :

Proposition :   Un oiseau chante
                    |       |
                    |       |
       Fait : « Un oiseau chante »

On peut donc proposer cette seconde définition :

Définition 2
Une proposition (un jugement, une croyance, une pensée, etc.) est vraie si, et seulement si, sa structure correspond à la structure d'un fait.

Le problème du jugement

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Une autre difficulté apparaît quand nous considérons cette fois les éléments contenus dans les propositions vraies ou fausses que nous formulons, en estimant que ces propositions doivent correspondre (ou non) aux choses sur lesquelles elles portent.

Admettons qu'une image mentale puisse effectivement être exprimée adéquatement par une proposition (je vois dans ma tête que le chat est sur le tapis), le jugement de relation que nous formulons ne paraît pourtant pas pouvoir être contenue dans celle-ci, car l'image que nous avons à l'esprit n'est que la reproduction du témoignage de nos sens et c'est le jugement que nous portons qui introduit une relation qui ne nous est pas donnée par l'expérience. Prenons pour le montrer plus nettement un exemple un peu plus compliqué.

Si une boule de billard vient en frapper une autre et la mettre en mouvement, nous pouvons formuler cette proposition que la première est cause du mouvement de la seconde. Nous avons donc, conformément à notre théorie de la vérité comme adéquation, deux objets en relation, relation que nous exprimons par une proposition qui énonce ce lien, ici un lien de causalité. La question que nous posons est : où se trouve, dans la réalité et dans l'idée que nous en avons, cette relation de causalité ? Nous ne la trouvons pas, car tout ce que nous voyons ce sont deux objets et deux mouvements successifs, mais la causalité elle-même, nous ne la voyons nulle part, si ce n'est dans notre jugement lui-même. Or, s'il en est ainsi, notre jugement, qui énonce la réalité d'une relation (la causalité), porte sur une relation dont nous ne pouvons montrer l'existence. Sauf si nous pouvons faire une démonstration d'une réalité qu'on ne voit pas.

Cette mise en défaut de la théorie de la vérité comme adéquation ne se limite pas à ce cas. Prenons l'exemple des lois scientifiques. Selon une conception très simplifiée de la science, les lois forment des théories décrivant et prédisant des phénomènes. Par conséquent, il nous suffit de vérifier dans l'expérience que la description ou la prédiction d'une théorie est fidèle pour garantir sa vérité. Ce n'est toutefois pas le cas, car une loi scientifique ne dit pas seulement, par exemple, que si ce volume d'eau est chauffé à 100 degré alors se produira un phénomène appelé ébullition ; une loi scientifique dit surtout que toutes les fois que de l'eau est chauffée à cette température, alors elle se met à bouillir. Or, aucune expérience ne nous permet de faire le tour de l'ensemble des cas qui vérifieraient qu'il en va bien ainsi. Par conséquent, une loi scientifique ne peut être considérée comme une simple image fidèle de la réalité sensible : à l'expérience s'ajoute le caractère universel de la loi, caractère qui n'est pas constatable directement par les sens (nous ne voyons pas tous les cas qui pourraient vérifier la loi). Pourtant, la vérité de la loi réside manifestement dans la validité de cette universalité.

De ces quelques analyses, nous pouvons retenir les deux remarques suivantes :

  • la conception de la vérité comme adéquation semble être une conception inspirée de la comparaison directe, que nous pratiquons quotidiennement, entre les sens et une certaine image que nous avons à l'esprit, et elle semble en ce sens assez naïve ; elle échoue ainsi à rendre compte de la vérité des jugements que nous formulons par des propositions dans la mesure où ceux-ci se sont pas réductibles aux seuls témoignages des sens ;
  • la vérité d'une proposition ne peut dépendre de sa seule adéquation aux faits, puisque nous ajoutons par la pensée des relations (ou jugements) que nous ne trouvons pas directement dans l'expérience.

La vérité formelle

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Après cette critique de la conception de la vérité comme adéquation, nous pouvons être tenté de trouver dans la manière dont nous formons des jugements le fondement de toute vérité. Cette manière de former des jugements est étudiée par la philosophie depuis l'Antiquité, et c'est ce que nous appelons la logique, dont Aristote est considérée comme l'un des grands initiateurs.

Procédant suivant des règles de déduction à partir de postulats et d'axiomes admis, on aboutit à des conclusions valides en vertu de ces seules règles de déduction. Cette vérité est donc indépendante du contenu des propositions, puisqu'elle dépend de son accord avec des lois que nous pouvons considérer comme des lois de notre pensée. Cette sorte de vérité est également dite a priori car elle ne dépend pas de l'expérience. Considérons l'exemple suivant :

  1. Si la Terre a des ailes, elle vole ;
  2. Or, la Terre a des ailes ;
  3. Donc la Terre vole.

Le contenu de la proposition 2 est évidemment faux et la conclusion n'a pas vraiment de sens. Pourtant, le raisonnement est parfaitement correct. Pour le mettre en évidence, remplaçons ces propositions par des lettres, telles que :

  • p = « La Terre a des ailes » ;
  • q = « la Terre vole ».

Nous obtenons une première esquisse de formalisation :

  • si p alors q
  • p
  • q

L'ensemble des règles de déduction, des postulats et des axiomes forment un système hypothético-déductif.

Ce dernier point permet d'introduire une distinction : les vérités purement formelle et a priori sont appelées des vérités analytiques. Ces vérités sont nécessaires et ne nous apprennent rien sur le monde. Les vérités tirées de l'expérience sont quant à elle des vérités synthétiques, car nous lions des termes qui supposent pour des êtres dont l'existence est contingente.

La vérité cohérence

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La vérité d'une croyance ou d'une opinion n'est pas seulement une qualité que nous croyons pouvoir attribuer en nous fondant sur la connaissance de faits, et il arrive en outre bien souvent que nous tenions une proposition pour vraie en dépit de la logique. Autrement dit, la justification de nos croyances peut dépendre uniquement d'un arrière-plan constitué par d'autres croyances : la vérité d'une proposition tient alors du fait qu'elle s'accorde à un ensemble de croyances qui lui préexistent. Ce genre de vérité est souvent appelée vérité cohérence.

 
Définition : Une croyance est vraie si, et seulement si, elle est une partie d'un système cohérent de croyances.

