La politique monétaire/Les chefs d'orchestre : les banques centrales

Avec la création des banques, le pouvoir de création de la monnaie a changé de main. Chaque banque imprimait sa propre monnaie, ces monnaies n'étant pas forcément convertibles d'une banque à l'autre. Lors de cette période de free banking, la monnaie était intégralement créée par le secteur privé et n'était pas vraiment régulée. Quelques économistes récents, dont Frédéric Hayek, ont vanté les mérites d'un tel système, causant quelques controverses dans les rangs de leur profession. Par la suite, le système monétaire est rapidement devenu ce qu'on appelle l'étalon-or. Chaque banque devait garantir la convertibilité de la monnaie en or, ce qui faisait que la quantité de monnaie imprimée était limitée par les quantités d'or disponibles. Rapidement, la création monétaire a changé de main et est devenu le rôle d'une unique banque, dirigée par le gouvernement : la banque centrale. Leur but premier, dans les anciens temps, était simplement d'imprimer les billets et de fabriquer les pièces. Puis, leur rôle de réserve d'or ou de monnaie est devenu prépondérant.

Depuis l'effondrement de l'étalon-or et du système de Bretton-Woods, le système monétaire mis en place est ce qu'on l'appelle un régime d'inflation-targeting, ou encore système monétaire moderne. La création monétaire est gouvernée par une banque centrale qui utilise la monnaie pour atteindre divers objectifs macroéconomiques. Elle n'est pas limitée par la quantité d'or dans ses caisses, ni par une quelconque contrainte physique. Cela est possible grâce à l'existence de la monnaie électronique, qui facilite la création monétaire. La banque centrale peut imprimer des billets, frapper des pièces, fabriquer des chèques, créer de la monnaie sous forme électronique, remplir des comptes bancaires, etc. Avec le temps, celle-ci a gagné beaucoup de pouvoir, notamment celui de réguler les banques et de gouverner tout ce qui a rapport de près ou de loin avec la gestion de la monnaie dans l'économie. Les chapitres qui vont suivre vont expliquer le fonctionnement détaillé du système monétaire actuel.

De nos jours, les banques centrales sont la clé de voûte de la gestion de la monnaie dans l'économie, la fameuse politique monétaire. De nos jours, ces banques centrales influencent l'économie, via la quantité de monnaie en circulation, l'inflation, le taux de chômage et d'autres paramètres assez importants. Elles jouent aussi un rôle de régulation et de surveillance du secteur bancaire.Les rôles, objectifs, et instruments d'une banque centrale constituent ce qu'on appelle la politique monétaire. Chaque pays (ou zone monétaire, dans le cas de l'euro) définit le fonctionnement de sa banque centrale dans des lois ou traités, qui précisent quels sont les objectifs de la banque centrale, son organisation, les procédures de nomination de ses dirigeants, et ainsi de suite. Ceux-ci déterminent le statut juridique de la banque centrale. Par exemple, c'est le traité de Maastricht qui définit le statut juridique de la banque centrale européenne. C'est ce statut juridique que nous allons aborder ici.

Les objectifs d'une banque centrale

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La banque centrale peut avoir plusieurs objectifs distincts, qui varient fortement suivant le pays. Néanmoins, on retrouve souvent plus ou moins les mêmes objectifs chez un grand nombre de banques centrales, la stabilité des prix étant l'objectif principal. Certaines banques centrales ont un objectif de stabilité des taux d'intérêts, d'autres ont un objectif de maintien de la croissance ou de soutien de l'emploi. Un autre objectif est de stabiliser l'économie, en complément d'une éventuelle politique fiscale. Cela implique de lutter contre les récessions ou de freiner une économie en surchauffe. Cet objectif de stabilisation demande de manipuler la demande (et non l'offre), la politique monétaire ayant une grande influence sur celle-ci. Les banques centrales actuelles tentent de maintenir l'économie de leur pays en bonne santé, notamment en régulant ou en soutenant le système bancaire.

