Formation musicale/Harmonie

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6. Harmonie

L'harmonie désigne les notes jouées en même temps, soit plusieurs instruments jouant chacun une note, soit un instrument jouant un accord (instrument dit polyphonique).

Première approche

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L'exemple le plus simple d'harmonie est sans doute la chanson en canon : c'est un chant polyphonique, c'est-à-dire à plusieurs voix, chaque voix chantant la même chose en décalé. Prenons par exemple Vent frais, vent du matin (la version originale est Hey, Ho Nobody at Home de Thomas Ravenscroft, 1609) :

 
Partition de Vent frais, vent du matin (Hey, Ho Nobody at Home de Thomas Ravenscroft, 1609).
Vent frais, vent du matin (Hey, Ho Nobody at Home de Thomas Ravenscroft, 1609).

nous voyons que les voix se superposent de manière « harmonieuse ». Les notes de chaque voix se correspondent point par point (avec un retard), c'est donc un type d'harmonie polyphonique appelé « contrepoint ».

Considérons la première note de la mesure 6 pour chaque voix. Nous avons la superposition des notes -fa-la (du grave vers l'aigu) ; la superposition de notes jouées ou chantées ensembles s'appelle un accord. Cet accord -fa-la porte le nom « d'accord parfait de mineur » :

  • «  » car la note fondamentale est un  ;
  • « parfait » car il est l'association d'une tierce, -fa, et d'une quinte juste, -la ;
  • « mineur » car le premier intervalle, -fa, est une tierce mineure.

Considérons maintenant un chant accompagné au piano. La piano peut jouer plusieurs notes en même temps, il peut jouer des accords.

 
Deux premières mesure d’Au clair de la lune.
Deux premières mesure d’Au clair de la lune.

L'accord, les notes à jouer simultanément, sont écrites « en colonne ». Lorsqu'on les énonce, on les lit de bas en haut mais le pianiste les joue en pressant les touches du clavier en même temps, de manière « plaquée ».

Le premier accord est composé des notes do-mi-sol ; il est appelé « accord parfait de do majeur » car la note fondamentale est do, qu'il est l'association d'une tierce et d'une quinte juste et que le premier intervalle, do-mi, est une tierce majeure.

Consonance et dissonance

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Les notions de consonance et de dissonance sont culturelles et changent selon l'époque. Nous pouvons néanmoins noter que :

  • l'accord de seconde, et son renversement la septième, créent des battements, les notes « frottent », c'est un intervalle harmonique dissonant ; mais dans le cas de la septième, comme les notes sont éloignées, le frottement est moins perceptible ;
  • les accords de tierce, quarte et quinte sonnent agréablement à l'oreille, ils sont consonants.

Dans la musique savante européenne, au début au du Moyen-Âge, seuls les accords de quarte et de quinte étaient considérés comme consonants, d'où leur qualification de « juste ». La tierce, et son renversement la sixte, étaient perçues comme dissonantes.

L'harmonie joue avec les consonances et les dissonances. Dans un premier temps, les harmonies dissonantes sont utilisées pour créer des tensions qui sont ensuite résolues, on utilise des successions « consonant-dissonant-consonant ». À force d'entendre des intervalles considérés comme dissonants, l'oreille s'habitue et certains finissent par être considérés comme consonants ; c'est ce qui est arrivé à la tierce et à la sixte à la fin du Moyen Âge avec le contrepoint.

Il faut ici aborder la notion d'harmonique des notes.

 
Les six premières harmoniques de do.

Lorsque l'on joue une note, on entend d'autres notes plus aigües et plus faibles ; la note jouée est appelée la « fondamentale » et les notes plus aigües et plus faibles sont les « harmoniques ». C'est cette accumulation d'harmoniques qui donne la couleur au son, son timbre, qui fait qu'un piano ne sonne pas comme un violon. Par exemple, si l'on joue un do1[1] (fondamentale), on entend le do2 (une octave plus aigu), puis un sol2, puis encore un do3 plus aigu, puis un mi3, puis encore un sol3, puis un si3

Ainsi, puisque lorsque l'on joue un do on entend aussi un sol très léger, alors jouer un do et un sol simultanément n'est pas choquant. De même pour do et mi. De là vient la notion de consonance.

Le statut du si♭ est plus ambigu. Il fait partie des harmoniques qui sonnent naturellement, mais il forme une seconde descendante avec le do, intervalle dissonant. Par ailleurs, on remarque que le si♭ ne fait pas partie de la gamme de do majeur, contrairement au sol et au mi.

Pour le jeu sur les dissonances, on peut écouter par exemple la Toccata en mineur, op. 11 de Sergueï Prokofiev (1912).

« Yuja Wang Prokofiev Toccata », sur YouTube, (consulté le 19 décembre 2021)

Contrepoint

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Dans le chant grégorien, la notion d'accord n'existe pas. L'harmonie provient de la superposition de plusieurs mélodies, notamment dans ce que l'on appelle le « contrepoint ».

Le terme provient du latin « punctum contra punctum », littéralement « point par point », et désigne le fait que les notes de chaque voix se correspondent.

L'exemple le plus connu de contrepoint est le canon, comme par exemple Frère Jacques : chaque note d'un couplet correspond à une note du couplet précédent.

Certains morceaux sont bâtis sur une écriture « en miroir » : l'ordre des notes est inversé entre les deux voix, ou bien les intervalles sont inversés (« mouvement contraire » : une tierce montante sur une voix correspond à une tierce descendante sur l'autre).

On peut également citer le « mouvement oblique » (une des voix, le bourdon, chante toujours la même note) et le mouvement parallèle (les deux voix chantent le même air mais transposé, l'une est plus aiguë que l'autre).