La vérité métaphysique

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La vérité que nous appellerons métaphysique est une vérité d'une sorte encore différente des précédentes, et elle a une longue et riche tradition philosophique. Nous désignerons par cette expression l'idée que la vérité est quelque chose que nous saisissons en soi par l'esprit. Elle tend à identifier la pensée et l'être, l'idée et son objet, la connaissance et l'essence. Nous trouvons ce type de vérités non seulement en métaphysique mais aussi en théologie.

Il serait possible de faire une typologie des conceptions d'une saisie d'un en-soi, mais nous nous contenterons ici de deux illustrations, Platon et Bergson.

Intuition des réalités vraies

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Pour Platon, qui, remontant d'une hypothèse à ses conditions, suppose l'existence d'un référant ontologique existant en soi. Dans ce cas, on distingue vérité absolue et vérité relative.

Vision immédiate

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Critiques

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Ainsi, la vérité métaphysique consiste a déduire d'un ensemble d'hypothèses ou de faits d'expérience, une condition elle-même inconditionnée. Dieu, les Idées, l'âme, le commencement absolu du monde, et même la conscience en tant que fondement de la connaissance dans l'idéalisme, sont des exemples de telles conditions ontologiques.

Théorie pragmatiste

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Les théories pragmatistes de la vérité sont elles-mêmes plurielles et complexes. Chez Habermas, par exemple la vérité se confond avec la notion de validité intersubjective.

Théorie déflationniste

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La théorie déflationniste de la vérité consiste à dire qu'il n'y a aucune différence entre dire que p est vrai et dire que p. La vérité, de ce point de vue, n'apporte rien à ce que nous affirmons. En effet, si je dis : le ciel est bleu, cela semble impliquer : c'est le cas que le ciel est bleu.

Histoire du vrai et du faux

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La première signification de Vrai et de Faux semble avoir son origine dans les récits ; et l’on a dit vrai un récit, quand le fait raconté était réellement arrivé ; faux, quand le fait raconté n’était arrivé nulle part. Plus tard, les philosophes ont employé le mot pour désigner l’accord d’une idée avec son objet ; ainsi, l’on appelle idée vraie celle qui montre une chose comme elle est en elle-même ; fausse, celle qui montre une chose autrement qu’elle n’est en réalité. Les idées ne sont pas autre chose en effet que des récits ou des histoires de la nature dans l’esprit. Et de là on en est venu à désigner de la même façon, par métaphore, des choses inertes ; ainsi, quand nous disons de l’or vrai ou de l’or faux, comme si l’or qui nous est présenté racontait quelque chose sur lui-même, ce qui est ou n’est pas en lui. Baruch Spinoza, Pensées métaphysiques (1663), 1er partie, chap. VI, Gallimard, « La Pléiade », trad. R. Caillois.

Vérité et connaissance

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Venons-en maintenant à la question de savoir quelle est la place de la vérité par rapport à la connaissance. Nous avons fait jusqu'ici comme si la vérité pouvait être trouvée dans des propositions isolées portant sur des faits eux-mêmes isolés (atomisme), mais l'idée de la vérité cohérence nous a montré qu'un tel isolement n'existe peut-être pas, ou du moins ne représente qu'un cas particulier douteux de vérité se présentant sous forme de vérité particulière. Nous voyons ainsi que les systèmes philosophiques et les théories scientifiques sont constitués d'un ensemble organisé de propositions tenues pour vraies qui ne sont pas indépendantes les unes des autres. Ces systèmes, comme ces théories, ont l'ambition de nous donner une connaissance aussi exacte que possible des objets étudiées, voire de la réalité dans son ensemble. Cela pose non seulement la question de savoir comment il faut comprendre la notion de vérité dans de tels ensembles, autrement dit la question des relations entre vérité et connaissance ; mais aussi celle de la vérité en philosophie, car, s'il peut paraître évident qu'un philosophe cherche la vérité, les sciences semblent bien les disciplines les mieux placées pour nous fournir toutes les vérités possibles, en sorte qu'il n'y aurait pas, à côté de cela, de vérités philosophiques.

Vérité, sciences et certitude

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Revenons sur la brève évocation que nous avons faite de la science dans notre critique de la vérité comme adéquation. Nous avons soutenu que les lois scientifiques ne pouvaient être de simples représentations dont la vérité se manifesterait par une comparaison directe avec la réalité sensible. Nous allons développer et préciser ce point en exposant les réflexions du chimiste et philosophe Pierre Duhem (1861 - 1916) au sujet de l'expérience en physique dans La Théorie physique, son objet, sa structure. Ces réflexions nous permettront de nous faire une idée moins abstraite de la vérité, de l'inscrire dans un processus de recherche (et donc dans une temporalité) et nous verrons que nous pourrons à partir de là esquisser une analyse des rapports entre vérité et certitude.

Au chapitre IV de la seconde partie de la Théorie physique, Duhem soutient que le résultat de l'activité d'un physicien expérimentateur n'est pas le constat de certains phénomènes, mais un énoncé d'un jugement reliant des notions qui ne correspondent à des observations que par l'intermédiaire d'une théorie.

...

Au terme de l'examen de ces réflexions de Duhem, nous nous trouvons en présence de deux manières d'établir la vérité ; l'une est grossière et immédiate, l'autre est détaillée et demande un long processus de traduction pour parvenir à des énoncés scientifiques. Duhem tire de cette distinction une conséquence étonnante, en ce qu'elle va à l'encontre d'un préjugé au sujet des vérités scientifiques : celles-ci seraient dotées du plus haut degré de certitude que l'homme puisse atteindre. Duhem montre précisément en quoi consiste la fausseté de ce préjugé. La certitude immédiate des sens est solide et laisse peu de place au doute, hormis les cas pathologiques ; les vérités scientifiques sont au contraire le résultat de processus complexes et difficiles d'interprétations des phénomènes et de corrections des observations. On comprend que l'erreur puisse plus facilement se glisser dans ces processus que dans l'observation immédiate que chacun peut faire dans la vie ordinaire. La certitude des vérités scientifiques est donc moins assurée que la vérité de l'intuition directe des faits.

