La politique monétaire/Le modèle AD/AS

Le modèle IS/LM a pour défaut d'être un modèle à prix fixes. Pour éliminer cette hypothèse, il faut regarder ce qui se passe quand les prix baissent. L'extension d'IS/LM sans rigidité des prix est un modèle assez connu, nommé modèle AD/AS. Ce modèle est d'une importance capitale pour comprendre certains débats macroéconomiques anciens, comme la controverse entre économistes classiques, monétaristes et keynésiens. Ces deux derniers courants se basaient sur des théories assez simples, toutes dérivées du modèle AD/AS. Les monétaristes et keynésiens acceptaient tous deux les modèles IS/LM ainsi que le modèle AD/AS, mais y ajoutaient quelques hypothèses opposées sur la forme des courbes de demande et d'offre agrégée. En somme, le monétarisme et le keynésianisme sont tous deux des versions particulières du modèle AD/AS, qui est un modèle suffisamment général pour expliquer le fonctionnement de l'économie sous l'étalon-or.

Avec le changement de régime monétaire et l'apparition du contrôle de l'économie par les taux, ces débats sont devenus marginaux, car n'ayant plus de pertinence dans le monde réel. Maintenant que la banque centrale ne contrôle la quantité de monnaie en circulation, les modèles IS/LM et AD/AS sont devenus obsolètes et sont remplacés par les modèles IS/MP et AD/IA. Il n'y a donc plus de controverse entre monétaristes et keynésiens, mais un compromis néo-kéynésien basé sur le modèle à trois équations vu dans les chapitres précédents. Cependant, il est intéressant de comparer les modèles monétaristes et keynésiens, pour comprendre plus finement le fonctionnement de l'économie supposé par ces deux courants. Certains débats ou visions économiques contemporains gardent en effet la trace de ce conflit ancien entre courants économiques opposés et des analogies avec l'économie actuelle peuvent être appliquées.

Description générale du modèle AD/AS

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Modèle AD/AS.

Le modèle AD/AS a de fortes ressemblances avec le modèle de base de l'offre et de la demande utilisé en microéconomie. Il fait en effet intervenir deux courbes appelées demande et offre agrégées, qui sont l'équivalent macroéconomique des courbes de demande et d'offre de la microéconomie.

La courbe de demande agrégée indique combien les agents souhaitent acheter en fonction des prix et de leur revenu nominal, la courbe agrégée indiquant quant à elle quelle quantité de biens et services les entreprises vont produire selon les prix. La courbe de demande est naturellement décroissante : plus les prix sont élevés, plus la demande de biens et services diminue.

La situation est moins claire pour la courbe d'offre agrégée, mais il est naturel de supposer que celle-ci est croissante dans la plupart des cas. Des prix plus élevés incitent les producteurs à produire plus pour profiter des prix haut pour faire du profit. Pour faire simple, la demande agrégée n'est autre que la somme des demandes individuelles de chaque marché, de toute l'économie considérée, l'offre agrégée étant la même chose pour les offres de chaque marché. Ces deux courbes donnent chacune de leur côté une relation entre PIB et prix. Ces deux courbes vont s'intersecter en un point qui indique l'état d'équilibre de l'économie, celui dans lequel l'offre agrégée est égale à la demande agrégée. Cet équilibre donne le niveau des prix et la production qui découlent de la rencontre entre l'offre et la demande agrégées.

Précisons que la demande agrégée ressemble à la demande utilisée dans la loi de l'offre et de la demande, mais qu'elle n'a en réalité rien à voir. En effet, le théorème de Sonnenschein, Mantel, Debreu) nous dit qu'on ne peut pas dériver une courbe de demande pour l'ensemble de l'économie, ce que laisse penser le terme "demande agrégée". Derrière ce théorème se cache le fait que décrire une demande globale revient à additionner des choux et des carottes. Les biens vendus sont hétérogènes, alors qu'une courbe de demande n'est définie que pour un bien unique. Et on voit mal comment additionner les courbes de demande des œufs au plat avec la courbe de demande d'ordinateurs neufs. La demande agrégée est de plus démontrée en utilisant des méthodes bien différentes de la microéconomie. Dériver une courbe de demande décroissante en microéconomie demande de postuler des hypothèses assez fortes. Mais la demande agrégée ne demande rien de tout cela et peut exister même si la loi de la demande n'est pas respectée. Pareil pour ce qui est de l'offre. Démontrer que la courbe d'offre microéconomique est croissante demande par exemple des hypothèses sur les rendements factoriels ou une situation de monopole. Mais la courbe d'offre agrégée peut être croissante sans qu'aucune de ces hypothèses ne soit respectée.

