« La politique monétaire/Les chefs d'orchestre : les banques centrales » : différence entre les versions

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===Stabilité des prix===
 
De nos jours, les banques centrales ont pour objectif principal de garantir la '''stabilité des prix''', à savoir limiter l'inflation à des valeurs raisonnables. Ce système permet de lutter efficacement contre les récessions : il stabilise l'économie autour du plein emploi. Quand une récession a lieu, elle se traduit le plus souvent par une diminution de l'inflation, si ce n'est par une déflation. En effet, le déclin de la production entraine une baisse des salaires ainsi qu'une augmentation du chômage. Les ménages achetant moins et devant se serrer la ceinture, les entreprises doivent baisser leurs prix pour garder leurs bénéfices. Pour éviter cela, la banque centrale peut alors stimuler la demande et lutter contre la récession directement à la source. Elle n'a pas les mains liées par le contrôle des taux de change ou par les réserves en or. Ce système permet aussi à la banque centrale de créer suffisamment d'argent pour lutter contre la récession, mais pas suffisamment pour entrainer des dégâts. Les situations d'hyperinflation sont notamment impossibles si la banque centrale s'engage à respecter son objectif de 2% d'inflation. La stabilité des prix est aujourd'hui l'objectif principal de la plupart des banques centrales actuelles, plus d'un quart d'entre elles n'ayant que cet objectif en tête. Il faut dire que les banques centrales, de par leur possibilité de créer la monnaie, peuvent influencer la valeur de celle-ci et donc le niveau des prix. Le chapitre sur la théorie quantitative de la monnaie donne un argument fondamental quant au choix de l'objectif de stabilité des prix assigné aux banques centrales.
 
====La cible d'inflation====
 
La majorité des banques centrales tente de garder l'inflation proche d'une certaine valeur, appelée '''cible d'inflation''', souvent proche de 2 %. Le choix de la cible d'inflation est à la discrétion de la banque centrale, mais il est admis que la cible d'inflation doit être légèrement positive. Cela a divers avantages comparé à un taux d'inflation nul, notamment celui d'éviter la déflation, dont on verra qu'elle a une influence néfaste sur l'économie d'ici quelques chapitres. De plus, cela permet à la banque centrale de gérer plus facilement ses taux à court-terme, en évitant que ceux-ci butent sur la limite basse des taux (le taux zéro).
 
De nos jours, beaucoup de banques centrales ont une cible d'inflation égale à 2%. Il faut préciser que cette cible a cependant une interprétation assez peu intuitive. La cible n'est pas un plafond, mais une valeur moyenne sur une longue période. Par valeur moyenne, on veut dire que la banque centrale est autant inquiète d'une inflation à 3% qu'une inflation à 1%. La cible n'est pas un plafond qu'il ne faut pas dépasser, et que la banque centrale tente de respecter à tout prix. La banque centrale peut accepter des déviations temporaires de la cible, tant qu'elles sont temporaires et qu'elles sont de faible intensité. Par exemple, il est possible que la banque centrale laisse l'inflation dépasser temporairement la cible de 2% suite à une récession où l'inflation était faible. Depuis la crise de 2008, un débat s'est fait jour chez les économistes, certains souhaitant une cible d'inflation plus haute, de l'ordre de 3 à 4%. L'argument est que la banque centrale aura alors plus de marge pour diminuer les taux en cas de récession ou de forte baisse de l'inflation, vu que les taux seront naturellement plus élevés (les taux étant reliés à l'inflation, comme dit dans le chapitre précédent).
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====Avantages et désavantages d'une inflation faible====
 
Des prix stables sont favorables pour l'économie, pour diverses raisons assez peu intuitives. Si on demande quels sont les défauts de l'inflation à une personne lambda, celle-ci dira que l'inflation cause une perte du pouvoir d'achat en rognant les salaires et l'épargne. C'est intuitif : si les prix montent, à salaire égal, le pouvoir d'achat des salaires diminue. Même chose pour l'épargne : si l'épargne reste constante, une hausse des prix réduit le pouvoir d'achat de l'épargne. Mais un économiste ne serait pas d'accord avec ce raisonnement. Sur le long-terme, l'inflation fait monter tous les prix de l'économie, y compris les salaires et les taux d'intérêts (qui sont le prix du travail et de l'épargne). Une inflation égale à 5% fera certes monter les prix des biens et services de 5%, mais les salaires vont croitre au même pourcentage, même chose pour les taux d'intérêts qui vont augmenter de 5%. On n'observera donc aucune perte de pouvoir d'achat des salaires, de même pour l'épargne. Bref, l'inflation ne modifie pas les variables réelles, ce qui fait qu'elle n'a pas d'effets macroéconomiques notables. Mais ce raisonnement, bien que valide sur le long-terme, a cependant quelques exceptions et faiblesses qui font qu'il est imprécis : l'inflation a bien des effets macroéconomiques, qu'il convient de réduire le plus possible.
[[File:Volatilityofinflation.PNG|vignette|Volatilité de l'inflation.]]
 
