Neurosciences/Le tronc cérébral

Le tronc cérébral est composé d'un grand nombre de noyaux fortement reliés entre eux, qu'il est très difficile de décrire simplement. La complexité du tronc cérébral fait qu'il vaut mieux lui dédier un chapitre complet, par souci de clarté. Le tronc cérébral contient à la fois de la substance grise (neurones) que de la substance blanche (axones myélinisés). La substance blanche est surtout composée de faisceaux qui poursuivent les voies ascendantes/descendantes et traversent le tronc cérébral sur la majeure partie de sa longueur. Le tronc cérébral se limite à des noyaux enfouis dans la substance blanche et ne contient aucun cortex (couches de neurones).

Tronc cérébral.

Ces noyaux ont chacun des rôles plus ou moins distincts : ils peuvent être aussi bien des noyaux moteurs que des noyaux sensoriels, si ce n'est des noyaux d'association. Ainsi, certains traitent ou relaient des informations sensorielles, qu'elles soient auditives, visuelles ou autres, alors que d'autres relaient/traitent des commandes motrices. D'autres noyaux ont des rôles plus larges ou mal connus, avec une influence sur la cognition, le noyau du Raphé en étant un bon exemple. Une bonne partie de ces noyaux sera étudié en détail dans les chapitres portant sur les sens ou la motricité. Par exemple, nous étudierons les noyaux cochléaires dans le chapitre sur l'audition, les noyaux vestibulaires dans le chapitre sur l'équilibrioception, et ainsi de suite. Nous allons cependant survoler les principaux noyaux, en donnant si possible quelques détails sur leur fonctionnement dans ce qui suit. Les noyaux principaux sont les noyaux des nerfs crâniens.

L'anatomie en largeur (coupe-section) du tronc cérébral

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Coupe section du tronc cérébral.

Dans la section suivante, nous verrons comment s'organise le tronc cérébral sur sa longueur. Mais il est aussi possible de diviser le tronc cérébral non pas sur sa longueur, mais sur sa largeur, en coupe-section. On s’aperçoit alors que le tronc cérébral est composé de deux à trois subdivisions selon l'étage. On distingue une région ventrale, une région dorsale appelée le tegmentum, et une région qui n’apparaît que dans le mésencéphale : le tectum.

La région ventrale est séparée du tegmentum par l’aqueduc de Sylvius, une sorte de canal qui relie le 3ème et le 4ème ventricule (on abordera les ventricules plus tard, dans un futur chapitre). La région ventrale contient surtout des faisceaux de matière blanche, dont la plupart se prolongent dans la moelle épinière. Tel est le cas du faisceau cortico-spinal, qui transmet les commandes motrices volontaires. Le tegmentum est lui-même composé de plusieurs formations. Parmi celles-ci, on trouve la formation réticulée, un lacis de noyaux et de fibres nerveuses assez complexe, lui-même formé de trois colonnes.

La formation réticulée

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La formation réticulée est une structure complexe, qui mélange divers noyaux et un ensemble de fibres entrelacées très difficile à décrire. La formation réticulée a la forme d'une bande grise qui court sur toute la longueur du tronc cérébral. Elle est entremêlée avec divers noyaux, dont les noyaux des nerfs crâniens. Cette formation émet des axones dans tout le cerveau, et notamment dans la totalité du télencéphale. La formation réticulée est divisée en trois colonnes : une colonne centrale qui contient les noyaux du raphé, une colonne médiane et une colonne latérale. La colonne médiane est composée de neurones de grande taille, alors que la colonne latérale est composée de neurones de petite taille.

Les scientifiques ont depuis longtemps subdivisé la formation réticulée en deux systèmes fonctionnels distincts : un système réticulé ascendant/activateur qui maintient l'état d'éveil, et un système réticulé descendant.

