La politique monétaire/Le modèle IS/MP
Le modèle vu précédemment, basé sur trois équations, fonctionne très bien pour décrire l'économie, mais il est difficile à visualiser graphiquement. Pour cela, il est cependant possible de ruser et de simplifier le modèle pour qu'il tienne sur quelques graphiques assez simples. Représenter des modèles simples avec quelques graphes est quelque chose de courant dans les cours d'introduction à l'économie. Les courbes de demande et d'offre en sont un exemple assez connu. Pour représenter le modèle à trois équations, nous devons ruser. Pour cela, on peut étudier deux cas : un cas où on étudie l'économie à court-terme en enlevant la courbe de Phillips, ou en fusionnant deux équations en une seule. La première solution donne le modèle IS/MP, alors que la seconde donne le modèle AD/IA. Nous allons voir les deux dans ce qui suit.
Le modéle IS/MP
modifierLe modèle IS/MP étudie l'économie sur le court-terme, alors que le modèle à trois équations marche sur le moyen et le long-terme. En effet, ce dernier suppose que les prix peuvent évoluer dans le temps, même si pas parfaitement. En clair, le modèle suppose que les prix ont une marge d'évolution, ce qui permet d'existence de la courbe de Phillips. Une flexibilité des prix totale traduit un horizon temporel de long-terme, où l'économie est au PIB potentiel, et où es taux sont déterminés par l'inflation et le taux réel. Il est intéressant de regarder ce que donne le modèle à court-terme, sur un horizon de temps suffisamment court pour que les prix n'aient pas eu le temps d'évoluer. Les prix sont alors considérés comme totalement rigides, ce qui permet de retirer la courbe de Phillips du modèle à trois équations. C'est l'idée du modèle IS-MP.
Présentation du modèle IS/MP
modifierLe modèle IS/MP fait intervenir la courbe IS et la règle de Taylor. La règle de Taylor dit que les taux augmentent avec l'inflation et le PIB, ce qui fait que la relation entre taux directeurs et PIB est croissante. Dans ce qui suit, on va utiliser un graphique qui relie les taux et le PIB. La régle de Taylor est représentée par une courbe croissante, appelée la courbe MP, alors que la courbe IS est décroissante. Le point d'intersection entre les deux courbes donne à la fois le taux réel et le PIB de l'économie, sur le court-terme.
On peut dériver la courbe MP à partir de l'équation de Taylor vue dans le chapitre précédent, en ne gardant que le taux naturel et l'écart de production (ce qui revient à postuler l'hypothèse de rigidité totale des prix à court-terme). Il existe aussi une autre manière de dériver la courbe MP, plus générale. Nous avons vu dans le chapitre précédent que la banque centrale fixait ses taux à partir de l'équation suivante :
On omet l'influence de la cible d'inflation, pour simplifier les calculs :
Remplaçons maintenant l'inflation par sa valeur déduite de l'équation de Phillips. Si on omet les anticipations d'inflation (supposées rigides), l'inflation ne dépend que de l'écart de production
On se retrouve bien avec une relation croissante entre taux directeurs et écart de production, ce qui correspond à la courbe MP.
Les conséquences de la politique monétaire et budgétaire
modifierLe modèle IS/MP est simple à comprendre, mais il permet d'expliquer le fonctionnement de l'économie sur le court-terme. Il permet notamment de voir comment la politique monétaire et la politique budgétaire peuvent influencer l'économie, notamment pour contrer récessions et booms économiques. Dans les grandes lignes, la politique monétaire va influencer la position de la courbe MP : une politique expansionniste la déplace vers la droite, alors qu'une politique restrictive la déplace vers la gauche. La politique budgétaire fait la même chose, mais pour la courbe IS : une politique expansionniste la déplace vers la droite, alors qu'une politique restrictive la déplace vers la gauche. Ce qui est intéressant, c'est de voir ce qui se passe quand on déplace une des deux courbes, ou les deux, ce qui traduit l'effet des politiques économiques sur l'économie.
