Philosophie/Existence et temps

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Le mot "existence" désigne le fait d'être, par exemple le fait d'être d'une manière absolue, le fait d'être donné pour la perception, ou encore pour la conscience.

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"Existence" s'oppose à la fois à l'essence (le ce que c'est), et au néant qui est sa négation.

Le problème métaphysique de l'existence

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Tous les êtres existent, et c'est une évidence de dire que la pensée (et même l'imaginaire) et l'action supposent l'existence. Exister c'est être; être c'est exister. Ainsi l'existence est-elle quelque chose d'immédiat, qui constitue le commencement de tout.
En ce sens, l'existence est le simple fait d'être, l'être conçu sans détermination aucune, sans prédicat, sans rien : l'être commence donc par l'indétermination de l'existence, indétermination du fait d'être pur et simple. Ainsi, cette première idée de l'existence nous la ferait concevoir par une connaissance immédiate. De ce point de vue :

  • être et pensée sont identiques ;
  • l'existence est immédiatement connue.

La connaissance de ce qu'est l'existence est ainsi issue originellement de l'existence même. Chacun aurait donc un savoir immédiat de l'immédiat. Ces points soulèvent quelques unes des difficultés fondamentales de la philosophie :

  • Si l'existence est connue par un moi, l'existence des choses peut-elle en être déduite ?
  • L'existence est-elle immédiatement connue par notre conscience ?
  • L'existence est-elle un objet de connaissance ?

Ces questions entraînent des distinctions :

  • existence pour un moi (subjective) et existence des choses (objectives) : dans l'idéalisme moderne, c'est l'existence subjective en tant que pensée qui est absolument certaine.
  • être et existence : on distingue entre "être" et "être un être".

L'origine métaphysique de l'existence

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Dans cette dernière distinction, on peut estimer que la philosophie a traditionnellement choisi l'être au détriment de l'existence, ce qui se traduit par la formulation d'Aristote : L'objet éternel de toutes les recherches présentes et passées, le point toujours en suspens : qu'est-ce que l'être ? revient à demander qu'est ce que la substance ? À la suite de Platon, la recherche d'Aristote se porte donc sur l'essence, et non sur l'existence, et l'existence serait ainsi occultée : l'existence doit toujours métaphysiquement se penser par rapport à l'essence ; l'essence est la condition d'intelligibilité de l'existence.

De ce point de vue essentialiste, il découle plusieurs conséquences importantes :

  • l'essence est l'être possible, et l'existence l'être réel ;
  • l'existence d'un être est fonction de son essence ;
  • l'existence est donc définie par son essence, et c'est la notion d'essence qui exprime le mieux l'existence ;
  • l'existence est subordonnée aux lois de l'essence, qui lui donne donc ses limites et sa perfection ;
  • la différence entre les essences produit une hiérarchie des existences i.e. une hiérarchie de la réalité : il y a de l'ordre ;
  • plus une essence est parfaite, plus l'existence qui en découle est parfaite ;
  • Dieu (ou le Bien, l'acte pur, etc.) -étant la souveraine essence, est ce dont procède toute existence ; il serait d'ailleurs également la seule véritable essence, dont l'existence découle nécessairement, ce qui ferait de toute métaphysique et de toute science, une théologie (Philosophie première chez Aristote).

Or, cette métaphysique pose un problème très simple : si l'existence dépend à ce point de l'essence (définition, intelligibilité, structure de l'être, raison d'être, etc.) alors pourquoi quelque chose existe-t-il en dehors de l'essence ?

Une réponse est que Dieu a créé les essences et accomplit ce passage du possible au réel que la raison humaine ne parvient pas à penser (voir aussi Platon, Timée). Mais le problème est toujours le même : comment une essence suprême peut-elle poser hors d'elle quelque chose de contingent et d'inférieur, l'existence ?

La question de l'existence de Dieu en philosophie

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La notion de Dieu est une idée, non un concept. Elle est en effet une pure abstraction. Sur ce point, les philosophes s’accordent.