Le système réticulaire descendant a plusieurs fonctions, qui vont de la modulation de la douleur à la commande de la motricité extrapyramidale. Il est à l'origine d'un des faisceaux de la substance blanche de la moelle épinière, le faisceau réticulospinal, une sous-portion du faisceau extrapyramidal (n'hésitez pas à consulter le chapitre sur la moelle épinière pour des rappels). La formation réticulée descendante commande les muscles du maintien de la posture, ainsi que les muscles qui gèrent les mouvements fins, précis. D'autres portions de ce faisceau jouent un rôle dans la modulation de la douleur.

En comparaison, le système réticulaire ascendant joue un grand rôle dans l'état de veille, l'attention, la vigilance et l'activation physiologique (l'intensité de l'état de veille). Lors de l'éveil, ces axones excitent les aires cérébrales de destination, donnant naissance à une activité électrique minimale au repos, ce qui permet de maintenir le sujet éveillé ou conscient. Lors du sommeil, cette formation diminue son activité, mais ne l'annule pas totalement. Une lésion de cette structure peut causer un coma irréversible, alors que sa stimulation induit un éveil soutenu. Outre son rôle dans la vigilance et l'éveil, elle influence aussi la perception de la douleur ainsi que la motricité. Nous reparlerons plus loin de ces deux systèmes, dans les chapitres sur la motricité extrapyramidale et le sommeil.

La colonne centrale : les noyaux du Raphé

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Les noyaux du Raphé sont des noyaux regroupés dans la colonne centrale de la formation réticulée, cette colonne contenant plusieurs noyaux. Suivant les nomenclatures, le nombre de noyaux du Raphé varient, allant de seulement deux à trois noyaux à plus de neufs noyaux notés B1, B2, ... , B9. Certains de ces noyaux ont un nom plus commun : le noyau obscurus, le noyau pallidus, le noyau magnus, le noyau pontin, le noyau central supérieur et le noyau dorsal. Les noyaux localisés dans la moelle allongée (bulbe rachidien) innervent la moelle épinière, et notamment les interneurones qui transmettent la douleur. Ces innervations permettent de contrôler les sensations douloureuses, leur intensité.

Les noyaux localisés dans le reste du tronc cérébral secrètent de la sérotonine dans tout le cerveau. Les axones de ces noyaux innervent aussi bien le cervelet que le cortex ou d'autres structures cérébrales. Ces axones qui innervent le cerveau ont un effet stimulant sur celui-ci, qui maintient l'état d'éveil. Par contre, une lésion de ces centres induit une insomnie. Vu leur rôle, on devine rapidement qu'ils font partie intégrante du système réticulée ascendant. Ils sont aussi impliqués dans la régulation de l'humeur, avec un effet indirect sur l'impulsivité et l'agressivité. La raison à cela est que la sérotonine, émise en grande partie (mais pas seulement) par les noyaux du raphé, a un rôle prédominant dans la régulation de l'humeur.

 
Cette image montre les axones émis par les noyaux du Raphé. On voit que ceux-ci innervent la quasi-totalité du télencéphale, ainsi que le cervelet et certaines parties du diencéphale.

Les noyaux des nerfs crâniens

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Nerfs crâniens moteurs.
 
Nerfs crâniens sensoriels.

Le tronc cérébral contient aussi les noyaux des nerfs crâniens, à l'exception des nerfs olfactifs et optiques. On peut classer les noyaux des nerfs crâniens en plusieurs groupes, selon leur origine embryonnaire/évolutive. Les nerfs optiques et olfactifs forment un groupe à part, vu qu'ils ne se connectent pas au tronc cérébral, mais innervent le cerveau antérieur (le diencéphale, pour être précis). Le groupe des nerfs qui commandent les mouvements des yeux contient : le nerf oculo-moteur commun, le nerf trochléaire et le nerf oculo-moteur externe. Les cinq nerfs restant sont ce que l'on appelle les nerfs branchiaux. Ce nom vient du fait que ces nerfs proviennent à la base des nerfs qui innervent les branchies des poissons.

