Cristallographie géométrique/Changement de base
Il est souvent utile de changer de système de coordonnées. Il peut arriver qu'une même structure soit décrite avec des bases différentes dans plusieurs publications, ce qui se produit fréquemment dans les systèmes cristallins triclinique, monoclinique et orthorhombique. Lors d'une transition de phase, la maille et/ou le groupe d'espace d'un cristal peut changer. La comparaison des deux structures du cristal avant et après la transition de phase est facilitée si on utilise le système de coordonnées de la structure de plus basse symétrie pour les deux structures. D'autre part, les propriétés physiques d'un cristal sont souvent décrites par un tenseur symétrique rapporté à une base orthonormale. C'est le cas de la dilatation thermique qui s'écrit dans le cas général comme un tenseur symétrique de rang 2. Un autre exemple est celui du tenseur de déplacement thermique d'un atome autour de sa position moyenne dans un cristal. Les tenseurs calculés en cristallographie le sont déjà dans une base orthonormale liée au système du cristal, comme e3=c/c, e2=b/b et e1=e2e3 dans le système monoclinique, mais l'expression d'un tenseur est plus utile sous sa forme diagonale. La diagonalisation d'un tenseur est un changement de base vers une base dans laquelle le tenseur s'écrit comme une matrice diagonale.
Définition |
Un changement de base est une opération qui permet de passer d'un système de coordonnées à un autre. |
Un changement de base peut s'effectuer entre deux bases de même origine ou d'origines différentes. Les vecteurs de base, les coordonnées des points, les indices de directions et de plans ainsi que les tenseurs ne se transforment pas tous de la même façon lors d'un changement de base.
Bases d'origine commune
modifierMatrice de passage
modifierUn changement de la base directe {a1, b1, c1} vers la base directe {a2, b2, c2} s'effectue à l'aide de la matrice de passage M, définie de la façon suivante :
La matrice de passage M contient dans chaque ligne les composantes des vecteurs de la nouvelle base 2 exprimées dans l'ancienne base 1 :
M est donc la matrice de passage de l'ancienne base vers la nouvelle base[1]. Le changement de base inverse s'écrit à l'aide de la matrice de passage inverse M−1 :
Tenseurs métriques direct et réciproque
modifierLe tenseur métrique direct de la base 2 est
En posant e1,1=a1, e1,2=b1, e1,3=c1, e2,1=a2, e2,2=b2 et e2,3=c2, une composante G2,ij de G2 s'écrit en fonction des vecteurs de l'ancienne base 1 comme :
La transformation du tenseur métrique direct par le changement de base est donc
Le même raisonnement en partant de G1 conduit à
Le tenseur métrique réciproque de la base 2 est
et celui de la base 1 est
Les tenseurs métriques direct et réciproque ne se transforment pas de la même façon lors d'un changement de base. De même, les variables qui leur sont associées se comportent différemment.
Définition |
Une variable « contravariante » est une variable exprimée dans la base de l'espace direct. |
Variables contravariantes
modifierSoit un point X de coordonnées (x1,y1,z1) dans la base directe 1 et (x2,y2,z2) dans la base directe 2. Son vecteur position r s'écrit dans les deux bases :
où X est le vecteur des coordonnées et E celui des vecteurs de base :
X est une variable contravariante puisqu'elle s'exprime dans la base de l'espace direct.
En utilisant la matrice de passage M, on peut écrire
soit
En appliquant M−1 à droite des deux membres de l'égalité, on obtient finalement
Généralisation |
Toute variable contravariante se transforme par l'application de tM−1. |
Les indices d'une rangée et les composantes d'un vecteur sont aussi des variables contravariantes :
Variables covariantes
modifierD'après la transformation des tenseurs métriques réciproques par changement de base, on voit que les vecteurs de base réciproques des bases 1 et 2 sont reliés par
Le vecteur position r* d'un point X* de l'espace réciproque s'écrit dans les deux bases réciproques
X* est une variable covariante puisqu'elle s'exprime dans la base de l'espace réciproque.
En utilisant l'expression des vecteurs de base réciproques de la base 2 en fonction de ceux de la base 1, on peut écrire
soit
En appliquant tM à droite des deux membres de l'égalité, on obtient finalement
Généralisation |
Toute variable covariante se transforme par l'application de M, et donc comme les vecteurs de base. |
En particulier, le vecteur primitif de la rangée réciproque [hkl]* normale à un plan direct (hkl) étant une variable covariante, les indices d'un plan réticulaire se transforment par l'application de la matrice de passage M.