L'équilibre entre offre et demande agrégée

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Effet d'une variation de la demande avec une courbe d'offre croissante.

L'équilibre entre offre et demande agrégées peut varier suite à une modification de la demande et/ou de l'offre agrégée. Généralement, les changements de la courbe de demande font suite à un changement de politique monétaire et/ou budgétaire. Des politiques expansionnistes vont déplacer la courbe de demande vers la droite, alors que des politiques interactionnistes vont la déplacer vers la gauche. Par contre, ces politiques n'ont pas d'effet immédiat sur l'offre agrégée. Ce faisant, le point d'équilibre se déplace dans le même sens que la courbe de demande : le PIB et les prix baissent avec une politique restrictive, alors qu'ils augmentent avec une politique expansionniste. Une variation de la courbe d'offre agrégée aura l'effet inverse, selon que l'offre se réduise (déplacement vers la gauche de la courbe) ou augmente (vers la droite). Un déplacement de la courbe d'offre vers la gauche se traduit par une hausse des prix alors que le PIB diminue. À l'inverse, un déplacement vers la droite de l'offre va faire baisser les prix alors que le PIB augmente. On peut ainsi savoir si l'inflation a une origine liée à la demande ou à l'offre : elle va dans le même sens que le PIB si c'est une histoire de demande, en sens inverse pour un problème d'offre.

Différence entre monétarisme et keynésianisme

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La différence entre monétarisme et keynésianisme se base sur la forme de la courbe d'offre agrégée et la dérivation de la courbe de demande agrégée. Dans les deux cas, monétaristes et keynésiens s’accordent pour dire que la courbe de demande agrégée est décroissante. Mais les raisons à cela différent grandement selon le courant considéré. Les monétaristes dérivent cette courbe de demande à partir de la théorie quantitative de la monnaie, les keynésiens préférant la démontrer à partir du modèle IS/LM. Cependant, certains monétaristes acceptent le modèle IS/LM comme modèle de l'économie à court-terme, quand les prix sont considérés comme temporairement rigides. Ils font cependant des hypothèses différentes des keynésiens sur la forme de la courbe LM, hypothèses aux conséquences légèrement différentes des prédictions keynésiennes. En réponse à la courbe LM plate des keynésiens, les monétaristes préfèrent une courbe LM verticale. Si la première fait que toute politique monétaire est inefficace alors que la politique fiscale est toute puissante, la seconde hypothèse a les conséquences inverses. Nous verrons cela en détail dans ce qui va suivre, avec une présentation détaillée du modèle monétariste et du modèle keynésien.

Le modèle AD/AS monétariste

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Comme dit plus haut, le modèle monétariste se base avant tout sur la théorie quantitative de la monnaie pour décrire le fonctionnement à long-terme de l'économie. À plus court ou moyen terme, ils pensent cependant que l'économie est bien décrite par le modèle IS/LM, dans une certaine mesure. Ils posent cependant quelques contraintes sur la forme des courbes LM et IS, qui traduisent un a priori quant à l'efficacité des politiques monétaires et fiscales. Les keynésiens font pareil, si ce n'est que leurs hypothèses traduisent de a priori inverses. Pour résumer, le modèle monétariste fait quelques hypothèses assez simples :

  • la courbe d'offre AS est verticale sur le long-terme ;
  • la courbe de demande AD est dérivée de la théorie quantitative de la monnaie pour le long-terme ;
  • à court-terme, la courbe LM est verticale.

La courbe d'offre agrégée monétariste

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Effet d'une variation de la demande sur les prix avec une courbe d'offre verticale.