Nerfs diencéphaliques Nerf optique
Nerf olfactif
Nerfs oculo-moteurs Nerf oculo-moteur commun (III)
Nerf trochléaire ou pathétique (IV)
Nerf oculo-moteur externe ou abducens (VI)
Nerfs branchiaux Nerf trijumeau (V)
Nerf facial (VII)
Nerf glosso-pharyngien (IX)
Nerf vague ou pneumogastrique (X)
Nerf spinal ou accessoire (XI)
Nerf hypoglosse (XII)
Nerf vestibulo-cochléaire ou auditif (VIII)

La disposition des noyaux de nerfs crâniens dans le tronc cérébral suit une certaine logique. On observe en effet que les noyaux s'organisent en colonnes plus ou moins fines, formées par des noyaux qui se suivent, en forme de chaines. Cette organisation dérive de l'évolution embryonnaire du cerveau. Le système nerveux embryonnaire démarre sous la forme d'un tube qui ressemble à une ébauche de moelle épinière : le tube neural. Par la suite, le tube neural se scinde en plusieurs colonnes, qui elles-mêmes se subdivisent en noyaux sur leur longueur. Une fois formés, les noyaux des nerfs crâniens ne migrent pas et restent en place. Leur position conserve donc l'organisation en colonnes sur une bonne partie du tronc cérébral.

L'anatomie en longueur du tronc cérébral

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Tronc cérébral.

On a vu il y a quelques chapitres que le cerveau se développait à partir de cinq protubérances : le myélencéphale, le métencéphale, le mésencéphale, le diencéphale et le télencéphale. Au cours du développement, celles-ci se subdivisent en aires cérébrales distinctes. Le tronc cérébral regroupe myélencéphale, métencéphale et mésencéphale, tandis que le reste du cerveau contient le diencéphale et le télencéphale. On a ainsi une première subdivision du tronc cérébral en trois étages, sur sa longueur.

  • Le myélencéphale est aussi appelé le bulbe rachidien, ou encore la moelle allongée. Ce dernier terme illustre bien l'anatomie du myélencéphale, qui est similaire à celle de la moelle épinière. La matière grise est localisée au centre de la moelle allongée, la substance blanche entourant celle-ci. La différence avec la moelle épinière tient dans la présence de quelques noyaux, sources de nerfs crâniens divers.
  • Le pont de Varole, ou métencéphale, se situe en dessous du cervelet. Il ressemble à une sorte de renflement sur la face ventrale du tronc cérébral. Il sert de relai aux axones moteurs et sensoriels et prend en charge certaines fonctions autonomes. De nombreux noyaux de nerfs crâniens sont présents dans le pont, comme les noyaux des nerfs vestibulaires, salivaires, etc.
  • Le mésencéphale est une structure beaucoup plus complexe, qui surmonte toutes les autres.

Dans ce qui va suivre, nous allons voir les noyaux qui sont localisés uniquement dans une des trois sections précédentes. Nous ne reparlerons pas des noyaux de nerfs crâniens ou de la formation réticulée, mais verrons surtout les noyaux qui n'appartiennent pas à ces structures.

Le myélencéphale

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Les noyaux de la moelle allongée sont essentiellement consacrés à la gestion du système nerveux périphérique autonome, qu'il soit sympathique ou parasympathique. Ils gèrent ainsi la pression sanguine, le rythme cardiaque, la respiration, ainsi que les réflexes de salivation, vomissement, mastication et autres.

On y trouve le centre respiratoire, un noyau qui s'occupe de l'inspiration et de l'expiration. Ce centre reçoit des informations comme le PH et le taux de dioxyde de carbone dissous du sang, histoire d'augmenter la fréquence de respiration suivant les besoins. Si ce centre est atteint, la mort par cessation de la respiration est immédiate.