Vérité et philosophie

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Que reste-t-il à la philosophie en matière de connaissance, dès lors que les sciences ont repris et reprennent à leur compte ce qui a été, à des époques différentes, l'objet de l'enquête philosophique ?

Il est par exemple bien évident que le philosophe ne peut plus faire de physique, comme c'était le cas des Présocratiques. Une discipline à la fois ancienne et récente comme la logique est devenue très spécialisée, sous l'impulsion d'ailleurs de philosophes de la fin du XIXe et du XXe siècle. La philosophie, semble-t-il, est comme le précurseur de toutes les sciences particulières, et ouvre la voie à de nouveaux domaines de connaissance, qui, une fois bien établis, deviennent des disciplines scientifiques qui ne relèvent plus fondamentalement de la philosophie. On pourrait alors dire que, tant qu'un domaine de connaissances relève de la philosophie, il ne s'agit pas encore de connaissances bien assurées. Ainsi, si certaines parties de la philosophie (physique, psychologie, logique) sont devenues des sciences, d'autres sont loin d'avoir acquis ce statut, ou sont même soupçonnées de n'être finalement que des illusions de connaissances, comme dans le cas de la métaphysique. Dans ce cas, il est difficile de considérer la philosophie comme un genre de connaissance telles que les sciences : elle ne possède pas de vérités à elle, mais, par un travail de clarification de nos pensées et de nos méthodes, elle est une aide indispensable au commencement de toute science, voire elle aide à élucider certaines notions scientifiques embrouillées.

Nous proposons d'examiner et de discuter ici ces deux idées que nous venons de formuler :

  1. La philosophie n'est pas une science ;
  2. Elle n'est pas une recherche de vérité philosophique, mais une activité de clarification de la pensée et de la connaissance.

La philosophie n'est pas une science

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L'idée que la philosophie n'est pas une science est sans doute assez répandue de nos jours. Il y a plusieurs raisons à cela. En premier lieu, le développement des sciences à l'époque moderne a conduit à retirer à la philosophie sa prétention à être la reine des sciences, prétention incarnée tout particulièrement par la métaphysique (appelée également philosophie première). La métaphysique est en effet une discipline qui étudie les principes les plus généraux de la réalité (ou de l'être) et elle se situerait pour cette raison au-dessus de toutes les formes particulières de connaissance. Or, face aux sciences (nous verrons pourquoi un peu plus bas), une telle discipline peut apparaître ne formuler aucune vérité vérifiable (par exemple, sur Dieu, sur l'âme) ou aucune vérité qui ne serait pas mieux formulée dans le cadre de telle ou telle science (sur l'espace, le temps, la causalité) ; c'est pourquoi, la métaphysique est apparue vide de tout contenu.

Une autre raison est que la philosophie a conservé pour nous la dimension pratique qu'elle possède depuis ses origines, et, qu'à défaut d'être considérée comme une science, elle reste une discipline censée offrir des réponses aux questions morales et, plus généralement, aux problèmes que nous pose notre existence et à laquelle la philosophie serait chargé de donner du sens. Or, ces questions sont rarement considérées comme des questions scientifiques car elles portent sur des valeurs (comme le bien) et des comportements humains qu'il est difficile de quantifier, de théoriser et de prédire. C'est d'ailleurs aussi pourquoi ces questions ont parfois une tonalité polémique à l'égard des sciences, car ces dernières réduiraient indûment l'être humain à un objet d'étude parmi d'autres. Ainsi réduite à des questions d'ordre pratique, la philosophie ne pourrait donc plus prétendre au statut de science.

Une telle idée de la philosophie dans ses rapports à la science (idée qui recouvre bien entendu une très large variété de points de vue) était étrangère aux premiers philosophes qui s'occupaient de cosmologie en philosophes (on les désigne d'ailleurs en tant que philosophes de la nature), mais aussi aux philosophes hellénistiques (stoïciens, épicuriens), qui, malgré leurs préoccupations morales, considéraient la physique comme une partie essentielle de la philosophie. Mais, par dessus tout, c'est la conception même de la science qui était bien différente de la nôtre, et cette différence va nous permettre de comprendre comment la connaissance et la vérité étaient conçues par eux.

Prenons l'exemple de Platon et de sa théorie de la connaissance. Pour Platon, la science véritable est un contact de la partie intellectuelle de l'âme avec des réalités fondamentales sous-jacentes au monde qui nous est donné par les sens. De ce fait, connaître, c'est être affecté par ces réalités, et celui qui sait, le savant, ou philosophe, possède la vérité dans l'exacte mesure où il a une vision des réalités véritables. Nous avons donc là une conception métaphysique de la vérité, bien que le terme « métaphysique » soit ici anachronique : il faut, pour atteindre la vérité, remonter des impressions sensibles à des entités absolues qui en sont les causes. Dans cette conception, la science est un état de l'âme de celui qui connait : il est parvenu, par un processus dialectique, à la contemplation de ces réalités, que l'on désignera du terme de Formes. Cet état est celui de la sagesse, et celui qui connaît ainsi est un sage ou un savant (sophos admettant les deux traductions). Tous les philosophes antiques, même s'ils ne partagent pas la théorie platonicienne de la connaissance, conçoivent la science comme un état.

Les sciences modernes se présentent de manière bien différente, par exemple comme des ensembles organisés de propositions. L'état du sujet connaissant n'est pas primordial, ou relève de la psychologie. Il est même indifférent de savoir si le scientifique est un sage contemplant des Formes : la vérité des hypothèses ne dépend pas de la relation de son âme à une réalité absolue, mais, par exemple, de procédures de vérifications qui requiert une activité interindividuelle complexe. Cette transformation de la notion de science, qui a lieu à partir du 16e siècle, conduit naturellement à contester au philosophe son statut platonicien de maître de vérité. La raison en est très simple. Si l'on considère que la vérité de nos connaissances sur le monde ne peut être établie que par une validation empirique, les propositions métaphysiques ne sont tout au plus que des illusions sur nos capacités de connaître, et elles sont en tout cas dépourvues de sens parce qu'elles ne portent sur rien de vrai ni de faux.

Il est important de saisir toute l'importance de cette dernière remarque pour la philosophie. Ce sera l'objet de la section suivante.

