Neurosciences/Les ganglions de la base

Les ganglions de la base sont un ensemble de noyaux localisés dans le télencéphale, le diencéphale, et le mésencéphale. Ils sont impliqués dans la programmation et l’exécution des mouvements. Leur rôle se borne surtout aux mouvements sur-appris, automatiques, pour lesquels il n'y a pas besoin de réfléchir pour les exécuter. Comme exemples d'automatismes du genre, on pourrait citer ceux qui servent à lacer nos chaussures, à nous laver les dents, à jongler, les gestes techniques ou sportifs entrainés, etc.

L'anatomie des ganglions de la base modifier

Les ganglions de la base comprennent le striatum, le noyau sous-thalamique, le globus pallidus et la substance noire du mésencéphale. Toutes ces structures sont elle-mêmes subdivisées en plusieurs portions, ce qui rend l'anatomie des ganglions de la base assez compliquée.

  • Le striatum est divisé en deux sections : un striatum dorsal impliqué dans le mouvement, et un striatum ventral impliqué dans la motivation et le plaisir. Nous laissons le striatum ventral pour les chapitres sur le plaisir et la motivation. Dans ce qui va suivre, nous allons surtout nous concentrer sur le striatum dorsal, vu son implication dans la motricité. Chez les rongeurs, le striatum dorsal est une structure unitaire, contrairement à ce que l'on observe chez les primates. Chez ces derniers, le striatum est divisé en deux noyaux, le noyau caudé et le putamen, séparés par un faisceau de matière blanche appelé la capsule interne.
  • Le globus pallidus est lui aussi divisé en un globus pallidus externe et un globus pallidus interne.
  • La substance noire est un amas de neurones dopaminergiques impliqué dans la motricité. Elle est elle aussi divisée en deux parties, nommées pars compacta et pars reticulata. La première envoie des axones vers le striatum, formant une sorte de boucle à l'intérieur des ganglions de la base. Les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson proviennent d'une atteinte de cette boucle, causée par la mort des neurones de la substance noire. La pars reticulata prend en charge les mouvements des yeux.
 
Ganglions de la base.

Pour simplifier, voici l'organisation anatomique des ganglions de la base :

  • Striatum
    • Striatum ventral
    • Striatum dorsal
      • Putamen
      • Noyau caudé
  • Globus pallidus
    • Globus pallidus externe
    • Globus pallidus interne
  • Noyau sous-thalamique
  • Substance noire
    • Pars compacta
    • Pars reticulata

Les afférences et éfférences des ganglions de la base modifier

Les ganglions de la base forment des boucles avec le cortex : le cortex envoie des informations aux ganglions de la base, qui traitent celles-ci avant de les renvoyer au cortex par l'intermédiaire du thalamus. Ces boucles sont appelées des boucles thalamico-corticales.

Il existe plusieurs boucles, la mieux connue impliquant le cortex moteur. Le rôle supposé de cette boucle est la sélection des mouvements, le choix d'une action parmi un répertoire de plusieurs mouvements. Diverses maladies impliquent une dégradation de cette voie. Par exemple, la maladie de Parkinson provient d'une dégradation de la substance noire, de même que les maladies de Gilles de la Tourette, de Huntington, de Wilson proviennent d'une atteinte de cette voie motrice des ganglions de la base. Toutes s'expriment par des déficits moteurs plus ou moins marqués.

Les autres boucles auraient des rôles assez variés, en atteste le fait que les ganglions de la base font synapse indirectement sur les cortex préfrontaux et les structures liées à la mémoire et aux émotions, via le thalamus. Ces boucles permettraient aux ganglions de la base de contrôler la prise de décision dans le cortex préfrontal, afin d'inhiber certaines décisions ou comportements inappropriés : les ganglions de la base servent donc à la sélection des actions. Leur influence sur les structures liées à la mémoire et aux émotions serait lié à la motivation, et plus précisément à ce qu'on appelle le conditionnement opérant.

La connectivité interne des ganglions de la base modifier

À l'intérieur des ganglions de la base, il existe plusieurs voies qui correspondent à un ensemble de connexions/axones qui relient certaines structures :

  • une voie directe qui permet d'initier un mouvement volontaire ;
  • une voie indirecte qui inhibe le déclenchement de mouvements volontaires concurrents ;
  • une voie oculomotrice, chargée des mouvements des yeux (non-représentée ci-dessous) ;
  • une voie nigrostriée, qui relie la substance noire pars compacta au striatum.
 