Plus important, on y trouve le noyau du tractus solitaire, un noyau impliqué dans le gout, la régulation cardiovasculaire et la sensibilité digestive. Il est composé de plusieurs sous-noyaux distincts, aux fonctions assez diverses. Il reçoit des afférences en provenance du tube digestif, de capteurs respiratoires et cardiaques dispersés dans l'organisme, ainsi que de la langue. Ces afférences ne se mélangent pas et atterrissent dans des sous-noyaux séparés. Les afférences provenant de la langue sont impliqués dans la perception du gout, et atterrissent dans un noyau spécialisé : le noyau gustatif. Les afférences en provenance du tube digestif font synapse avec le centre du vomissement, dont le nom parle de lui-même. Enfin, parlons des afférences provenant des capteurs respiratoires et cardiaques. Ceux-ci perçoivent la teneur en CO2 ou en O2 du sang, son pH, la pression sanguine, etc. Ils sont surtout localisés dans l'aorte et les carotides, mais on peut parfois en trouver ailleurs (dans les méninges, par exemple). Ils font synapses sur une colonne de noyaux qui s'occupent de réguler la respiration et le rythme cardiaque, ainsi que la pression sanguine. Ces noyaux sont donc un centre de régulation cardiovasculaire cérébral. Ils communiquent avec d'autres noyaux impliqués dans la respiration, avec le nerf vague, et bien d'autres encore.

On y trouve aussi l'olive bulbaire, composée d'une olive inférieure et supérieure : l'olive supérieure a un rôle de traitement des informations auditives alors que l'olive inférieure reçoit des informations via des axones en provenance du cortex moteur et envoie des axones dans le métencéphale.

C'est aussi dans la moelle allongée qu'on trouve les noyaux des nerfs crâniens qui transmettent la sensibilité du visage et en gèrent la motricité.

  • Le premier est le noyau ambigu contrôle la mastication et a un rôle dans la parole.
  • Le second est le noyau salivaire inférieur contrôle la salivation par les glandes salivaires.
  • Et enfin, on y trouve aussi le noyau du nerf vague.

Le métencéphale

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Le pont de Varole contient divers noyaux, dont le plus connu est manifestement le locus coerulus. Il s'agit d'un noyau qui projette des axones à noradrénaline et à acétylcholine dans tous le cerveau. Fait étrange, les neurones de ce noyau sont remplis d'une substance de couleur noire, la mélanine. Sa présence en faible quantité fait que le locus coerulus a une belle couleur bleue, qui lui a donné son nom (noyau coloré en latin). L'activité de ce noyau favorise l'attention et la vigilance : une activité intense dans ce noyau entraine généralement une amélioration de la vigilance et de l'attention. Ce noyau subit des pointes d'activité transitoires lors de la présentation de stimulus salients. Ce noyau est impliqué dans les réponses au stress ou à la peur : la stimulation de ce noyau a tendance à entrainer de l'anxiété. Les anxiolytiques diminuent l'activité cérébrale dans ce noyau, de même que les antidépresseurs noradrénergiques. Il est totalement inactivé dans certaines phases du sommeil, le sommeil paradoxal pour être précis.

Les noyaux pédiculopontiques sont un ensemble de noyaux qui émettent de l'acétylcholine dans l'ensemble du cerveau. Ils sont impliqués dans diverses fonctions, la principale étant l'activité cholinergique liée à l'éveil ou au sommeil paradoxal.

Enfin, on trouve aussi d'autres noyaux qui communiquent avec le cervelet : les pédoncules cérébrelleux. Nous verrons ceux-ci plus en détail dans le chapitre sur le cervelet.

Le mésencéphale

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Schéma simplifié du mésencéphale.
 
Schéma plus détaillé du mésencéphale.

On a vu plus haut que le tronc cérébral est traditionnellement divisé en une région ventrale et un tegmentum. Au niveau du mésencéphale, il faut y ajouter une troisième subdivision : le tectum. Ce dernier n'est présent que dans le mésencéphale, là où le tegmentum est présent dans toute la longueur du tronc cérébral.

