La politique monétaire/Le modèle de Mundell-Flemming
Le modèle IS/LM est un modèle d'économie fermée, ce qui signifie qu'il néglige le taux de change, les exportations et importations, et les échanges entre pays de manière générale. Cependant, on peut le modifier pour en faire un modèle d'économie ouverte, qui tient compte du commerce international et des échanges de capitaux entre pays. Le résultat est une théorie appelée modèle de Mundell-Flemming, qu'il est intéressant d'étudier. Ce modèle nous dit comment la politique monétaire doit se comporter et comment elle agit sur l'économie, que ce soit dans un régime de change fixe ou flexible.
Le modèle : cas général
modifierLe modèle se base sur deux hypothèses.
- Petite économie ouverte : Le modèle décrit une petite économie ouverte, pas les économies assez grandes. Par là, on veut dire une économie ouverte dont les politiques économiques n'ont pas d'impact sur les autres pays. Les autres pays ne sont pas ou très peu influencés par les décisions nationales : le taux d'intérêt et le PIB étrangers ne sont pas influencés par une politique de relance domestique.
- Mobilité parfaite des capitaux : Les capitaux sont libres de circuler d'un pays à un autre, sans aucune forme de frictions. En clair, les agents économiques investissent nationalement et peuvent à tout moment déplacer leur argent d'un pays à un autre. Si un pays a un taux d'intérêt plus élevé que les autres, alors les capitaux affluent dans ce pays, afin de profiter de rendements élevés. Cet afflux de capitaux entraîne une hausse des capitaux prêtables dans le pays et les taux d'intérêts vont baisser en conséquence. Si le taux national est plus faible que pour les autres pays, le mécanisme va en sens inverse. Les capitaux fuient le pays pour être investit dans des pays plus rémunérateurs, ce qui fait baisser le taux national. À l'équilibre, si la mobilité des capitaux est parfaite, le taux d'intérêt national est égal aux taux d'intérêts étrangers.
La relation entre taux d'intérêt et PIB
modifierCette dernière hypothèse se répercute directement sur la courbe IS et la courbe LM. Sur le graphique i-Y, le point d'intersection entre ces deux courbes doit se trouver sur la ligne horizontale définie par . Cette situation est illustrée ci-contre. On voit que les courbes IS et LM s'intersectent au niveau du taux , quel que soit la situation. Si une courbe bouge, l'autre va automatiquement bouger pour compenser. Les mécanismes exacts dépendent cependant du régime de change : la compensation n'a pas lieu de la même manière suivant que l'on est en régime de change fixe ou flottant.
Pour détailler le modèle, injectons ce taux étranger dans leurs équations. Ce taux est fixe, "constant", dans le sens où il n'est pas du ressort de la politique nationale et n'est pas décidé par l'état de l'économie nationale. Il s'agit d'une grandeur exogène, qui est fixée par le modèle. Les seules variables qui peuvent varier sont le PIB/revenu et le taux de change.
La relation entre taux de change et PIB
modifierLes deux équations précédentes nous montrent comment évoluent les courbes IS et LM. La courbe LM associée est une courbe LM tout ce qu'il y a de plus normale. Par contre, l'équation de la courbe IS change. L'équation précédente nous dit que le PIB ne dépend pas du taux d'intérêt, mais du taux de change. La courbe IS devient une courbe décroissante en fonction du taux de change. Idéalement, on devrait reformuler le modèle en utilisant le taux de change et non le taux d'intérêt, pour voir ce qui se passe quand le taux de change varie. Le modèle se résume alors à deux courbes : une courbe IS décroissante et une courbe LM verticale. Le tout est illustré ci-contre. Le fait que la courbe LM est verticale signifie simplement que la demande de monnaie est indépendante du taux de change, qu'elle est égale à une constante qui dépend du PIB et du taux . La décroissance de la courbe IS trahit le fait que le PIB augmente quand le taux de change baisse. Du moins, c'est ce que laisse supposer l'équation de la courbe IS, si on suppose que les exportations nettes croissent quand la monnaie se déprécie.
En régime de change flexible
modifierEn régime de change flexible, le taux de change peut varier en réaction à la politique fiscale ou monétaire. Sous ce régime, la courbe IS s'adapte aux variations de la courbe LM. L'équilibre est atteint grâce à une modification des taux de change, qui permet au point d'intersection de LM et IS de rester sur la ligne horizontale d'équation . Le fait est que la politique monétaire est contrainte par la contrainte . Elle maintient le taux d'intérêt constant, sous l'effet de la mobilité des capitaux, ce qui fait que la courbe LM se modifie automatiquement.