Nous reproduisons ci-dessous le début du second Allegro de la sonate en trio en mineur de Haendel.

 
Début du second Allergo de la sonate en trio en mineur de Haendel.
Début du second Allegro de la sonate en trio en mineur de Haendel.

Nous avons mis en évidence la construction en canon avec des encadrés de couleur : sur les quatre premières mesures, nous voyons trois thèmes repris alternativement par une voix et par l'autre. Ce type de procédé est très courant dans la musique baroque.

Les procédés du contrepoint s'appliquent également à la danse :

  • unisson : les danseurs et danseuses font les mêmes gestes en même temps ;
  • répétition : le fait de répéter une série de gestes, une « phrase dansante » ;
  • canon : les gestes sont faits avec un décalage régulier d'un danseur ou d'une danseuse à l'autre ;
  • cascade : forme de canon dans laquelle le décalage est très petit ;
  • contraste : deux danseur·euses, ou deux groupes, ont des gestuelles très différentes ;
  • accumulation : la gestuelle se complexifie par l'ajout d'éléments au fur et à mesure ; ou bien le nombre de danseur·euses augmente ;
  • dialogue : les gestes de danseur·euses ou de groupes se répondent ;
  • contre-point : la gestuelle d'un ou une danseuse se superpose à la gestuelle d'un groupe ;
  • lâcher-rattraper : les danseurs et danseuses alternent danse à l'unisson et gestuelles indépendantes.
Doisneau Sport TV, « Les procédés de composition en danse », sur YouTube, (consulté le 21 janvier 2021)

Les accords en général

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Initialement, on a des chants polyphoniques, des voix qui chantent chacune une mélodie, les mélodies se mêlant. On remarque que certaines superpositions de notes sonnent de manière plus ou moins agréables, consonantes ou dissonantes. On en vient alors à associer ces notes, c'est-à-dire à considérer dès le départ la superposition de ces notes et non pas la rencontre de ces notes au gré des mélodies. Ces groupes de notes superposées forment les accords. En Europe, cette notion apparaît vers le xive siècle avec notamment la Messe de Notre Dame de Guillaume de Machaut (vers 1360-1365). La notion « d'accord parfait » est consacrée par Jean-Philippe Rameau dans son Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels, publié en 1722.

Qu'est-ce qu'un accord ?

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Un accord est un ensemble d'au minimum trois notes jouées en même temps. « Jouées » signifie qu'il faut qu'à un moment donné, elles sonnent en même temps, mais le début ou la fin des notes peut être à des instants différents.

Considérons que l'on joue les notes do, mi et sol en même temps. Cet accord s'appelle « accord de do majeur ». En musique classique, on lui adjoint l'adjectif « parfait » : « accord parfait de do majeur ».

Nous représentons ci-dessous trois manière de faire l'accord : avec trois instruments jouant chacun une note :

 
Accord de do majeur avec trois instruments différents.

Avec un seul instrument jouant simultanément les trois notes :

 
Accord de do majeur joué par un seul instrument.

L'accord tel qu'il est joué habituellement par une guitare d'accompagnement :

 
Accord de do majeur à la guitare.

Pour ce dernier, nous représentons le diagramme indiquant la position des doigts sur le manche au dessus de la portée et la tablature en dessous. Ici, c'est au total six notes qui sont jouées : mi grave, do médium, mi médium, sol médium, do aigu, mi aigu. Mais il s'agit bien des trois notes do, mi et sol jouées à des octaves différentes. Nous remarquons également que la note de basse (la note la plus grave), mi, est différente de la note fondamentale (celle qui donne le nom à l'accord), do ; l'accord est dit « renversé » (voir plus loin).

Comment joue-t-on un accord ?

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Les notes ne sont pas forcément jouées en même temps ; elles peuvent être « égrainées », jouée successivement, ce que l'on appelle un arpège. La partition ci-dessous montre six manières différentes de jouer un accord de la mineur à la guitare, plaqué puis arpégé.

 
Différentes exécution de l'accord de do majeur à la guitare.
Différentes exécution de l'accord de la mineur à la guitare.

Vous pouvez écouter l'exécution de cette partition avec le lecteur ci-contre.

Seuls les instruments polyphoniques peuvent jouer les accords plaqués : instruments à clavier (clavecin, orgue, piano, accordéon), les instruments à plusieurs cordes pincées (harpe, guitare ; violon, alto, violoncelle et contrebasse joués en pizzicati). Les instruments à corde frottés de la famille du violon peuvent jouer des notes par deux à l'archet mais pas plus du fait de la forme bombée du chevalet ; cependant, un mouvement rapide permet de jouer les quatre cordes de manière très rapprochée. Les instruments à percussion de type xylophone ou le tympanon permettent de jouer jusqu'à quatre notes simultanément en tenant deux baguettes (mailloches, maillets) par main.

Tous les instruments peuvent jouer des arpèges même si, dans le cas des instruments monodiques, les notes ne continuent pas à sonner lorsque l'on passe à la note suivante.

L'arpège peut être joué par l'instrument de basse (basson, violoncelle, contrebasse, guitare basse, pédalier de l'orgue…), notamment dans le cas d'une basse continue ou d'une walking bass (« basse marchante » : la basse joue des noires, donnant ainsi l'impression qu'elle marche).

En jazz, et spécifiquement au piano, on a recours au voicing : on choisit la manière dont on organise les notes pour donner une couleur spécifique, ou bien pour créer une mélodie en enchaînant les accords. Il est fréquent de ne pas jouer toutes les notes : si on n'en garde que deux, ce sont la tierce et la septième, car ce sont celles qui caractérisent l'accord (selon que la tierce est mineure ou majeure, que la septième est majeure ou mineure), et la fondamentale est en général jouée par la contrebasse ou guitare basse.