Le fait que la courbe AS est verticale traduit le fait que l'économie est, à l'équilibre, au PIB potentiel. Cela traduit le fait que toute variation de la demande agrégée n'a pas d'effet réel : elle n'influence ni le PIB, ni les taux réels. À la place, toute variation de la demande va retenir sur les prix et uniquement sur ceux-ci. Il s'agit tout simplement d'une formalisation de la neutralité de la monnaie. Ce fait est illustré par le graphique sur votre droite. Celui montre ce qui se passe quand la demande agrégée diminue : on voit que le point d'intersection avec l'offre agrégée baisse, ce qui n'a pas d'impact sur le PIB mais en a un sur les prix, qui suivent le mouvement. Une hausse de la demande agrégée aurait l'effet strictement inverse : une hausse des prix, mais un PIB identique. Cela m’amène à faire une petite remarque : tout cela n'est possible que si les prix sont totalement flexibles, toute rigidité des prix étant interdite. Toute variation de la quantité de monnaie doit se répercuter intégralement sur les prix qui doivent évoluer dans le même sens et dans les mêmes proportions que la masse monétaire. Flexibilité des prix, neutralité de la monnaie et courbe d'offre agrégée verticale sont trois formulations différentes de la même hypothèse, du même principe sous-jacent.

La courbe de demande agrégée monétariste

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La théorie monétariste dérive la courbe AD à partir de la théorie quantitative de la monnaie. Partons de l'équation  . Supposons que le produit   soit une constante K. Dans ces conditions, toute augmentation du PIB devra faire baisser les prix, pour garder leur produit constant. Par exemple, une multiplication par deux du PIB entrainera une division par deux des prix et réciproquement. On peut alors tracer sur un diagramme (P, Y) toutes les combinaisons possibles (P, Y) pour une valeur de M donnée. Le graphe de la fonction obtenue est tout simplement une fonction décroissante du prix en fonction du PIB, soit la courbe AD dérivée plus haut.

Avec cette approche, la courbe AD dépend essentiellement de la quantité de monnaie en circulation. Ainsi, toute hausse ou baisse de l'offre de monnaie entrainera un déplacement de la courbe AD. Une hausse de l'offre de monnaie entrainera une hausse de la constante K, donc du produit  . Ainsi, le PIB sera naturellement supérieur à prix égal, tandis que le prix montera à PIB identique. Cela se traduit graphiquement par un déplacement de la courbe AD vers la droite. Une baisse de l'offre de monnaie aura les conséquences inverses : la courbe AD se déplacera vers la gauche. Cela traduit le fait que, pour les monétaristes, seule la politique monétaire peut jouer un rôle de stabilisation. Lutter contre les récessions et les booms économiques demande d'ajuster la quantité de monnaie en circulation dans l'économie. Une politique fiscale ou budgétaire ne peut pas influencer la masse monétaire et ne peut donc pas influencer la demande agrégée. C'est ce qui es traduit par l'aphorisme de Milton Friedmann : "l'inflation est de tout temps et partout un phénomène monétaire".

Il est possible d'obtenir la courbe AD monétariste à partir du modèle IS/LM, en faisant quelques hypothèses sur la forme de la courbe LM. Ces hypothèses doivent rendre compte du fait que la politique fiscale est totalement inutile et n'a pas d'influence sur le PIB, tandis que la politique monétaire en a un. Pour cela, on peut reprendre ce qu'on a vu dans le chapitre précédent, quand nous avons parlé de l'effet d'éviction. On a vu que lorsque le gouvernement démarre une politique de relance fiscale, cela se traduit par un déplacement de la courbe IS. Pour que cela n'aie pas d'effet sur le PIB, il faut que la courbe LM soit verticale. Dans ce cas bien précis, tout déplacement de la courbe IS ne fera rien sur le PIB, mais aura par contre un effet sur les taux d'intérêts. Cela traduit le fait que la politique de relance subit un effet d'éviction : la hausse de l'investissement public est compensée par une baisse identique de l'investissement privé. Dans le détail, le gouvernement va devoir emprunter de l'argent pour faire sa politique de relance fiscale, en creusant sa dette. Cet emprunt va entrer en concurrence avec l'investissement privé, ce qui fera augmenter les taux d'intérêt. Du fait de l'augmentation des taux, l'investissement va se réduire : c'est un effet d'éviction. Pour résumer, la relance va dévier des fonds destinés à l'investissement privé vers l'achat de dette publique, réduisant d'autant l'investissement privée. Si la courbe LM est verticale, l'effet d'éviction annule totalement l'effet de la relance fiscale. Par contre, la politique monétaire est particulièrement efficace pour modifier la demande, car elle déplace la courbe LM. On retrouve bien l'hypothèse monétariste qui veut que seule la politique monétaire soit efficace.