Les avis divergent quand ils débattent de l’existence de Dieu. Pour Descartes, à partir du moment où nous pensons Dieu comme un être tout parfait, on doit pouvoir affirmer son existence. En effet, l’existence de Dieu est nécessairement comprise dans son essence car son essence, parfaite par définition, comprend nécessairement la perfection d’exister (sinon, elle ne serait pas parfaite…).

On pourrait donner comme contre-argument que l'on peut très bien définir un être qui n'existe pas en incluant dans sa définition le fait qu'il existe. En effet, l'idée d'être parfait est un ensemble de caractéristiques, et si nous séparons ces propriétés, l'une d'elle est le fait que cet être existe. Nous donnons comme définition du "Bluz" : être qui existe et dont l’existence implique la non-existence de Dieu. Si le "Bluz" existe, alors Dieu n'existe pas. Or, le "Bluz" existe puisque c'est compris dans sa définition. Donc Dieu n'existe pas, ce qui est contraire à la définition de Dieu. Un tel raisonnement peut être considéré comme absurde.

De plus, la perfection est subjective.

Il y a aussi plusieurs définitions de Dieu.

Philosophie de l'existence

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Face à ces problèmes, on peut vouloir penser l'existence d'une manière autonome, indépendamment de l'essence. C'est le renversement existentiel de la métaphysique : le fait d'exister devient le point de départ de la pensée, ce qui donne sens véritablement à notre expérience. C'est l'existence sans essence, i.e. sans raison et sans hiérarchie.

L'analyse de l'existence en tant que phénomène

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L'existence, dans la métaphysique occidentale, est en-dehors du concept : en ce sens, on ne peut lui reprocher d'avoir ignoré l'existence, puisque l'existence est simplement ce qui échappe à l'essence : l'existence ne se déduit pas du concept, elle n'est pas un prédicat mais une position -ce qui est posé ici et maintenant (cf. Kant).
Mais l'existence est aussi ce qui est individuel, est par conséquent elle relève non du savoir sur ce qui est, mais de la subjectivité. C'est donc l'individu qui est l'existant, et la connaissance de sa réalité passe par sa conscience et par ses actes (sa volonté). Or, c'est cet aspect de l'existence qu'ignore la spéculation métaphysique, à laquelle s'opposent les philosophies qui partent de l'individu, de sa liberté et de ses choix de vie.

La conscience de l'existence

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La réalité de l'existence peut être appréhendée de manière affective (cf. la sensibilité chez Rousseau), indépendamment de la raison, i.e. que ce qui en est saisi ne se déduit pas de l'essence, n'est pas démontrable, est irréfutable (Nietzsche) et semble donc surtout un phénomène irrationnel. Mais cette conscience affective peut être conçue comme une "humeur" (Stimmung, cf. Heidegger) a priori, i.e. une tonalité de l'existence qui précède la saisie des choses dans leur particularité. Cette tonalité est alors contemporaine de ce qui est appelé "ouverture au monde."

  • nausée, chez Sartre, les choses perdant leur sens utilitaire ne peuvent plus être nommées ; c'est alors leur existence pure qui devient envahissante, incontrôlable. La conscience hésite entre la fusion sujet/objet et le rejet.
  • angoisse : pour Heidegger, l'angoisse, à la différence de la peur, n'a pas d'objet réel identifiable dans l'expérience. La peur peut être combattue par l'emploie de moyens de protections contre un danger bien identifié. L'angoisse, au contraire, n'ayant aucun objet, est une angoisse de rien, et sa source est par conséquent l'existant lui-même qui a à être de manière authentique.
  • bonheur : au contraire des philosophies contemporaines de l'existence qui placent au cœur de l'existent, dans sa structure même, des sentiments plutôt négatifs, un philosophe comme Rousseau pense trouver sous la fausseté de la vie sociale le pure plaisir de l'exister qui est l'épanouissement naturel de la sensibilité : cette sensibilité est pour lui le point de départ de l'existence.