Classes d'accord

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Intervalles harmoniques dans les accords classés de trois, quatre et cinq notes.

Un accord composé d'empilement de tierces est appelé « accord classé ». En musique tonale, c'est-à-dire la musique fondée sur les gammes majeures ou mineures (cas majoritaire en musique classique), on distingue trois classes d'accords :

  • les accords de trois notes, ou triades, ou accords de quinte ;
  • les accords de quatre notes, ou accords de septième ;
  • les accords de cinq notes, ou accords de neuvième.

En empilant des tierces, si l'on part de la note fondamentale, on a donc de intervalles de tierce, quinte, septième et neuvième.

En musique tonale, les accords avec d'autres intervalles (hors renversement, voir ci-après), typiquement seconde, quarte ou sixte, sont considérés comme des transitions entre deux accords classés. Ils sont appelés, selon leur utilisation, « accords à retard » (en anglais : suspended chord, accord suspendu) ou « appoggiature » (note « appuyée », étrangère à l'harmonie). Voir aussi plus loin la notion de note étrangère.

Renversements d'accords

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Accord parfait de do majeur et ses renversements.
 
Progression accord de dominante renversé → accord parfait en do majeur.

Un accord classé est donc un empilement de tierces. Si l'on change l'ordre des notes, on a toujours le même accord mais il est fait avec d'autres intervalles harmoniques. Par exemple, l'accord parfait de do majeur dans son état fondamental, c'est-à-dire non renversé, s'écrit do - mi - sol. Sa note fondamentale, do, est aussi se note de basse.

Si maintenant on prend le do de l'octave supérieure, l'accord devient mi - sol - do ; c'est l'empilement d'une tierce (mi - sol) et d'une quarte (sol - do), soit la superposition d'une tierce (mi - sol) et d'une sixième (mi - do). C'est le premier renversement de l'accord parfait de do majeur ; la fondamentale est toujours do mais la basse est mi. Le second renversement est sol - do - mi.

L'utilisation de renversement peut faciliter l'exécution de la progression d'accord. Par exemple, en tonalité do majeur, si l'on veut passer de l'accord de dominante sol - si - ré à l'accord parfait do - mi - sol, alors on peut utiliser le second renversement de l'accord de dominante : ré - sol - sido - mi - sol. Ainsi, la basse descend juste d'un ton (ré → do) et sur un piano, la main reste globalement dans la même position.

Le renversement d'un accord permet également de respecter certaines règles de l'harmonie classique, notamment éviter que des voix se suivent strictement (« mouvement parallèle »), ce qui aurait un effet de platitude.

De manière générale, la notion de renversement permet deux choses :

  • d'enrichir l'œuvre : pour créer une harmonie donnée (c'est-à-dire des sons sonnant bien ensemble), nous avons plus de souplesse, nous pouvons organiser ces notes comme nous le voulons selon les voix ;
  • de simplifier l'analyse : quelle que soit la manière dont sont organisées les notes, cela nous ramène à un même accord.

« Or il, y a plusieurs manières de jouer un accord, selon que l'on aborde par la première note qui le constitue, do mi sol, la deuxième, mi sol do, ou la troisième note, sol do mi. Ce sont les renversements, [que Rameau] va classer en différentes combinaisons d'une seule matrice. Faisant cela, Rameau divise le nombre d'accords [de septième] par quatre. Il simplifie, il structure […]. »

— André Manoukian, Sur les routes de la musique, Harper Collins, (ISBN 979-1-03391201-9), p. 54

 
Plusieurs réalisation du premier renversement de l'accord de do majeur.

Notez que dans la notion de renversement, seule importe en fait la note de basse. Ainsi, les accords mi-sol-do, mi-do-sol, mi-do-mi-sol, mi-sol-mi-do… sont tous une déclinaison du premier renversement de do-mi-sol et ils seront abrégés de la même manière (mi6 en musique classique ou C/E en musique populaire et jazz, voir plus bas).

Notation des accords de trois notes

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Les accords de trois notes sont appelés « accords de quinte » en classique, et « triades » en jazz.

 
Chiffrage du second renversement d'un accord de sol majeur et d'un accord de do majeur : notation en musique populaire et jazz (haut) et notation de basse chiffrée (bas).

Les accords sont construits de manière systématique. Nous pouvons donc les représenter de manière simplifiée. Cette notation simplifiée des accords est appelée « chiffrage ».

Reprenons la progression d'accords ci-dessus : « second renversement de l'accord de dominante - accord sur la tonique à l'état fondamental » dans la tonalité de do majeur. On utilise en général trois notations différentes :

  • en musique populaire, jazz, rock… un accord est désigné par sa note fondamentale ; ici donc, les accords sont notés « sol - do » ou, en notation anglo-saxonne, « G - C » ;
    comme le premier accord est renversé, on indique la note de basse après une barre, la progression d'accords est donc chiffrée « sol/ - do » ou « G/D - C » ;
    il s'agit ici d'accords composés d'une tierce majeure et d'une quinte juste ; si les accords sont constitués d'intervalles différents, nous ajoutons un symbole après la note : « m » ou « – » si la tierce est mineure, « dim » ou « ° » si la quinte est diminuée ;
  • en musique classique, on utilise la notation de « basse chiffrée » (utilisée notamment pour noter la basse continue en musique baroque) : on indique la note de basse sur la portée et on lui adjoint l'intervalle de la fondamentale à la note la plus haute (donc ici respectivement 6 et 5, puisque sol-si est une sixte et do-sol est une quinte), étant sous-entendu que l'on a des empilements de tierce en dessous ; mais dans le cas du premier accord, le premier intervalle n'est pas une tierce, mais une quarte (ré-sol), on note donc «  64 - do 5 »[2] ;
  • lorsque l'on fait l'analyse d'un morceau, on s'attache à identifier la note fondamentale de l'accord (qui est différente de la basse dans le cas d'un renversement) ; on indique alors le degré de la fondamentale : « V64 - I5 ».