Le modèle AD/AS Keynésien

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Le modèle AD/AS des keynésiens est un peu plus compliqué à comprendre que le modèle monétariste. Cependant, les hypothèses qui le sous-tendent sont assez simples : la courbe d'offre agrégée est plate et la courbe de demande se dérive d'IS/LM avec quelques hypothèses supplémentaires. Pour ceux-ci, la courbe d'offre agrégée est plate, du moins dans une certaine mesure. De plus, la politique monétaire n'a pas d'influence sur la demande agrégée. On va voir que cette hypothèse implique des contraintes sur la forme des courbes IS et LM : la courbe IS doit être plate pour cela. Voyons cela en détail.

La courbe d'offre agrégée keynésienne

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Offre agrégée.

Pour les keynésiens, la courbe d'offre agrégée a une forme plus complexe que la courbe AS des monétaristes. Leur version la plus réaliste de la courbe d'offre est illustrée ci-contre. On voit qu'elle est plate pour de faibles niveaux des prix, dans ce qu'on appelle la portion keynésienne. Elle commence ensuite à devenir progressivement croissante, avant de devenir verticale dans sa portion dite classique. L'explication de la forme de la courbe AS est quelque peu compliquée, mais elle fait fatalement intervenir une rigidité des prix ou des salaires d'une manière ou d'une autre.

  • Si les prix sont totalement rigides, ceux-ci ne peuvent pas changer quand la demande augmente. En clair, un déplacement vers la gauche ou la droite de la courbe AD ne doit pas changer les prix : cela n'est possible que si la courbe d'offre est plate. Cependant, les keynésiens admettent que la platitude de l'offre ne vaut que si la demande n'est pas trop importante.
  • Si la demande est bien plus importante que la capacité maximale de production de l'économie, les entreprises ne pourront pas répondre à la demande en augmentant les quantités vendues. L’économie est alors en situation de plein emploi. Le seul ajustement possible sera alors sur les prix : on retrouve alors la courbe verticale au-delà d'un certain niveau de production/PIB réel.
  • Entre les deux, on a une portion de transition qui fait le lien entre offre verticale et horizontale, dans laquelle certaines entreprises ajustent les quantités vendues alors que les autres modifient leurs prix. Dit autrement, le plein emploi est atteint dans certain secteurs, mais pas dans d'autres. Les secteurs en plein emploi ne peuvent qu'augmenter les prix alors que les autres peuvent encore augmenter les quantités. L'effet agrégé est alors un mélange entre hausse des prix et de la production.

La courbe de demande keynésienne

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Dérivation de la courbe AD à partir de IS/LM.

La courbe de demande agrégée keynésienne peut se dériver du modèle IS/LM assez simplement. Il est en effet possible de fusionner les courbes IS et LM en une courbe de demande agrégée, qui relie PIB et niveau des prix. Deux mécanismes permettent d'obtenir une relation décroissante : l'effet Pigou d'un côté, et l'effet de la monnaie sur les taux de l'autre.

Commençons par étudier l'effet sur les taux. Quand les prix augmentent, la demande de monnaie   se réduit alors que l'offre de monnaie reste la même. En conséquence, les taux d'intérêt vont augmenter, ce qui réduira le PIB via la courbe IS. À l'inverse, une baisse des prix entraine une hausse de la demande réelle de monnaie  , ce qui cause une baisse des taux d'intérêt, qui elle-même dope l'investissement, causant finalement une augmentation du PIB par le biais du multiplicateur keynésien. On peut modéliser cette chaîne d'évènements à partir du modèle IS/LM. Avec une hausse des prix, la courbe LM se déplace vers la gauche/le haut. Le point d'intersection se déplace et ont voit que cela augmente les taux et réduit le PIB. Une baisse des prix va déplacer la courbe LM vers la droite/vers lebas, l'équilibre IS/LM est alors lui aussi déplacé vers la droite (la courbe IS reste la même).

