Dans ce chapitre, nous allons détailler l'anatomie des nerfs crâniens, ainsi que les maladies qui peuvent les toucher. Nous avons dédié un chapitre entier sur le sujet, car les nerfs crâniens sont plus étudiés que les autres. Comme leur nom l'indique, ils innervent le crane, à savoir la tête, le visage, la bouche, la mâchoire, mais aussi les yeux, les muscles du cou. Tous traversent les os du crâne dans des trous dédiés à cet effet et se ramifient ensuite en un grand nombre de sous-nerfs, appelés des branches, qui innervent chacun une portion du crane très spécifique.

Illustration des différents nerfs crâniens.

Ils font pour la plupart partie du système nerveux périphérique, mais les nerfs optiques et olfactifs sont plus des excroissances du système nerveux central. Pour rappel, en voici la liste :

Nom Sensitif/moteur Description
Nerfs du système nerveux central
Nerf olfactif Sensitif Odorat
Nerf optique Sensitif Vision
Nerfs du système nerveux périphérique
Nerf cochléovestibulaire Sensitif Audition et sens de l'équilibre
Nerf occulomoteur commun Moteur Mouvement des yeux, dilatation de la pupille, fermeture des paupières
Nerf pathétique Moteur
Nerf oculomoteur externe Moteur
Nerf accessoire Moteur Muscle de la nuque et des épaules
Nerf hypoglosse Moteur Mouvement de la langue
Nerf trijumeau Mixte Sensibilité de la face et de la bouche, commande des muscles masticateurs
Nerf facial Mixte Expression faciale, sensibilité de l'arrière de la langue, glandes salivaires et lacrymales
Nerf glosso-pharyngien Mixte Sensibilité du pharynx et de l'avant de la langue, commande des récepteurs de pression dans la carotide
Nerf vague Mixte Commande du tube digestif et du cœur, sensibilité du pharynx, commande de la déglutition et des cordes vocales

Dans ce chapitre, nous n'allons pas voir les 12 paires de nerfs crâniens, pour la simple raison que nous les verrons dans des chapitres ultérieurs. Par exemple, le nerf optique sera vu dans le chapitre sur la vision, le nerf olfactif sera abordé dans le chapitre sur l'odorat. Les nerfs trochléaire, oculomoteur commun et oculomoteur externe, seront détaillés dans le chapitre sur la motricité oculaire, vu que ce sont des nerfs moteurs qui commandent les mouvements des yeux. Les autres nerfs sont détaillés dans des sections à part, dans la suite du chapitre.

Les nerfs crâniens peuvent se classer en plusieurs types

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Avant de voir les nerfs individuellement, nous allons commencer par quelques généralités. Nous allons d'abord voir quelques points communs entre les nerfs crâniens, avant de voir des différences qui permettent de les classer les nerfs suivant plusieurs critères. Le point important de cette section est que certains nerfs sont un peu à part : les nerfs optique et olfactifs sont dans leur propre catégorie, le nerf accessoire est lui un peu part de tous les autres. Les nerfs sont d'ailleurs numéroté selon l'endroit de sortie du cerveau, de haut en bas. Le nerf 1 est celui situé le plus haut, le nerf 12 est celui qui est le plus bas.

Commençons par les points communs. Contrairement aux nerfs spinaux, ils sortent directement du cerveau et non de la moelle épinière. La seule exception est le nerf accessoire, qui se forme par regroupement de ramifications des nerfs spinaux C1/C2/C3/C4. Les nerfs crâniens sortent soit du tronc cérébral, soit du cerveau antérieur. Les deux nerfs qui sortent du cerveau antérieur sont le nerf optique et le nerf olfactif, les autres sortent du tronc cérébral.

 
Illustration des sorties des nerfs crâniens du cerveau.

Avec ce qu'on vient de dire, on est tenté de classer les nerfs en trois types, suivant leur point de sortie : les nerfs qui sortent du cerveau, le nerf accessoire lié à la moelle épinière, et les nerfs qui sortent du tronc cérébral. Cette classification est une classification possible et elle cache une différence très importante.