Voie directe, indirecte, et nigro-striée des ganglions de la base.

Les voies directes et indirectes prennent naissance dans le striatum. Les neurones du putamen émettent leurs axones vers le globulus palladius, alors que le noyau caudé émet ceux-ci vers la substance noire et le globulus paladius externe. On voit donc que les deux voies sont déjà individualisées dans le striatum. Les neurones prédominants du striatum sont appelés des neurones épineux, en raison de leur forme. Ce sont des neurones sensibles à la dopamine, qui émettent des axones GABAergiques en direction des autres ganglions de la base. Dans ces deux structures, les neurones ne portent pas exactement les mêmes récepteurs à la dopamine : les neurones qui émettent vers le globulus paladius externe portent des récepteurs de type D2, alors que les autres sont de type D1.

 
Neurones épineux.

La voie directe modifier

La voie directe a un rôle qui se comprend bien quand on étudie les conséquences de lésions de la voie directe. Quand le striatum ou le globulus paladius sont lésés, le patient a des mouvements involontaires soudains de faible ampleur, tandis que ses mouvements volontaires sont ralentis. La voie directe empêche l’exécution de mouvements involontaires, tout en contrôlant la vivacité des mouvements. Son rôle est de désactiver l'inhibition du thalamus sur le cortex, pour faciliter le mouvement.

Le thalamus appartenant aux ganglions de la base inhibe naturellement le néocortex, notamment les cortex moteur et prémoteur. Si jamais les ganglions de la base ne font rien et ne sont pas actifs, le thalamus inhibe l'initiation d'un mouvement volontaire ou toute prise de décision. Si le néocortex active les ganglions de la base, ceux-ci vont inhiber le thalamus, ce qui va se traduire par une activation qui permet de déclencher un mouvement volontaire ou une action.

La voie indirecte modifier

Le rôle de la voie indirecte peut se déduire des observations sur les patients dont le noyau sous-thalamique et le globulus palidum externe ont été lésés. Généralement, une lésion des noyaux sous-thalamiques entraine des mouvements involontaires, aléatoires, soudains, sans buts. On donne parfois le nom d'hémibalisme à ce syndrome moteur. Cependant, ce syndrome ne reste que durant quelques semaines ou mois avant de disparaître. Les mouvements volontaires ne sont pas, ou du moins très peu, atteints. On en déduit que la voie indirecte sert essentiellement à inhiber le démarrage ou l'initiation de mouvements involontaires. Celle-ci a surtout un effet modulateur sur la voie directe, en augmentant ou diminuant son action.

Les symptômes d'une atteinte extra-pyramidale modifier

Une lésion des ganglions de la base se traduit très souvent par des mouvements anormaux. Cette appellation est un terme technique, assez trompeur. Une meilleure appellation serait donc celle de "mouvements involontaires", mais le terme "mouvements anormaux" est aujourd'hui celui accepté. Le mot "dyskinésie" est parfois utilisé, mais son utilisation est souvent limitée aux mouvements involontaires induits par Parkinson et les neuroleptiques. Il correspond à des mouvements qui surviennent de manière totalement involontaire, et qui ne sont pas contrôlables par le sujet. Ils traduisent des difficultés de la programmation et de l’exécution de mouvements automatiques, sur-appris. En somme, ces mouvements sont déclenchés quand ils ne sont pas nécessaires. Il en existe plusieurs types, les principaux étant les tremblements, les tics, la chorée, la dystonie, l'akathisie, les dyskinésies, et les myoclonies. Nous ne parlerons pas des myoclonies, courantes dans l'épilepsie, vu qu'elles ne sont pas si fortement liées aux ganglions de la base.

L'akinésie modifier

 
Écriture d'un patient akinétique.

L'akinésie est une difficulté à initier des mouvements volontaires, une inhibition motrice généralisée. Les patients akinétiques mettent du temps avant de faire un mouvement, qui apparaissent avec un retard, comme s'ils mettaient du temps à se décider avant d'agir. Les mouvements deviennent lents, cette lenteur étant caractéristique de l'akinésie. Dans certains cas assez marqués, le patient a une tendance à l'immobilité, les mouvements devenant de plus en plus rares, le patient semblant figé, inhibé. L'akinésie touche l'écriture du patient, donnant une forme d'écriture particulière, nommée micrographie : l'écriture devient de plus en plus petite au fur et à mesure que le patient tient son stylo, revenant à la normale après une pause. La marche est aussi fortement touchée, la démarche du patient akinétique étant assez typique : diminution du balancement des bras, mouvements saccadés, posture voûtée, etc.