 

En second lieu, il faut prendre en compte l'effet d'encaisses réelles. Pour rappel, celui-ci signifie que les encaisses réelles  , détenues par les ménages et entreprises, favorisent la consommation. Plus les agents ont d'argent placé, plus ils auront tendance à consommer. On peut résumer cela avec une relation entre PIB et encaisses réelles qui est de la forme suivante :

 

Si les prix augmentent, les agents voient leurs encaisses réelles diminuer. Bien que les encaisses nominales M restent les mêmes, la hausse des prix leur fait perdre leur pouvoir d'achat. En clair : l'épargne de précaution des agents fond comme neige au soleil et ils réduisent leur consommation pour tenter de la reconstituer. À l'inverse, une baisse des prix augmente la valeur des encaisses réelles, ce qui réduit le besoin d'épargner par précaution. On a donc une relation décroissante entre la dépense (et donc le PIB), et les encaisses réelles.

Un compromis entre théories : la transition entre court et long-terme

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On a vu qu'en l'absence de toute forme de rigidité des prix et salaires, la courbe AS est une droite verticale, dont l'abscisse est égale au PIB potentiel. Dans ces conditions, toute variation de la courbe AD se traduira par une variation des prix, sans aucune variation du PIB. Ainsi, politique monétaire et budgétaire n'auraient aucun impact sur le PIB, et ne feraient qu'entrainer de l'inflation. Force est de constater que c'est réellement ce qui se passe à long-terme, comme nous l'avons vu dans le chapitre sur la théorie quantitative de la monnaie. Mais à court-terme, les prix sont rigides et cela entraine une courbe d'offre plate.

Première solution : une courbe d'offre agrégée mi-keynésienne mi-monétariste

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Une première solution est de mixer les courbes d'offre agrégée en une seule courbe, capable de rendre compte à la fois des effets keynésiens et monétaristes. La courbe obtenue est subdivisée en trois sections : une section monétariste (aussi dite classique), une section keynésienne, et une section intermédiaire. Dans la portion classique, toute augmentation de la demande entraîne une augmentation immédiate des prix, sans effet sur le PIB. Par contre, toute augmentation dans la portion keynésienne a l'effet inverse : les prix restent stables alors que le PIB augmente. Ce n'est qu'entre les deux que PIB et prix augmentent en même temps, du moins pour un choc positif de demande. Un choc d'offre a un effet similaire sur le PIB, quoique les variations des prix soient inversées. Les prix augmentent pour un choc d'offre négatif, alors que le PIB diminue. Par contre, un choc d'offre positif fait diminuer les prix alors que le PIB augmente.

 
Graphe AD/AS.

Une différence avec les monétaristes est que les keynésiens supposent que la politique fiscale est très efficace alors que la politique monétaire ne stimule pas la demande. Pour cela, les keynésiens supposent que l'économie est dans une situation de trappe à liquidité, une situation où les taux ne sont pas influencés par la politique monétaire. Dans une telle situation, la courbe LM est totalement horizontale et l'effet d'éviction est totalement nul. Le seul moyen pour augmenter le PIB est de déplacer la courbe IS, ce qui demande une politique fiscale expansionniste.

Seconde solution : deux courbes d'offre agrégée à long et court-terme

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Pour réconcilier le court et le long-terme, il est possible d'utiliser deux courbes AS : une courbe AS de long-terme verticale (au PIB potentiel) et une courbe AS de court-terme keynésienne. Le modèle obtenu est alors assez général, au point qu'il met de côté l'efficacité des politiques fiscale et monétaire : les deux sont supposées avoir un effet sur la demande agrégée. L'effet sur la demande est supposé immédiat, ce qui fait que la courbe de demande se déplace une fois pour toute, et ne bouge pas tant que la politique budgétaire ou monétaire ne changent pas. Une politique de relance va ainsi déplacer la demande vers la droite, la courbe s'immobilisant une fois que la politique a fait son effet et restant ainsi tant que la politique est maintenue. À court terme, l'économie suit un fonctionnement keynésien et la courbe d'offre est, au moins partiellement, horizontale. Une politique de relance va donc naturellement augmenter la production sans faire varier les prix. À plus long-terme, l'économie va cependant voir les prix s'adapter et devenir flexibles. La courbe d'offre va alors se modifier et se verticaliser progressivement. Au bout de ce processus, le PIB sera revenu à sa valeur potentielle, mais les prix auront augmentés.