Le tectum prend en charge un certain nombre de réflexes oculaires et auditifs, comme les réflexes liés à la pupille ou aux muscles du tympan. Le reste du mésencéphale est appelé l'ensemble des pédoncules cérébraux. Il est découpé en deux parties : le colliculus inférieur et le colliculus supérieur. Le premier fait partie du système auditif, avec de nombreuses autres aires cérébrales. Sa fonction, très spécialisée, est de localiser la source d'un son, sa position dans l'espace. Le colliculus supérieur a une fonction totalement différente : il ne fait même pas partie du système auditif, mais appartient aux systèmes visuel et moteur. Sa fonction principale est de diriger le regard vers les objets à regarder. Pour cela, il commande les saccades oculaires (les mouvements des yeux).

Le tegmentum et la région ventrale sont séparés par la substance noire, une structure de couleur noire en forme de bandes. La région ventrale est appelée le pied, ou encore le crux cerebis. Le pied est surtout composé de faisceaux qui prennent naissance dans le cortex cérébral, les plus importants étant les faisceaux moteurs (pyramidaux). La substance noire est un amas de neurones dopaminergiques impliqué dans la motricité, connue pour être l'aire dont la dégénérescence cause la maladie de Parkinson. Chez le parkinsonien, les neurones de cette zone meurent prématurément, ce qui se traduit par des gestes rigides et saccadés, des mouvements lents et rares, des tremblements, et parfois des troubles intellectuels légers et une baisse de la mémoire ou de la motivation. Elle est divisée en une pars compacta et une pars reticula. Nous verrons cette aire plus en détail dans le chapitre sur les ganglions de la base.

Le tegmentum regroupe divers noyaux. Parmi ceux-ci, il nous faut citer le noyau rouge, appelé ainsi à cause de sa couleur légèrement rougeâtre, qui vient de la présence de pigments ferriques dans ses neurones. Ce noyau reçoit des axones provenant du cervelet et des aires motrices du cortex cérébral. On devine ainsi qu'il s'agit d'un noyau essentiellement moteur. Il émet des axones qui se rassemblent pour former un des faisceaux de la moelle épinière : le faisceau rubro-spinal de la substance blanche, appartenant à la voie extra-pyramidale. Le noyau rouge commande les muscles de la posture et joue donc un rôle certain dans le maintien de l'équilibre. Chez les vertébrés "peu évolués", le noyau rouge est la seule aire cérébrale qui prend en charge l'équilibre et le maintien de la posture. Mais chez les animaux "plus évolués", ce rôle est maintenant dévolu principalement au cervelet, le noyau rouge ayant un rôle mineur et/ou plus spécialisé.

Il faut aussi parler d'un noyau de neurones dopaminergiques qui gère le plaisir suite à une récompense : l'aire tegmentale ventrale. Elle contient de nombreux neurones dopaminergiques qui envoient des axones dans tout le cerveau. Elle est impliquée dans la motivation et la cognition. Elle jouerait un rôle dans les addictions, la dépression, et potentiellement dans les troubles bipolaires et la schizophrénie.

Les syndromes et maladies du tronc cérébral

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Le tronc cérébral est une structure anatomique assez vaste, aux fonctions multiples et variées. Toute lésion dans le tronc cérébral a des conséquences très variables, qui mêlent symptômes moteurs, sensoriels, végétatifs, et autres. En théorie, les fonctions cognitives et intellectuelles sont épargnées après une lésion du tronc cérébral, peu importe sa localisation. Mais on ne peut en dire autant du reste. Précisons que les syndromes du tronc cérébral sont très nombreux, et qu'il n'est pas pertinent de tous les aborder. Raison pour laquelle, dans cette section, nous allons voir quels sont les syndromes les plus communs que l'on peut observer après une lésion du tronc cérébral.