La notation de basse chiffrée permet de construire l'accord à la volée :

  • on joue la note indiquée (basse) ;
  • s'il n'y a pas de 2 ni de 4, on lui ajoute la tierce ;
  • on ajoute les intervalles indiqués par le chiffrage.

La notation de musique jazz oblige à connaître la composition des différents accords, mais une fois que ceux-ci sont acquis, il n'y a pas besoin de reconstruire l'accord.

La notation de basse chiffrée avec les chiffres romains n'est pas utilisée pour jouer, mais uniquement pour analyser ; Sur les partitions avec basse chiffrée, il y a simplement les chiffrages indiqués au-dessus de la partie de basse. Le chiffrage avec le degré en chiffres romains présente l'avantage d'être indépendant de la tonalité et donc de se concentrer sur la fonction de l'accord au sein de la tonalité. Par exemple, ci-dessous, nous pouvons parler de la progression d'accords « V - I » de manière générale, cette notation étant valable quelle que soit la tonalité.

 
Chiffrage en notation basse chiffrée de la progression d'accords « second renversement de l'accord de dominante - accord sur la tonique à l'état fondamental » en do majeur.
 En notation de base continue avec fondamentale en chiffres romains, la fondamentale est toujours indiquée sous la portée de la partie de basse. Les intervalles sont indiqués au-dessus de la portée de la partie de basse ; lorsque l'on fait une analyse, on peut ayssi les indiquer à côté du degré en chiffres romains, donc sous la portée de la basse.
 En notation rock, le 5 en exposant indique un accord incomplet avec uniquement la fondamentale et la quinte, un accord sans tierce appelé « accord de puissance » ou power chord. Par exemple, C5 est l'accord do-sol.
 
Chiffrage de l'accord parfait de do majeur en basse chiffrée, à l'état fondamental et ses renversements.

Concernant les accords parfaits en notation de basse chiffrée :

  • un accord parfait à l'état fondamental est chiffré « 5 » ; on l'appelle « accord de quinte » ;
  • le premier renversement est chiffré « 6 » (la tierce est implicite) ; on l'appelle « accord de sixte » ;
  • le second renversement est noté « 64 » ; on l'appelle « accord de sixte et de quarte » (ou bien « de quarte et de sixte »).

Par exemple, pour l'accord parfait de do majeur :

  • l'état fondamental do-mi-sol est noté do5 ;
  • le premier renversement mi-sol-do est noté mi6 ;
  • le second renversement sol-do-mi est noté sol64.

Il y a une exception : l'accord construit sur la sensible (7e degré) contient une quinte diminuée et non une quinte juste. Le chiffrage est donc différent :

  • l'état fondamental si--fa est noté si5 (cinq barré), « accord de quinte diminuée » ;
  • le premier renversement -fa-si est noté +63, « accord de sixte sensible et tierce » ;
  • le second renversement fa-si- est noté fa6+4, « accord de sixte et quarte sensible ».

Par ailleurs, on ne considère pas qu'il est fondé sur la sensible, mais sur la dominante ; on met donc des guillemets autour du degré, « “V” ». Donc selon l'état, le chiffrage est “V”5, “V”+63 ou “V”6+4.

En notation jazz, on ajoute « dim », « o » ou bien « ♭5 » au chiffrage, ici : B dim, Bo ou B♭5 pour l'état fondamental. Pour les renversements : B dim/D et B dim/F ; ou bien Bo/D et Bo/F ; ou bien B♭5/D et B♭5/F.

 
Basse chiffrée : accords de quinte, de sixte et de sixte et de quarte ayant pour basse do.

Et concernant les accords ayant pour basse do en tonalité de do majeur :

  • l'accord do5 est un accord à l'état fondamental, c'est donc l'accord do-mi-sol (sa fondamentale est do) ;
  • l'accord do6 est le premier renversement d'un accord, c'est donc l'accord do-mi-la (sa fondamentale est la) ;
  • l'accord do64 est le second renversement d'un accord, c'est donc l'accord do-fa-la (sa fondamentale est fa).

Notes étrangères

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La musique européenne s'appuie essentiellement sur des accords parfaits, c'est-à-dire fondés sur une tierce majeure ou mineure, et une quinte juste. Il arrive fréquemment qu'un accord ne soit pas un accord parfait. Les notes qui font partie de l'accord parfait sont appelées « notes naturelles » et la note qui n'en fait pas partie est appelée « note étrangère ».

Il existe plusieurs types de notes étrangères :

  • anticipation : la note étrangère est une note naturelle de l'accord suivant ;
  • appogiature : note d'ornementation qui se résout par mouvement conjoint, c'est-à-dire qu'elle est suivie par une note située juste au-dessus ou en dessous (seconde ascendante ou descendante) qui est, elle, une note naturelle ;
  • broderie : on part d'une note naturelle, on monte ou on descend d'une seconde, puis on revient sur la note naturelle ;
  • double broderie : on part d'une note naturelle, on joue la note du dessus puis la note du dessous avant de revenir à la note naturelle ; ou bien on joue la note du dessous puis la note du dessus ;
  • échappée : note étrangère n'appartenant à aucune des autres catégories ;
  • note de passage : mouvement conjoint allant d'une note naturelle d'un accord à une note naturelle de l'accord suivant ;
  • pédale : la note de basse reste la même pendant plusieurs accords successifs ;
  • retard : la note étrangère est une note naturelle de l'accord précédent.

Les notes étrangères ne sont pas chiffrées.

