Cosmologie/L'évolution de la matière

L'univers est peuplé de matière et de rayonnement. La matière est essentiellement composée de particules massives : baryons, quarks, électrons, etc. Pour plus de simplicité, on peut supposer que la matière de l'univers est un gaz. Cette hypothèse n'est pas si abusive vu l'état actuel de l'univers : 10% de la matière sert à fabriquer des étoiles, le reste étant localisé dans des nébuleuses et des nuages moléculaires dont la température ne dépasse pas la dizaine de degrés au-dessus du zéro absolu. L'univers est donc essentiellement composé de gaz. Évidemment, ce gaz de matière a une pression, un volume, une densité, une énergie, etc. Il reste de plus soumis aux lois de la thermodynamique. L'expansion va cependant faire varier continument sa densité (l'univers se dilue avec l'expansion), sa pression, sa température, etc. Dans ce chapitre, nous allons voir comment évolue ce gaz cosmologique en utilisant les relations de la thermodynamique, sous la contrainte de la loi de Hubble.

Dans ce chapitre, et dans tous les chapitres suivants, nous allons supposer que la matière qui remplit l'univers est ce qu'on appelle un gaz parfait. Pour rappel, un gaz parfait est un gaz qui respecte la loi suivante :

, avec P la pression, V le volume, N le nombre de particules, T la température et la constante de Boltzmann.

Cette équation fonctionne pour un gaz d'atomes, de molécules, mais aussi pour décrire le rayonnement, la lumière, qui n'est autre qu'un gaz parfait de photons ! Mais avant d'étudier le cas du rayonnement, ce qui sera le fait du prochain chapitre, nous allons étudier le cas d'un gaz parfait matériel soumis à l'expansion.

La densité de particuleModifier

De l'équation d'un gaz parfait, on peut tirer plusieurs formules qui seront utiles dans la suite du cours, pour décrire le comportement de la matière au cours de l'expansion cosmique. Toutes utilisent la densité de particule, à savoir la quantité de particule présente par unité de volume, qui sera notée  . La densité de particules, notée  , correspond au nombre de particules par unité de volume. Si on note V un volume et N le nombre de particules qu'il y a dedans, on a donc :

 

L'évolution de la densité de particule avec l'expansionModifier

Dans ce qui suit, nous allons supposer que le nombre de particules est conservé. En clair, le nombre de particules matérielles dans l'univers est une constante : de nouvelles particules ne peuvent pas apparaître, pas plus que des particules existantes ne peuvent disparaître. Dans les faits, la constance du nombre de particules est quelque peu fausse : les lois de l’infiniment petit permettent l'apparition ou la disparition de particules, des conversions entre particules, et bien d'autres réactions. Et si ces réactions conservent la masse et l'énergie, la conservation du nombre de particules est loin d'être acquise. Par exemple, les réactions nucléaires peuvent faire disparaître des particules (tout en conservant la masse et l'énergie). Ou encore, les photons peuvent être absorbés ou émis entre interagissant avec la matière. Mais cela ne signifie pas que la constance des particules n'est pas une bonne approximation. Au global, on suppose que les réactions qui font apparaitre des particules s'équilibrent a peu-près avec celles qui en font disparaitre.

Vu que le volume de l'univers varie selon  , la densité de particule varie donc comme :

 

La densité de particule est donc reliée au facteur d'échelle par l'équation

 

La loi des gaz parfaits reformulée avec la densité de particulesModifier

On peut reformuler l'équation des gaz parfaits avec la densité de particules, assez simplement, en divisant les deux côtés par le volume V :

 , avec   la densité de particules.

Ou encore :

 

Sachant que  , on a :

 

On voit donc que la pression évolue avec le facteur d'échelle. Le comportement exact dépend du comportement de la température. On verra plus bas que si l'énergie est conservée, alors la température du gaz parfait est censée rester constante. La pression diminue alors car la densité de particule diminue, et qu'un gaz moins dense a une pression plus faible. L'on a alors :

 

L'énergie et la densité d'énergie d'un gaz parfaitModifier

La température d'un gaz parfait est la somme des énergies cinétiques de chaque particule. La physique statistique nous donnent des formules pour relier la température et l'énergie cinétique moyenne d'une particule du gaz. Les formules en question dépendent du gaz, mais elles prennent toutes la forme d'une équation de la forme :

 , avec   un coefficient constant.

Le coefficient   est appelé la capacité calorifique spécifique à volume constant. C'est l'énergie qu'il faut pour augmenter d'un degré la température du gaz, en considérant que son volume et sa masse sont constantes. Dans les faits, la capacité calorifique est considérée comme constante avec un gaz parfaits. Dans le monde réel, elle n'est pas totalement constante et peut varier suivant la température et la pression. Les variations les plus soudaines de la capacité calorifique impliquant souvent des transitions de phase elles-mêmes liées à des baisses/hausses de température.