Les nerfs crâniens centraux : le nerf optique et le nerf olfactif

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Le nerf optique et le nerf olfactif sont à part des autres nerfs crâniens, dont ils se démarquent sur de nombreux points. Les nerfs optiques et olfactifs sont des excroissances du système nerveux central, contrairement aux autres nerfs qui font partie du système nerveux périphériques. Ils ne sont pas associés à des cellules de Schwann, mais à des oligodencrocytes. De plus, ils ne sont pas protégés par une périnèvre et une périnèvre, comme les autres nerfs, mais par les méninges ! Un point important est que les maladies du système nerveux périphérique n’impactent pas les nerfs optiques et olfactifs. Par exemple, si un patient déclenche un syndrome de Guillain-barré sévère, le nerf optique et le nerf olfactifs seront épargnés, contrairement aux autres nerfs périphériques.

Les nerfs optiques et olfactifs se distinguent aussi quant à leur source. Ils ne naissent pas vraiment à partir de noyaux, mais proviennent d'aires cérébrales du cerveau antérieur, comme le bulbe olfactif et le corps géniculé latéral, qui ne sont pas des noyaux. Les autres nerfs crâniens proviennent de noyaux situés dans le tronc cérébral. C'est une des raisons qui font dire à certains que le regroupement des nerfs optiques et olfactifs avec les nerfs crâniens est considéré comme un peu arbitraire.

Peut-être avez-vous pensé à une autre différence : les capacités de régénération. Dans le chapitre précédent, nous avons rapidement parlé du fait que les nerfs se régénèrent. Du moins pour ceux du système nerveux périphérique, ceux du système nerveux central ne se régénèrent pas. Appliqué aux nerfs crâniens, cela veut dire que seuls le nerf optique et olfactifs ne se régénèrent pas. En réalité, si ça tombe juste pour le nerf optique, le nerf olfactif a une capacité de régénération. Il se régénère s'il est coupé ou endommagé. Et nous verrons que les zones du cerveau dédiées à l'odorat ont aussi cette possibilité, c'est les seules aires du cerveau dans lesquelles on observe un phénomène de neurogenèse, de formation de nouveaux neurones. Par contre, une lésion du nerf optique est définitive.

Les nerfs crâniens périphériques

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Nous venons de voir qu'il faut faire la différence entre les nerfs crâniens centraux provenant du système nerveux central, et les nerfs crâniens périphériques qui font partie du système nerveux périphérique. Voyons maintenant en détail les nerfs crâniens périphériques.

Les nerfs crâniens périphériques sont classés en plusieurs groupes, selon leur origine embryonnaire/évolutive. Les nerfs hypoglosse et vestibulo-cochléaire sont chacun une catégorie à part. Le reste sépare les nerfs oculomoteur et branchiaux. Les cinq nerfs branchiaux s’appellent ainsi car ils sont l'équivalent modernes des nerfs qui innervent les branchies des poissons.

Nerfs crâniens du système nerveux périphérique
Nerfs du cerveau antérieur (diencéphale) Nerf optique
Nerf olfactif
Nerfs du tronc cérébral Nerfs oculomoteurs Nerf oculo-moteur commun (III)
Nerf trochléaire ou pathétique (IV)
Nerf oculo-moteur externe ou abducens (VI)
Nerfs brachiaux Nerf trijumeau (V)
Nerf facial (VII)
Nerf glosso-pharyngien (IX)
Nerf vague ou pneumogastrique (X)
Nerf spinal ou accessoire (XI)
Nerf hypoglosse (XII)
Nerf vestibulo-cochléaire ou auditif (VIII)

Les nerfs crâniens périphériques regroupent des axones moteurs ou sensoriels. Les axones moteurs proviennent de motoneurones situés dans le cerveau, avec l'exception de l'innervation parasympathique qu'on verra dans ce qui suit. Ils proviennent précisément des noyaux des nerfs crâniens, ou noyaux crâniens. Les noyaux crâniens en question se situent dans le tronc cérébral, à l'exception du nerf accessoire qui provient de la moelle épinière. Il y a en tout 18 noyaux de nerfs crâniens, 8 étant des noyaux sensoriels, 10 étant des noyaux moteurs (donc 4 parasympathiques). Vous avez peut-être pensé que 18 noyaux est incompatible avec une dizaine de nerfs, mais rappelez-vous que certains nerfs sont à la fois sensoriels et moteurs.

Les nerfs oculomoteurs sont reliés à 4 noyaux moteurs dédiés, qu'on verra dans le chapitre sur la motricité oculaire. Le nerf vestibulo-cochléaire est lui relié à deux noyaux sensoriels, un pour le nerf auditif, un autre pour le nerf vestibulaire. Le nerf hypoglosse a son propre moteur dédié. Les autres noyaux sont reliés aux nerf branchiaux, nerf vague inclus, et l'organisation est alors plus compliquée avec des noyaux partagés entre plusieurs nerfs et d'autres spécifiques.