 
Différents types de notes étrangères.
 Les anglophones distinguent deux types de retard : la suspension est résolue vers le haut (le mouvement est ascendant), le retardation est résolu vers le bas (le mouvement est descendant).

Principaux accords

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Les trois principaux accords sont :

  • l'accord parfait majeur : il est construit sur les degrés I (tonique), IV (médiante) et V (dominante) d'une gamme majeure ; il est noté I5, IV5, V5 ;
  • l'accord parfait mineur : il est construit sur les degrés I (tonique) et IV (sous-tonique) d'une gamme mineure harmonique ; il est également noté I5 et IV5, les anglo-saxons le notent i5 et iv5 (la minuscule indiquant le caractère mineur) ;
  • l'accord de septième de dominante : il est construit sur le degré V (dominante) d'une gamme majeure ou mineure harmonique ; il est noté V7+.

On peut trouver ces trois accords sur d'autres degrés, et il existe d'autre types d'accords. Nous verrons cela plus loin.

Constitution des principaux accords
Accord 1er intervalle 2e intervalle 3e intervalle
Accord parfait majeur tierce majeure (3M) quinte juste (5J)
Accord parfait mineur tierce mineure (3m) quinte juste (5J)
Accord de septième de dominante tierce majeure (3M) quinte juste (5J) septième mineure (7m)
Accord parfait
de do majeur (C).
Accord parfait
de do mineur (Cm).
Accord de septième de dominante
de fa majeur (C7).

Rappel :

  • la tierce mineure est composée d'un ton et demi (1 t ½) ;
  • la tierce majeur est composée de deux tons (2 t) ;
  • la quinte juste a la même altération que la fondamentale, sauf lorsque la fondamentale est si (la quinte juste est alors fa♯) ;
  • la septième mineure est le renversement de la seconde majeure (1 t).
 
Renversements de l'accord parfait de fa majeur, et la notation de basse chiffrée.
 
Renversements de l'accord de septième de dominante de fa majeur, et la notation de basse chiffrée.
Notation des principaux accords en musique classique
Accord État
fondamental
Premier
renversement
Deuxième
renversement
Troisième
renversement
Accord parfait I5
acc. de quinte
I6
acc. de sixte
I64
acc. de quarte et de sixte
Accord de septième
de dominante
V7+
acc.de septième de dominante
V65
acc. de sixte et quinte diminuée
V+6
acc. de sixte sensible
V+4
acc. de quarte sensible
acc. de triton

Dans le cas d'un accord de septième de dominante, le nom de l'accord change selon que l'on est en musique classique ou en jazz : en musique classique, on donne le nom de la tonalité alors qu'en jazz, on donne le nom de la fondamentale. Ainsi, l'accord appelé « septième de dominante de do majeur » en musique classique, est appelé « sol sept » (G7) en jazz : la dominante (degré V, dominante) de la tonalité de do majeur est la note sol.

Comment appelle-t-on en musique classique l'accord appelé « do sept » (C7) en jazz ? Les tonalités dont le do est la dominante sont les tonalités de fa majeur (si♭ à la clef) et de fa mineur harmonique (si♭, mi♭, la♭ et ♭ à la clef et mi♮ accidentel). Il s'agit donc de l'accord de septième de dominante des tonalités de fa majeur et fa mineur harmonique.

Accords fréquents pour quelques la tonalités majeures
Tonalité Armure Accord parfait
I5
Accord de septième
de dominante
V7+
Do majeur C
do-mi-sol
G7
sol-si-ré-fa
Sol majeur fa G
sol-si-ré
D7
ré-fa-la-do
majeur fa♯, do D
ré-fa-la
A7
la-do-mi-sol
La majeur fa♯, do♯, sol A
la-do-mi
E7
mi-sol-si-ré
Fa majeur si F
fa-la-do
C7
do-mi-sol-si
Si♭ majeur si♭, mi B♭
si-ré-fa
F7
fa-la-do-mi
Mi♭ majeur si♭, mi♭, la E♭
mi-sol-si
B♭7
si-ré-fa-la
Accords fréquents pour quelques la tonalités mineures harmoniques
Tonalité Armure Accord parfait
i5
Accord de septième
de dominante
V7+
La mineur
harmonique
Am, A–
la-do-mi
E7
mi-sol-si-ré
Mi mineur
harmonique
fa Em, E–
mi-sol-si
B7
si-ré-fa-la
Si mineur
harmonique
fa♯, do Bm, B–
si-ré-fa
F♯7
fala-do-mi
Fa♯ mineur
harmonique
fa♯, do♯, sol F♯m, F♯–
fa-la-do
C♯7
do-mi-sol-si
mineur
harmonique
si Dm, D–
ré-fa-la
A7
la-do-mi-sol
Sol mineur
harmonique
si♭, mi Gm, G–
sol-si-ré
D7
ré-fa-la-do
Do mineur
harmonique
si♭, mi♭, la Cm, C–
do-mi-sol
G7
sol-si-ré-fa

Accords sur les degrés d'une gamme

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Harmonisation d'une gamme

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Accords de trois note sur la gamme de do majeur, chiffrés.

On peut ainsi construire une triade par degré d'une gamme.

Pour une gamme majeure, les accords I5, IV5 et V5 ont une tierce majeure. Les accords II5, III5, VI5 et (VII) “V”5 ont une tierce mineure ; ils sont parfois notés avec des chiffres romains minuscules par les anglo-saxons : ii5, iii5, vi5 et (vii) “V”5.

Les accords ont tous une quinte juste à l'exception de l'accord (vii) “V”5 qui a une quinte diminuée, raison pour laquelle le « 5 » est barré. C'est un accord dit « de quinte diminuée ». En jazz, l'accord diminué est noté « dim », « ° », « m♭5 » ou « –♭5 ».