L'effet de la politique budgétaire
modifierPrenons le cas où la courbe IS se déplace vers la droite, suite à une politique fiscale accommodante. Dans ce cas, l'effet d'éviction va se manifester : de l'investissement public va remplacer l'investissement privé, ce qui cause une hausse du taux d'intérêt. Cette hausse des taux attire les capitaux étrangers et un flux de capitaux supplémentaire va entrer dans le pays. Les flux entrants augmentant, le taux de change va naturellement être impacté et va augmenter. Cette augmentation du taux de change influence les exportations nettes, ce qui se répercute sur le PIB. Au final, la courbe IS revient à sa position initiale. Pour résumer, la politique fiscale ou budgétaire n'a aucune influence en économie ouverte, du moins pour une petite économie ouverte. Elle ne permet pas de relancer l’économie.
L'effet de la politique monétaire
modifierPrenons maintenant une politique monétaire accommodante, qui augmente la quantité de monnaie domestique. Elle fait baisser le taux d'intérêt domestique, ce qui fait fuir les capitaux étrangers. La fuite des capitaux déprécie le taux de change, ce qui booste les exportations nettes. Les exportations nettes faisant partie intégrante du PIB, ce dernier augmente. Pour être précis, le PIB augmente jusqu’à ce que le taux d'intérêt revienne à sa valeur d'équilibre, le taux d’intérêt étranger. En clair, la politique monétaire est efficace et a un effet net sur le PIB.
Examinons maintenant comment tout cela se traduit graphiquement sur le graphique i-Y. La politique monétaire accommodante a pour effet de déplacer la courbe LM vers la droite. Si la courbe IS reste la même, son point d'intersection avec la courbe LM descend : le taux d'intérêt descend sous le taux étranger. Pour rétablir l'équilibre, la courbe IS doit se déplacer à droite pour que le point d'intersection revienne sur la droite horizontale liée au taux étranger. Ce déplacement est causé, comme dit plus haut, par une variation du taux de change qui ne se voit pas sur le graphique i-Y.
En régime de change fixe
modifierEn régime de change fixe, la situation est l'inverse de celle en change flexibles. Cette fois-ci, c'est la courbe LM qui réagit aux variations de la courbe IS et non l'inverse. Encore une fois, cela permet au point d'équilibre IS/LM de rester sur la droite .
Chose importante, le cas d'un régime de change fixe avec taux d'intérêt identique entre pays correspond plus ou moins au cas d'une union monétaire, comme la zone euro. En effet, les taux directeurs sont les mêmes dans toute la zone euro. La politique monétaire est la même partout, vu que la BCE gère toute la zone euro, avec des taux identiques dans tous ses pays. L'hypothèse est donc valable, si on considère que est le taux directeur de la BCE. Pour l'hypothèse de fixité des taux de change, elle est respectée quand tous les pays partagent la même monnaie. Tout se passe comme si les différents pays avaient un taux de change fixe, égal à 1 (la monnaie d'un pays a la même valeur que celle d'un autre). Le modèle présenté ne fait pas la différence entre monnaies différentes de même valeur, et monnaie partagée. Les mathématiques du modèle restent les mêmes dans les deux cas.
L'effet de la politique budgétaire
modifierPrenons une politique budgétaire accommodante. Tout se passe de la même manière que pour les changes flexibles, jusqu'à ce que le taux de change soit modifié. La politique fiscale augmente le PIB, et fait augmenter les taux d'intérêts par effet d'éviction. Les flux entrants de capitaux augmentent alors, ce qui apprécie le taux de change. Et c'est là que les choses changent par rapport aux taux de change flexibles. La banque centrale ne peut pas laisser le taux de change se déprécier et réagit alors. Elle augmente la quantité de monnaie en circulation, ce qui réduit les taux d'intérêt et donc les taux de change. Les taux (intérêt et change) et les exportations nettes reviennent à ce qu'elles étaient avant la politique fiscale, mais le PIB a augmenté, de même que la quantité de monnaie en circulation.
L'effet de la politique monétaire
modifierPassons maintenant à l'étude de la politique monétaire en change fixe. Nous allons étudier le cadre d'un régime de change fixes avec mobilité parfaite des capitaux. Prenons l'exemple d'une politique monétaire accommodante, le cas d'une politique restrictive étant l'exact opposé. Celle-ci fait baisser le taux d'intérêt domestique, ce qui fait fuir les capitaux étrangers et déprécie la monnaie. Pour garder le taux de change fixe, la banque centrale n'a pas le choix que de remonter ses taux à leur valeur initiale. En clair : la politique monétaire n'a plus le contrôle de la quantité de monnaie ou de ses taux, si elle doit contrôler les taux de change. Bien sur, cela ne marche que si les capitaux peuvent fuir, ce qui implique une mobilité des capitaux. Ce résultat ne tient pas si les entrées et sorties de capitaux sont contrôlées par le pays domestique. Un régime de change fixe implique donc : soit une politique monétaire restreinte, soit un contrôle des capitaux.
Résumé des résultats du modèle
modifierIl est possible de résumer les résultats du modèle dans le tableau à double entrée ci-dessous.
Taux de change flottant | Taux de change fixe | |
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Politique budgétaire | Inefficace (si mobilité parfaite des capitaux) | Efficace |
Politique monétaire | Efficace | Inefficace |