Certaines banques centrales ont, dans leurs statuts juridiques, plusieurs objectifs qui sont le plus souvent contradictoires. Dans ce cas, les statuts juridiques des banques centrales précisent souvent quel est l'objectif principal de la banque centrale, mais ils peuvent aussi préciser des objectifs annexes. Les statuts de ce type sont des mandats hiérarchiques, qui précisent quels sont les objectifs prioritaires. C'est notamment le cas de la réserve fédérale américaine, qui a un double objectif de lutte contre l'inflation et de soutien à l'emploi. Les origines de cette situation atypique sont à rechercher dans l'histoire du pays : la crise de 1929 et son chômage de masse ont profondément marqué les Américains.

Banque centrale Description du mandat Texte de loi exact qui décrit les objectifs
Banque centrale européenne La banque centrale européenne a un mandat hiérarchique, décrit par l'article 127 du traité de Lisbonne, qui a la stabilité des prix comme objectif principal. Mais la formulation des autres objectifs est vague, se contentant d'évoquer le fonctionnement économique général de la zone. Peu de choses sont connues sur la manière dont les dirigeants interprètent cette formulation et on ne sait pas s'ils tentent d'influer sur le chômage ou la croissance avec leur politique monétaire. L'objectif principal du Système européen de banques centrales, ci-après dénommé «SEBC», est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l'Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union, tels que définis à l'article 3 du traité sur l'Union européenne. Le SEBC agit conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, en favorisant une allocation efficace des ressources et en respectant les principes fixés à l'article 119.
Réserve fédérale américaine La réserve fédérale américaine a un mandat triple, qui vise la stabilité des prix, des taux d'intérêts et un emploi maximal. Ces trois objectifs étant contradictoires, les dirigeants de la FED interprètent ces objectifs comme une hiérarchie : la FED lutte d'abord contre l’inflation et ensuite seulement contre le chômage. Le taux de chômage que cherche à atteindre la FED est le taux de chômage minimal qui n’accélère par l'inflation, ou NAIRU : si le taux de chômage descend en dessous de ce taux, l'inflation augmente. The Board of Governors of the Federal Reserve System and the Federal Open Market Committee shall maintain long run growth of the monetary and credit aggregates commensurate with the economy’s long run potential to increase production, so as to promote effectively the goals of maximum employment, stable prices, and moderate long-term interest rates.

La banque centrale n'a accès qu'à un seul instrument pour sa politique monétaire : soit elle fixe la quantité de monnaie en circulation, soit elle fixe les taux d'intérêts. Or, la règle de Tinbergen, une célèbre règle de politique économique nommée d'après son inventeur, stipule que le nombre d'objectifs doit être égal au nombre d'instruments. Si la banque centrale ou un gouvernement souhaite atteindre plusieurs objectifs distincts avec un seul instrument, il ne pourra pas y parvenir. Tout au plus pourra-t-il faire un arbitrage en ces deux objectifs, et aboutir à un compromis. Cette règle de Tinbergen est souvent secondée par la règle de Mundell, qui stipule que l'instrument choisi pour atteindre un objectif doit être le plus performant possible. La combinaison de ces deux règles est la source principale de la séparation entre politique monétaire et politique fiscale : la première cible l'inflation, tandis que l'autre cible les variables réelles, comme l'emploi ou la production.

De nos jours, les banques centrales ont toutes le même objectif : limiter l'inflation. Ce régime de ciblage de l’inflation n'est cependant pas apparu par hasard. Les objectifs des banques centrales ont changé plusieurs fois au cours de l'histoire, cette évolution ayant mené à la situation actuelle. Dans les grandes lignes, les banques centrales ont débuté leur carrière en contrôlant la quantité de monnaie.

La stabilité du prix de l'or

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Avant les années 50, le système monétaire international était basé sur l'étalon-or, où la banque centrale fixait le prix de l'or. Aux états-unis, le prix était fixé à environ $20 par once d'or avec des variations assez mineures. Ce système tire son origine du fait que les pièces étaient autrefois fabriquées en or, et a survécu avec l'apparition de la monnaie papier. Avec ce système, chaque unité de monnaie correspond à un certain poids en or : une pièce de 10 dollar contenait une demi-once d'or, une pièce de 20 dollar contenait une once d'or, etc. La valeur de la pièce dépendait donc de sa teneur en or mesurée en onces, et du prix de l'once d'or. Les banques centrales garantissaient que la convertibilité de la monnaie papier en or. La monnaie papier était échangeable à volonté contre de l'or, du moins en théorie, ce qui explique que l'étalon-or ait survécu à l'invention de la monnaie papier. La création monétaire était ainsi limitée par les dépôts d'or à la banque centrale : sans échange d'or, pas de création monétaire.