Exister, c'est être au monde (Heidegger)

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Pour Heidegger, dire « j’existe », cela signifie « je suis au monde ». Dans l’existence, il y a l’idée même que je suis et cette notion est antérieure à toute autre. Je prends ainsi conscience de mon existence : cette prise de conscience ne me qualifie pas pour autant, elle ne qualifie pas mon existence, simplement j’existe.

Notre existence, le fait même que nous existions nous projette dans le futur, qui est le monde des possibles (précisément parce que le futur est contingent). Ainsi, sans cesse, pendant que nous vivons, nous découvrons ce que nous sommes, nous dévoilons notre être, non que cet être nous préexiste car c’est bien nous qui le faisons exister, qui lui donnons une essence. Être, c’est bien exister, non pas détenir en soi du sens.

C’est pourquoi il est si difficile, en philosophie, de définir l’existence, parce qu’elle est toujours cet imprévisible jaillissement. On peut retenir cette définition de Sartre : « L’existence, c’est la contingence. » L’essence, au contraire, c’est la nécessité.

La finitude

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Dans les philosophies de l'existence, la liberté est un absolu, l'essence indépassable de l'existence. Mais cette liberté ne peut être son propre fondement, car il y a une facticité originaire de la liberté qui en révèle donc la finitude insurmontable. La liberté est néanmoins l'homme même, son existence et elle définit la condition humaine : nous sommes condamnés à la liberté, nous y sommes jetés, exactement comme nous sommes jetés-là dans le monde.

L'art d'exister

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  • sagesse et mort

Pour les philosophes de l'Antiquité, notamment Épicure et les stoïciens, l'homme sage (celui qui aime la sagesse : le philosophe), c'est celui qui ne craint pas (qui ne craint plus) la mort.

Pour Épicure, en effet, la crainte de la mort est inutile et infondée : la mort n’existe pas tant que nous vivons et nous n’existons plus quand elle est là. Il identifie la mort à une perte de sensations et en conclut donc qu’il faut jouir de son existence mortelle et non souffrir à l’avance pour une souffrance (celle de la mort) qui n’existe pas.

Épicure rejette la tradition orphique, reprise par Platon, qui croit à la survie et au jugement de l’âme. L’homme qui s’attache à vivre pour atteindre le paradis après sa mort, oublie trop souvent d’être heureux ici bas.

« Philosopher, c’est apprendre à mourir » (Cicéron) Quant au sage stoïcien, il présente une certaine résignation, voire une résignation certaine face aux événements qui ne dépendent pas de lui, en particulier la mort. Pour Sénèque, faire de la philosophie, c’est dépasser sa condition mortelle, donc apprendre à mourir… Épictète pense que c’est par nos craintes et nos peurs que nous rendons la mort terrifiante. Nous ne pouvons certes éviter la mort mais nous pouvons éviter de la craindre, puisqu’elle est de toute façon inévitable !

Ces philosophies peuvent apparaître séduisantes, en ce qu'elles nous permettent d'envisager de façon moins angoissante notre propre mort. Néanmoins, elles occultent tout le côté affectif lié à la mort. D'une part, elles laissent de côté la question de la fin de la vie, la crainte de la déchéance mentale et physique qui sont devenues des grandes préoccupations de notre temps. D'autre part, ces philosophies semblent oublier que, même si nous demeurons vivants et si la mort ne nous fait pas souffrir en elle-même, c’est avant tout la mort des autres, celle de nos proches, qui nous angoisse et nous fait souffrir.

  • l'éthique
  • la culture de soi (esthétique de l'existence)
  • la foi

Le temps

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Le temps est vécu (Bergson)

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Bergson définit le temps comme « une donnée immédiate de la conscience ». La principale caractéristique du temps, c’est donc d’être vécu.

C’est pourquoi Bergson distingue le temps homogène du physicien, qui constitue une quantité mesurable, de la durée psychologique, celle qui est éprouvée par la conscience.