Nous avons donc trois types d'accords (dans la notation jazz) : X (triade majeure), Xm (triade mineure) et X° (triade diminuée), la lettre X remplaçant le nom de la note fondamentale.

 
Accords de trois notes sur une gamme de la mineur harmonique, chiffrés.

Pour une gamme mineure harmonique, les accords III+5, V et VI5 ont une tierce majeure. Les accords I5, II5, IV5 et (VII) “V”5 ont une tierce mineure ; ils sont parfois notés avec des chiffres romains minuscules par les anglo-saxons : i5, ii5, iv5 et (vii) “V”5.

Les accords ii5 et (vii) “V”5 ont une quinte diminuée ; ce sont des accords dits « de quinte diminuée ». L'accord III+5 a une quinte augmentée ; le signe « plus » indique que la note de cinquième, le sol dièse, est la sensible. En jazz, l'accord est noté « aug » ou « + ». Les autres accords ont une quinte juste.

Aux trois accords générés par une gamme majeure (X, Xm et X°), nous voyons ici apparaître un quatrième type d'accord : la triade augmentée X+.

Nous remarquons que des gammes ont des accords communs. Par exemple, l'accord ii5 de do majeur est identique à l'accord iv5 de la mineur (il s'agit de l'accord Dm).

Quel que soit le mode, les accords construits sur la sensible (accord de quinte diminuée) sont rarement utilisés. S'ils le sont, c'est en tant qu'accord de septième de dominante sans fondamentale (voir ci-après). C'est la raison pour laquelle le chiffrage indique le degré V entre guillemets, et non pas le degré VII (mais pour des raisons de clarté, nous l'indiquons entre parenthèses au début).

En mode mineur, l'accord de quinte augmentée iii+5 est très peu utilisé (voir plus loin Progression d'accords). C'est un accord considéré comme dissonant.

On voit que :

  • un accord parfait majeur peut appartenir à cinq gammes différentes ;
    par exemple l'accord parfait de do majeur est l'accord construit sur le Ier degré de la gamme de do majeur, sur le IVe degré de sol majeur, sur le Ve degré de fa majeur, sur le Ve degré de fa mineur et sur le VIe degré de mi mineur ;
  • un accord parfait mineur peut appartenir à cinq gammes différentes ;
    par exemple l'accord parfait de la mineur est l'accord construit sur le Ier de la gamme de la mineur, sur le IVe degré de mi mineur, sur le IIe degré de sol majeur, sur le IIIe degré de fa majeur et sur le VIe degré de do majeur ;
  • un accord de quinte diminuée peut appartenir à trois gammes différentes ;
    par exemple, l'accord de quinte diminuée de si est l'accord construit sur le VIIe degré de do majeur, sur le IIe degré de la mineur et sur le VIIe degré de do mineur ;
  • un accord de quinte augmentée (à l'état fondamental) ne peut appartenir qu'à une seule gamme ;
    par exemple, l'accord de quinte augmentée de do est l'accord construit sur le IIIe degré de la mineur.

Harmonisation par des accords de septième

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Harmonisation de la gamme de do majeur par des accords de septième.

Les accords de septième contiennent une dissonance et créent ainsi une tension. Ils sont très utilisés en jazz. Nous avons représenté ci-contre l'harmonisation de la gamme de do majeur.

La constitution des accords est la suivantes :

  • tierce majeure (3M)
    • quinte juste (5J)
      • septième mineure (7m) : sur le degré V, c'est l'accord de septième de dominante V7+, noté X7 (X pour G),
      • septième majeure (7M) : sur les degrés I et IV, appelés « accords de septième majeure » et notés aussi Xmaj7 ou XΔ (X pour C ou F) ;
  • tierce mineure (3m)
    • quinte juste (5J)
      • septième mineure : sur les degrés ii, iii et vi, appelés « accords mineur septième » et notés Xm7 ou X–7 (X pour D, E ou A),
    • quinte diminuée (5d)
      • septième mineure (7m) : sur le degré vii, appelé « accord demi-diminué » (puisque seule la quinte est diminuée) et noté X ou Xm7(♭5) ou X–7(♭5) (X pour B) ;
        en musique classique, on considère que c'est un accord de neuvième de dominante sans fondamentale.

Nous avons donc quatre types d'accords : X7, Xmaj7, Xm7 et X

En jazz, on ajoute souvent la quarte à l'accord de sous-dominante IV (sur le fa dans une gamme de do majeur) ; il s'agit ici d'une quarte augmentée (fa-si) et l'accord est surnommé « accord lydien » mais cette dénomination est erronée (il s'agit d'une mauvaise interprétation de textes antiques). C'est un accord de onzième sans neuvième (la onzième étant l'octave de la quarte), il est noté Xmaj7(♯11) ou XΔ(♯11) (ici, Fmaj7(♯11), fa-la-do-mi-si ou fa-la-si-do-mi).

Modulation et emprunt

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Un morceau peut comporter des changements de tonalité; appelés « modulation ». Il y a parfois un court passage dans une tonalité différente, typiquement sur une ou deux mesures, avant de retourner dans la tonalité d'origine : on parle d'emprunt. Lorsqu'il y a une modulation ou un emprunt, les degrés changent. Un même accord peut donc avoir une fonction dans une partie du morceau et une autre fonction ailleurs. L'utilisation d'accord différents, et en particulier d'accord utilisant des altérations accidentelles, indique clairement une modulation.

Nous avons vu précédemment que les modulations courantes sont :

  • les modulations dans les tons voisins ;
  • les modulations homonymes ;
  • les marches harmoniques.