Le prix de l'or a eu quelques évolutions et soubresauts sous l'étalon-or. Déjà, le prix de l'once d'or est passé de 19.39 dollars l'once à 20.67 dollars en 1834. En 1837, l'étalon-or a été temporairement suspendu. Puis, durant la période de Bretton-Woods, entre 1934 et 1971, le prix de l'once est monté à 35 dollars l'once. Après 1971, l'étalon-or a totalement disparu.

 
Évolution du prix de l'once d'or entre 1793 et 2005. On voit que le prix de l'or est resté stable pendant l'étalon-or, mais a ensuite augmenté fortement après sa fin, dans les années 70.

L'or était une monnaie de paiement internationale et les prix de l'or était sensiblement les mêmes dans tous les pays. En conséquence, ce système impliquait des taux de change "fixes", dépendant des dépôts d'or nationaux.

Ce système a perduré durant très longtemps et a fait un travail remarquable durant plusieurs siècles. Il avait cependant de gros défauts, que nous détaillerons dans les chapitres sur le sujet. Avec la révolution industrielle et les guerres mondiales, les défauts de ce système sont devenus de plus en plus insupportables, menant à son abandon.

La stabilité de la masse monétaire

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La sortie de l'étalon-or au début du 20ème siècle ne s'est pas faite sans douleur. Au sortir des guerres mondiales, certains pays sont sortis de l'étalon-or en raison du poids important des dettes nationales. Certains pays, au sortir de la guerre, avaient des dettes nationales égales à plus de 2 à 5 fois leur PIB ! Dans de telles conditions, les états ont décidé de rembourser ces dettes en créant de la monnaie, ce qui leur a demandé de sortir de l'étalon-or. Cette création monétaire a entrainé des périodes d'hyperinflation, à savoir des inflations de plus de 50 % par an, qui ont ruiné de nombreuses économies nationales, ainsi que de nombreux épargnants. Autant dire que le contrôle de la monnaie n'était pas l'idée du siècle dans de telles conditions.

Par la suite, dans les années 1980, les états ont progressivement abandonné l'étalon-or, dans une situation où rembourser la dette avec la création monétaire n'était pas à l'ordre du jour. Aucune hyperinflation n’eut lieu, mais cela a quand même entrainé de l'inflation. Les états imprimaient beaucoup de monnaie, ce qui entraina l'apparition d'une inflation élevée avec un taux de chômage lui aussi élevé. Cette coexistence d'un chômage et d'une inflation élevée a valu le nom de stagflation à cette période. Les banques centrales ont alors tenté de contrôler la masse monétaire, en espérant que cela réduirait l'inflation. Un tel regain d'intérêt pour le contrôle de la masse monétaire provenait de l'influence d'une école de pensée économique, le monétarisme, qui mettait au premier plan le rôle économique de la masse monétaire. La création monétaire était alors gouvernée par un principe simple : faire en sorte que la croissance de la masse monétaire soit strictement égale à la croissance de l'économie. Le but était de limiter l'inflation, qui était très importante à l'époque, la politique monétaire étant un des nombreux instruments mis en œuvre à l'époque. Si les tentatives de la banque centrale américaine ont bien permis de limiter l'inflation, elles ont été de véritables échecs pour ce qui est de contrôler la masse monétaire entre 1979 et 1982, les banques centrales ayant systématiquement raté leurs objectifs de masse monétaire. C'est alors que les banques centrales ont abandonné leur idée de contrôler finement la masse monétaire.

La stabilité des taux de change

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Suite à la sortie de l'étalon-or, de nombreux pays ont décidé de stabiliser leurs taux de change. Leurs efforts ont mené à la création d'un système monétaire international, nommé le système de Bretton-Woods, en 1944. Sous un tel système, la banque centrale va créer ou détruire de la monnaie afin de garder un taux de change constant. On verra dans quelques chapitres comment la banque centrale influence les taux de change. Cependant, ce système n'était pas très adapté pour garantir la prospérité nationale. Il pouvait imposer de réduire la quantité de monnaie alors que l'économie nationale avait au contraire besoin d'un stimulus monétaire. Par exemple, si les taux de change baissaient en pleine récession, la banque centrale devait réduire fortement la création monétaire pour garder les taux de change fixes, alors que la lutte contre les récessions demandait de faire l'inverse. La politique monétaire avait encore une fois les mains liées et ne pouvait créer de la monnaie comme elle le devait pour garantir le plein emploi.