La relation entre énergie par particule et températureModifier

Il est possible de calculer l'énergie par particule en divisant l'équation précédente par N, ce qui donne :

 

On peut reformuler cette équation comme suit :

 

En conséquence, l'énergie par particule n'est pas censée varier, vu que énergie et nombre de particules sont constants.

La relation entre densité d'énergie et températureModifier

Partons de l'équation suivante :

 

De l'équation précédente, on peut déduire la densité d'énergie, à savoir la quantité d'énergie par unité de volume, en divisant par le volume V :

 

En simplifiant, on trouve que la densité d'énergie est proportionnelle à la densité de particules :

 

Si on considère que l'énergie est conservée et que la capacité calorifique est constante, alors on a :

 

En effet, l'énergie est constante, la température aussi, k aussi, seuls le volume et la densité de particules varient toutes deux comme  . La réciproque est aussi vraie : si la densité d'énergie varie autrement qu'au cube du facteur d'échelle, c'est que l'énergie n'est pas conservée.

La relation entre densité d'énergie et pressionModifier

Partons maintenant de la formule suivante :

 

La formule précédente, une fois divisée par le volume, donne ceci :

 

La pression étant proportionnelle à la densité d'énergie, elle doit évoluée en   elle aussi, à condition que l'énergie soit conservée.

L'expansion d'un gaz adiabatique parfaitModifier

Dans ce qui précédait, nous sommes parti du fait que l'énergie était conservée, et avons étudié l'évolution de la pression et de la température. Dans cette section, nous allons supposer qu'elle ne l'est pas, et nous allons établir des équations plus générales sur les gaz parfaits en expansion cosmologique. Nous allons étudier le cas d'une expansion adiabatique, à savoir dans laquelle il n'y a pas de conversion d'énergie en chaleur. La quantité d'énergie thermique de l'univers reste la même, mais pas forcément sa température. Il s'agit d'une modélisation simple, mais réaliste de l’expansion. En théorie, l'univers ne s'étend dans rien et l'expansion du gaz parfait qu'il contient ne pousse aucune paroi. Dans ces conditions, la pression du gaz n'exerce aucun travail susceptible de transformer sa chaleur en énergie cinétique. Son énergie thermique, sa chaleur, est donc globalement conservée si on omet les réactions chimiques.

Partons de l'équation précédente :

 , avec   un coefficient constant.

Si on suppose que N est constant, la dérivée de l'équation précédente donne :

 

Or, la thermodynamique nous dit qu'un gaz parfait en expansion adiabatique respecte la formule suivante :

 

En identifiant les deux équations précédentes, on trouve :

 

En divisant par le produit  , on trouve :

 

On peut reformuler la loi des gaz parfaits comme suit, en isolant la température :

 

En combinant les deux équations précédentes, on trouve :

 

L'équation   nous permet de faire un remplacement :

 

Cette expression dit que la température et le volume évoluent globalement de la même manière.

L'évolution de la température lors de l'expansionModifier

On utilise alors la relation   :

 

On divise des deux côtés par k :

 

On prend alors l'intégrale, en utilisant la formule   :

 

On note   et on réorganise les termes constants :

 

On applique la formule   :

 

On prend l'exponentielle des deux côtés :

 

L'exponentielle d'une somme est le produit des exponentielles ( ) :

 

On pose :  

 

Ou encore :

 

Pour un gaz monoatomique, on a  , ce qui fait que la température de la matière varie donc comme l'inverse du carré du facteur d'échelle :

 

La relation entre pression et facteur d'échelleModifier

On peut combiner l'équation précédente avec l'équation vue plus haut qui donne la pression en fonction de la température et du facteur d'échelle :

 

On peut combiner l'équation précédente avec l'équation qui donne la pression d'un gaz parfait en fonction de sa température, vue précédemment :

 

Le tout se simplifie en :

 

L'évolution de la densité d'énergie lors d'une détente adiabatiqueModifier

Partons de l'équation de la conversation de l'énergie lors d'une détente adiabatique :

 , avec E son énergie, P sa pression et V son volume.

On divise alors par dt :

 

Par définition,  , avec   la densité d'énergie. De plus, on a vu que  . En faisant le remplacement, on a :

 

On utilise alors la formule du produit d'une dérivée sur le terme de gauche :

 

On réorganise les termes :

 

En divisant par  , on a :

 

On utilise alors la relation   :

 

Le facteur de Hubble étant égal à  , l'équation précédente se réécrit comme suit :

 

Intégrons des deux côtés. Vu que   :

 

Ce qui signifie que, d'après les règles des puissances :

 

De cette équation, on peut déduire que :