Les tremblements modifier

Tous les tremblements ne sont pas pathologiques et ceux qui le sont ne sont pas forcément causés par des troubles extra-pyramidaux. Par exemple, il est naturel de trembler quand on a froid ou quand on est anxieux, mais sans que cela soit pathologique. Les tremblements pathologiques sont le symptôme le plus connu de la maladie de Parkinson, maladie des ganglions de la base la plus connue par le public. On distingue, dans le domaine médical, les tremblements de repos des tremblements d'activité.

  • Les tremblements de repos s'observent sur des muscles au repos, mais disparaissent lors des mouvements. Ils sont assez lents et touchent le plus souvent les membres ou le visage. Ils sont souvent aggravés par les émotions fortes, notamment l'anxiété, ou par les tâches intellectuelles. On les observe uniquement dans les syndromes parkinsoniens, dont ils sont pathognomoniques. Cependant, ils ne sont pas obligatoires pour le diagnostic : il existe des parkinsoniens qui ne tremblent pas ! Nous y reviendrons dans la section suivante.
  • Les tremblements de maintien s'observent quand le patient maintien sa posture. Par exemple, il peut apparaître quand le patient laisse les bras tendus devant lui, ou quand il reste debout (maintien de la posture debout). Il disparaît quand le patient est au repos, c'est à dire quand il pose les bars, s'assoit, etc.
  • Le tremblement d'action s'observe sur des muscles en mouvements, ou sur les muscles posturaux qui luttent contre la gravité. En général, ils s'observent lors d'une lésion du cervelet, mais ce n'est pas la seule raison possible et des lésions dans les ganglions de la base peuvent entraîner de tels tremblements. Le plus commun est le tremblement essentiel. Il s'observe sur les membres, surtout sur les bras, les doigts et les poignets. Il perturbe généralement les activités quotidiennes : le patient a du mal à écrire, à dessiner, à tenir un verre, etc. Ils évoluent durant des années, avant de devenir handicapants et de donner lieu à un diagnostic. Il est aggravé par les émotions et les excitants, mais amélioré par les agonistes du GABA.

Les tics modifier

Les tics sont des mouvements soudains, stéréotypés et de relativement courte durée. Ils regroupent des mouvements moteurs ainsi que des vocalisations et vont de tics relativement simples à des mouvements ou vocalisations complexes. Les tics moteurs prennent souvent la forme de grimaces, de contractions musculaires soudaines, de grincements de dents, de clignements des yeux, etc. Pour ce qui est des tics vocaux, il peut s'agir de cris, de grognements, de raclements de gorge, plus rarement d'insultes soudaines, etc. Ils sont généralement bénins, mais il se peut qu'ils deviennent envahissants chez certains patients. Les tics sont aggravés par le stress, alors que la relaxation tend à les réduire. À la différence de la chorée, ils peuvent être réprimés avec un effort de volonté. Le patient peut calmer ses tics en se concentrant, en leur résistant volontairement.

La chorée modifier

La chorée est un mouvement de grande ampleur, imprévisible, involontaire. Ces mouvements. Ils ressemblent à des tics, mais sont beaucoup plus amples et ne peuvent pas être réprimés par la volonté.

Les maladies des ganglions de la base modifier

Les ganglions de la base peuvent être atteints par un grand nombre de maladies et de lésions. Si certaines d'entre elles touchent d'autres zones du cerveau, d'autres s'attaquent exclusivement aux ganglions de la base. La maladie de Parkinson et la chorée de Huntington en font partie. Elles ne sont pas les seules, d'autres maladies moins connues pouvant aussi endommager spécifiquement les ganglions de la base.

Le syndrome de Gilles de la Tourette modifier

Le syndrome de Gilles de la Tourette se manifeste par des tics moteurs et vocaux récurrents, qui deviennent envahissants. Le patient a des tics tous les jours ou presque, et ce durant plusieurs mois, voire plusieurs années. Contrairement à ce que prétend la rumeur, l'émission d'insultes est un tic relativement rare chez ces patients, seule une minorité étant affectée par ce symptôme de coprolalie. Pour résumer, le syndrome de Gilles de la Tourette se caractérise surtout par des tics sévères et chroniques, ce qui se distingue mal des autres affections liées aux tics.