De nos jours, ce système de contrôle des taux de change est encore utilisé par certains pays. Pour les petits pays, extrêmement dépendants des importations, la stabilité des prix est obtenue par le biais de la stabilité des taux de change, le niveau général des prix étant extrêmement dépendant des prix importés. La plupart de ces petits pays fixent le taux de change de leur monnaie sur une autre monnaie, généralement le dollar, dont les variations sont relativement faibles. La banque centrale de ces pays est généralement une caisse d'émission, à savoir une banque centrale qui se préoccupe de garder les taux de change avec le dollar (plus rarement l'euro) fixe. Ce mécanisme permet de limiter l'inflation et de lutter assez efficacement contre les récessions, qui sont souvent induites par une hausse des prix importés. Par contre, les pays plus grands n'ont pas vraiment de bénéfices à utiliser une caisse d'émission et préfèrent gérer leur monnaie eux-mêmes. Ils utilisent donc des taux de change flottants, et se concentrent sur l'inflation globale, faiblement dépendante des prix importés.

La stabilité des prix

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De nos jours, les banques centrales ont pour objectif principal de garantir la stabilité des prix, à savoir limiter l'inflation à des valeurs raisonnables. La stabilité des prix est aujourd'hui l'objectif principal de la plupart des banques centrales actuelles, plus d'un quart d'entre elles n'ayant que cet objectif en tête. Il faut dire que les banques centrales, de par leur possibilité de créer la monnaie, peuvent influencer la valeur de celle-ci et donc le niveau des prix. Le chapitre sur la théorie quantitative de la monnaie donnera un argument fondamental quant au choix de l'objectif de stabilité des prix assigné aux banques centrales. On verra dans quelques chapitres que cibler l'inflation permet de lutter efficacement contre les récessions et stabilise l'économie autour du plein emploi. Quand une récession a lieu, elle se traduit le plus souvent par une diminution de l'inflation, si ce n'est par une déflation. Pour éviter cela, la banque centrale peut alors stimuler la demande et lutter contre la récession directement à la source. Elle n'a pas les mains liées par le contrôle des taux de change ou par les réserves en or. Ce système permet aussi à la banque centrale de créer suffisamment d'argent pour lutter contre la récession, mais pas suffisamment pour entrainer des dégâts. Les situations d'hyperinflation sont notamment impossibles si la banque centrale s'engage à respecter son objectif de 2% d'inflation.

La majorité des banques centrales tente de garder l'inflation proche d'une certaine valeur, appelée cible d'inflation, souvent proche de 2 %. Le choix de la cible d'inflation est à la discrétion de la banque centrale, mais il est admis que la cible d'inflation doit être légèrement positive. Cela a divers avantages comparé à un taux d'inflation nul, notamment celui d'éviter la déflation, dont on verra qu'elle a une influence néfaste sur l'économie d'ici quelques chapitres. De plus, cela permet à la banque centrale de gérer plus facilement ses taux à court-terme, en évitant que ceux-ci butent sur la limite basse des taux (le taux zéro). Mais surtout, cela réduit les effets néfastes de l'inflation sur l'économie, tout en conservant les quelques rares effets positifs. Je vous renvoie au chapitre sur l'inflation, au début de ce livre, pour ceux qui auraient oublié quels sont les effets de l'inflation sur l'économie.

De nos jours, beaucoup de banques centrales ont une cible d'inflation égale à 2%. Il faut préciser que cette cible a cependant une interprétation assez peu intuitive. La cible n'est pas un plafond, mais une valeur moyenne sur une longue période. Par valeur moyenne, on veut dire que la banque centrale est autant inquiète d'une inflation à 3% qu'une inflation à 1%. La cible n'est pas un plafond qu'il ne faut pas dépasser, et que la banque centrale tente de respecter à tout prix. La banque centrale peut accepter des déviations temporaires de la cible, tant qu'elles sont temporaires et qu'elles sont de faible intensité. Par exemple, il est possible que la banque centrale laisse l'inflation dépasser temporairement la cible de 2% suite à une récession où l'inflation était faible. Depuis la crise de 2008, un débat s'est fait jour chez les économistes, certains souhaitant une cible d'inflation plus haute, de l'ordre de 3 à 4%. L'argument est que la banque centrale aura alors plus de marge pour diminuer les taux en cas de récession ou de forte baisse de l'inflation, vu que les taux seront naturellement plus élevés (les taux étant reliés à l'inflation, comme dit dans le chapitre précédent).

