« La ville opportunités ou menaces pour la faune nocturne ? » : différence entre les versions

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== Place de la faune nocturne dans la ville de demain ==
=== Trame noire ===
L'article 36 de la loi Grenelle 1 fut voté en octobre 2008 par le Parlement. Il souligne le fait que des dispositions de prévention, interdiction ou restriction doivent être prises concernant “Les émissions de lumière artificielle de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l'observation du ciel nocturne” (Braye et al., 2009). Bien que l’intérêt économique pour les acteurs concernés soit omniprésent dans cet extrait, on note cependant qu’un tel aspect se veut source d’impulsion pour une protection accrue de la biodiversité.
La mise en place de la trame noire en ville est ainsi apparue, suivie d’autres initiatives comme les Plans-lumières.
 
Cette trame a pour objectif la création de corridors non éclairés, permettant aux différentes espèces « de communiquer, de s’alimenter, de se reproduire, dans des milieux naturels protégés » (Jehin & Demoulin, 2009). Ce principe rejoint le but recherché par les trames vertes et bleues. Le 20 mars 2012, l’ANPCEN (Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement) et la Fédération des Parcs Naturels régionaux (PNR) de France et Parcs nationaux de France ont signé deux conventions. Ces textes ont pour but d’améliorer la qualité de la nuit et limiter l’ensemble des nuisances lumineuses portant atteinte à la biodiversité. Il s’agit ici de promouvoir la trame noire qui s’ajouterait aux trames vertes et bleues mises en place par la loi Grenelle 2. En milieu urbain, les mêmes perspectives sont suivies, avec pour objectif final d’améliorer la qualité de la nuit, pour les habitants comme pour la biodiversité. En effet, les sources d’éclairage y sont multiples (affichage publicitaire, enseignes, éclairage public, privé, etc.), et ce pour de nombreuses fins allant de la sécurité aux visées touristiques (Mérigou, 2013). En recréant un réseau d’obscurité, les espèces nocturnes seraient préservées. Des habitats écologiques seraient également protégés, les déplacements facilités ainsi que les étapes de reproduction et alimentation nettement moins entravées. La trame noire constitue donc un précieux outil face à la menace qu’est la lumière pour ces espèces (Deda et al., 2007).
Dans le but de créer des corridors non éclairés, différentes solutions peuvent être envisagées en milieu urbain. Ces alternatives doivent toutefois concilier protection de la biodiversité et attentes sociales. Il s’agit en effet de limiter l’éclairage de nuit dans les villes et répondre ainsi aux attentes de la trame noire, sans compromettre la sécurité et la sûreté au cours de la nuit (Jehin & Demoulin, 2009) :
 
‐ Le plus important est d’éviter absolument la diffusion de la lumière vers le ciel. Des abat-jours peuvent être disposés sur les émetteurs de lumière. Cela permet de limiter les pertes d’éclairage et d’éviter les problèmes d’éblouissement. La lumière étant renvoyée et donc concentrée vers le bas, sa puissance peut être diminuée. On économise ainsi de l’énergie tout en conservant le même éclairage.
 
‐ L’utilisation d’un appareillage permettant de réguler le flux de lumière pour obtenir un éclairement optimal est recommandé (ni trop fort, ni trop faible).
 
‐ L’éblouissement peut être éliminé en installant des réflecteurs adaptés. « On ne doit pas voir directement la lumière d’un lampadaire à une distance supérieure à trois fois sa hauteur au-dessus du sol » (Jehin & Demoulin, 2009).
 
‐ N’émettre un éclairage que lorsque cela est nécessaire. Le temps d’éclairage peut être limité à l’aide d’une minuterie ou de détecteurs de mouvements. Les éclairages publicitaires et des monuments doivent être coupés après 23h.
 
‐ Avoir un excellent contrôle de l’éclairage : la lumière est uniquement dirigée là où elle est requise.
 
‐ Favoriser autant que possible l’éclairage au sodium à basse pression (le plus économique et le moins polluant) et émettant dans la lumière jaune. Ce type de lumière n’émet pas d’UV et impacte moins la faune nocturne comme les insectes qui sont moins attirés (Shockley Cruz & Linder, 2011; Hori et al., 2014).
‐ Diffuser de manière uniforme la lumière pour limiter l’adaptation de nos yeux à différentes intensités lumineuses. La transition entre obscurité et lumière doit être graduelle et non pas directe (Jehin & Demoulin, 2009).
Les éclairages à boule sont parmi les moins adaptés, en effet, près de 65 % des rayons lumineux sont diffusés dans d’autres directions que vers sol, soit une grande inefficacité. La dispersion de la lumière est importante et contribue à perturber le rythme nycthéméral de la faune nocturne comme des Hommes (Duffy & Czeisler, 2009; Kyba et al., 2011). En outre, leur consommation énergétique est élevée car leur fonctionnement se base sur la présence d’une lampe à vapeur de mercure. Leur utilisation sera interdite dès 2015 (AFE, 2010; Arnaud, 2013). Ainsi, il est aujourd’hui conseillé d’utiliser un boîtier contenant le dispositif d’éclairage afin d’éviter toute diffusion dans les zones où la lumière ne serait pas requise. De plus, l’angle de diffusion de lumière doit être inférieur à 10° par rapport à la verticale (cf. Figure 1).
 
