Neurosciences/La douleur et la perception de la température

On a vu dans le chapitre précédent que le sens du toucher n'est pas un sens unique, mais une collection de sens distincts, gérés par deux systèmes distincts. On a ainsi appris la différence entre système épicritique, qui gère la sensibilité tactile et la proprioception, et le système thermo-algique pour les sensations douloureuses et pour la température. Après avoir abordé le système épicritique dans le chapitre précédent, nous allons aborder le système thermo-algique dans ce présent chapitre. La douleur et la sensation de chaleur ou de froid sont des sens distincts dans le sens où les récepteurs sensoriels de la douleur et de la température sont différents. Mais ces deux modalités sensorielles passent par le même système d'axones dans la moelle épinière, aussi je me permets de les regrouper dans ce chapitre, pour simplifier les explications. De plus, peu de choses sont connues sur les récepteurs du chaud et du froid, ainsi que ceux du toucher grossier, ce qui fait qu'ils seront peu abordés.

Pour résumer, la transmission de ces trois sensations passe par un système relativement simple, assez similaire au système épicritique des sensations tactiles. Les récepteurs de ces sensations font synapse dans la moelle épinière, qui fait elle-même synapse dans le thalamus, qui fait lui-même synapse sur le cortex cérébral.

Système antérolatéral.

En premier lieu, les axones des récepteurs de la douleur, du toucher grossier, et de la température font synapse dans la moelle épinière. Elles font d'abord synapse dans les cornes dorsales ipsilatérales, sur un interneurone. Celui-ci émet un axone qui remontera vers le thalamus dans le système antérolatéral, du côté controlatéral de la sensation. Une partie des axones innerve dans le cortex somesthésique, tandis que le reste fait synapse sur des structures assez variées : colliculus supérieur, amygdale, hippocampe, formation réticulaire, cortex cingulaire antérieur et cortex insulaire. Le cortex somesthésique s'occupe de reconnaitre la localisation de la douleur, son intensité, et sa nature. Pour le reste des axones, ils se dirigent vers des aires cérébrales qui se chargent de donner à la douleur sa charge émotionnelle.

Rappelons que le système antérolatéral est divisé en deux faisceaux : spinothalamique et réticulospinal.
Voies du système antérolatéral.

Les nocicepteurs

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Les récepteurs sensoriels de la douleur sont ce qu'on appelle des nocicepteurs. Les neurones sensoriels de la douleur sont localisés dans un ganglion spinal.. Ils sont le plus souvent de type pseudo-unipolaire, ce qui veut dire qu'ils émettent un axone qui se subdivise en deux sous-axones parallèles. Une extrémité de cet axone finit sa course dans la moelle épinière, au niveau des cornes dorsales, alors que l'autre se subdivise pour former une sorte d'arbre axonal dispersé dans la peau ou le muscle. Chaque branche de cet arbre axonal est une fibre nerveuse sensorielle (ici, une fibre nociceptive) ou encore une terminaison nerveuse libre. Les nocicepteurs proprement dit sont extrémités des branches de cet arbre axonal, les ramifications de l'extrémité d'un axone qui innerve la peau ou un muscle. Cela leur vaut le nom de fibre nociceptive.

 
Nocicepteurs et moelle épinière.

Les stimulus nociceptifs

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Nocicepteur (et aussi thermorécepteur) dont les fibres nerveuses contiennent le récepteur TRPV1. L'activation du récepteur TRPV1, par de fortes températures ou la capsaïcine, entraine la naissance d'un potentiel d'action qui traverse l'axone jusqu’à la moelle épinière. On voit que la fibre sensorielle prend naissance au niveau d'un neurone dans un ganglion spinal, dont une extrémité se connecte à la peau et l'autre aux cornes dorsales.

Le terme nocicepteur regroupe un paquet de neurones très différents. Certains captent des stimulus mécaniques, d'autres des stimulus chimiques, d'autres des températures brûlantes ou trop froides. Ce sont ainsi des mécanorécepteurs, des chimiorécepteurs ou des thermorécepteurs. Il existe même des neurones qui peuvent capter plusieurs stimulus à la fois et qui sont à la fois des mécanorécepteurs et des chimiorécepteur, ou encore qui sont à la fois thermorécepteurs et chimiorécepteurs.

Les nocicepteurs de type chimiorécepteurs détectent des substances chimiques qui entrainent un stimulus douloureux. Certaines sont produites et libérées par les cellules quand elles sont endommagées. D'autres sont simplement présentes dans le sang, et sont libérées dans la peau suite à une hémorragie. C'est le cas de la sérotonine, présente dans les globules rouges, ou de la bradykinine. Enfin, d'autres sont libérées suite à une inflammation, comme l'histamine ou les prostaglandines, avec potentiellement d'autres substances moins connues.