La philosophie n'a pas de vérités qui lui soient propres

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Si en effet toute vérité repose en dernier ressort sur les données de nos sens, il n'est pas possible de constituer un ensemble de connaissances hors de cette limite. La métaphysique est donc obsolète, et la philosophie est purement et simplement remplacée par les sciences. Faut-il alors déclarer la fin de la philosophie ? Mais le rejet de la métaphysique n'a pas entrainé avec elle le rejet de la philosophie toute entière. Plusieurs conceptions de la philosophie demeurent en effet possibles. Tout d'abord, la philosophie peut avoir pour tâche de délimiter le domaine légitime de nos connaissances. Elle est alors une théorie critique de la connaissance qui s'occupe de montrer de quelle manière les propositions que nous formulons sont ou non légitimes. Dès lors, elle peut être une activité réflexive sur des connaissances déjà constituées, ou qui se prétendent telles, et, en clarifiant les conditions d'utilisation et de validation de ses connaissances, elle en évalue la légitimité.

La vérité comme norme morale

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Les sections précédentes ont tracé, dans leurs grandes lignes, plusieurs conceptions de la notion de vérité. Bien que ces exposés soient abstraits et aient surtout rapport à la connaissance, leurs liens à la pratique et à la vie quotidienne sont demeurés évidents tout du long, puisque, par exemple, nos propositions les plus triviales peuvent être des illustrations de la problématique de la vérité comme correspondance et la manière dont nous en venons à tenir une croyance pour vraie peut illustrer la vérité comme vérité cohérence. Mais nous en sommes restés à une approche purement intellectuelle, et nous n'avons pas encore considéré ce qu'il en est de notre rapport à la vérité à la lumière de nos sentiments et de nos valeurs morales.

Dans cette section, nous aborderons la question des rapports de la vérité et de la morale de deux points de vue. D'une part, nous nous demanderons si, et dans quelle mesure, les jugements moraux (par exemple : « Voler est mal ») sont susceptibles d'être vrais ou faux. Pour répondre à cette question, il nous faudra principalement nous demander si, dans le cas où une telle chose existe, la vérité des jugements moraux est d'une nature particulière.

D'autre part, nous allons nous préoccuper de ces rapports moraux à la vérité que l'on désigne par des noms de vertus ou de vices : la véracité et la sincérité, le mensonge, la confiance, la tromperie, etc., c'est-à-dire que nous allons passer de l'idée de vérité comme norme de connaissance, à l'idée de vérité comme norme morale, et que nous allons nous demander si la vérité peut avoir (et si oui, dans quelles conditions) force d'obligation morale.

Vérité et jugement moral

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De quelle vérité sont susceptibles les jugements moraux comme « voler est mal », « l'altruisme est une vertu » ? Si nous pensons que de tels jugements peuvent être vrais ou faux, alors nous devons les tenir pour des propositions comparables à celles que nous avons examinées plus haut. Cela nous donne un point de départ, car, pour répondre à cette question, il nous suffit de nous demander si ce sont des propositions portant sur des réalités du monde extérieur (comme celles des sciences de la nature) ou des propositions vraies en vertu de leurs composants (comme celles de la logique et des mathématiques). Or, à l'évidence, les propositions morales ne sont ni des vérités logiques ou mathématiques, ni des vérités de faits.

Certes, nous pouvons raisonner à partir de jugements moraux, en déduisant par exemple que de telle vérité morale générale (par exemple « voler est mal ») appliquée à tel acte, il s'en suit que l'acte en question est bon ou mauvais. Mais la proposition morale dont nous partons n'est pas une proposition vraie en vertu de ses composants : en effet, de la notion de vol, nous ne pouvons déduire la notion de mal. Cela se voit d'ailleurs bien dans le fait que les propositions morales sont rarement tenues pour vraies en toutes circonstances : dans certains cas, nous pouvons admettre que le vol est, par exemple, une nécessité. Or, les propositions vraies en vertu de leurs composants sont toujours vraies ; par conséquent, les propositions morales ne sont pas de ce genre.

Les jugements moraux ne sont pas non plus des jugements portant sur des faits. Nous voyons bien qu'il y a un ensemble d'actions que nous pouvons qualifier de généreux, d'altruistes, etc. ; mais la qualité attribuée (la générosité, l'altruisme, etc.) n'est pas un fait extérieur observable. Il ne peut donc y avoir adéquation ou correspondance entre un jugement moral et une réalité empirique.

Nous pouvons alors dire que les propositions morales, si elles sont vraies, ne sont vraies ni par un raisonnement purement formel, ni par une éventuelle possibilité de les vérifier empiriquement. Ce résultat est embarrassant, car nous ne semblons pas posséder de conception de la vérité telle que nous puissions dire qu'une proposition morale est vraie, et, dès lors, la morale apparaît impossible à fonder ; mais, puisqu'elle ne renvoie à aucun fait, tout en portant sur certaines sortes de réalités physiques (les actions humaines), la morale ne serait pas non plus réfutable, puisqu'il n'y a rien dans le monde qui puisse contredire un jugement moral.

Cependant, nous n'avons pour le moment examiné les jugements moraux qu'à la lumière de ce qu'est une proposition. Lorsque nous nous sommes efforcés de comprendre la nature de la vérité, nous avons en revanche montré qu'il existe différentes conceptions de celle-ci, et il se peut que l'une de ces conceptions nous éclaire sur les rapports de la morale à la vérité. Voyons donc à présent à quel genre de vérité la vérité morale pourrait appartenir.

Sujets de dissertation

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Nous avons réunis dans cette section quelques sujets de dissertations, et nous les avons regroupés par thèmes (les limites entre ces thèmes ne sont bien sûr pas imperméables). Nous n'allons pas traiter ces questions une par une, mais, pour chaque thème, nous proposerons quelques réflexions qui pourront peut-être vous servir de point de départ et que vous pourrez compléter à l'aide de l'article lui-même, les extraits que nous donnons ci-dessous et la bibliographie.

Ces questions permettront en outre de traiter dans les grandes lignes les points que nous n'avons pas abordés, bien que ce ne soit pas sous la forme de réflexions développées, mais d'esquisses de problématiques.