Rarement, un noyau ou un faisceau est atteint de manière isolée, sans que les autres structures du tronc soient touchées. Les déficits induits par cette lésion sont alors assez clairs et précis et donnent ce qu'on appelle des syndromes purs. Mais dans la réalité, plusieurs noyaux et/ou faisceaux sont touchés lors d'un AVC ou d'un traumatisme important, ce qui fait que la symptomatologie d'une lésion est la somme de plusieurs syndromes purs. En général, les lésions sont causées par un AVC, de type ischémique, ce qui fait que c'est le territoire de perfusion d'une artère qui est lésé. Les déficits obtenus sont la somme des syndromes associés aux noyaux et faisceaux perfusés par l'artère. Dans ce qui suit, nous allons étudier les syndromes purs, puis les syndromes combinés.

L'atteinte isolée d'un noyau/faisceau du tronc cérébral

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Les symptômes qui font suite à une lésion du tronc cérébral peuvent se déduire assez facilement quand on sait ce que contient le tronc cérébral : les noyaux des nerfs crâniens, les faisceaux ascendants/descendants, et la formation réticulée. Ces trois structures peuvent être atteintes suite à une lésion, donnant des symptômes divers.

Symptômes d'une atteinte du tronc cérébral
Noyaux des nerfs crâniens Symptômes dépendants du noyau touché.
  • Vertiges (noyaux cochléovestibulaire).
  • Troubles des mouvements oculaires (noyau du nerf oculomoteur commun, noyau du nerf pathétique, noyau du nerf oculomoteur externe).
  • Déviation de la langue, paralysie linguale (noyau du nerf hypoglosse).
  • Perte de la sensibilité et de la motricité du visage (noyau du nerf trijumeau ou du nerf facial, ...).
  • Dysarthrie (difficultés à articuler), dysphagie (difficultés pour avaler).
  • Diplopie, cécité, troubles visuels.
  • ...
Faisceaux ascendants
  • Perte de la sensibilité du corps (sur une moitié du corps pour une lésion unilatérale, sur la totalité du corps pour une lésion bilatérale).
Faisceaux descendants
  • Paralysie : hémiplégie, quadriplégie
  • Faiblesse musculaire, dans les cas les moins graves.
  • Ataxie, dans les cas les moins graves.
Formation réticulée
  • Troubles de la vigilance/conscience
  • Perturbations motrices : paralysie, hémiplégie, ...

Une lésion des noyaux de nerfs crâniens peut causer des troubles de la motricité et de la sensibilité du visage, alors que les lésions des faisceaux tendent à obérer la motricité/sensibilité du corps. Avec les lésions unilatérales (d'un côté du tronc), la perte de sensibilité/motricité ne touche qu'un seul côté du visage/corps, donnant une hémiplégie/hémiparésie ou la perte de la sensibilité sur une moitié du corps/visage. Les lésions de la formation réticulée donnent des troubles de la conscience, pouvant aller jusqu’au coma, parfois accompagnés de troubles moteurs caractéristiques.

Les syndromes alternes du tronc cérébral

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Les lésions unilatérales du tronc cérébral causent une lésion de plusieurs noyaux de nerfs crâniens, couplée à la lésion d'un faisceau ascendant/descendant. Elles ont une symptomatologie assez particulière au niveau sensitif/moteur, qui leur vaut le nom de syndromes alternes. Elles se caractérisent par au moins un des deux symptômes suivants :

  • Une perte des sensations controlatérale pour le corps, mais ipsilatérale pour le visage.
  • Une perte de la motricité (paralysie, faiblesse musculaire) controlatérale pour le corps, mais ipsilatérale pour le visage.

