Mémoire/La récupération en mémoire déclarative
Dans ce chapitre, nous allons aborder le processus de récupération, celui qui nous permet de nous rappeler de ce que l'on sait déjà. Ce processus n'est cependant pas parfait : il arrive parfois que l'on ne se rappelle pas d'informations que l'on a pourtant mémorisées et qui sont encore présentes dans notre mémoire. Toute personne qui a déjà eu un mot sur le bout de la langue en a déjà fait l'expérience. Le chapitre qui suit va aborder ce processus de récupération.
Rappel et reconnaissance
modifierLes expériences en laboratoire ont permis d'observer une différence entre plusieurs tâches de récupération différentes. Dans le premier cas, les sujets apprennent une liste de mots et doivent rappeler son contenu dans le désordre. Il s'agit d'une tâche de rappel tout ce qu'il y a de plus classique. Le second cas correspond au tâches de reconnaissance, similaires aux QCMs, où le sujet doit reconnaître les mots de la liste parmi un grand nombre de pièges.
Double dissociation entre rappel et reconnaissance
modifierIl apparaît que le taux de réussite est nettement supérieur dans la tâche de reconnaissance, parfois de plus du double. On observe aussi une dichotomie entre rappel et reconnaissance.
L'effet de la répétition
modifierPar exemple, la répétition favorise clairement la reconnaissance, mais pas le rappel. L'étude de Glenberg, Smith, et Green (1977) le montre très clairement. Dans leur étude, des sujets devaient apprendre une liste de nombres par cœur, avant d'apprendre une liste de mots. Il se trouve que les expérimentateurs avaient séparés les sujets en deux groupes : un premier groupe devait relire plusieurs fois la liste de mots, tandis que le second devait relire la liste une seule fois. Les sujets croyaient que la liste de mots servaient à les empêcher de répéter mentalement la liste de nombres à apprendre. Mais après avoir rappelé les nombres de la première liste, les sujets étaient testés par surprise sur la liste de mots apprise. Le bilan est que les sujets qui avaient relu 9 fois la liste de mots n'avait pas vraiment de performances supérieures à l'autre groupe : seulement 1,5% de réussite en plus. Par contre, la reconnaissance était en faveur du groupe qui avait répété 9 fois la liste de mots : 74% de réussite, contre 65% pour l'autre groupe.
Apprentissage incident et intentionnel
modifierCette étude utilisait une tâche d'apprentissage incident : les sujets ne sont pas prévenus qu'ils seront interrogés sur ce qu'ils vont apprendre. Dans ce genre de tâche, la répétition n'améliore pas le rappel, contrairement à la reconnaissance. Cependant, on peut se demander ce qu'il se passerait si les sujets étaient prévenus qu'ils seraient interrogés ultérieurement, dans des tâches d'apprentissage intentionnel. Dans ce cas, ils porteraient plus attention au matériel à apprendre, essaieraient de donner du sens au matériel appris, essaieraient de le relier à des connaissances antérieures, et ainsi de suite. En clair, ils utiliseraient des stratégies cognitives plus efficaces, dans le but de mieux mémoriser le matériel, sans compter l'effet de l'attention induite. Il se trouve que prévenir les sujets qu'ils seront interrogés augmente le taux de rappel mais pas le taux de reconnaissance. De même, la fréquence et la familiarité du matériel appris améliore le rappel, pas la reconnaissance.
Erreurs et faux positifs
modifierEnfin, les faux positifs sont rares en situation de rappel, mais fréquents en reconnaissance. Par exemple, lisez cette suite de mots :
bonbon aigre caramel amer bon goût dent joli miel soda chocolat cœur gâteau manger tarte
Maintenant, je prends des mots de cette liste, que je mélange avec de nouveaux mots. J'obtiens ceci :
goût point sucré chocolat caramel gentil
Hé oui : vous avez certainement, comme 90% des cobayes de cette expérience, cru que sucré était dans la liste initiale !
Théorie des double processus de rappel et reconnaissance
modifierÀ l'heure actuelle, on ne sait pas du tout d'où proviennent ces différences. Certains scientifiques supposent que le processus de rappel et de reconnaissance sont différents.