Définition, nature de la vérité, vérité et histoire

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  • La vérité
  • Qu'est-ce que la vérité ?
  • Toute vérité est-elle particulière ?
  • Y a-t-il une vérité des apparences ?
  • La vérité est-elle soumise au temps ?
  • La vérité a-t-elle une histoire ?
    • On peut commencer par distinguer au moins deux sens dans cette question. La vérité a une histoire au sens où elle est elle-même sujette à des changements, comme l'individu qui a une vie ; mais la vérité peut avoir une histoire au sens où sa découverte n'est pas immédiate : elle fait l'objet de recherches qui permettent de se rapprocher d'elle peu-à-peu. Le premier sens apparaît d'emblée contradictoire, car changer, pour une vérité, c'est devenir faux. Donc, la vérité ne semble pas avoir d'histoire en ce sens. Le second sens apparaît quant à lui trivial au premier abord. Il est évident que nous ne découvrons que peu de vérités du premier coup ; les sciences en sont un exemple de premier ordre. Pourtant, si histoire de la vérité il y a en ce sens, n'est-ce pas plutôt une histoire de nos erreurs ? En effet, s'il y a réellement un progrès dans nos connaissances, ce progrès s'accompagne très souvent de la réfutation des vérités qui étaient admises et qui ne sont donc plus des vérités. Aussi, l'histoire de la vérité serait-elle en réalité l'histoire des vérités réfutées. On voit que le sujet est difficile à problématiser, car les deux sens possibles ne semblent pas permettre d'attribuer une histoire à la vérité en elle-même. On peut alors tenter l'approche suivante : distinguer la notion de vérité de la conception que nous en avons ; si la notion elle-même ne paraît pouvoir être historique sans contradiction, notre conception de la vérité a à l'évidence une histoire.

Critères/conditions de la vérité

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  • Existe-t-il des critères du vrai ?
  • La vérité dépend-elle de nous ?
    • Pour bien traiter ce sujet, il faut avoir à l'esprit que le verbe dépendre doit faire l'objet d'une analyse tout autant que les mots vérité et nous. Sans cela, le travail de réflexion sera confus. En effet, dépendre a plusieurs sens : si l'on ne retient que l'idée que la vérité est ce que nous décidons, on rate complètement l'intérêt philosophique de la question, car il serait assez trivial de se contenter d'un relativisme qui ferait dépendre la vérité de notre subjectivité par exemple. En revanche, la vérité peut dépendre de nous au sens où la vérité n'est pas dans les choses mais dans notre esprit (voyez ce que nous avons dit à propos d'Aristote, entre autres), et de là se pose de manière bien plus pertinente la question de savoir si cette relation à l'esprit dépend de notre subjectivité (disons par exemple de nos sentiments, de nos opinions, etc.) ou de notre intellect et de sa capacité à juger des choses telles qu'elles sont. On pourra alors se demander si la vérité est une réalité psychologique ou une norme pour notre esprit, et voir dans chaque cas en quoi elle dépend de nous.
  • « Je ne crois que ce que je vois. » Est-ce la une bonne méthode pour découvrir la vérité ?
    • ex.: La victime d'un adultère ne le voit pas, pourtant, la réalité attestée par les coupables prouve cette nouvelle vérité: elle est cocue.
  • Toute vérité peut-elle se passer de preuve ?
  • La vérité est-elle discutable ?
    • Tant qu'une 'vérité' est en réalité une proposition, elle est discutable.
  • Y a-t-il des vérités définitives/indiscutables ?
  • N'y a-t-il de vérité que dans la science ?
  • Ne faut-il tenir pour vrai que ce qui peut-être démontré ?
  • Les vérités mathématiques constituent elles le modèle de toute vérité ?
  • L'unanimité est-elle un critère de la vérité ?
    • Si on réuni une majorité d'ignorants qui sont unanimes dans l'erreur obtient-on la vérité?
  • Une pensée cohérente est-elle nécessairement vraie ?
    • Si une pensée composée de 5 informations peut être cohérente, on peut aboutir à une toute autre conclusion (ou pensée) si on y ajoute une nouvelle information. La terre est plate, c'était cohérent à l'époque mais faux selon la réalité. Depuis, on a démontré et prouvé qu'elle est ronde; c'est aussi cohérent mais cela repose sur des réalités et non de simples pensées. Plus les composantes de la pensée sont des faits incontestables et si tous les faits sont réunis, alors on obtient ou l'on s'approche de la vérité.

Recherche de la vérité, valeur, norme

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  • Pourquoi l'homme cherche-t-il la vérité ?
  • Peut on ne pas désirer la vérité ?
  • Peut-on dire : la vérité ça m'est égal ?
  • Peut-on ne pas vouloir rechercher la vérité ?
  • Douter, est-ce renoncer à la vérité ?

Dans les questions qui touchent à la valeur de la vérité (vérité comme norme), il faut prendre soin de distinguer (même si c'est pour discuter cette distinction) la valeur de la vérité comme norme morale (par exemple, on veut la vérité, car on ne veut pas être trompé, car il ne faut pas mentir, etc.) de la valeur de la vérité dans le domaine de la connaissance. De plus, on peut décrire des motivations très différentes (psychologiques, morales, intellectuelles) pour répondre à la question de savoir pourquoi nous cherchons la vérité. Il est également important de distinguer l'attitude de l'homme par rapport à la vérité (désir, volonté, etc., sont du domaine psychologique et morale) de la vérité comme notion. Dans les questions ci-dessus, c'est le premier point qui est mis en avant, ce qui ne veut pas dire que l'on ne doit pas examiner la notion de vérité, mais que les différentes idées que l'on peut se faire de la vérité doivent être considérées à la lumières de notre attitude à son égard.