Une modulation entre une tonalité majeure et mineure change la couleur du passage,

  • la modulation la plus « douce » est entre les tonalités relatives (par exempledo majeur et la mineur) car ces tonalités utilisent quasiment les mêmes notes ;
  • la modulation la plus « voyante » est la modulation homonyme (par exemple entre do majeur et do mineur).

Une modulation commence souvent sur l'accord de dominante de la nouvelle tonalité.

Pour analyser un œuvre, ou pour improviser sur une partie, il est important de reconnaître les modulations. La description de la successind es tonalités s'appelle le « parcours tonal ».

Exercices élémentaires

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L'apprentissage des accords passe par quelques exercices élémentaires.

1. Lire un accord

Il s'agit de lecture de notes : des notes composant les accords sont écrites « empilées » sur une portée, il faut les lire en énonçant les notes de bas en haut.

2. Reconnaître la « couleur » d'un accord

On écoute une triade et il faut dire si c'est une triade majeure ou mineure. Puis, on complexifie l'exercice en ajoutant la septième.

3. Chiffrage un accord

Trouver le nom d'un accord à partir des notes qui le composent.

4. Réalisation d'un accord

Trouver les notes qui composent un accord à partir de son nom.

5. Dictée d'accords

On écoute une succession d'accords et il faut soit écrire les notes sur une portée, soit écrire les noms de accords.

 
Exercice : constitution d'accord à partir de la basse chiffrée.

Exercices de basse chiffrée

Réalisation d'un accord

Sur la figure suivante, écrire les notes des accords correspondant à la basse chiffrée. Déterminer le degré de la fondamentale pour chaque accord en considérant que nous sommes dans la tonalité de sol majeur.

Chiffrage d'accords

 
Accords à chiffrer.

Chiffrer les accords ci-contre.

 
Exercice : constitution d'un accord d'après son chiffrage en notation jazz.

Exercices de notation jazz

Réalisation d'un accord

Sur la figure suivante, écrire les notes des accords correspondant aux chiffrages.

Chiffrage d'accords

 
Accords à chiffrer.

Chiffrer les accords ci-contre.

Harmonie fonctionnelle

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Le choix des accords et de leur succession — la progression des accords — est un élément important d'un morceau, de sa composition. Le compositeur ou la compositrice a bien sûr une liberté totale, mais pour faire des choix, il faut comprendre les conséquences de ces choix, et donc ici, les effets produits par les accords et leur progression.

Une des manières d'aborder le sujet est l'harmonie fonctionnelle.

Les trois fonctions des accords

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En harmonie tonale, on considère que les accords ont une fonction. Il existe trois fonctions :

  • la fonction de tonique, I ;
  • la fonction de sous-dominante, IV ;
  • la fonction de dominante, V.

L'accord de tonique, I, est l'accord « stable » de la tonalité par excellence. Il conclut en général les morceaux, et ouvre souvent les morceaux ; il revient fréquemment au cours du morceau.

L'accord de dominante, V, est un accord qui introduit une instabilité, une tension. En particulier, il contient la sensible (degré VI), qui est une note « aspirée » vers la tonique. Cette tension, qui peut être renforcée par l'utilisation d'un accord de septième, est fréquemment résolue par un passage vers l'accord de tonique. Nous avons donc deux mouvements typiques : IV (création d'une tension, d'une attente) et VI (résolution d'une tension). Les accords de tonique et de dominante ont le cinquième degré en commun, cette note sert donc de pivot entre les deux accords.

L'accord de sous-dominante, IV, est un accord qui introduit lui aussi une tension, mais moins grande : il ne contient pas la sensible. Notons que s'il est une quarte au-dessus de la tonique, il est aussi une quinte en dessous d'elle ; il est symétrique de l'accord de dominante. Il a donc un rôle similaire à l'accord de dominante, mais atténué. L'accord de sous-dominante aspire soit vers l'accord de dominante, très proche, et l'on a alors une augmentation de la tension ; soit vers l'accord de tonique, un retour vers la stabilité (il a alors un rôle semblable à la dominante). Du fait de ces deux bifurcations possibles — augmentation de la tension (IVV) ou retour à la stabilité (IVI) —, l'utilisation de l'accord de sous-dominante introduit un certain flottement : si l'on peut facilement prédire l'accord qui suit un accord de dominante, on ne peut pas prédire ce qui suit un accord de sous-dominante.

Notons que la composition ne consiste pas à suivre ces règles de manière stricte, ce qui conduirait à des morceaux stéréotypés et plats. Le plaisir d'écoute joue sur une alternance entre satisfaction d'une attente (respect des règles) et surprise (rompre les règles).

Accords remplissant ces fonctions

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Les accords sur les autres degrés peuvent se ramener à une de ces trois fonctions :

  • II : fonction de sous-dominante IV ;
  • III (très peu utilisé en mode mineur en raison de sa dissonance) et VI : fonction de tonique I ;
  • VII : fonction de dominante V.

En effet, les accords étant des empilements de tierces, des accords situés à une tierce l'un de l'autre — IIII, IIIV, VVII, VIVIII ( = I) — ont deux notes en commun. On retrouve le fait que l'accord sur le degré VII est considéré comme un accord de dominante sans tonique. En mode mineur, l'accord sur le degré III est évité, il n'a donc pas de fonction.

Fonction des accords
Fondamentale Fonction
I tonique
II sous-dominante faible
III tonique faible
IV sous-dominante
V dominante
VI tonique faible
VII dominante faible

Par exemple en do majeur :

  • fonction de tonique : do5 (C), mi5 (E–), la5 (A–) ;
  • fonction de sous-dominante : fa5 (F), 5 (D–) ;
  • fonction de dominante : sol5 (G) ou sol7+ (G7), si5 (Bo).