Les tests de reconnaissance présentent directement l'information à rappeler. En conséquence, la reconnaissance d'un item va automatiquement activer celui-ci en mémoire. Il s'agit donc d'un accès direct à l'information mémorisée. Elle se base purement sur un processus de familiarité, qui permet de reconnaître des choses connues. Il s'agit d'un processus relativement primitif, qui rate rarement. La reconnaissance serait un processus automatique unitaire, basé sur l'activation directe des informations reconnues. L'activation d'une information en mémoire détermine sa facilité à être récupérée : plus elle est forte, plus la probabilité de récupération est grande. De plus, le concept possède une certaine force, qui définit s'il est plus ou moins facile à rappeler, à activation égale. La simple perception d'une information en permettrait l'activation immédiate : le sujet aurait alors juste à se souvenir si le mot perçu appartient à la liste, ce qui correspond à la mémoire de la source (supposée de type épisodique).
Par contre, le rappel libre ou indicé ne présentent pas l'information à rappeler et n'activent pas directement l'information. Le rappel demanderait de rechercher l'information en mémoire, celle-ci n'étant pas activée directement. Ce processus de recherche serait spécifique au rappel, mais n'interviendrait pas en reconnaissance.
Les mécanismes du rappel libre et indicé : l'amorçage
modifierIl est intuitif que donner des indices à quelqu'un l'aide à se souvenir d'une information oubliée. Pour vérifier cette intuition, les scientifiques ont comparé des groupes soumis soit à une tâche de rappel libre, soit à une tâche de rappel indicé, où chaque item à rappeler était précédé d'un indice. Certaines tâches de rappel indicé demandent aux sujets d'apprendre des paires d'items, le premier servant d'indice au second. De ces expériences, il ressort que donner des indices proches améliore le rappel. Dit simplement, le rappel indicé est largement plus facile que le rappel libre, parce que le nombre d'indices de récupération est plus important. Les scientifiques ont depuis longtemps étudié comment fonctionne le processus de rappel indicé. De ces études, il ressort que la présentation d'un indice permet de faciliter le rappel ultérieur d'une cible. Ce phénomène est appelé l’amorçage sémantique/conceptuel. On l'étudie le plus souvent avec divers paradigmes. Le plus connu consiste à présenter, durant un temps très faible, d'abord le mot-indice, puis le mot-cible. On demande au sujet de dire si le mot cible est un mot ou un pseudo-mot, s'il appartient à une catégorie précise, ou toute autre demande qui demande un traitement sémantique/conceptuel par le sujet. On observe alors quelques différences en terme d’amorçage, selon le temps entre la présentation de la cible et de l'indice.
Théories de l’amorçage
modifierPour en rendre compte, diverses théories ont été inventées, toutes ayant supposément une validité certaine, mais limitée. On peut classer ces théories selon deux axes. Le premier axe distingue le moment où l’amorçage prend place, et distingue les modèles prospectifs et rétrospectifs. Dans les modèles prospectifs, la présentation du mot-indice pré-active le mot-cible, avant même que le mot-cible soit présenté, accélérant son activation. Dans les modèles rétrospectifs, la cible et l'indice sont traités en même temps, comme un tout, après la présentation de la cible. Le second axe distingue les modèles automatiques et stratégiques. Les premiers supposent que le sujet n'utilise pas de stratégie de rappel et que l’amorçage est un phénomène totalement automatique, qui ne fait pas intervenir la conscience. Les seconds modèles supposent que le sujet peut utiliser des stratégies de rappel et que le rappel fait intervenir la conscience. Voici les différentes théories en vigueur, résumées dans le tableau suivant :
Automatique | Stratégique | |
---|---|---|
Prospectif | Activation diffusante, théorie de l'ACT-R d'Anderson | Ensembles de prédiction (expenctancy sets) |
Rétrospectif | - | Semantic Matching, Compound Cue, Episodic Retrieval |
Modèles automatiques : l'activation diffusante
modifierLorsqu'un indice est présenté, le processus de reconnaissance active sa représentation, son nœud dans le réseau mnésique. L'activation se propage aux informations qui lui sont reliées/associées, à travers le réseau mnésique. Ces associations/relations peuvent propager plus ou moins bien l'activation suivant leur force : on parle d'activation diffusante. Le mécanisme de rappel se base sur une progression de l'activation de proche en proche, qui part des indices. Au fur et à mesure de sa progression, l'activation finit par arriver à l'information à rappeler, ce qui l'active : l'information est rappelée. Un bon usage de ces indices est primordial pour que le rappel des information ait lieu.