Liste des noyaux des nerfs craniens
Noyaux purement sensoriels
Nerf cochléo-vestibulaire
  • Noyau cochléaire
  • Noyau vestibulaire
Noyaux purement moteurs
Nerfs oculomoteurs
  • Noyau oculomoteur
  • Noyau trochléaire
  • Noyau abducens
  • Noyau oculomoteur accessoire d'Edinger-Westphal
Nerf hypoglosse Noyau hypoglosse
Noyaux de nerfs mixtes
Noyaux du nerf trigéminal
  • Noyau moteur du nerf trigéminal
  • Noyau sensoriel principal du nerf trigéminal
  • Noyau spinal du nerf trigéminal
  • Noyau mésencéphalique du nerf trigéminal
Nerf facial
  • Noyau moteur du nerf facial
  • Noyau salivaire
  • Noyau du tractus solitaire
Nerf glossopharyngéa
  • Noyau du tractus solitiare
  • Noyau ambigu
  • Noyau salivaire
  • Noyau dorsal du nerf vague
  • Noyau spinal du nerf trigéminal
Nerf vague
  • Noyau dorsal du nerf vague
  • Noyau ambigu
  • Noyau du tractus solitaire
  • Noyau spinal du nerf trigéminal

Les axones sensoriels proviennent eux de ganglions périphériques, les ganglions sensoriels des nerfs crâniens. En tout, il y en a 8 :*

  • le ganglion trigéminal du nerf trijumaux ;
  • le ganglion géniculé du nerf facial ;
  • le ganglion spirale et le ganglion vestibulaire du nerf vestibulaire ;
  • le ganglion supérieur du nerf glossopharyngé ;
  • le ganglion inférieur du nerf glossopharyngé ;
  • le ganglion supérieur du nerf vague ;
  • le ganglion inférieur du nerf vague.

Enfin, il faut parler des ganglions parasympathiques des nerfs crâniens. Les motoneurones centraux émettent des axones vers les ganglions parasympathiques, qui eux-même émettent des axones vers l'oeil ou les autres tissus. Il y a en tout quatre ganglions parasympathiques pour les nerfs craniens : le ganglion ciliaire, le ganglion pterygopalatine, le ganglion otique et le ganglion submandibulaire.

Le nerf cochléovestibulaire

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Le nerf cochléovestibulaire est un nerf sensoriel qui transmet l'audition et l'équilibre. Il est composé de deux nerfs, qui se regroupent en sortie de l'oreille interne : le nerf cochléaire (auditif) et le nerf vestibulaire. Les deux nerfs font synapse chacun sur un noyau distinct dans le cerveau : un noyau cochléaire pour le nerf cochléaire, un noyau vestibulaire pour le nerf vestibulaire. Le nerf auditif nait directement dans l'oreille interne et n'a pas de ganglion associé, alors que le nerf vestibulaire a deux ganglions associés, dont un ganglion vestibulaire principal.

 
Schéma du nerf cochléovestibulaire.

Une lésion du nerf cochléovestibulaire peut entraîner des déficits de type auditifs ou des problèmes d'équilibre. Tout dépend si l'ensemble du nerf est touché, ou seulement un des deux nerfs qui le composent. Si seul le nerf auditif est touché, on observe une perte d'audition pouvant aller jusqu’à la surdité, ainsi que des acouphènes. La lésion du nerf vestibulaire cause des problèmes d'équilibres (une ataxie vestibulaire, pour les puristes), ainsi que des vertiges. L'ensemble de ces symptômes, vertiges et troubles de l'équilibre, est appelé un syndrome vestibulaire. Quand les deux nerfs sont touchés, les troubles auditifs sont observés en même temps que le syndrome vestibulaire : le tout est appelé un syndrome vestibulocochléaire.

Diverses maladies peuvent léser le nerf cochléovestibulaire, mais les principales sont les infections virales ou bactériennes, les tumeurs et les maladies métaboliques. Dans le cas d'une infection, les symptômes sont d'apparition soudaine et touchent souvent les deux côtés (la perte d'audition est bilatérale), sauf en quelques exceptions. Dans le cas des tumeurs ou des maladies métaboliques, l'apparition des symptômes est progressive. L'atteinte est unilatérale dans le cas d'une tumeur, mais bilatérale pour une maladie métabolique (sauf exceptions). Si on omet les infections, la cause plus connue de syndrome vestibulaire est certainement le neurinome acoustique, une tumeur bénigne formée par la prolifération de cellules de Schwann.