Le tableau 1 ci-dessous illustre les différents types d’ampoules. L’efficacité lumineuse (lumens par watt) désigne la capacité de l’ampoule à transformer l’électricité en lumière. Sont également énumérés les couleurs diffusées par la lampe et le rendu de ces dernières lorsque l’œil humain observe son environnement (Architecture et Climat, 2015).
On constate grâce au tableau 1 que la lampe à sodium basse pression (la moins polluante au niveau lumineux) est la plus efficace. Cependant, son rendu au niveau des couleurs est très mauvais. Cette lampe pourrait être installée dans des endroits où ce rendu n’a pas grande importance (rue de passage, etc.).
 
Un autre paramètre à prendre en compte est la répartition de la longueur d’onde des différentes ampoules. D’après la figure 2, ces dernières émettent dans toutes les longueurs d’ondes (excepté celle à base de sodium basse pression). Cela signifie que ces lampes émettent de la lumière invisible pour l’œil humain comme les ultra-violets et l’infrarouge. Ces lumières ne sont donc pas recommandés pour l’éclairage. Elles sont indésirables et peuvent générer de grands troubles pour les espèces nocturnes voyant dans ces longueurs d’ondes (vers-luisants, etc.) (Shockley Cruz & Linder, 2011; Hori et al., 2014). Des filtres doivent être installés pour prévenir toute diffusion éventuelle d’UV ou d’infrarouge (Jehin & Demoulin, 2009).
Par conséquent, l’éclairage en ville doit être revu aujourd’hui, tant au niveau de sa structuration que de sa nature même. De nombreuses solutions existent, intervenant sur divers paramètres. La modification de l’angle de diffusion ainsi que le choix de lampes est décisif pour la réduction de la pollution lumineuse mais aussi de la consommation énergétique. Elle peut être réduite de manière significative en retirant les lampes obsolètes et en les remplaçant par exemple par des lampes sodium basse pression ou des leds, des capteurs de présence, des régulateurs de puissance, etc. Toutes ces solutions sont à disposition des villes et permettraient de préserver la faune nocturne. De plus, elles concilieraient enjeux environnementaux et intérêts socio-économiques car l’amélioration de l’éclairage entraînerait une économie d’énergie de 60 à 65 % tout en limitant de manière significative la pollution lumineuse (AREHN, 2014).
La ville de Lille est un exemple d’application de ces mesures. Au niveau de la Citadelle de la ville, les luminaires ont été modifiés pour des éclairages comportant un bafflage interne. Cette conception permet d’éviter non seulement les pertes de lumière mais également de la diffuser avec plus de précision, restreignant le périmètre d’émanation lumineuse et l’orientant vers la zone d’intérêt. En parallèle, les lampes ont été changées pour de nouvelles à sodium haute pression. Ces dernières ont la caractéristique d’émettre une lumière plus jaune et sans UV. La fonction d’éclairage est ainsi assurée sans toutefois nuire à la faune nocturne par éblouissement ou gêne. Suite à ces modifications, des observations ont commencé à être faites. Moins d’insectes volaient au niveau des lampadaires. Les chiroptères semblent être moins perturbés par la lumière et deux espèces remarquables ont pu être observées: le murin de Daubenton (Myotis daubentonii) et le murin à moustache (Myotis mystacinus) (NORPAC & IDDR, 2000). D’autres modifications ont également été apportées dans la ville, initialement engendrées à des fins de réduction de la facture énergétique. En effet, Lille s’est engagée dans une démarche d’amélioration de l’éclairage public grâce à un plan d’action de 8 ans (2004-2012). Celui-ci était basé sur la diminution des sources d’éclairage, leur remplacement par des dispositifs de haute performance, la diminution de temps d’allumage. En parallèle, la ville a décidé d’éduquer la population à travers des campagnes de sensibilisation, et de mieux adapter l’éclairage via l’emploi de télésurveillance, etc. Entre 2004 et 2008, la consommation électrique annuelle de la ville est passée de 21 715 000 KWh à 13 897 600 KWh, soit une diminution de 36 %. Ces mesures ont également contribué à réduire la pollution lumineuse (Decaillon, 2010). Aucune recherche sur les impacts positifs comme négatifs concernant la faune nocturne de la ville suite à ces changements n’ont été trouvées. Toutefois, au regard des travaux cités précédemment, une amélioration des conditions de vie de la faune nocturne peut être imaginée.
 
=== Trame verte ===
=== Un changement de conscience ===