- Dans cette partie, nous allons étudier le modèle en économie fermée. Les conclusions obtenues seront identiques à celles valables pour l'économie ouverte, si l'on omet les exportations nettes : la courbe IS sera tout simplement plus plate en économie ouverte.
Pour commencer, étudions l'effet de la politique budgétaire dans ce modèle. Pour rappel, celle-ci déplace la courbe IS vers la gauche ou la droite. Prenons l'exemple d'une politique budgétaire accommodante (augmentation des dépenses de l'état et/ou baisse des impôts), qui fait se déplacer la courbe IS vers la droite. Cependant, la courbe MP étant croissante, le point d'intersection va remonter, ce qui fait qu'il se déplacera vers la droite d'une longueur inférieure à celle attendue si les taux ne variaient pas. Dit autrement, la politique monétaire va quelque peu contrecarrer la relance budgétaire. La banque centrale va ainsi tenter de limiter, d’adoucir les variations de l'écart de production sur l'inflation. Du fait de la hausse des taux, l'investissement privé va diminuer. Pour résumer, une partie de l'investissement public remplacera l'investissement privé : c'est ce que l'on appelle l'effet d'éviction. Le cas d'une politique restrictive est strictement inverse, aussi il ne sera pas étudié.
La courbe MP monte ou descend en fonction de l'inflation, ce qui explique le passage du court-terme au moyen-long-terme. Lorsque l'inflation augmente, la courbe MP monte. Ce faisant, le point d'intersection des deux courbes va naturellement monter : le taux réel va augmenter. Mais le point d'intersection va aussi se déporter vers la gauche, du fait que la courbe IS est décroissante : le PIB va diminuer. Lorsque l'inflation aura atteint sa valeur cible, le taux d'intérêt sera égal au taux naturel, et le PIB sera égal au PIB potentiel. La situation inverse, à savoir une baisse de l'inflation, se traduit par la dynamique exactement inverse.
Il faut noter qu'il est possible de coupler les deux politiques, histoire de stabiliser le PIB à une valeur bien précise. Par exemple, imaginons que le gouvernement souhaite réduire les dépenses gouvernementales ou augmenter les impôts, pour diminuer la charge de la dette. Une telle action déplacera la courbe IS vers la gauche, entrainant une baisse du PIB et des taux. Mais la politique monétaire peut réagir à cette politique d'austérité, pour compenser son effet récessif. Pour cela, elle a juste à rendre sa politique monétaire plus accommodante. La baisse des taux induite entrainera une augmentation du PIB, qui compensera la politique budgétaire.
Le modèle AD/IA
modifierLe modèle IS/MP est un modèle de court-terme, qui part du principe que les prix sont rigides. Mais il est possible d'étendre la vision de l'économie au moyen-terme, en postulant des prix flexibles. Pour cela, il faut réussir à résumer ces deux courbes en une seule courbe, que l'on pourra combiner à une courbe de Phillips. Cette courbe sera appelée une courbe de demande agrégée.
La courbe de demande agrégée : dérivation
modifierLa construire demande de regarder ce qui se passe quand l'inflation augmente ou diminue. Dans une telle situation, la banque centrale doit augmenter les taux réels, ce qui diminue le PIB. On peut résumer ce processus en traçant sur une courbe la relation entre inflation et PIB. Le modèle IS/MP, de court-terme, permet ainsi de dériver une relation entre PIB et inflation appelée courbe de demande agrégée.
- Attention : le terme "demande agrégée" est particulièrement trompeur. Peut-être avez-vous fait le lien avec la demande de la microéconomie, celle qu'on utilise dans la loi de l'offre et de la demande, pour décrire le fonctionnement des marchés. Mais en réalité, il n’en est rien. Déjà, la demande de la microéconomie est une relation entre quantités vendues et prix, alors que la demande agrégée est ici une relation entre quantités vendues et inflation. Ensuite, il faut savoir que l'on ne peut pas définir formellement une courbe de demande habituelle pour l'ensemble de l'économie, ce que laisse penser le terme "demande agrégée". Un théorème de la théorie de l'équilibre général, le théorème SMD (théorème de Sonnenschein, Mantel, Debreu) dit que l'on ne peut pas additionner les courbes de demande de chaque individu pour donner la courbe de demande de l'économie toute entière. Derrière ces difficultés techniques se cache le fait que décrire une demande globale revient à additionner des choux et des carottes. Les biens vendus sont hétérogènes, alors qu'une courbe de demande n'est définie que pour un bien unique. Et on voit mal comment additionner les courbes de demande des œufs au plat avec la courbe de demande d'ordinateurs neufs.