Comme on le voit, le côté du corps touché n'est pas le même que le côté du visage atteint. Cela s'explique par les faits suivants. C'est dans le tronc cérébral que les faisceaux/nerfs changent de côté pour innerver le corps. Par exemple, les fibres sensorielles ascendantes provenant du côté droit du corps vont passer du côté gauche, et réciproquement (même chose pour les fibres motrices). Par contre, ce n'est pas le cas pour les nerfs crâniens, qui restent du même côté du corps. Toute lésion unilatérale (d'un côté) du tronc cérébral va donc léser le faisceau innervant la moitié du corps, alors que les noyaux des nerfs crâniens innervent le visage de l'autre côté.

Le syndrome latéral médullaire (de Wallenberg)

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Syndrome de Wallenberg.

Le syndrome alterne le plus fréquemment rencontré par les neurologues est le syndrome de Wallenberg. Il apparaît quand un AVC a lieu dans l'artère cérébelleuse inféro-postérieure, qui alimente en sang le cervelet et la moelle allongée, ou dans une artère proche. Les noyaux et faisceaux suivants sont touchés : le faisceau spino-thalamique, les faisceaux sympathiques, le noyau vestibulaire, le cervelet, et quelques autres noyaux. En général, le syndrome n'est pas complet chez la plupart des patients, qui ne montrent qu'une partie des symptômes. Mais sa présentation classique est la suivante :

Du côté de la lésion (côté ipsilatéral) Du côté opposé à la lésion (côté controlatéral)
Symptôme Localisation de la lésion (ipsilatérale) Symptôme Localisation de la lésion (controlatérale)
Syndrome de Claude-Bernard-Horner. Fibres sympathiques
Syndrome vestibulaire (vertiges, perte de l'équilibre, chutes, nausées, vomissements).

Syndrome cérébelleux (ataxie, nystagmus, pertes d'équilibre, vertiges, ...).

Noyau vestibulaire

Cervelet

Paralysie de l'hémi-voile, l'hémi-pharynx et de la corde vocale, qui entraîne dysphagie, dysphonie et dysarthrie. Noyau ambigu
Anesthésie thermoalgique (perte de la douleur et des sensations de chaleur/froid) sur le visage. Noyau du trijumeau Anesthésie thermoalgique (perte de la douleur et des sensations de chaleur/froid) sur le corps. Faisceau spino-thalamique.
Parfois, ce syndrome se complète d'une hémiplégie/hémiparésie controlatérale. On parle alors d'un syndrome de Babinski-Nageotte.

Plus rarement on peut observer, du côté de la lésion :

  • Des douleurs dans le visage, avec une perte de sensibilité facile - atteinte du noyau du trijumeau.
  • Une réduction du goût, voir une agueusie (perte totale du goût) - atteinte du noyau gustatif.
  • Une paralysie de la langue - atteinte du noyau hypoglosse.

Le syndrome médullaire médian (de Dejerine)

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Le syndrome de Dejerine se caractérise par une lésion du noyau hypoglosse, du faisceau pyramidal, et du lemnisque médian (faisceau qui suit les colonnes dorsales de la moelle épinière). Il se traduit par :

  • une déviation de la langue du côté de la lésion, causée par la lésion du noyau hypoglosse ;
  • une faiblesse musculaire/paralysie du côté controlatéral à la lésion, causée par la lésion du faisceau pyramidal ;
  • et enfin une perte des sensations tactiles sur le côté controlatéral du corps, causé par la lésion du lemnisque médian.
Il est souvent accompagné d'un syndrome de Wallenberg.

Les syndromes pontiques

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Les syndromes de cette section ont pour origine une atteinte du métencéphale (le pont de Varole). Ils sont assez nombreux, aussi nous allons nous concentrer sur les principaux. Pour la plupart, ils ont pour symptôme une paralysie ou du moins une parésie, controlatérale. Sa cause est une lésion du faisceau pyramidal, qui traverse le pont de Varole. Précisons d'ailleurs que tout syndrome du tronc cérébral peut entraîner une paralysie par section du faisceau pyramidal, et pas seulement les syndromes pontiques. Même chose pour les autres faisceaux spino-thalamique et spino-corticaux, ce qui peut entraîner une anesthésie tactile et/ou thermoalgique, controlatérale pour le corps, mais ipsilatérale pour le visage. Un syndrome de Horner est aussi possible, vu que les fibres sympathiques parcourent le pont de Varole. La différence entre les syndromes pontiques se fait sur les noyaux des nerfs crâniens touchés par la lésion.