Les instruments de politique monétaire

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La politique monétaire est le fait de la banque centrale, qui la met en œuvre. Pour mettre en œuvre sa politique monétaire, la banque centrale dispose d'instruments de politique monétaire : les taux d'intérêt directeurs, la base monétaire, le taux de réserve, etc. Elle décide quelle valeur donner aux taux directeurs, combien de monnaie imprimer, s'il faut acheter des obligations sur le marché monétaire, etc. Pour le dire autrement, la banque centrale configure ses instruments de manière à respecter ses objectifs macroéconomiques. De nos jours, l'instrument utilisé est le taux directeur, les autres instruments étant des instruments non-conventionnels, utilisés dans des situations particulières.

Les canaux de transmission et la fonction de réaction de la banque centrale

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Les instruments de politique monétaire influencent directement ou indirectement la masse monétaire et les taux d'intérêts. Une variation des taux ou de la masse monétaire se transmet aux autres variables macroéconomiques, ce qui a des conséquences assez diverses sur l'économie. Les taux ou la monnaie peuvent, par exemple, impacter le PIB, l'inflation, le niveau des prix, le taux de change, etc. Dit autrement, la politique monétaire se transmet aux variables macroéconomiques, par divers mécanismes. La transmission peut se faire par des intermédiaires : par exemple, une variation des taux influence l'investissement, qui lui-même influence le PIB, qui influence le chômage et l'inflation, etc. En clair, la transmission de la politique monétaire s'effectue par des chaines de causes à effets, qui portent les noms de canaux de transmission de la politique monétaire. Ceux-ci peuvent être mis en équation, certains assez facilement mais d'autres plus difficilement. De nos jours, les banques centrales tentent de cibler l'inflation, ce qui fait que les canaux de transmission se résument à des équations de la forme :

 , avec Y le PIB, P le niveau des prix, e le taux de change etc.

La banque centrale ne décide pas sa politique arbitrairement, mais sur la base des variables macroéconomiques. Elle analyse le niveau des prix, le PIB, et d'autres variables macroéconomiques, comme les taux de change, et en déduit ce qu'elle doit faire. En clair, elle réagit aux variables macroéconomiques : toute variation pertinente de ces variables doit être perçue par la banque centrale et donner lieu à une réaction si besoin est. Par exemple, la banque centrale doit réagir quand une récession a lieu, afin de la circonvenir. Si elle voit que le PIB chute brutalement et de manière assez importante, elle doit modifier sa politique et revoir ses taux directeurs. On peut résumer le comportement de la banque centrale par une fonction mathématique, la fonction de réaction de la banque centrale, qui donne le niveau des taux ou de la masse/base monétaire en fonction des autres variables économiques. La fonction de réaction est une fonction de la forme suivante, avec   le taux d'intérêt (directeur) et   la masse monétaire. On utilise la première forme dans les modèles Wickseliens, ceux qui supposent que la banque centrale contrôle les taux, et la seconde dans le modèles monétaristes, qui supposent quant à eux que la banque centrale contrôle la masse monétaire.

 , avec Y le PIB, P le niveau des prix, e le taux de change etc.
 , avec Y le PIB, P le niveau des prix, e le taux de change etc.
 
Relations entre instruments de politique monétaire et variables macroéconomiques. Canaux de transmission et fonction de réaction de la banque centrale.

Les contraintes sur les instruments de politique monétaire

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La banque centrale use de ses instruments pour atteindre ses objectifs. Le statut juridique peut contraindre leur usage des instruments ou au contraire laisser une marge de manœuvre à la banque centrale pour ce qui est des moyens employés. La politique monétaire peut être soit discrétionnaire ou basée sur une règle monétaire.