L'activation diffusante ne permet d'expliquer qu'une faible portion des phénomènes d’amorçage et d'autres modèles existent (modèle compond-cue, episodic retrieval, expectency sets, etc). La plupart de ces modèles sont des modèles stratégiques, mais l'un d'entre eux est un modèle automatique. Il s'agit de la théorie des expectency sets, que nous traduirons par ensembles de prédiction. Selon cette théorie, la présentation de l'indice force le sujet à faire des prédictions sur les possibles cibles. Quand la cible est présentée, on observe un effet d'amorçage si la cible présentée faisait partie des cibles potentielles prédites. Le fait que la cible ait été anticipée améliore son rappel, le rendant plus rapide et plus probable.
Modèles stratégiques
modifierIl faut noter que ce mécanisme d'activation diffusante explique parfaitement bien le rappel spontané, mais a besoin d'être complété pour rendre compte du rappel d'une information suite à un effort mental. Ce dernier cas est aussi appelé rappel intentionnel. Dans le rappel intentionnel, le sujet recherche une information particulière dans sa mémoire, ce qui lui demande de vérifier si l'information rappelée est la bonne. Cela demande au sujet d'avoir suffisamment d'informations pour identifier l'information à rappeler. Le sujet va créer une stratégie pour récupérer l'information voulue, cette stratégie indiquant les indices à partir desquels démarrer la recherche, mais aussi comment la poursuivre à partir des indices intermédiaires : comment gérer l'activation et son parcours. Il faut aussi maintenir les indices dans la mémoire de travail, lors du parcours de la mémoire à long-terme.
Indices de récupération et activation diffusante
modifierIl est rapidement apparu que tout rappel fonctionne sur les mêmes principes que le rappel indicé. Lors d'un rappel quelconque, indicé ou non, le sujet cherche à localiser une information précise dans sa mémoire. Mais le sujet ne va pas parcourir l'ensemble de sa mémoire pour trouver l'information qu'il recherche. Si c'était le cas, le sujet mettrait des années avant de se rappeler des faits les plus triviaux. Le sujet ne part pas de nulle part : le sujet a naturellement une petite idée de ce qu'il doit se rappeler, il a quelques indices qui lui permettent de guider sa recherche.
La recherche en mémoire part ainsi d'informations perçues ou maintenues à l'esprit, qui sont appelés des indices de récupération. Ces indices de récupération sont des informations présentes en mémoire qui sont activées, que ce soit par la perception ou par l'attention (le maintien en mémoire de travail). Ceux-ci ont le même effet que les indices dans les tâches d’amorçage sémantique : ils vont activer les informations reliées ou associées. On peut faire une analogie avec un moteur de recherche : quand vous cherchez quelque chose sur le net, vous tapez des mots-clés dans le moteur de recherche, et celui-ci récupère les informations sur le web en fonction de ces mots-clés. Ces mots-clés sont au web ce que les indices de récupération sont à notre mémoire. Mais l'analogie s’arrête là : les moteurs de recherche actuels ne fonctionnent absolument pas comme notre mémoire.
La réussite du rappel est influencée par de nombreux facteurs, qui dépendent autant de l'indice que de la cible ou de l'encodage des liens entre informations. Ces facteurs sont les suivants :
- l’attention dévolue aux indices ;
- la présence d'une association entre indice et cible ;
- la force de l'association ;
- le nombre d'indices utilisés ;
- la stratégie de rappel utilisée ;
- la congruence entre contexte d'encodage et contexte de rappel.
Influence de l'attention
modifierIl va de soi que plus les indices sont activés, plus le rappel sera efficace et/ou rapide. Il est supposé dans de nombreuses théories que plus on porte attention à un indice, plus celui-ci sera activé. On peut facilement en déduire que l'attention portée aux indices influence fortement le rappel. Une manière de vérifier cette prédiction est de réduire l'attention portée aux indices lors d'une tâche de rappel. Un bon moyen pour faire cela est de demander aux sujets de faire plusieurs choses à la fois. En plus de la tâche de rappel, on donne une autre tâche cognitive aux sujets, qui leur coûte de l'attention. L’attention des sujets sera alors partagée en les deux tâches, limitant ainsi l'attention allouée à la tâche de rappel, aux indices. On observe alors une nette baisse de performance dans la tâche de rappel. Par contre, il ressort que l'effet est supérieur sur le rappel et moindre dans les tâches de reconnaissance.