Les raisonnements précédents impliquent que l'effet à court-terme des politiques de relance existe. En effet, il est possible que le PIB dépasse temporairement le PIB potentiel : il suffit que la courbe d'offre horizontale aille au-delà du PIB potentiel et que la relance soit suffisante. Mais cela ne dure pas, les prix finissant par s'adapter et la courbe d'offre finissant par redevenir verticale. Mais à long-terme, l'effet de la relance est nul si l’économie est au PIB potentiel : cela ne sert alors qu'à créer de l'inflation. Par contre, elles ont un sens si l'économie tombe brutalement en-dessous du PIB potentiel, ce qui est le cas lors d'une récession. La banque centrale et le gouvernement peuvent alors relancer l'économie pour la faire revenir à l'équilibre de plein emploi, au PIB potentiel.

La courbe d'offre agrégée croissante

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Les méthodes précédentes demandent d'utiliser une courbe croissante pour rendre compte du court-terme, qui devient verticale au long-terme. Pour obtenir sa version à court-terme, il existe deux possibilités : soit postuler que les salaires sont fixes, soit postuler une rigidité des prix. Dans les deux cas, on obtient une courbe croissante, que l'on peut approximativement résumer par une équation de la forme :

 


Démonstration

Pour le cas avec les salaires rigides, reprenons le résultat obtenu avec la théorie de Keynes, obtenu dans le chapitre sur les rigidités nominales. On a vu qu'une hausse des prix tend à faire baisser le salaire réel, ce qui favorise l'embauche.

 

On peut dérouler le raisonnement plus loin en supposant une relation directe entre emploi et PIB réel : quand le premier augmente, le second suit. Cette hypothèse a quelques défauts. Par exemple, elle suppose que la productivité reste plus ou moins constante, malgré les variations du salaire réel (alors que le modèle du chapitre sur les rigidités nominales supposait l'égalité des deux). De plus, elle suppose que la baisse des salaires réels, qui induit une baisse du pouvoir d'achat, n'impacte pas ou peu le PIB réel. Logiquement, une baisse du pouvoir d'achat des salariés devrait toucher négativement les dépenses et donc le PIB réel. Mais on suppose que la hausse de l'emploi surcompense cet effet. On a alors :

 

On retrouve donc une relation croissante entre niveau des prix et PIB réel, tant que les salaires nominaux restent fixes et si les agents n'anticipent pas les variations des prix. On peut dérouler le modèle comme suit. En premier lieu, les entreprises et ménages négocient un salaire réel  , mais sur la base des prix au moment de la négociation. Ils n'anticipent pas l'évolution future des prix et supposent que ceux-ci restent constants (ou que les salaires nominaux vont augmenter en même temps que les prix). De ce fait, ils conviennent d'un salaire nominal fixé une fois pour toute. Le salaire réel obtenu est celui qui égalise l'offre et la demande de travail.

Ensuite, les prix augmentent et atteignent une valeur  . Cette variation ultérieure des prix, non-prévue, va modifier le salaire réel et doper l'emploi, si les salaires nominaux sont fixes.

Pour résumer, on a une relation croissante entre prix et salaires, connue sous le nom de courbe d’offre agrégée. On peut résumer cette relation en supposant que les variations des prix et du PIB réel sont proportionnelles. On a alors :

 


Démonstration

Pour le cas avec prix rigides, on suppose qu'une fraction   des entreprises met à jour ses prix, alors que le reste ne les met pas à jour. En posant   le prix d'avant et   le prix mis à jour, on a :

 

On suppose que les prix augmentent avec la production et on décide de le formuler comme suit :

 

En combinant les deux équations précédentes, on a :

 

On simplifie :

 

On pose alors   :

 

La dernière équation est celle d'une courbe d'offre agrégée croissante.