En premier lieu, l'inflation influence certaines dettes. Les dettes à taux variables ne sont pas influencées par l'inflation : leur taux augmente avec celle-ci, ce qui fait que leur taux réel reste le même. Par contre, les dettes à taux fixe sont rognées par l'inflation : leur taux nominal étant fixe, une augmentation de l'inflation réduit leur taux réel. Un cas particulier est d'ailleurs celui de la monnaie, qui est un actif dont le taux nominal est de zéro. L'inflation fait perdre son pouvoir d'achat à a monnaie, son taux de rendement réel étant de <math>- \pi</math>. On peut voir l'inflation comme une '''taxe sur la détention d'espèces''', qui touche surtout les ménages qui détiennent une grande partie de leur patrimoine sous la forme de monnaie. Par contre, les ménages qui détiennent une grande partie de leur patrimoine sous la forme d'actifs ne sont pas pénalisés par l'inflation, le prix des actifs augmentant en même temps que l'inflation. Ainsi, un patrimoine mobilier ou immobilier se valorisera au même rythme que l'inflation des prix immobilier, là où la monnaie ne sera pas rémunérée (ou très peu, en ce qui concerne les placements très liquides comme le livret A). Généralement, les ménages "riches" font partie des ménages investis en actifs protégés de l'inflation, les ménages modestes étant au contraire les plus touchés.
Des prix stables sont clairement favorables pour l'économie, pour diverses raisons. Le point le plus important est qu'une inflation élevée est souvent une inflation fortement variable dans le temps. Cette '''volatilité de l'inflation''' favorise les entreprises financières, au détriment des autres. Plusieurs études estiment qu'une hausse de 10% de l'inflation augmente de plusieurs pourcents la part du PIB gagnée par les sociétés financières. En conséquence, l'inflation aide le transfert des ressources aux banques et organismes financiers. De plus, elle empêche les entrepreneurs et investisseurs d'estimer le rendement réel de leurs investissements. Pour se prémunir contre une mauvaise anticipation d'inflation, les investisseurs vont anticiper le pire des cas, l'inflation la plus haute possible. Les taux nominaux vont donc être très importants et le taux réel anticipé a des chances d'être plus élevé que sa valeur naturelle. Dit autrement, les investisseurs augmenteront les taux d'intérêts pour se prémunir contre le risque d'inflation. Cette hausse des taux entraine une baisse de la production, par des mécanismes que nous aborderons dans quelques chapitres. Ce phénomène disparait quand la banque centrale s'engage à respecter une cible d'inflation : les agents économiques s'attendront à une inflation égale à la cible, et ne négocieront pas une prime de risque liée à l'inflation. Les taux réels sont donc légèrement abaissés, favorisant la production.
 
Il ne faut pas croire que les ménages et entreprises ne réagissent pas à cette taxe d'inflation. Les ménages tentent de s'en prémunir en dépensant le plus vite possible leur argent, ce qui augmente la vélocité de la monnaie. Ils peuvent aussi réduire le plus possible leurs encaisses monétaires en les plaçant sur des comptes d'épargne faiblement rémunérés, sur lesquels ils font de nombreux retraits pour honorer chaque dépense. Les ménages vont régulièrement à la banque pour retirer leur argent de leurs comptes épargne assez souvent, à chaque fois qu'ils ont besoin de faire des dépenses. Ils vont donc plus souvent à la banque pour retirer leur argent, ce qui entraîne l'apparition de divers coûts, appelés '''coûts de semelle''' (Shoe leather cost en anglais). Ce nom provient du fait que les voyages incessants à la banque lors des épisodes de forte inflation sont censés user plus vite les semelles des ménages.
Une autre raison à cela est que l'inflation fait perdre du pouvoir d'achat aux ménages, vu que de nombreux salaires sont fixes à court-terme. De nombreux salaires ne sont pas réévalués en même temps que l'inflation, ce qui entraîne une baisse de pouvoir d'achat, qui peut cependant être compensée quand les salaires sont "dé-fixés". Une augmentation des prix va alors diminuer les salaires réels (le pouvoir d'achat). Cela a des effets positifs autant que négatifs. On a vu dans le chapitre précédent que ce mécanisme a été mis en avant par Keynes pour lutter contre les récessions : la baisse des salaires réels diminue le chômage, dans une certaine mesure. Cependant, cette baisse de pouvoir d'achat peut aussi réduire la consommation, heurtant le PIB. Or, qui dit baisse de PIB dit augmentation du chômage ! On voit que cette baisse des salaires induite par l'inflation a des effets positifs si elle ne réduit pas trop le pouvoir d'achat, du moins pas suffisamment pour avoir un effet sur les ventes. Une légère inflation, proche de quelques pourcents, est donc utile pour l'économie. À l'inverse, une forte inflation se traduira par une baisse des dépenses, déclenchant une récession temporaire.
 
