« Philosophie/Aliénation » : différence entre les versions

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Mais cet objet il va devoir s'en séparer. Chez Hegel, il faut deux pertes pour faire un gain : ''le sujet se perd dans l’objet'' (c’est le travail comme objectivation), puis ''le sujet perd'' ''son objet'' (c’est la séparation d’avec l’objet, l’extériorisation ou l'''’aliénation de l’objet)'''. D’abord ''perdu dans l’objet'', puis ''perdant l’objet'' dans lequel il s’est lui-même perdu : le sujet hégélien ne se conquiert ou ne se gagne lui-même qu’en se perdant, puis en perdant sa propre perte.<blockquote>Le Soi avant l’aliénation ou sans l’aliénation est ainsi un Soi vide, un Soi « sans substance », c’est-à-dire sans contenu. Pourquoi ? Parce que, ne sachant pas ce qu’il n’est pas, il ne peut pas non plus savoir ce qu’il est, ni qui il est. Ce sont donc l’aliénation, le devenir-étranger à soi et la négation de soi qui permettent au Soi de conquérir son contenu et donc son identité propre : seul est substantiel, riche en contenu, le Soi qui s’est aliéné, qui en est passé par l’aliénation et qui l’a endurée. Et c’est pourquoi, aux yeux de Hegel, il ne peut rien y avoir de négatif, au sens non hégélien et courant du terme, dans l’aliénation, dans le devenir-autre que soi, dans le devenir-étranger à soi, puisqu’il n’y a pas d’autre manière de s’affirmer.<ref>[https://rgi.revues.org/377#ftn2 Transformations du concept d’aliénation. Hegel, Feuerbach, Marx'''par Franck Fischbach''']</ref></blockquote>
 
== Feuerbach : l'aliénation n'est pas un moment de réalisation de soi. Elle n'en est que le premier moment. ==
<blockquote>« L’objet de l’homme n’est rien d’autre que ''son essence objective'' elle-même. Telle est la pensée de l’homme, tels ses sentiments, tel son Dieu : autant de valeur possède l’homme, autant et pas plus, son Dieu. ''La conscience de Dieu est la conscience de soi de l’homme, la connaissance de Dieu est la connaissance de soi de l’homme''. A partir de son Dieu tu connais l’homme, et inversement à partir de l’homme son Dieu : les deux ne font qu’un. Ce que Dieu est pour l’homme, c’est ''son esprit'', son âme, et ce qui est le propre de ''l’esprit humain'', son ''âme'', son ''coeur c’est cela son Dieu'' : Dieu est l’intériorité manifeste, le soi exprimé de l’homme ; la religion est le solennel dévoilement des trésors cachés de l’homme, l’aveu de ses pensées les plus intimes, ''la confession publique de ses secrets d’amour''.</blockquote><blockquote>Mais si la religion, consciente de Dieu, est désignée comme étant la conscience de soi de l’homme, cela ne peut signifier que l’homme religieux a directement conscience du fait que sa conscience de Dieu est la conscience de soi de son essence, puisque c’est la carence de cette conscience qui précisément fonde l’essence particulière de la religion. Pour écarter ce malentendu, il vaut mieux dire : la religion est la ''première conscience de soi'' de l’homme, mais indirecte. Partout, par suite, la religion précède la philosophie, aussi bien dans l’histoire de l’humanité que dans l’histoire de l’individu. L’homme déplace d’abord ''à l’extérieur de soi'' sa propre essence avant de la trouver en lui. La religion est ''l’essence infantile'' de l’humanité ».</blockquote><blockquote>Ludwig Feuerbach, ''L’essence du christianisme(1841),'' traduction Jean-Pierre Osier, Maspero 1968, pp 129-130</blockquote>L’aliénation n’est plus chez Feuerbach l’oubli volontaire de soi d’un sujet dans un objet qu’il travaille à conquérir, elle est la perte involontaire, non-voulue, et donc ''subie'', d’un sujet dans un objet qui le domine. On ne se réalise soi-même que '''contre l'objet.''' Lutter contre l'aliénation pour Feuerbach exige une démarche critique.<blockquote>Pour surmonter sa perte dans son autre et s’approprier l’objet, le sujet hégélien travaille un contenu, une matière d’abord naturelle, puis historique et sociale, tandis que le sujet feuerbachien critique des représentations (religieuses, théologiques, mais aussi spéculatives et philosophiques).<ref>[https://rgi.revues.org/377#ftn2 Transformations du concept d’aliénation. Hegel, Feuerbach, Marx''' par Franck Fischbach''']</ref></blockquote>