Le nerf hypoglosse

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Le nerf hypoglosse est un nerf purement moteur, qui commande les muscles de la langue. Il innerve tous les muscles de la langue, sauf le muscle palatoglosse qui est innervé par le nerf vague. La sensibilité de la langue est prise en charge par d'autres nerfs, à savoir le nerf trijumeau et le nerf glosso-pharyngéal. Il nait dans le noyau hypoglosse, un noyau du tronc cérébral totalement dédié au noyau hypoglosse. Il traverse les os du crane par un canal qui lui est totalement dédié, le canal hypoglosse. Notons qu'il fait un petit bout de chemin aux côtés de branches des nerfs spinaux sortant de C1, C2 et C3.

 
Trajet du nerf hypoglosse.
 
Déviation de la langue causée par une lésion du nerf hypoglosse.

Rappelons qu'il y a deux nerfs hypoglosses et qu'une lésion peut toucher soit un seul nerf, soit les deux. Quand les deux nerfs sont touchés, la langue est totalement paralysée et atone, le patient ne peut plus la bouger. Quand un seul nerf hypoglosse est lésé, un seul côté de la langue est paralysé, ce qui entraîne une déviation de la langue. La langue est déviée d'un côté, plus précisément du côté de la lésion. Elle dévie vers la gauche si le nerf gauche est lésé, vers la droite si le nerf droit est lésé.

La langue peut aussi s'atrophier, du moins pour la partie paralysée, mais cela n'arrive que si la paralysie est suffisamment sévère. On peut aussi observer des tressaillements aléatoires de la langue (des fasciculations, pour être précis).

Les nerfs du visage et de la bouche

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Dans cette section, nous allons parler de plusieurs nerfs qui innervent le visage, la langue et quelques autres portions du crane. Il s'agit du nerf facial, du nerf trijumeau, du nerf glossopharyngéal, du nerf vague. Ils sont regroupés ensemble car ils ont la même origine embryonnaire/évolutive.

Le nerf facial

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Nerf facial, le nerf crânien numéro VII.

Le nerf facial est un nerf au rôle principalement moteur, qui commande la motricité du visage. Il prend naissance dans plusieurs noyaux du tronc cérébral, dont un noyau moteur dédié, qui émettent des axones vers le ganglion géniculé. Il innerve les muscles du visage. Il est relié principalement aux muscles de la bouche, des paupières et du front. Le tout est illustré ci-contre. Dans un tout autre registre, il innerve aussi les glandes lacrymales et salivaires, ce qui lui permet de réguler la production de salive et de larmes.

 
Anatomie du nerf facial, pour la portion du visage.

Plus étrange, il a aussi un rôle sensoriel secondaire, et est impliqué dans la perception du son et du goût. Pour le son, il faut savoir qu'il innerve aussi le muscle stapédien, un muscle attaché au tympan, impliqué dans la perception sonore. Il contient aussi des axones liés à la perception du goût.

Lorsque le nerf facial dysfonctionne, on observe une paralysie du visage, marquée par une déviation de la bouche et une chute des paupières. C'est le symptôme principal, le plus visible, mais il est complété par d'autres symptômes. Par exemple, le patient émet plus de larmes et de salive que la normale. Et c'est sans compter qu'il perd la sensation du goût et entend les sons comme s'ils étaient nettement plus forts. La maladie qui exprime le mieux ce syndrome est la paralysie de Bell, une maladie supposée provenir d'une infection virale liée à l'herpès. Celle-ci se traite assez bien avec une corticothérapie, les symptômes régressant en moins de 24 heures, rarement plus.

 
Paralysie de Bell, illustration stylisée.
 
Paralysie de Bell, photographie.

Le nerf trijumeau

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Le nerf trijumeau est un nerf qui innerve le visage, qui est certainement connu de ceux qui se sont un jour intéressés à la médecine. Le nerf du trijumeau naît dans un ganglion appelé ganglion de Gasser, ou tout simplement ganglion trigéminal. Le trijumeau est formé de trois branches, trois sous-nerfs : le nerf ophtalmique (V1), le nerf maxillaire (V2) et le nerf mandibulaire (V3). Le nom des trois nerfs trahit le territoire qu'ils innervent. Les deux premiers sont des nerfs sensitifs, le dernier étant à la fois moteur et sensitif.