La première distinction permet de voir qu'il y a de nombreux problèmes dans l'affirmation que l'on ne désire pas la vérité, que la vérité nous est égale : si l'on ne veut pas chercher la vérité, est-ce à dire que nous préférons le mensonge (domaine morale), l'erreur (domaine de la connaissance), l'illusion (conception de la réalité) ? Il faut pouvoir répondre à ces différents points pour parvenir à justifier que la vérité nous indiffère, et on voit, en posant ces questions, que ce n'est pas si facile. Si la question porte sur une question de possibilité (Peut-on ne pas vouloir rechercher la vérité ?), on pourra utilement s'interroger sur le caractère intentionnel d'un rejet de la vérité et sur son authenticité : le menteur compulsif, le mythomane, par exemple, sont des cas pathologiques qui montrent que l'on peut rejeter la vérité, mais qu'il ne s'agit pas d'une volonté. Mais même le menteur ne renonce pas à la vérité, car, pour mentir, il faut admettre qu'il y a de la vérité, et, bien plus, il faut la chercher dans la mesure où cette recherche permet le mensonge. L'artiste serait-il un exemple de volonté, de désir véritable de préférer l'apparence à la vérité, comme le soutient Nietzsche ? On peut penser au contraire, et cela en suivant Nietzsche, que l'art est en réalité un moyen de révéler une vérité plus fondamentale, une vérité métaphysique à propos de notre existence. Même si cette conception est fausse, on voit que le désir de vérité est difficile à éliminer.

On pourrait se demander si l'homme n'est pas condamné à vouloir la vérité. Mais pourquoi ? Pourquoi est-il si difficile d'éliminer l'idée de vérité comme norme de nos jugements et de nos pensées et même de nos actions ? Si nous montrons que c'est une tâche impossible, nous montrons du même coup qu'il est impossible de renoncer à la vérité, et que l'indifférence à son égard est illusoire ou inauthentique. Prenons le cas du doute qui, dans sa forme généralisée, peut apparaître comme un renoncement à la vérité, comme une forme d'indifférence. Lorsque nous doutons, nous sentons que la vérité nous échappe. Si nous restons dans cet état de doute, nous ne renonçons pas à la vérité, puisque cet état n'a de sens que par rapport à la vérité. Mais surtout, lorsque nous doutons, nous cherchons une issue à nos doutes. Nous pouvons en proposer une explication anthropologique : le doute est, dans l'action, synonyme d'hésitation ; l'hésitation produit la paralysie qui nous conduit finalement à l'échec. L'échec diminue notre pouvoir et est une source de déplaisir. Dans la recherche de moyens de survie, le doute est également synonyme de blessures et de mort. La connaissance de la réalité est au contraire une bonne condition de survie. La recherche de la vérité pourrait être alors à l'origine un instinct qui s'est par la suite intellectualisé et qui a ainsi contribué à former de manière essentielle notre humanité.

Nous obtenons ainsi une explication à la fois simple et, par bien des aspects, triviale, de notre désir de vérité : le plaisir et la douleur que nous cause la réalité nous conduisent à préférer des représentations correctes de ce qui est. Dans l'action et dans la nécessité de survivre, la sanction du réel est impitoyable.

Diversité des opinions, relativisme

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  • La diversité des opinions rend elle vaine la recherche de la vérité?
  • Peut-on dire à chacun sa vérité ?
  • De quelle vérité l'opinion est-elle capable ?

Dans ce genre de questions, il faut vraiment faire attention à éviter ces facilités que l'on rencontre aujourd'hui un peu partout, et qui se résument toutes à peu près ainsi : la vérité est une question de point de vue, il n'y a pas de vérité absolue. Ce sont des facilités, car elles n'ont pas un fondement théorique particulièrement élaboré, ce qui permet de les réfuter facilement : si la vérité est une question de point de vue, la proposition « la vérité est une question de point de vue » est une question de vue, et il donc parfaitement raisonnable de ne pas la tenir pour vraie. En outre, il est très difficile de soutenir un tel point de vue lorsqu'on le confronte à certaines réalités : par exemple, la vérité de « 2 + 2 = 4 » dépend-elle de nos opinions ? Chacun peut-il avoir son opinion sur, par exemple, la dimension de la Terre ou la composition moléculaire de l'eau ? La conséquence ultime du « à chacun sa vérité » est que la réalité dépend du point de vue de chacun. Il est sans doute préférable de chercher à déterminer les domaines dans lesquels il y a effectivement, et de manière inévitable, une diversité d'opinions, et les domaines où cette diversité est surtout le résultat de l'ignorance.

Dans une telle approche, on peut par exemple estimer que la recherche de la vérité en politique est vaine, parce que l'objectif en politique est de trouver la meilleure manière de faire coexister des individus qui ont des opinons différentes, et non de leur dire ce qu'ils doivent penser ; et, en même temps, on peut estimer que la diversité des opinions dans les sciences est inhérente à notre ignorance naturelle et à la nécessité de formuler des hypothèses pour y remédier, ce qui rend justement la diversité des opinions indispensable. Cette distinction (évidemment sommaire) de deux domaines (politique et sciences) devrait ainsi vous convaincre de la nécessité de ne pas faire des réponses en gros, des réponses générales, qui n'ont plus guère d'intérêt dès qu'on les applique à des problèmes ou des situations particulières.

Voyons cela plus précisément en proposant une esquisse de réponse à la troisième question de notre liste (De quelle vérité l'opinion est-elle capable ?). Si nous partons de l'idée que chacun possède sa vérité, quelle conception de la vérité peut nous faire comprendre, d'une part, que chacun puisse en effet avoir sa vérité, et, d'autre part, que toutes les opinions des hommes peuvent prétendre à la qualité de vérité ? À l'évidence aucune, car chacun, justement, a sa vérité, et donc aussi sa conception de la vérité qu'il ne partage pas avec ses semblables. Le problème devient déjà plus intéressent si nous distinguons des domaines, comme nous l'avons fait ci-dessus. Dans le domaine politique, il serait possible de comprendre la vérité, pour chacun, comme l'opinion qu'il se fait de la vie la meilleure en société dans la mesure où celle-ci est compatible avec une vie commune ; chacun à ainsi une part à une conception générale de la société, disons, par exemple, la conception démocratique.