Pour donner un exemple, on peut citer les études de Myra Fernandes et Morris Moscovitch, datées des années 2000 et 2003. Dans cette étude, les sujets devaient rappeler à voix haute une liste de mots appris par cœur. Le premier groupe n'avait pas de tâche concurrente à la tâche de rappel. Un second groupe devaient répondre à quelques questions sur des items présentés sur un écran d'ordinateur. Il se trouve que le rappel des sujets subissant une tâche concurrente avaient des performances diminuées de moitié comparé au groupe contrôle.
Influence de la pertinence des indices
modifierIl va de soi qu'un indice doit être relié à la cible, pour déclencher un effet d’amorçage. Si l’on présente un indice qui n'a aucun lien avec la cible, on n'observe pas le moindre gain en terme de rappel de la cible. Cependant, pour qu'un lien se forme entre deux informations, il faut qu'elles soient toutes deux présentes en même temps lors de l'encodage. Un indice n'est associé à une cible que si l'association entre ces deux informations a été encodée, mémorisée. Indice et cible ont donc du être présents dans la mémoire de travail en même temps, pour une raison X ou Y. C'est ce que l'on appelle le principe d'encodage spécifique.
Influence de la force associative
modifierSi la présence d'une association entre cible et indice est nécessaire pour que l'effet d'amorçage se manifeste, toutes les associations ne sont pas égales. Certaines associations sont relativement faibles, à savoir qu'elles laissent peu passer l'activation diffusante. Ces associations faibles sont naturellement à opposer aux associations fortes, qui laissent mieux passer l'activation. L'activation de l'indice a donc peu de chance de déclencher le rappel de la cible si l'association est faible, alors que le rappel sera quasi-systématique avec une association forte. Évidement, cette distinction être associations faibles et fortes est assez schématique, la force d'une association étant une grandeur continue.
Pour se rendre compte de ce concept de force associative, le mieux est de prendre un exemple qui devrait vous parler. Lors de votre scolarité, vous avez certainement eu du mal à apprendre le vocabulaire d'une langue étrangère. Vous connaissiez certainement les mots étrangers, mais vous aviez du mal à vous rappeler de leur signification (la cible). Pourtant, signification et mot étranger étaient présents dans votre mémoire, et certainement l'association entre ces deux informations. Mais l'association étant relativement faible sans une bonne dose d'apprentissage par cœur, vous avez certainement eu du mal à obtenir de bonnes performances au début de votre apprentissage. Ce n'est qu'après d’âpres répétitions que l'association est devenue suffisamment forte pour que vous puissez vous rappeler de la signification de mots étrangers par cœur.
Influence du nombre d'indices
modifierDans certaines expériences, les scientifiques ont cherché à vérifier si augmenter le nombre d'indices de récupération permettait de faciliter le rappel. Et c'est bien le cas : plus d'indice implique souvent une meilleure récupération. Cela s'explique facilement : la somme des activation provenant de plusieurs indices s'additionne, donnant un effet synergique. Plus un concept est accessible, à savoir relié à un grand nombre d'indices de récupération, plus il sera facile à rappeler. Dans cette optique, la structure du réseau sémantique a une influence sur la propagation de l'activation diffusante : elle détermine la disponibilité d'un concept. Cette théorie permet d'expliquer la différence entre rappel libre et indicé : les indices de récupération sont plus nombreux en tâche de rappel indicé.
Certains chercheurs expliquent la différence entre reconnaissance et rappel sur la base de ce mécanisme d'activation diffusante, sans faire appel à une séparation en deux processus de reconnaissance et de rappel séparés. Les tâches de reconnaissance fourniraient plus d'indices de récupération que les tâches de rappel, favorisant la récupération. À l'heure actuelle, ce débat est loin d'être clos. L'activation diffusante a cependant une influence non nulle en reconnaissance. Par exemple, les phénomènes de fausses reconnaissance proviendraient d'ailleurs d'une activation indirecte d'informations reliées aux items à apprendre. Pour reprendre l'exemple des listes citées au-dessus, le mot sucré serait activé parce qu'il est fortement relié aux éléments de la liste.