Le temps est-il en train d'exister? (Saint Augustin)

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Dans un passage célèbre de ses Confessions (livre XI. Paragraphe: XIV, XVIII, XX), Saint Augustin (IVème siècle après JC) donne deux définitions du temps :

  • le temps tend à n’être plus : « le temps a l’être seulement parce qu’il tend au néant » ;
  • l’être du temps n’existe que dans notre âme, dans notre pensée. Autrement dit, il relève de notre idéalité (par opposition à la réalité). Le passé, le présent et le futur (les trois temps) n’existent que parce que nous sommes capables de les penser. Pour les physiciens, au contraire, le temps a une réalité objective (voir la théorie de la relativité d’Einstein).

L’homme pense le temps à partir de trois mots : le passé, le présent et le futur.

  • Le passé est un temps qui a été mais qui n’est plus et qui est donc irrémédiablement révolu. Cette partie du temps que je nomme le passé n’a donc plus d’être.
  • Le futur est un temps fondamentalement contingent. On ne peut que faire le pari qu’il existera. Cette partie du temps que je nomme le futur n’a donc pas encore d’être.
  • Le présent est un temps dont l’être est d’être mais qui, dès qu’il est, n’est plus (il devient immédiatement passé).

Dans ce texte, Saint Augustin définit la mémoire comme une représentation de la réalité passée, faite par des images ou des mots. Le mode d’enregistrement des souvenirs passe ainsi aussi bien par les sens que par la pensée, elle-même structurée par la maîtrise d’une langue (ce qui explique que nous n’ayons pas de souvenirs de la période où nous ne parlions pas).

Saint Augustin arrive finalement à la conclusion qu'il n’existe qu’un seul temps dont nous faisons l’expérience : le présent. Ni le passé, ni le futur n’existent (par là même, Saint Augustin critique le langage : « il est impropre de dire : il y a trois temps, le passé, le présent, l'avenir »). Saint Augustin préfère parler de ces trois instances qui n’existent que dans notre âme :

  • le présent au sujet du passé (relatif à la mémoire) ;
  • le présent au sujet du présent (relatif à la perception) ;
  • le présent au sujet de l'avenir (relatif à l’attente).

La question de l’objectivité du passé

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Dans le présent, grâce à la mémoire, je peux penser une réalité passée. Mais le souvenir ne correspond jamais exactement à l’événement tel que je l’ai vécu. Nos souvenirs sont toujours des interprétations, des reconstructions.

Cependant, ce qui importe dans le souvenir, ce n’est pas de se souvenir exactement d’un événement mais plutôt de lui donner un sens selon ce que la vie a fait de nous. Évoquer le passé, c’est donc toujours lui donner un sens. Évidemment, le passé en soi ne change pas, c’est l’interprétation que nous en faisons qui peut évoluer en fonction de notre présent, de notre futur. Cela montre bien l’unité de notre existence : je pense mon présent comme résultant de mon passé et s’ouvrant sur mon futur. Il y a donc bien un lien entre l’existence et le temps.

Nous sommes constitués par notre mémoire : nous ne pouvons faire table rase de notre passé. En revanche, l’homme est libre en ce qu’il interprète librement son passé. Il peut toujours décider d’en faire un appui positif. Cette conservation du passé par la mémoire, aussi subjective soit-elle, nous constitue. Cela signifie aussi accepter la complexité de la vie : il n’existe pas de vérité une et stable, la valeur d’un événement, le sens qu’il prend peuvent évoluer au cours de notre vie.

Le futur (Heidegger)

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Le propre de la conscience humaine est de se projeter vers le futur. Or, la conscience de notre mortalité se pose comme une limite à nos projections dans le futur. La conséquence de cette prise de conscience, selon Heidegger, c’est le souci, autrement dit la préoccupation quant au sens que je vais donner à mon existence. C’est ce souci qui nous fait pleinement humains (les animaux n’ont pas ce souci du sens qu’ils vont donner à leur existence).


Bibliographie

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