 
Neurone nociceptif

Certains médicaments ont un effet agoniste ou antagoniste sur les prostaglandines et/ou l'histamine. C'est notamment le cas des anti-inflammatoires non-stéroidiens (AINS), comme l'aspirine, qui inhibent les enzymes cyclogénase, impliquées dans la synthèse des prostaglandines. Cette inhibition réduit la production des prostaglandines, ce qui limite l'effet douloureux des inflammations. Ils ont donc un effet sur les douleurs inflammatoires, mais guère plus.

Les deux types de douleur produites par les nocicepteurs

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Les nocicepteurs se classent en deux catégories, suivant la douleur ressentie suite à une stimulation du nocicepteur. Selon que l'on stimule tel ou tel nocicepteur, la douleur ressentie n'est pas la même, les sensations étant différentes. Ce n'est pas une histoire d'intensité de la douleur, mais plus de qualité de la douleur, de l'effet qu'elle produit. Il faut distinguer les récepteurs qui causent une douleur rapide et ceux qui causent une douleur d'apparition lente. Les récepteurs rapides causent une douleur vive, rapide : cela va de simples picotements à des douleurs plus aiguës comme des brulures, des sensations de piqure, de déchirure, etc. Les récepteurs lents ressentent plus des douleurs sourdes, lourdes, durables. Ces récepteurs lents sont sensibles soit à des stimulus mécaniques (écrasement, fortes pressions, coupures), soit à des stimulus thermiques de grande intensité (chaleur intense ou froid extrême). Mais ils sont distincts des récepteurs mécaniques ou thermiques du toucher habituel (épicritiques).

Les fibres nociceptives

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Dans les grandes lignes, on peut identifier deux catégories de fibres nociceptrices, selon leur diamètre ou la présence d'une gaine de myéline: les fibres   et C. Ce critère est fortement relié au précédent, à savoir la vitesse d'apparition de la douleur. Rappelons que la vitesse de transmission de l'influx nerveux (ici, la douleur) est influencée par le diamètre de l'axone, ainsi que par la présence d'une gaine de myéline. Les neurones nocicepteurs à gros axones sont donc ceux de la douleur vive/rapide, alors que ceux avec un petit diamètre sont ceux qui transmettent la douleur sourde/lente. Même chose pour les nocicepteurs myélinisés, qui transmettent la douleur rapide, alors que les non-myélinisés transmettent la douleur lente/sourde. Dans le détail, les récepteurs   et  , myélinisés et de gros diamètre, transmettent les douleurs vives et d'apparition rapide, alors que les fibres C, non-myélinisées et de petite taille, captent les douleurs sourdes d'apparition lente.

Fibres du groupe de type   Fibres du groupe C
Localisation Peau Peau, muscles, organes
Diamètre 1 à 5 µm 0.2 à 1.5 µm
Myélinisée Oui Non
Type de douleur Douleur vive, aiguë, d'apparition rapide et qui cède rapidement Douleur sourde, d'apparition lente, qui recède progressivement.
 
Conduction

Le contrôle de la sensibilité à la douleur

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La sensibilité à la douleur dépend de l'intégrité et du fonctionnement des voies de transmission vues précédemment. Or, leur sensibilité est réglable, ce qui permet de moduler l'intensité de la douleur perçue. Ce contrôle de la douleur est pris en charge par trois mécanismes :

  • un mécanisme localisé dans la moelle épinière ;
  • une modulation des voies spinales par le cerveau ;
  • et des mécanismes de modulation intracérébraux.

Les mécanismes purement spinaux

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Les neurones du système antérolatéral ne sont pas que de simples relais vers le thalamus : leur sensibilité à la douleur est réglable. Il se trouve que les mécanorécepteurs tactiles s'occupent de ce réglage de la transmission douloureuse. Cela permet de régler la sensibilité à la douleur d'une zone en fonction des autres sensations tactiles percues. Ainsi, une sensation tactile quelconque sur une zone de peau diminue la sensibilité à la douleur sur cette zone. Cela explique que frotter vivement une zone douloureuse diminue la douleur ressentie. Cette observation a donné naissance à la théorie du gate control, qui explique pourquoi des stimulus non-douloureux "ferment la porte" aux stimulus douloureux, les atténuent.