 
Innervation du visage par les nerfs trigéminaux.

Les trois branches innervent des territoires distincts du visage, illustrés dans le schéma ci-dessous. Ils divisent le visage en trois zones, en trois dermatomes si on peut les appeler ainsi.

  • Le nerf trigéminal ophtalmique innerve le pourtour de l’œil et les glandes lacrymales, mais il innerve aussi la muqueuse nasale et les sinus, ainsi que le front.
  • Le nerf maxillaire innerve la muqueuse nasale et les narines, la partie supérieure de la bouche (lèvre supérieure, dents du haut, palais, ...), ainsi que certains sinus.
  • Enfin, le nerf mandibulaire innerve la mâchoire, le menton et la partie inférieure de la bouche (lèvre inférieure, dents du bas, langue). Le nerf mandibulaire émet une sous-branche en direction de la langue, qui porte le nom de nerf lingual.

Les trois nerfs précédents se subdivisent en plusieurs branches, le tout donnant une arborescence de nerfs assez complexe, beaucoup trop complexe pour qu'il la détaille dans ce cours.

 
Branches du nerf trigéminal.

Le nerf trijumeau peut être une source de maladie, soit parce qu'il est coupé/lésé, soit parce qu'il s’enflamme. Une lésion du nerf trijumeau cause une anesthésie du visage et/ou une paralysie des muscles masticateurs. La sensibilité du visage disparaît et il peut apparaître une paralysie du visage et de la mâchoire. Le patient a des perceptions perturbées sur le visage et ne peut plus bien mastiquer.

En dehors des lésions, un dysfonctionnement du nerf trijumeau peut causer une névralgie trigémminale, un syndrome qui comprend de violentes douleurs au visage, parfois accompagnées de paresthésies (picotements ou de sensations de décharges électriques) ou d'une anesthésie du visage. Le symptôme principal est cependant la douleur, une douleur très importante, soudaine, qui ressemble à une salve de décharges électriques. Elle survient souvent quand le patient appuie sur une zone bien précise du visage ou dans la bouche, qui est appelée la zone gâchette. Par exemple, chez certains patients, il suffit d'appuyer légèrement sur le menton pour que se déclenchent les douleurs.

Le nerf glossopharyngéal

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Le nerf glossopharyngéal innerve le pharynx, notamment ses muscles, mais aussi la langue . Et cela explique son nom : glosso- pour la langue, pharyngéal pour le pharynx. Mais il innerve aussi les glandes parotides qui produisent la salive et le palais. Il s'agit d'un nerf partiellement sensitif, partiellement moteur. Il se subdivise en plusieurs branches :

  • Une branche linguale, qui innerve une partie de la langue.
  • Une branche tonsilaire, qui innerve le palais.
  • Une branche vers un muscle du pharynx, le muscle stylo-pharyngien.
  • Une branche carotide, qui innerve l'artère carotide, et notamment des récepteurs de pression.
  • Une branche tympanique, appelée le nerf tympanique qui innerve le tympan et l'oreille interne, mais aussi la glande salivaire parotide.

La branche vers les muscles du larynx est évidemment motrice, les autres branches sont sensitives, à l'exception de l'innervation de la glande salivaire parotide qui est motrice. Le nerf tympanique est donc un nerf à la fois sensitif et moteur. Les noyaux qui sont à l'origine des différentes branches sont assez séparés et sont dispersés dans le tronc cérébral. Il y en a plus d'une dizaine, inutile de tous les lister pour le moment.

 
Le nerf glossopharyngéal, le nerf tympanique n'est pas représenté.

Les nerfs glosso-pharyngien, vague et accessoire (9, 10 et 11), sont très proches les uns des autres et sont même interconnectés par quelques nerfs mineurs. D'ordinaire, ces nerfs sont tous lésés ensemble, la lésion d'un seul de ces nerfs est rare. La lésion de ces nerfs cause des troubles de la déglutition (dysphagie) et de la voix, couplés à d'autres signes plus mineurs. Le principal symptôme est une difficulté à avaler sa nourriture, voire à avaler des liquides, qui peut entraîner des fausses routes alimentaires. Il y a aussi des difficultés à articuler (dysarthrie), ainsi que des changements de la voix, qui devient plus nasillarde (dysphonie). L'atteinte du nerf accessoire peut aussi se traduire par une faiblesse quand il faut tourner de la tête ou bouger les épaules. Le schéma-ci-dessous illustre les connexions entre ces nerfs.