Dans le cas discrétionnaire, la banque centrale pouvant faire ce qu'elle souhaite pour atteindre ses objectifs. Elle peut fixer les taux comme elle le veut ou faire varier la masse monétaire selon ses désirs. Le défaut de cette approche est que le comportement de la banque centrale est imprévisible, ce qui peut totalement contrarier certaines décisions économiques qui demandent de parier sur l'avenir. Quelques études théoriques ont montré que les politiques monétaires discrétionnaires ont tendance à créer plus d'inflation que leurs opposées basées sur une règle. Un tel biais inflationniste a été montré en premier lieu par les travaux de Barro et Gordon, datés de 1983. L'inflation dépasse alors l'inflation normale, ciblée par la banque centrale. Ce biais provient en grande partie de la volonté de la banque centrale de stimuler la production, afin d'augmenter le PIB.

Opposées à la politique discrétionnaire, les règles monétaires contraignent l'utilisation des taux ou de la masse monétaire par la banque centrale. La banque centrale n'est donc pas libre d'utiliser les moyens qu'elle souhaite pour atteindre ses objectifs. Souvent, ces règles contraignent la manière dont la banque centrale doit fixer ses taux en fonction de l'inflation ou de la production. D'autres règles contraignent l'évolution de la masse monétaire. Par exemple, Friedmann a proposé de faire augmenter la masse monétaire d'un pourcentage fixe par an, d'une valeur de 3%. Ce genre de politique monétaire est facilement prédictible, stabilisant ainsi les marchés. Les marchés peuvent en effet plus facilement anticiper les évolutions futures des taux ou de la masse monétaire.

L'indépendance des banques centrales

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Une autre variable précisée par les statuts juridiques est l'indépendance de la banque centrale vis-à-vis du pouvoir politique. Quand la banque centrale n'est pas indépendante, celle-ci doit obéir aux injonctions du pouvoir politique, qui décide de la politique monétaire à tenir. Avec une banque centrale indépendante, l’État ne peut pas décider de la politique monétaire. Si cette indépendance est importante, c'est que le pouvoir politique a intérêt à pratiquer une politique monétaire plutôt qu'une autre, que ce soit sous la pression de l'opinion publique, de lobbys, des banques, ou pour favoriser ses chances de réélection. Par exemple, un pays endetté préférera financer sa dette publique par la banque centrale, au lieu de recourir à des hausses d'impôts ou de réduire les dépenses. Comme autre exemple, un gouvernement peut utiliser sa banque centrale pour dévaluer les taux de change afin de booster les exportations.

Vu que ces politiques se traduisent le plus souvent par de l'inflation, on devine que l'inflation sera plus faible et plus stable avec une banque centrale indépendante. Les études sur le sujet semblent indiquer que les pays avec une banque centrale dépendante du pouvoir politique ont une inflation nettement supérieure aux pays avec une banque centrale indépendantes, sans que cela se traduise par des taux de chômage ou de dette publique significativement différents.

 
Corrélation entre indépendance des banques centrales et inflation nationale.

La banque centrale européenne

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La banque centrale européenne, ou BCE, est bien plus indépendante du pouvoir politique que ne le sont la réserve fédérale ou la banque du Japon. On peut clairement dire qu'il s'agit d'une des banques centrales les plus indépendantes au monde. Son indépendance juridique est garantie par le traité de Lisbonne, dans l'article numéro 123, que voici :

"Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées « banques centrales nationales », d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l'Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite."

"Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux établissements publics de crédit qui, dans le cadre de la mise à disposition de liquidités par les banques centrales, bénéficient, de la part des banques centrales nationales et de la Banque centrale européenne, du même traitement que les établissements de crédit privés."

La Bank Of Japan

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La banque du Japon est clairement peu indépendante. Si les textes semblent indiquer que "l'autonomie de la Bank Of Japan doit être respectée", d'autres textes précisent que "La Bank Of Japan doit toujours rester en contact étroit avec le gouvernement et procéder à un échange de vues suffisant avec lui". La politique de dévaluation de la banque centrale, menée sous le gouvernement de Shinzo Abe, a clairement montré que la banque centrale est sous le joug du gouvernement japonais.

La communication de la banque centrale

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Les banques centrales, même non-contraintes, doivent quand même rendre des comptes sur ce qu'elles font. Ce qui nous amène à parler de la transparence de la politique monétaire, à savoir comment la banque centrale communique sur ses décisions.