Ce réglage est réalisé par un circuit à trois neurones : les mécanocepteurs du toucher fin font synapse sur des inter-neurones inhibiteurs, qui font eux-mêmes synapse sur le système antérolatéral. Les inter-neurones, de par leur caractère inhibiteur sur le système antérolatéral, diminuent la douleur quand ils sont activés. Il faut noter que l'inhibition est d'origine GABAergique. L'interneurone inhibiteur, ainsi que les fibres tactiles, émettent essentiellement du GABA, neurone transmetteur inhibiteur par excellence. Cela explique l'effet analgésique des GBAergiques et des agonistes du GABA. Certains médicaments GABergiques sont ainsi utilisés comme analgésiques : c'est le cas de la gabapentine, un antiépileptique utilisé pour soigner les douleurs neuropathiques de l'adulte.

Le schéma suivant illustre le circuit complet. Les fibres C sont les nerfs de la douleur, formés d'axones de nocicepteurs. Les fibres alpha et beta sont les axones des sensations tactiles. On voit que ces deux fibres font synapse sur le neurone de projection, neurone du système antérolatéral. Mais là où les fibres de la douleur vont exciter le neurone de projection, les fibres tactiles vont l'inhiber. On voit aussi la présence d'un interneurone inhibiteur. Les fibres tactiles alpha et beta ont une connexion excitatrice avec ce neurone inhibiteur, alors que les fibres de la douleur vont l'inhiber. On voit que sans transmission tactile concurrente, les sensations douleureuses vont exciter le neurone de projection, qui transmettra le signal douloureux. La transmission n'est pas inhibée, vu que le neurone inhibiteur est lui-même inhibé. Par contre, une sensation tactile concurrente va réduire l'activité du neurone de projection, aussi bien directement que par l'intermédiaire du neurone inhibiteur.

 
Transmission de la douleur sans une sensation tactile concurrente.
 
Transmission de la douleur avec une sensation tactile concurrente.

Le contrôle descendant de la douleur

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D'autres neurones inhibiteurs de la douleur sont localisés dans le cerveau, dans la formation réticulaire, le locus coerulus et le noyau parabrachial. Ils émettent un ensemble d'axones inhibiteurs vers le système antérolatéral, celui-ci portant le nom de voies descendantes de la douleur. Ces voies descendantes utilisent tout une gamme de neurotransmetteurs. La plupart sont similaires à la morphine : endorphines, enképhalines, et dynorphines. Ce qui explique l'effet analgésique des opioïdes, comme la morphine ou la codéine. Mais outre ces neurotransmetteurs opiacés, les voies descendantes sont sensibles aux monoamines, comme la dopamine, la sérotonine, la noradrénaline. L'action analgésique des sérotoninergiques, dopaminergiques et noradrénergiques est plus subtile que l'action des opiacés. Néanmoins, les médicaments antidépresseurs et neuroleptiques qui agissent sur les monoamines ont bel et bien un effet analgésique léger, parfois utilisé en pratique médicale.

La première aire cérébrale impliquée dans le contrôle descendant de la douleur a été la Substance Grise Péri-Aqueducale, abréviée SGPA. Dans les années 70, il est apparu que sa stimulation artificielle avait un effet analgésique assez important chez le rat. Chose assez intéressante, cette observation a eu des implications thérapeutiques. Chez certains patients atteints de douleur chronique, on peut placer des électrodes dans la SQPA, afin de stimuler en permanence cette aire cérébrale. Cela diminue la douleur de ces patients, sans que les autres sensations ne soient affectées. De manière générale, la formation réticulée émet des efférences modulatrices vers la moelle épinière, via le faisceau réticulospinal. Une bonne partie du contrôle descendant provient des noyaux du Raphé présents dans la moelle allongée (bulbe rachidien).

 
Nociception corne dorsale

Les troubles/maladies d'origine neurologique

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Nombreuses sont les choses qui nous font physiquement mal : blessure, inflammation, fracture, écorchure, et j'en passe. Mais parfois, la douleur a une origine purement neurologique, qui n'est pas liée à une lésion ou une inflammation, mais à un dysfonctionnement du système nerveux central. De telles douleurs, appelées douleurs neuropathiques, sont parmi les plus dures à soulager. Elles apparaissent suite à une lésion d'un nerf, de la moelle épinière ou du cerveau. Les lésions originelles peuvent se trouver dans le système nerveux périphérique ou dans le système nerveux central, ce qui amène à distinguer les douleurs neuropathiques dites centrales et les douleurs neuropathiques dites périphériques. De nombreuses pathologies se traduisent par des douleurs neuropathiques et nous ne les aborderons pas toutes.

Dans cette section, nous allons voir quels sont les symptômes neurologiques liés à la douleur, ainsi que les maladies qui peuvent les provoquer.