La courbe de demande agrégée se déplace suivant la politique monétaire ou budgétaire : toute politique de relance tend à déplacer cette courbe vers la droite, alors que des politiques contractionnistes tendent à la déplacer vers la gauche.
La courbe de demande agrégée peut se déplacer, suivant la politique monétaire et budgétaire. Une politique budgétaire et/ou monétaire accommodante déplace cette courbe vers la droite, tandis qu'une politique restrictive la déplace vers la gauche.
L'équilibre AD/IA
modifierCette courbe de demande peut être complétée avec la fameuse courbe de Phillips. L'intersection entre les deux courbes donne l'état de l'économie en fonction de l'inflation mesurée.
On peut maintenant étudier quel est l'effet d'une politique monétaire ou budgétaire quelconque sur le PIB et l'inflation à moyen-terme. Une politique de relance déplacera la courbe de demande vers la droite, laissant la courbe de Phillips inchangée. l'inflation augmentera, de même que le PIB. Une politique d'austérité budgétaire ou une politique monétaire restrictive va au contraire faire baisser les prix et le PIB, en déplaçant la courbe de demande vers la gauche.
L'effet d'un choc d'offre est quelque peu différent. Il se traduit par un déplacement de la courbe de Phillips. Un choc d'offre négatif déplace cette courbe vers la gauche, ce qui se traduit par une augmentation de l'inflation, couplée à une baisse du PIB. Un choc d'offre positif a l'effet inverse : une baisse de l'inflation et une augmentation du PIB. La réaction de la banque centrale à un tel choc d'offre dépend de la durée de celui-ci. D'ordinaire, les chocs d'offre sont temporaires, dans le sens où la courbe de Phillips revient à la normale après un certain temps. Dans ces conditions, la banque centrale n'a pas vraiment intérêt à agir : le temps que sa politique monétaire se fasse sentir, le choc d'offre aura disparu. De plus, contrer le choc d'offre demanderait d'utiliser une politique restrictive, qui déplacerait la courbe de demande vers la gauche. Dans ces conditions, l'inflation reviendrait à la normale, mais au prix d'une baisse encore plus importante du PIB.
Le cas particulier de la limite des taux zéro
modifierPour rendre compte des situations de ZLB avec le modéle IS/MP, on doit admettre qu'une partie de la courbe MP est plate, avant de redevenir croissante. Le plateau de la courbe MP est donc égal à l'opposé des anticipations d'inflation. Si le PIB est suffisamment élevé, cela n'a pas vraiment d'impact : la courbe IS entrera en intersection en-dehors de ce plateau. Mais avec un PIB trop bas, la courbe IS coupera le plateau de la courbe MP. Dans une telle situation, le taux réel souhaité par la banque centrale nécessite un taux nominal négatif, ce qui est impossible. Sur cette portion, l'usage de la politique monétaire est tout simplement impossible. Le seul moyen de faire remonter le PIB et les taux est de déplacer la courbe IS via une politique fiscale adaptée.
Sur le moyen-terme, on peut naturellement supposer que les anticipations d'inflation et l'inflation sont égales. Dans ces conditions, le taux réel est l'opposé de l'inflation. Généralement, les ZLB s'accompagnent de tensions déflationnistes, à savoir que l'inflation diminue de plus en plus. Ce faisant, le taux réel augmentera en conséquence. Cette augmentation du taux réel fera naturellement diminuer le PIB (courbe IS), tout comme le ferait une politique monétaire restrictive. Ainsi, la courbe de demande agrégée doit être reformulée dans le cas d'une ZLB : une portion de la courbe de demande devient soudainement croissante (là où la ZLB se fait sentir).