Une autre raison à cela est que l'inflation faitn'a perdrepas duun pouvoireffet d'achatimmédiat auxsur ménagesles salaires, vu que de nombreux salaires sont fixes à court-terme. De nombreux salaires ne sont pas réévalués en même temps que l'inflation, ce qui entraîne une baisse de pouvoir d'achat, qui peut cependant être compensée quand les salaires sont "dé-fixés". UneCela augmentationa des prix va alors diminuer les salaires réels (le pouvoirautan d'achat). Cela a des effets positifs autant que négatifs. On a vu dans le chapitre précédent que ce mécanisme a été mis en avant par Keynes pour lutter contre les récessions : la baisse des salaires réels diminue le chômage, dans une certaine mesure. Cependant, cette baisse de pouvoir d'achat peut aussi réduire la consommation, heurtant le PIB. Or, qui dit baisse de PIB dit augmentation du chômage ! On voit que cette baisse des salaires induite par l'inflation a des effets positifs si elle ne réduit pas trop le pouvoir d'achat, du moins pas suffisamment pour avoir un effet sur les ventes. Une légère inflation, proche de quelques pourcents, est donc utile pour l'économie. À l'inverse, une forte inflation se traduira par une baisse des dépenses, déclenchant une récession temporaire.
De plus, l'épargne monétaire perd de sa valeur avec la hausse des prix. On peut voir l'inflation comme une '''taxe sur la détention d'espèces''', le pouvoir d'achat d'une quantité de monnaie diminuant proportionnellement avec l'inflation. On voit ainsi que l'inflation est une perte de pouvoir d'achat pour les ménages qui détiennent une grande partie de leur patrimoine sous la forme de monnaie. Par contre, les ménages qui détiennent une grande partie de leur patrimoine sous la forme d'actifs ne sont pas pénalisés par l'inflation, le prix des actifs augmentant en même temps que l'inflation. Ainsi, un patrimoine immobilier se valorisera au même rythme que l'inflation des prix immobilier, là où la monnaie ne sera pas rémunérée (ou très peu, en ce qui concerne les placements très liquides comme le livret A). Généralement, les ménages "riches" font partie des ménages protégés de l'inflation, les ménages modestes étant au contraire les plus touchés. Mais il ne faut pas croire que les ménages et entreprises ne réagissent pas à cette taxe d'inflation. Les ménages tentent de s'en prémunir en gardant leur argent à la banque, sur des comptés d'épargne faiblement rémunérés, pour ne le retirer que lorsqu'ils en ont besoin. Une fois l'argent retiré, les ménages tentent d'échanger leur monnaie contre des biens le plus vite possible, avant que les prix augmentent. Ils vont donc plus souvent à la banque pour retirer leur argent, ce qui entraîne l'apparition de divers coûts, appelés '''coûts de semelle''' (Shoe leather cost en anglais). Ce nom provient du fait que les voyages incessants à la banque lors des épisodes de forte inflation sont censés user plus vite les semelles des ménages.
 
Enfin, une forte inflation réduit la valeur des impôts reçus par l’état. Le mécanisme est similaire à la baisse des salaires réels, mais appliqué aux impôts. La hausse des prix ayant lieu avant la perception des impôts, ceux-ci voient leur valeur réelle diminuer. Cela cause un manque à gagner pour l'état, qui doit être compensé d'une manière ou d'une autre, par une réduction des dépenses ou une augmentation des taxes.
 
Un autre problème est que si l'inflation est vraiment forte, les prix doivent être mis à jour régulièrement par les entreprises. Cette mise à jour des prix n'est pas gratuite pour les entreprises, celles-ci devant changer les étiquettes, les menus, les catalogues, etc. De tels '''coûts de menu''' sont préjudiciables à la rentabilité des entreprises.
 