Le syndrome de Millard-Gubler , aussi appelé syndrome du pont ventral, est causé par une lésion des noyaux des nerfs crâniens moteurs 6 et 7, en plus de la lésion du faisceau pyramidal. Le syndrome pyramidal se couple donc avec d'autres symptômes moteurs. La lésion du noyau 6 entraîne une paralysie oculaire pour les mouvements latéraux, une diplopie et un strabisme. La lésion du noyau 7 cause une paralysie facile ipsilatérale.

Les syndromes mésencéphaliques

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Les syndromes précédents surviennent suite à des lésions dans le pont de Varole ou la moelle allongée, éventuellement accompagnées de lésions au cervelet. Dans cette section, nous allons aborder les syndromes causés par une lésion du mésencéphale. Nous les voyons dans une même section, car ils sont tous très ressemblants et qu'ils partagent des symptômes communs, au point qu'il est très difficile de les distinguer. Il s'agit des syndromes de Claude, Benedict et Weber. Les autres syndromes mésencéphaliques sont beaucoup plus rares que le syndrome de Weber, avec une prévalence bien plus faible.

Dans tous les symptômes mésencéphaliques, on observe un même ensemble commun de symptômes, qui regroupe :

  • Des troubles oculomoteurs ipsilatéraux : paralysie oculaire, pupilles dilatées, chute des paupières (ptosis), etc.
  • Des troubles moteurs controlatéraux, qui dépendent du syndrome considéré : ataxie, tremblements ou hémiparésie/hémiplégie.

Les trois syndromes considérés se traduisent par des lésions des noyaux oculomoteurs, qui entraînent les troubles oculaires mentionnés plus haut. Les symptômes moteurs dépendent du syndrome. Dans le syndrome de Weber, le trouble moteur de ce syndrome est une hémiparésie/hémiplégie corporelle (les membres et éventuellement le reste du corps est paralysé), controlatérale. Il est causé par une atteinte des noyaux oculomoteurs couplée à une lésion du faisceau pyramidal, sans atteinte supplémentaire. Dans le syndrome de Claude et le syndrome de Benedict, on observe des lésions du noyau rouge et du cervelet, en plus des lésions des noyaux oculomoteurs. Cela se traduit par l'apparition d'une ataxie et/ou de tremblements, complémentaires de l’hémiparésie/hémiplégie. La différence entre les trois syndromes se fait sur le symptôme moteur prédominant : hémiparésie pour le syndrome de Weber, ataxie pour le syndrome de Benedict, tremblement pour le syndrome de Benedict.

Syndromes mésencéphaliques
Syndrome de Weber Syndrome de Claude Syndrome de Benedict Localisation de la lésion responsable du symptôme
Symptômes Troubles oculomoteurs : paralysie oculaire, ptosis, pupilles dilatées, etc. Noyaux des nerfs crâniens oculomoteurs
Hémiplégie/hémiparésie controlatérale Faisceau cortico-spinal (pyramidal)
Ataxie Cervelet, noyau rouge
Tremblements Cervelet, noyau rouge

Dans les faits, il n'est pas rare que d'autres manifestations neurologiques s'y ajoutent. Par exemple, on peut observer un syndrome parkinsonien, résultant d'une atteinte de la substance noire, proche des autres structures lésées. Ou encore, on peut observer des problèmes linguaux, causés par une atteinte du noyau hypoglosse et du faisceau cortico-bulbaire. Si le syndrome de Weber est un très mauvais signe à court-terme, les patients qui survivent récupèrent bien dans le cas général, à condition que le syndrome de Weber soit pur (sans symptômes ajoutés).