Applications linéaires
modifierSoit une application linéaire f de l'espace tridimensionnel direct qui associe à tout point X repéré par le vecteur X un point X' repéré par le vecteur X'. Cette application n'implique pas de translation et peut par exemple être une opération de symétrie ponctuelle centrée sur un élément qui passe par l'origine. Elle est représentée par la matrice A1 dans la base 1. La matrice de f dans la base 2 est notée A2. Les coordonnées du point X' s'obtiennent dans les deux bases par les relations matricielles suivantes :
Connaissant la transformation des coordonnées par le changement de base de 1 vers 2, on peut écrire
En applicant tM à gauche de chaque membre de l'égalité :
d'où
Si f contient une composante translatoire, son action dans les deux bases s'écrit
où T1 et T2 sont les composantes translatoires de f dans les bases 1 et 2. On a alors
Par identification, on trouve
Soit une application linéaire générale f* de l'espace réciproque qui associe à tout point X* un point X*' et pouvant contenir une composante translatoire. L'action de f* s'écrit dans l'ancienne base réciproque 1 et la nouvelle base réciproque 2 :
En utilisant la transformation des coordonnées réciproques, on obtient
et par identification :
Changement d'origine
modifierOn considère ici un changement de système de coordonnées qui ne fait intervenir qu'un changement d'origine, par translation d'un vecteur de composantes T, de la base 1 vers la base 2. T n'est pas forcément un vecteur de réseau. Les vecteurs de base de la nouvelle base 2 sont les mêmes que ceux de l'ancienne base 1 : les composantes de T sont inchangées dans la base 2. Ceci est généralisable : les composantes d'un vecteur de translation sont invariantes par un changement d'origine de l'espace. Les indices d'une rangée [hkl] sont donc les mêmes dans les deux bases.
Comme les vecteurs de base sont égaux, les tenseurs métriques G1 et G2 sont identiques. D'autre part, les origines des réseaux réciproques étant celles des réseaux directs, les formules de transformation par changement d'origine sont les mêmes pour l'espace direct et pour l'espace réciproque. La rangée [hkl]* normale à un plan (hkl) s'exprime donc de la même façon dans les deux bases et les indices de plans sont invariants par changement d'origine.
Les coordonnées de l'origine de la base 2 sont représentées par les vecteurs 0 dans la base 2 et T dans la base 1. Un point X de coordonnées X2 dans la base 2 a donc pour coordonnées X1=X2+T dans la base 1, d'où X2=X1-T. Aux coordonnées d'un point dans l'ancienne base se soustraient les composantes du vecteur de translation pour trouver les coordonnées du point dans la nouvelle base.
Soit une application linéaire f de l'espace tridimensionnel direct qui associe à tout point X repéré par le vecteur X un point X' repéré par le vecteur X' et pouvant contenir une composante translatoire. L'action de f s'écrit dans les deux bases :
où T1 et T2 sont les composantes translatoires de f dans les bases 1 et 2. Connaissant la transformation des coordonnées par le changement de base de 1 vers 2, on peut écrire
Par identification, on trouve
Généralisation
modifierUn changement de base général peut se concevoir comme deux changements de base successifs :
- un changement d'origine décrit par le vecteur de translation T ;
- un changement de la longueur et de l'orientation des vecteurs de base, décrit par la matrice de passage M.
L'ordre dans lequel sont effectués les deux changements de base successifs est important. En effet, le vecteur de translation T est exprimé dans la base de départ : ses composantes ne sont pas les mêmes dans la base d'arrivée. Si on effectue d'abord le changement de base par la matrice de passage M, il faut alors appliquer ensuite une translation de vecteur tM−1T dans l'espace direct (MT dans l'espace réciproque) et non de vecteur T.
Les formules à utiliser dans le cas d'un changement de base général sont rassemblées dans le tableau ci-dessous.
De l'ancienne base 1 vers la nouvelle base 2 | De la nouvelle base 2 vers l'ancienne base 1 | |
Vecteurs de base | ||
Tenseurs métriques directs | ||
Tenseurs métriques réciproques | ||
Coordonnées contravariantes | ||
Vecteurs contravariants | ||
Coordonnées covariantes | ||
Vecteurs covariants | ||
Applications linéaires directes | ||
Applications linéaires réciproques |
Notes
modifier- ↑ Il existe plusieurs conventions pour définir la matrice de passage. Celle utilisée dans ce livre considère un changement de l'ancienne base 1 vers la nouvelle base 2, avec les vecteurs de base écrits en colonne : E2=ME1. D'autres auteurs écrivent les vecteurs de base en ligne : E'2=E'1M', ce qui s'écrit dans notre notation tE2=tE1tM. Dans ce cas, la matrice de passage M' contient dans chaque colonne les composantes des vecteurs de la base 2 exprimées dans la base 1. Il est aussi possible de choisir la matrice de passage comme étant celle de la nouvelle base 2 vers l'ancienne base 1 : E''1=M''E''2, où M'' est l'inverse de la matrice de passage utilisée dans ce livre : M''=M−1.