 
Connexions entre le nerf vague et le nerf glossopharyngéal.

Le nerf accessoire

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Muscle sterno-cléido-mastoïdien.
 
Muscle trapèze.

Le nerf accessoire innerve les muscles du cou et de la nuque, notamment les trapèzes situés entre le cou et les épaules. Précisément, il innerve deux muscles, appelés muscle sterno-cléido-mastoïdien et muscle trapèze. C'est donc, évidemment, un muscle moteur impliqué dans les mouvements du cou.

 
Schematic drawing of the accessory and hypoglossal nerves

Le nerf accessoire est classiquement divisé en deux sections séparées, avec une portion crânienne et une portion spinale. La division entre les deux a un lien avec les interconnexions du nerf accessoire avec le nerf vague, les deux échangeant des fibres nerveuses.

La portion crânienne est un nerf crânien proprement dit, qui prend naissance dans un noyau du tronc cérébral appelé le noyau ambigu, mais fusionne très rapidement avec le nerf vague. Il n'a aucun lien avec la motricité des muscles du cou ou des épaules, mais contient des fibres parasympathiques typiques de celles du nerf vague. Il est souvent considéré comme faisant partie du nerf vague, bien qu'il soit partiellement collé au nerf accessoire chez une bonne partie des sujets.

La portion spinale, quant à elle, nait dans la moelle épinière. Elle sort de la moelle épinière au niveau des nerfs spinaux C1 à C5, donnant 5 mini-nerfs, qui fusionnent ensuite pour donner le nerf accessoire spinal. Il rentre alors dans le crane au niveau du foramen magnum, un trou à la base du crâne qui laisse passer la moelle épinière et d'autres fibres nerveuses.

La portion spinale et crânienne fusionnent sur une petite portion, pour donner naissance au nerf accessoire proprement dit. Mais les deux restent séparées dans le nerf en question. Il faut imaginer deux nerfs regroupés en entourés d'une même gaine. Le nerf accesoire ressort du crâne par un autre foramen, puis les deux branches se séparent en une branche interne à destination du nerf vague, et une branche externe qui se connecte aux muscles du cou. Il suit alors un trajet assez compliqué jusqu'aux deux muscles à innerver.

 
Nerf accessoire : portion crânienne et spinale.

Le nerf vague

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Après avoir passé en revue les nerfs crâniens et spinaux les plus important, voyons en détail le nerf vague, l'un des nerf les plus long du corps humain. Il a la particularité d'être le nerf crânien le plus long. Je précise : nerf crânien, beaucoup de nerfs spinaux sont plus longs. Il appartient techniquement au système nerveux autonome et contient à la fois des fibres sensorielles et motrices.

Il est émis à la base du cerveau et se ramifie en plusieurs branches qui innervent le cœur, la trachée, le larynx, l'estomac, et bien d'autres organes. Une première branche innerve directement le larynx, ce qui permet de commander la parole/phonation. Il innerve aussi le cœur, l’œsophage et la trachée. Nous reparlerons de ce nerf dans une section dédiée.

Le trajet du nerf vague dans le corps

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Nerf vague.

Plus haut, nou avons vu que le nerf vague est innerve le cœur, la trachée, le larynx, l'estomac, et bien d'autres organes. Mais le trajet qu'il prend dans le corps pour innervent toutes ces structures est assez compliqué. Il sort du cerveau et une première branche s'individualise sous le cou pour innerver directement le larynx (en vert dans le schéma ci-contre). En dessous de cette première branche, le nerf vague descend avant de se subdiviser encore une fois. Une seconde branche innerve le cœur, alors que la troisième passe sous l'aorte, remonte, et innerve l’œsophage et la trachée.

Le chemin tarabiscoté que prend le nerf vague et ses branches ne s'explique que par l'évolution des espèces. Le nerf vague est apparu chez les "poissons", où il reliait le cerveau aux branchies. Le trajet du nerf était alors fort simple, le cœur et les poumons ne faisant pas obstacle, la seule contrainte était que le nerf devait se faufiler entre quelques vaisseaux sanguins. Par la suite, certains "poissons" ont évolué en tétrapodes, puis en vertébrés et en mammifères. Les branchies ont alors évoluées pour donner le larynx, les vaisseaux sanguins sortants du cœur ont été conservés et ont donné l'aorte.