Un changement de culture : de la discrétion vers la transparence

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Les banques centrales avaient autrefois une culture de la discrétion. Elles ne commentaient pas leurs décisions de politique monétaire et n'en donnaient pas les raisons. Elles communiquaient peu avec les marchés ou les responsables politiques. Les communications de presse étaient sibyllines, peu détaillées, jargonneuses, volontairement incompréhensibles par les marchés. Et c'était à dessein que les banques centrales procédaient ainsi. D'où la boutade d'Allan Greenspan (ancien directeur de la réserve fédérale américaine) : «Si vous avez compris ce que je viens de dire, c’est que vous ne m’avez peut-être pas bien entendu.». Et pire : les banques centrales d’avant aimaient faire des surprises aux marchés. Elles changeaient leurs taux du jour au lendemain, en mettant les marchés devant le fait accompli. Par exemple, il arrivait que la FED d’avant/pendant Greenspan prenne tout le monde au dépourvu en n’annonçant même pas ses changements de taux). En clair, les banques centrales d'avant n'étaient pas transparentes du tout.

De nos jours, les banques centrales sont devenues bien plus transparentes. Elles préviennent de leurs changements de taux à l'avance, tentent de lisser l'évolution des taux pour ne pas brusquer les marchés, font beaucoup de conférences de presse pour expliquer leur politique, justifient chaque décision devant les marchés et responsables politiques, etc. Leur communication tend à être la plus claire possible, histoire d'être interprétée correctement par les marchés, mais aussi plus fréquente qu'avant. La culture de la discrétion autrefois monnaie courante a aujourd'hui totalement disparue. Aux états-unis, ce changement vers plus de transparence a eu lieu lors de la nomination de Ben Bernanke à la tête de la réserve fédérale, en 2005.

Les avantages/inconvénients de la transparence

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Les raisons derrière ce changement de comportement sont multiples, allant d'arguments théoriques (anticipations rationnelles, prime de risque liée à l'incertitude), à des arguments purement politiques.

Le premier argument est que la communication des banques centrales aide les agents à former des anticipations correctes. En dévoilant les informations dont elle dispose, ainsi que la manière dont elle les interprète, la banque centrale informe les agents de la situation macroéconomique. Ces informations modifient les anticipations d'inflations des agents économiques pour les rendre plus rationnelles, plus proches de la réalité. En somme, la transparence des banques centrales rend les anticipations des agents plus rationnelles. Cet effet sur les anticipations a un effet macroéconomique notable, vu que, je le rappelle, l'inflation est performative (les anticipations influencent l'inflation réelle). En communiquant correctement, les banques centrales peuvent donc agir sur l'économie réelle par le biais des anticipations. On peut voir la banque centrale comme une sorte de joueur de flute, dont les paroles guident les marchés vers l'objectif souhaité. Il s'agit d'ailleurs d'un des canaux de transmission de la politique monétaire, appelé canal des anticipations. C'est surprenant, mais c'est le cas : la communication de la banque centrale est un instrument de politique monétaire comme un autre !

Le second argument théorique est qu'une banque centrale transparente est plus crédible, ce qui facilite son travail. Une banque centrale crédible est une banque centrale que les marchés croient : ils savent qu'elle ne ment pas, qu'elle ne cherche pas à tromper les marchés. Les agents savent alors qu'ils peuvent utiliser sans risque les informations divulguées par la banque centrale. La communication de la banque centrale est fiable, et peut agir sur les anticipations sans risque. Par contre, une banque centrale non-crédible n'est pas fiable et les informations qu'elle divulgue sont généralement peu dignes de confiance. Par exemple, une banque centrale peut souhaiter mener une politique expansionniste pour des motifs politiques (faire baisser le chômage avant une élection), mais le cacher par une communication un peu arrangée. Soit elle cherche à tromper les marchés en sous-estimant les effets de sa politique, soit elle est incompétente et ses informations sont juste mauvaises. Dans les deux cas, sa communication n'a pas d'effets sur les anticipations des agents, ou alors un effet contraire à celui recherché. En clair, la crédibilité de la banque centrale favorise un fonctionnement correct du canal des anticipations. D'où la nécessité d'une certaine transparence, mais aussi d'une indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Ces deux mesures rendent la banque centrale lus crédible, notamment en luttant contre son biais inflationniste.