Par rapport aux sciences et à la connaissance, l'opinion peut être caractérisée de manières très diverses qui reflètent sa diversité et l'impression de « à chacun sa vérité » que nous pouvons en retirer : si c'est un jugement qui ne repose sur aucun fait ni aucune théorie, si elle est contredite par des faits, alors cette opinion est fausse (et si nous tenons que toute opinion est fausse, alors nous pouvons aussi estimer que la diversité des opinions vient de l'erreur, du fait qu'elle n'est pas capable de vérité) ; en revanche, l'opinion peut être une hypothèse et donc une proposition dont la vérité n'est pas encore assurée mais que l'on va pouvoir vérifier (dans ce cas, l'opinion tend vers la vérité, elle est capable de vérité dans cette mesure - la diversité des opinions tient alors au fait que la vérité n'a pas encore été établie); l'opinion peut être aussi un jugement vrai, mais dont on ne sait pas pourquoi il est vrai : pensez aux connaissances scientifiques dont vous disposez parce que vous les avez apprises, entendues ou lues, mais dont vous ne connaissez pas la justification théorique. Dans ce cas, l'opinion est une vérité non justifiée, c'est un savoir que vous possédez, mais sans en avoir la certitude (dans ce cas, l'opinion est pleinement capable de vérité, et la diversité des opinions tient au fait que l'absence de certitude et de justification permet que des erreurs ou des déformations s'y introduisent).

Le résultat de ces quelques réflexions, est qu'il est possible de distinguer plusieurs manières pour l'opinion de se rapporter à la vérité, et ces manières vont du faux à la vérité elle-même, en passant par l'incertain et l'opinion commune à propos d'une conception comme le meilleur régime politique. Ce résultat montre aussi que l'on ne peut pas dire dans tous les cas et pour les mêmes raisons que chacun peut posséder sa vérité (dans certains cas, il s'agit d'ignorance, de préjugés, dans d'autres, d'opinions mal assurées, d'hypothèses, etc.). Enfin, ce résultat montre aussi que la diversité des opinions est loin de rendre vaine la recherche de la vérité.

Vérité, morale, politique

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  • La vérité est elle libératrice ?
  • La vérité est-elle tyrannique ?
  • Y a-t-il des vérités préjudiciables ?
  • La tolérance exclut-elle toute référence à une vérité ?

Doxographie et textes

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Nous avons jusqu'ici proposé une analyse de la notion de vérité et des problématiques qui lui sont liées. Nous allons à présent exposer quelques théories sur la vérité soutenue par les philosophes. Si nous n'abordons ces théories que maintenant, c'est parce qu'il fallait d'abord comprendre les problèmes, avant de voir comment ils ont été traités. De cette manière, on assimilera mieux la pensée de ces philosophes, au lieu de l'apprendre par cœur et de la réciter dans une dissertation.

Aristote

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« Ce n'est pas parce que nous pensons d'une manière vraie que tu es blanc, que tu es blanc, mais c'est parce que tu es blanc, qu'en disant que tu l'es, nous disons la vérité. » Métaphysique, Livre Gamma, 4, 1006a 10-12, trad. Tricot, Vrin

Commentaire : la vérité de nos pensées repose sur une réalité qui nous est extérieure, qui ne dépend pas de nous et qui précède ce que nous pensons. Nous n'inventons pas la réalité que nous pensons : l'esprit ne créé pas un objet en sorte que cet objet lui corresponde ; au contraire, l'objet existe en dehors de la pensée vraie, et donc avant elle. Mais cela ne veut pas dire pour Aristote que nous trouvons la vérité dans les choses, bien que la vérité soit l'un des sens de l'être (c'est-à-dire qu'elle est une sorte de la réalité) :

« Qu’il nous suffise d’avoir remarqué que la convenance ou la disconvenance du sujet et de l’attribut existe dans la pensée et non dans les choses, et que l’être en question [celui de la vérité] n’a pas d’existence propre [...] » Métaphysique, Livre E, 4, 1027b

La vérité existe dans la pensée, et elle a une réalité différente de la réalité des choses mais qui en dérive (car notre pensée est une réalité vraie dans la mesure où elle dit ce qui est), aussi est-elle une affection ou une modification de la pensée et elle n'existe pas par elle-même.

La vérité au sens de correspondance a été définie par Aristote dans De l'Interprétation, œuvre où il analyse la formation des propositions logiques, c'est-à-dire les parties du discours susceptibles d'être vraies ou fausses. Une proposition est vraie quand on dit que ce qui est est ou que ce qui n'est pas n'est pas ; elle est fausse quand on dit que ce qui est n'est pas ou que ce qui n'est pas est. Cette vérité est appelée aussi la vérité correspondance. Ce type de vérité concerne la recherche scientifique. Cette conception est fortement réaliste, car nous disons par exemple que le chat est sur le tapis est vrai parce qu'il est sur le tapis, et non l'inverse.

Le problème est alors de savoir ce qu'il faut entendre par correspondance. Une proposition vraie est-elle vraie parce qu'elle ressemble à ce qu'elle signifie ? Non, car une proposition est faite de mots qui ne ressemblent pas à des faits. C'est donc que le sens de la proposition exprimerait quelque chose de la réalité ; mais le problème de cette théorie est de savoir comment cela est possible.

Malgré sa théorie du syllogisme, il ne semble pas qu'Aristote soit parvenu à distinguer les deux premiers sens de la vérité. On trouve en revanche cette distinction dans la logique stoïcienne, exposée par Sextus Empiricus dans ses Esquisses Pyrrhonnienne. L'analyse stoicienne de l'implication permet en effet de valider des propositions telles que si la terre a des ailes, elle vole ; les deux parties de l'implication sont matériellement fausses, et pourtant le raisonnement est valide.

Thomas d'Aquin

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« Le vrai est à la fois dans l'intellect et dans les choses. Toutefois, le vrai qui est dans les choses est substantiellement identique à l'être ; et le vrai qui est dans l'intellect est identique à l'être, mais comme une représentation l'est à ce qu'elle représente [...]. » Somme théologique, I, q. 16, a. 3

Remarque : On voit que, au contraire d'Aristote, cette conception de la vérité assimile la vérité à l'être (ou à la réalité), la vérité dans l'esprit étant dérivée, en tant que représentation, de la vérité dans la réalité, tout en étant cependant identique à l'être. On peut objecter à cette conception qu'elle est contradictoire et distingue deux vérités : car la vérité dans l'esprit est la vérité de la représentation, donc d'une relation entre ce que nous pensons et la réalité de ce que nous pensons, alors que la vérité dans les choses est simplement identique à la réalité. Pourtant, le vrai dans l'intellect, assimilé à une représentation de l'être, est en même temps identique à l'être. Il y a donc là une hésitation entre la séparation et l'identification de la pensée et de l'être. Cette conception qui identifie vérité et réalité était répandue au Moyen Âge ; elle ne l'est plus guère de nos jours.