Les symptômes douloureux d'origine neurologique

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Commençons par voir comment la sensation de douleur peut être altérée. Suivant le cas, la douleur peut être exacerbée, réduite, ressentie pour des stimulus normalement non-douloureux, et j'en passe.

Le cas le plus simple est celui où la douleur est exacerbée : on parle d'hyperalgésie. Elle se traduit par une réduction du seuil d'apparition de la douleur, le patient devenant plus sensible aux stimulus. Dans le cadre des douleurs neuropathiques, on distingue souvent deux sous-symptômes d'hyperalgésie, qui se rencontrent fréquemment ensemble :

  • Avec l'hyperpathie, un stimulus normalement douloureux devient plus douloureux que la normale. S'il est normal que le patient ressente de la douleur, le stimulus étant normalement nociceptif, la douleur est bien plus intense que la normale. Cela ne signifie pas que le patient est douillet, mais que son seuil de douleur a été fortement abaissé : le patient a très mal, alors qu'un patient "normal" aurait mal, mais bien moins. D'ordinaire, les stimulus répétés deviennent de plus en plus douloureux avec la répétition, le patient se sensibilisant à chaque exposition.
  • Avec l'allodynie, des stimulus qui ne sont normalement pas douloureux le deviennent. Par exemple, certains patients ont mal quand on les touche doucement, quand on les caresse, quand on appuie très faiblement sur leur peau. D'autres ont mal quand ils touchent des surfaces chaudes ou froides, mais pas suffisamment pour faire mal à des sujets sains. Là encore, ce symptôme peut survenir quand un stimulus est répété dans un faible intervalle de temps, le stimulus devenant de plus en plus douloureux avec les répétitions.

À l'inverse de l'hyperalgésie, la sensation de douleur peut être réduite par rapport à la normale, ce qui s'appelle une hypoalgésie. Elle peut être causée par des médicaments opioïdes, mais aussi par l'exercice ou par des lésions neurologiques. Dans certains cas graves, le patient ne peut plus ressentir de douleur du tout, ou alors si faiblement que la douleur ne joue plus son rôle de signal d'alarme.

Un autre symptôme est la dissociation à la douleur, où des stimulus douloureux ne causent pas de réaction déplaisante. Les patients atteints ressentent toujours la douleur, savent la localiser, peuvent en évaluer son intensité, et ainsi de suite. Leur sensation de la douleur est somme toute normale, sans altération notable. Par contre, les patients ne décrivent pas cette douleur comme désagréable et ne manifestent pas de réactions émotionnelles en réaction à la douleur. Ils semblent comme indifférents à la douleur et n'en souffrent pas, même si celle-ci est très intense : ils sont comme dissociés de la douleur. Ce symptôme peut apparaître suite à des lésions cérébrales, dans la région du cortex insulaire/cingulaire, mais ce cas est assez rare. Par contre, les médicaments opioïdes entraînent fréquemment une dissociation à la douleur. Par exemple, beaucoup de patients mis sous morphine ressentent encore la douleur, si celle-ci est vraiment intense, mais en sont dissociés suite à l'effet du médicament.

Enfin, le dernier symptôme que nous aborderons est la douleur du membre fantôme, une douleur présente à l'endroit ou devrait se trouver un membre amputé. Par exemple, un patient avec ce symptôme a mal dans son bras gauche, alors que ce bras a été amputé il y a quelques années... Dans la plupart des cas, la douleur est ressentie dans un membre amputé, mais peut aussi être ressentie à l'intérieur du corps. Par exemple, une femme a qui on a retiré un sein peut avoir mal là où se trouvait le sein retiré. On ne sait pas encore ce qui cause un tel symptôme et les traitements sont encore limités.

Les neuropathies héréditaires sensorielles et autonomiques

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L'insensibilité congénitale à la douleur est une maladie que le nom décrit parfaitement. Les patients atteints ne ressentent pas la douleur sur l'ensemble de leur corps, à l'exception de patients qui gardent une faible sensibilité douloureuse sur certaines parties du corps, comme les dents, la bouche ou l'intestin. Le trouble est présent le plus souvent dès la petite enfance, mais il est possible que le trouble passe inaperçu jusqu’à l'âge adulte.

Si l'insensibilité à la douleur peut sembler attrayante, les proches des sujets atteints peuvent témoigner du contraire. Par exemple, les patients totalement insensibles à la douleur ne savent pas quand ils sont malades ou quand ils se sont blessés, ce qui peut poser pas mal de problèmes. Les diagnostiquer médicalement est souvent compliqué et la plupart des patients ne se rendent pas compte qu'ils sont tombés malades. Ils peuvent passer à côté de caries, de maladies digestives, voire de troubles beaucoup plus graves.