Le nerf vague a été conservé, mais il a été obligé de s'adapter à la nouvelle morphologie des vertébrés. Le fait est que le cœur et le cerveau se sont éloignés. Les vertébrés ont commencé à développer un cou, ce qui a éloigné le larynx du cerveau, sans compter que le cœur est descendu avec le développement de la poitrine. En conséquence, le trajet larynx-cœur s'est éloigné, de même que le trajet cœur-cerveau. Mais le nerf vague a continué à se faufiler entre les vaisseaux sanguins, qui ont donné l'aorte, ce qui fait qu'il fait toujours le trajet cerveau -> coude de l'aorte -> larynx. D'où son trajet aussi tarabiscoté. Changer son trajet aurait demandé de lourdes modifications dans le développement embryonnaire du système nerveux, ce que les mutations aléatoires n'ont pas permis.

Les fonctions du nerf vague

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Au-delà de son trajet tarabiscoté, les fonctions du nerf vague sont plus simples à comprendre mais sont assez variées.

Le nerf vague innerve le cœur, d'où son rôle sur le contrôle du rythme cardiaque (et son implication probable dans certaines morts subites). Toute stimulation du nerf vague provoque la libération d'acétylcholine au niveau du cœur, ce qui réduit le rythme cardiaque. Ce qui peut être la cause de malaises, appelés malaises vagaux (vagal => vague), dans certaines circonstances. Ceux-ci se produisent quand le système nerveux autonome défaille temporairement : le nerf vague va alors mal contrôler le rythme cardiaque, ce qui peut causer une syncope.

Le nerf vague innerve le pharynx et le larynx par deux voies séparées, par deux collatérales. La première est le nerf laryngé supérieur, qui sort du nerf vague au niveau de la gorge et innerve directement le pharynx. C'est un nerf totalement sensitif, à l’exception du fait qu'il innerve le muscle circo-thyroïdien. La seconde voie est le nerf laryngé inférieur, aussi appelé nerf laryngé récurrent, la branche du nerf vague qui remonte vers la gorge après être passée sous l'aorte et innerve l’œsophage et le pharynx/larynx. C'est un nerf moteur qui innerve tous les muscles du larynx, à l'exception du muscle circo-thyroïdien innervé par le nerf laryngé supérieur. Si le nerf laryngé supérieur s'occupe de la sensibilité de la gorge, alors que le nerf laryngé inférieur joue un grand rôle dans la voix et la parole. Ce dernier commande notamment les cordes vocales. Le nerf laryngé inférieur est proche de la thyroïde, ce qui fait qu'il peut être endommagé lors d'une chirurgie de la thyroïde.

Le nerf vague innerve aussi le tube digestif, notamment l’œsophage et l'estomac, mais aussi le foie et la pancréas. Pour ce qui est de l'estomac, il innerve le pylore, une partie de l'estomac qui fait la jonction avec l'intestin. Il innerve aussi les cellules qui produisent le suc gastrique, une stimulation du nerf vague augmente la production de suc gastrique. Une coupure totale du nerf vague empêche l'estomac de se vider dans l'intestin. Une coupure plus sélective empêche la sécrétion du suc gastrique, ce qui en faisait un traitement des ulcères avant qu'on découvre que les ulcères sont causés par une bactérie.

Le nerf vague ne fait pas qu'innerver le corps, mais il innerve aussi le cerveau. Près de 80% des fibres du nerf vague atterrissent dans le cerveau, principalement au niveau du tronc cérébral. Cette innervation a son importance, au point qu'elle a des applications médicales dans le traitement de l'épilepsie ou de la dépression. La stimulation du nerf vague est une de ces applications. Elle consiste à stimuler électriquement le nerf vague, afin de stimuler certaines régions cérébrales. La stimulation est réalisée par une sorte de "pacemaker" placé autour ou à proximité du nerf vague, qui envoie un très faible courant à intervalle régulier dans le nerf vague. Cette technique est autorisée dans certains cas graves d'épilepsie ou de dépression résistantes aux médicaments. Ses effets secondaires sont compatibles avec ce qui a été dit précédemment : un ralentissement assez faible du rythme cardiaque chez certains patients, quelques modifications transitoires de la voix, etc.