[[File:Volatilityofinflation.PNG|vignette|Volatilité de l'inflation.]]
Enfin, une forte inflation réduit la valeur des impôts reçus par l’état. Le mécanisme est similaire à la baisse des salaires réels, mais appliqué aux impôts. La hausse des prix ayant lieu avant la perception des impôts, ceux-ci voient leur valeur réelle diminuer. Cela cause un manque à gagner pour l'état, qui doit être compensé d'une manière ou d'une autre, par une réduction des dépenses ou une augmentation des taxes.
 
DesLe prix stables sont clairement favorables pour l'économie, pour diverses raisons. Ledernier point le plus important est qu'une inflation élevée est souvent une inflation fortement variable dans le temps. Cette '''volatilité de l'inflation''' favorise les entreprises financières, au détriment des autres. Plusieurs études estiment qu'une hausse de 10% de l'inflation augmente de plusieurs pourcents la part du PIB gagnée par les sociétés financières. En conséquence, l'inflation aide le transfert des ressources aux banques et organismes financiers. De plus, elle empêche les entrepreneurs et investisseurs d'estimer le rendement réel de leurs investissements. Pour se prémunir contre une mauvaise anticipation d'inflation, les investisseurs vont anticiper le pire des cas, l'inflation la plus haute possible. Les taux nominaux vont donc être très importants et le taux réel anticipé a des chances d'être plus élevé que sa valeur naturelle. Dit autrement, les investisseurs augmenteront les taux d'intérêts pour se prémunir contre le risque d'inflation. Cette hausse des taux entraine une baisse de la production, par des mécanismes que nous aborderons dans quelques chapitres. Ce phénomène disparait quand la banque centrale s'engage à respecter une cible d'inflation : les agents économiques s'attendront à une inflation égale à la cible, et ne négocieront pas une prime de risque liée à l'inflation. Les taux réels sont donc légèrement abaissés, favorisant la production.
 
Si on fait la somme de ces effets, on remarque qu'une forte inflation a un effet délétère sur la production et le pouvoir d’achat. Elle augmente les taux réels, ce qui réduit l'investissement et la production. Elle fait baisser le pouvoir d'achat des ménages et sucre leur épargne, ce qui réduit investissement et production. Elle réduit la valeur des impôts, ce qui pousse l'état à réduire les dépenses et à taxer. Elle entraine des coutscoûts pour les entreprises, qui doivent les compenser d'une manière ou d'une autre. Et enfin, elle détourne la monnaie vers le secteur financier, d'une manière qui ne favorise pas l'économie réelle (elle favorise les intermédiaires des transactions, pas l'investissement productif). Par contre, une inflation légère favorise un tout petit peu la situation du chômage, par une baisse légère des salaires réels. Limiter l'inflation est donc une bonne politique, dans une certaine mesure.
 
On verra dans quelques chapitres que ce système permet de lutter efficacement contre les récessions et stabilise l'économie autour du plein emploi. Quand une récession a lieu, elle se traduit le plus souvent par une diminution de l'inflation, si ce n'est par une déflation. En effet, le déclin de la production entraine une baisse des salaires ainsi qu'une augmentation du chômage. Les ménages achetant moins et devant se serrer la ceinture, les entreprises doivent baisser leurs prix pour garder leurs bénéfices. Pour éviter cela, la banque centrale peut alors stimuler la demande et lutter contre la récession directement à la source. Elle n'a pas les mains liées par le contrôle des taux de change ou par les réserves en or. Ce système permet aussi à la banque centrale de créer suffisamment d'argent pour lutter contre la récession, mais pas suffisamment pour entrainer des dégâts. Les situations d'hyperinflation sont notamment impossibles si la banque centrale s'engage à respecter son objectif de 2% d'inflation.
Si on fait la somme de ces effets, on remarque qu'une forte inflation a un effet délétère sur la production et le pouvoir d’achat. Elle augmente les taux réels, ce qui réduit l'investissement et la production. Elle fait baisser le pouvoir d'achat des ménages et sucre leur épargne, ce qui réduit investissement et production. Elle réduit la valeur des impôts, ce qui pousse l'état à réduire les dépenses et à taxer. Elle entraine des couts pour les entreprises, qui doivent les compenser d'une manière ou d'une autre. Et enfin, elle détourne la monnaie vers le secteur financier, d'une manière qui ne favorise pas l'économie réelle (elle favorise les intermédiaires des transactions, pas l'investissement productif). Par contre, une inflation légère favorise un tout petit peu la situation du chômage, par une baisse légère des salaires réels. Limiter l'inflation est donc une bonne politique, dans une certaine mesure.
 
==Indépendance==