De plus, les enfants touchés n'ont aucun signal d'alarme douloureux leur disant qu'ils se blessent, ce qui fait qu'ils n'hésitent pas à prendre des risques ou à faire des choses pouvant les blesser, inconscients qu'ils sont des conséquences. Les enfants atteints se coupent ou se brûlent très souvent, et sont souvent atteint de bleus et de brûlures, quand ce n'est pas des fractures. Les fractures sont aussi monnaies courante chez ces patients, qui se cassent souvent quelque chose sans rien ressentir. Il arrive même qu'ils s'automutilent, par exemple en se griffant jusqu’au sang. Les parents doivent d'ailleurs sans cesse faire attention à leur enfant, vérifier sans cesse s'il ne s'est pas blessé, etc. Les médecins qui examinent l'enfant peuvent parfois penser à un enfant battu, ou à une pathologie psychiatrique, mais quelques signes permettent de faire la différence : absence de pleurs lors d'une blessure, pas de comportement de protection face à un stimulus douloureux, etc.

Il en existe plusieurs types, cinq étant reconnus à ce jour, qui se distinguent par leur symptomatologie et leur origine génétique. Elles débutent généralement lors de l'enfance, plus rarement lors de l'adolescence. Elles touchent préférentiellement les jambes et les pieds, mais évoluent pour toucher les bras/mains, voire le reste du corps. Toutes se manifestent par une insensibilité à la douleur, couplée à divers symptômes du système nerveux autonome. Ce qui leur vaut le nom de neuropathies héréditaires sensorielles et autonomiques (HSAN : Hereditary Sensory Autonomic Neuropathies). Elles regroupent cinq maladies génétiques qui altèrent à la fois le système nerveux autonome et le système somatique sensoriel.

Type de HSAN Symptômes/Description Histopathologie
Type 1 : Insensibilité congénitale à la douleur "classique" Insensibilité à la douleur et aux sensations de chaud/froid.
  • L'insensibilité à la douleur/température touche surtout sur les extrémités.
  • Diminution des réflexes tendineux profonds, sans atteinte musculaire ou motrice. Parfois, faiblesse musculaire des membres.
  • Parfois, discrets problèmes de transpiration (excessive ou au contraire, absente).
  • Perte progressive des fibres nerveuses myélinisées.
  • Augmentation du nombre de cellules de Schwann.
  • Dégénérescence des noyaux sensoriels dans la moelle épinière.
Type 2 : Insensibilité complète
  • Pertes de toutes les sensations, qui touche d'abord les extrémités, puis le tronc.
  • Parfois des troubles du système nerveux autonome, discrets : difficultés transitoires à respirer, reflux gastrique, troubles de la succion/mastication, problèmes de déglutition et d'alimentation, hypotension, ... Surtout présents dans l'enfance.
  • Absence totale des fibres nerveuses myélinisées
  • Perte progressive des fibres non-myélinisées.
Type 3 : Dysautonomie familiale
  • Troubles du système nerveux autonome, sévères : tachycardie, difficultés à respirer, problèmes à réguler la température, absence de larmes, vomissements, problèmes de tension artérielle, ...
  • Hypotonie musculaire, troubles de l'équilibre et problèmes de coordination musculaire.
  • Retard mental fréquent.
  • Perte des fibres non-myélinisées
  • Fibres myélinisées presque inchangées.
Type 4 : Insensibilité congénitale à la douleur avec anhidrose
  • Impossibilité à transpirer, qui entraîne des attaques soudaines de fièvre.
  • Retard mental fréquent, de léger à sévère.
  • Absence des fibres non-myélinisées
  • Réduction du nombre des fibres myélinisées.
Type 5
  • Autres symptômes annexes.
  • Réduction sévère des fibres myélinisées de petite taille.
  • Réduction sévère des fibres non-myélinisées.

Le syndrome de Dejerine–Roussy (douleurs thalamiques post-AVC)

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Le syndrome de Dejerine–Roussy apparaît suite à un AVC qui atteint le thalamus. Dans les semaines qui suivent l'AVC, le patient a une perte de sensations sur une partie du corps plus ou moins grande (tout dépend de l'étendue de la lésion thalamique). Une faiblesse musculaire s'installe ensuite sur le territoire auparavant insensible, mais elle laisse rapidement la place, après quelques semaines ou quelques mois, à une douleur permanente. Une fois installée, la douleur ne recède pas (sauf exception) et devient chronique. Il existe peu de traitements efficaces contre cette affection, et les médicaments utilisés sont souvent assez classiques : antidépresseurs, anticonvulsivants, opioïdes.