Indices contextuels
modifierIl est à noter que plus les indices de récupération sont proches de ceux utilisés lors de l'encodage, plus le rappel est facile. En clair, plus le contexte de rappel est similaire au contexte d'encodage, plus le rappel est facilité. Il est intéressant de remarquer que cet effet ne donne pas vraiment de meilleurs résultats dans les tâches de reconnaissance : seules les tâches de rappel indicé et libre permettent de montrer un effet significatif de l'encodage spécifique.
Dans cette optique, l'environnement d'apprentissage, les objets présents dans le contexte d'encodage, l’expérimentateur, et le reste, sont encodés avec le contexte et servent d'indices de récupération. Quelques expériences ont ainsi comparé deux groupes de sujet, ceux du premier groupe passant le test dans la salle dans laquelle ils avaient appris, alors que le second passait le test dans une autre salle : le premier groupe avait des résultats 15 à 20 % supérieurs. L'effet a aussi été observé en faisant varier non pas la salle de classe mais l'expérimentateur. Certains psychologues ont même été jusqu'à garder la même salle, mais en changeant l'ordre des tables: l'effet restait ! Même chose si une odeur particulière est diffusée dans la pièce lors de l'apprentissage : sa présentation lors du rappel améliore le taux de rappel des items appris. Comme quoi, le coup de la madeleine de Proust n'était pas du chiqué !
L'étude la plus iconique de ce champ de recherche est l'étude de Baddeley et Godden, datée de 1975. Dans cette étude, plusieurs groupes de plongeurs écoutaient une liste de 40 mots, deux groupes recevant ces mots sous l'eau, les autres sur la terre ferme. Deux des groupes recevaient un test de rappel sous l'eau, ou sur terre. Il se trouve que ceux qui avaient appris les mots sous l'eau avaient de meilleures performances quand on les testait sous l'eau que sur terre. Et réciproquement pour ceux qui avaient appris les mots sur terre.
De plus, l'état physiologique lors de l'encodage joue aussi le rôle d'indice de récupération. Par exemple, Goodwin et ses collègues (1969) ont saoûlé un groupe de 48 cobayes et leur ont fait apprendre des listes de mots lors de leur ivresse. Quelques temps plus tard, ils les ont séparé en deux groupes : l'un qui avait décuvé et l'autre saoul. Le groupe ivre rappelait nettement plus de mots que le groupe sobre. En 1970, Bustamante a réitéré l'expérience en utilisant deux groupes de cobayes : l'un qui avait reçu de amphétamines et l'autre de simples barbituriques. Ces deux groupes se rappelaient plus de mots lorsqu'ils étaient sous l'emprise de la même drogue que celle consommée avant l'apprentissage de la liste de mots. Pire : Overton (1974) a montré que des rats qui avaient appris à trouver la sortie d'un labyrinthe sous l'emprise d'une drogue ne trouvaient pas la sortie une fois les effets de la drogues passés. Par contre, réinjecter la drogue dans les rats leur faisait trouver la sortie du premier coup !
L'humeur lors de l'encodage a aussi son influence. Par exemple, demandez à des groupes de cobayes de mémoriser des listes de mots : certaines contiennent uniquement des mots positifs (gentil, agréable, douceur, frère, amitié) et d'autres des mots déprimants. Réunissez deux groupes de cobayes, un de ces groupes contenant des extravertis baignant dans la joie de vivre et l'autre un ramassis de méchants dépressifs. Le groupe dépressif retiendra nettement mieux la liste déprimante, alors que le groupe de bonne humeur retiendra mieux la liste agréable.
D'autres biais du même genre peuvent survenir avec la langue d'apprentissage. Par exemple, se rappeler quelque chose lors d'un test dépend de la langue d'apprentissage. Si l’on vous fait apprendre quelque chose en allemand, vous aurez plus de facilité à donner la réponse si la question est posée en allemand qu'en français. Cet effet a été mis en évidence chez des étudiant anglais-espagnols bilingues (Marian and Fausey, 2006) mais il peut certainement se généraliser à tout le monde.