On peut noter que les patients sont souvent atteints de troubles psychiatriques comorbides, les plus courants étant les T.O.C. Près de 30 à 60% des patients tourretiens seraient atteints de T.O.C. Réciproquement, près de 20% des patients atteints de tocs aurait des tics comorbides. Il faut dire que les tics et compulsions sont des symptômes qui partagent quelques points communs, malgré des différences notables. Les tics se distinguent notamment par une absence d'anxiété, alors que les T.O.C sont toujours accompagnés d'une forme d'anxiété particulière - que les compulsions soulagent temporairement.

Le traitement du syndrome implique autant des médications qu'une psychothérapie cognitivo-comportementale, parfois associée à d'autres formes annexes de soins. Les médicaments les plus utilisés sont de loin les antidépresseurs et des neuroleptiques, ils sont modérément efficaces.

Les syndromes Parkinsoniens modifier

Les syndromes parkinsoniens sont des maladies qui se traduisent par un ensemble de symptômes moteurs, dominé par trois symptômes diagnostics : l'akinésie (difficulté à initier des mouvements), la rigidité motrice et les tremblements. Cette triade de symptômes forme ce qu'on appelle un syndrome parkinsonien. L'akinésie est systématiquement présente et la rigidité musculaire altère la posture et la coordination des mouvements. Aussi étrange que cela puisse paraître, les tremblements ne sont pas toujours présents, certains parkinsoniens n'en ayant pas. Il a notamment été proposé par divers scientifiques de séparer les syndromes parkinsoniens avec et sans tremblements. La présence de tremblements est signe de plus grande sévérité de la maladie, et de complications médicales (risque de chute). En plus de cette triade parkinsonienne, d'autres symptômes moteurs peuvent se manifester, comme des mouvements mal coordonnés.

La maladie de Parkinson est la cause la plus courante de syndrome parkinsonien. Pour rappel, elle apparaît lorsque la voie nigro-striée est endommagée. L'origine de la maladie est une mort progressive des neurones de la substance pars compacta. En conséquence, la voie directe est dégradée et n'inhibe pas le thalamus autant qu'elle le devrait : l'action inhibitrice du thalamus est donc supérieure à la normale. Cela se traduit par une inhibition motrice générale. Cependant, le syndrome parkinsonien aussi chez certains patients vierges de toute maladie de Parkinson. Par exemple, certains patients Alzheimer ont un syndrome parkinsonien assez marqué, de même que certains survivants de lésions cérébrales (on parle alors de Parkinson vasculaire). Des intoxications au cuivre ou au manganèse peuvent aussi causer des syndromes parkinsoniens. Enfin, les traitements qui réduisent la quantité de dopamine dans le cerveau, notamment les neuroleptiques donnés aux schizophrènes, entraînent souvent l'apparition d'un syndrome parkinsonien.

Les troubles hyperkinétiques modifier

Diverses maladies dégradent la voie indirecte, la maladie de Huntington étant la plus connue. Ces maladies augmentent la désinhibition du néocortex induite par celle-ci. En conséquence, les symptômes sont plus ou moins l'inverse de ce que l'on observe avec la maladie de Parkinson. Elle s'expriment par une augmentation de la motricité involontaire, d'où leur nom de troubles hyperkinétiques. Plus rarement, certains troubles hyperkinétiques sont induits par la consommation de certaines substances d'abus ou par des infections.

La chorée de Huntington modifier

La maladie de Huntington est la maladie hyperkinétique la plus typique et se déclare vers 40 à 50 ans. Cette maladie est causée par une mutation génétique autosomale dominante, les antécédents familiaux sont d'ailleurs très courants. Le diagnostic est clinique, parfois génétique. Elle s'exprime par une chorée couplée à des troubles psychiatriques et cognitifs.

  • La chorée est le premier symptôme à apparaître et est souvent le seul symptôme moteur présent.
  • Les troubles du comportement sont très variés. Les plus courants sont : de l'apathie et/ou une dépression, une désinhibition et de l’impulsivité, une psychose.
  • Les troubles cognitifs sont similaires à ceux observés dans la maladie de Parkinson : les fonctions intellectuelles (exécutives) sont touchées, bien que de manière parfois subtile.

Les traitements sont purement symptomatiques et varient selon les symptômes présents. Les neuroleptiques sont utilisés pour calmer la chorée et les troubles psychiatriques (psychose, désinhibition). Les antidépresseurs sont souvent utilisés pour réduire les symptômes dépressifs et/ou anxieux.