« Le vrai et le faux sont des attributs du langage, non des choses. Et là où il n'y a pas de langage, il n'y a ni vérité ni fausseté. » Léviathan, chap. 4, trad. G. Mairet, Folio Essais, p. 102.

« La vérité doit toujours avoir l'avantage, quoique nouvellement découverte, puisqu'elle est toujours plus ancienne que toutes les opinions qu'on en a eues, et que ce serait ignorer sa nature que de s'imaginer qu'elle ait commencé d'être au temps qu'elle a commencé d'être connue. » Sur le traité du vide

Spinoza

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« On appelle idée vraie, celle qui montre une chose comme elle est en elle-même ; fausse, celle qui montre une chose autrement qu'elle n'est en réalité. » Pensées métaphysiques, I, 6, trad. Appuhn, GF, 1964, p. 352 "et l'on dit vrai un récit quand le fait était réellement arrivé; faux quand le fait raconté n'était arrivé nulle part"

« Le vrai et le faux consistent en un accord ou un désaccord, soit avec les relations réelles entre les idées, soit avec l'existence et le fait réel. » Traité de la nature humaine

« Il semble que l'on fait consister proprement la possession de la philosophie dans le manque de connaissances et d'études, et que celles-ci finissent quand la philosophie commence. On tient souvent la philosophie pour un savoir formel et vide de contenu. Cependant, on ne se rend pas assez compte que ce qui est Vérité selon le contenu, dans quelque connaissance ou science que ce soit, peut seulement mériter le nom de Vérité si la philosophie l'a engendré ; que les autres sciences cherchent autant qu'elles veulent par la ratiocination à faire des progrès en se passant de la philosophie il ne peut y avoir en elles sans cette philosophie ni vie, ni esprit, ni vérité. » Phénoménologie de l'esprit, « Introduction », ed. Aubier-Montaigne, p.58.

Nietzsche

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La vérité comme croyance première de la science

De quelle manière, nous aussi, nous sommes encore pieux. — On dit, à bon droit, que, dans le domaine de la science, les convictions n'ont pas droit de cité : ce n'est que lorsqu'elles se décident à s'abaisser à la modestie d'une hypothèse, d'un point de vue expérimental provisoire, d'un artifice de régulation, que l'on peut leur accorder l'entrée et même une certaine valeur dans le domaine de la connaissance, — à une condition encore, c'est qu'on les mette sous la surveillance de la police, de la police de la méfiance bien entendue. — Mais cela n'équivaut-il pas à dire : ce n'est que lorsque la conviction cesse d'être une conviction que l'on peut lui concéder l'entrée dans la science? La discipline de l'esprit scientifique ne commencerait-elle pas alors seulement que l'on ne se permet plus de convictions?... Il en est probablement ainsi. Or, il s'agit encore de savoir si, pour que cette discipline puisse commencer, une conviction n'est pas indispensable, une conviction si impérieuse et si absolue qu'elle force toutes les autres convictions à se sacrifier pour elle. On voit que la science, elle aussi, repose sur une foi, et qu'il ne saurait exister de science « inconditionnée ». La question de savoir si la vérité est nécessaire doit, non seulement avoir reçu d'avance une réponse affirmative, mais l'affirmation doit en être faite de façon à ce que le principe, la foi, la conviction y soient exprimés, « rien n'est plus nécessaire que la vérité, et, par rapport à elle, tout le reste n'a qu'une valeur de deuxième ordre. » Nietzsche, Le Gai Savoir, §344.

Bibliographie

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Textes classiques

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  • PLATON, Théétète, 189a-192c
  • PLATON, La République, livre VI et VII
  • PLATON, Ménon
  • ARISTOTE, De l'Interprétation
  • ARISTOTE, Seconds Analytiques
  • AUGUSTIN, Sur le mensonge
  • ANSELME, De Veritate
  • D’AQUIN, Thomas, De la vérité
  • DESCARTES, Méditations métaphysiques
  • DESCARTES, Recherche de la vérité par les lumières naturelles
  • SPINOZA, L’Éthique
  • MALEBRANCHE, De la recherche de la vérité
  • KANT, Critique de la raison pure
  • KANT, Sur un prétendu droit de mentir
  • NIETZSCHE, Le Gai Savoir

Textes récents

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  • RUSSELL, Bertand, Essais philosophiques
  • AYER, Alfred, Langage, vérité et logique
  • TARSKI, Logique, sémantique, métamathématique
  • AUSTIN, John, La Vérité
  • QUINE, La Poursuite de la vérité
  • ENGEL, Pascal, La Vérité : Réflexions sur quelques truismes, Paris, Hatier, 1998
    • Un petit livre clair et instructif, comportant des passages assez denses et hardus qui peuvent rebuter le débutant.
  • RORTY, Richard et ENGEL, Pascal, À quoi bon la vérité ?, Paris, Grasset, 2005
    • Une confrontation riche entre deux conceptions de la vérité (réalisme et pragmatisme).
  • FRANKFURT, Harry G., De l’art de dire des conneries, traduit de l’américain par Didier Sénécal, Éditions 10/18, coll. « Fait et cause », 2006
    • Un livre amusant et sérieux. L'auteur distingue le mensonge du « baratin » (ou connerie, bullshit en anglais) relativement à la notion de vérité. Le menteur entretient un rapport déterminé à la vérité (pour mentir, il ne doit pas dire la vérité, ne pas avoir l'intention de la dire, mais cela suppose qu'il admette qu'il y a du vrai). Celui qui dit des conneries n'a en revanche aucun souci de la notion de vérité, raconte n'importe quoi et peut à l'occasion dire la vérité. L'homme politique est un cas exemplaire de baratineur, et, remarque Frankfurt, la volonté d'authenticité apparaît également comme une forme aujourd'hui très répandue de connerie.
  • DOKIC, Jérôme, La Perception
    • Voir la partie sur la connaissance et la perception.

Notions liées

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  • Réalité
  • Pensée, Croyance, Jugement, Proposition, Connaissance, Savoir
  • Erreur
  • Véracité, Sincérité, Confiance, Mensonge, Baratin