En la mineur harmonique :

  • fonction de tonique : la5 (A–), fa5 (F) [, rarement : do+5 (C+)] ;
  • fonction de sous-dominante : 5 (D–), si5 (Bo) ;
  • fonction de dominante : mi5 (E) ou mi7+ (E7), sol5 (G♯o).

Le fait d'utiliser des accords différents pour remplir une fonction permet d'enrichir l'harmonie, et de jouer sur l'équilibre entre satisfaction d'une attente (on respecte les règles sur les fonctions) et surprise (mais on n'utilise pas l'accord attendu).

Les dominantes secondaires

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On utilise aussi des accords de septième dominante se fondant sur un autre degré que la dominante de la gamme ; on parle de « dominante secondaire ». Typiquement, avant un accord de septième de dominante, on utilise parfois un accord de dominante de dominante, dont le degré est alors noté « V de V » ou « V/V » ; la fondamentale est de l'accord est alors situé cinq degrés au-dessus de la dominante (V), c'est donc le degré IX, c'est-à-dire le degré II de la tonalité en cours). Ou encore, on utilise un accord de dominante du degré IV (« V de IV », la fondamentale est alors le degré I) avant un accord sur le degré IV lui-même.

Par exemple, en tonalité de do majeur, on peut trouver un accord ré - fa - la - do (chiffré V de V7+), avant un accord sol - si - ré - fa (V7+). L'accord ré - fa - la - do est l'accord de septième de dominante des tonalités de sol. Dans la même tonalité, on pourra utiliser un accord do - mi - sol - si♭ (V de IV7+) avant un accord fa - la - do (IV5). Le recours à une dominante secondaire peut atténuer une transition, par exemple avec un enchaînement do5do7+fa5 (C → C7 → F) qui correspond à un enchaînement IV de IVIV : le passage do5do7+ (C → C7) se fait en ajoutant une note (le si♭) et rend naturel le passage dofa.

Sur les sept degré de la gamme, on ne considère en général que cinq dominantes secondaires : en effet, la dominante du degré I est la dominante « naturelle, primaire » de la tonalité (et n'est donc pas secondaire) ; et utiliser la dominante de VII consisterait à considérer l'accord de VII comme un accord propre, on évite donc les « V de “V” » (mais les « “V” de V » sont tout à fait « acceptables »).

Enchaînements classiques

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Nous avons donc vu que l'on trouve fréquemment les enchaînements suivants :

  • pour créer une instabilité :
    • IV,
    • IIV (instabilité moins forte mais incertitude sur le sens d'évolution) ;
  • pour maintenir l'instabilité :
    • IVV ;
  • pour résoudre l'instabilité :
    • IVI,
    • VI, cas particuliers (voir plus bas) :
      • V+4I6,
      • I64V7+I5.

Les degrés indiqués ci-dessus sont les fonctions ; on peut donc utiliser les substitutions suivantes :

  • I par VI et, en tonalité majeure, III ;
  • IV par II ;
  • V par VII.

Pour enrichir l'harmonie, on peut utiliser les dominantes secondaires, en particulier :

  • V de V (II7+) → V,
  • V de IV (I7+) → IV.

On peut enchaîner les enchaînements, par exemple IIVV, ou encore IV de IVIV… En jazz, on utilise très fréquemment l'enchaînement IIVI (deux-cinq-un).

On peut bien sûr avoir d'autres enchaînements, mais ces règles permettent d'analyser un grand nombre de morceaux, et donnent des clefs utiles pour la composition. Nous voyons ci-après un certain nombre d'enchaînements courants dans différents styles

Exercice

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Un hautboïste travaille la sonate en do mineur S. 277 de Heinichen. Sur le deuxième mouvement Allegro, il a du mal à travailler un passage en raison des altérations accidentelles. Sur la suggestion de sa professeure, il décide d'analyser la progression d'accords sous-jacente afin que les altérations deviennent logiques. Il s'agit d'un duo hautbois et basson pour lequel les accords ne sont pas chiffrés, le basson étant ici un instrument soliste et non pas un élément de la basse continue.

Sur l'extrait suivant, déterminez les basses et la qualité (chiffrage) des accords sous-jacents. Commentez.

 
Extrait du deuxième mouvement Allegro de la sonate en trio en do mineur S. 277 de Johann David Heinichen.
 L'œuvre est en do mineur et devrait donc avoir trois bémols à la clef, or ici il n'y en a que deux. En effet, le la pouvant être bécarre en mode mineur mélodique ascendant, le compositeur a préféré le noter explicitement en altération accidentelle lorsque l'on est en mode mélodique naturel, harmonique ou mélodique descendant. C'est un procédé assez courant à l'époque baroque.

Progression d'accords

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Comme pour la mélodie, la succession des accords dans un morceau, la progression d'accords, suit des règles. Et comme pour la mélodie, les règles diffèrent d'un style musical à l'autre et la créativité consiste à parfois ne pas suivre ces règles. Et comme pour la mélodie, on part d'un ensemble de notes organisé, d'une gamme caractéristique d'une tonalité, d'un mode.

Les accords les plus utilisés pour une tonalité donnée sont les accords dont la fondamentale sont les degrés I, IV et V de la tonalité, en particulier la triade I, appelée « accord parfait » ou « accord de tonique », et l'accord de septième V, appelé « septième de dominante ».

Le fait d'avoir une progression d'accords qui se répète permet de structurer un morceau. Pour les morceaux courts, il participe au plaisir de l'écoute et facilite la mémorisation (par exemple le découpage couplet-refrain d'une chanson). Sur les morceaux longs, une trop grande régularité peut introduire de la lassitude, les longs morceaux sont souvent découpés en parties présentant chacune une progression régulière. Le fait d'avoir une progression régulière permet la pratique de l'improvisation : cadence en musique classique, solo en jazz et blues.

Note
Le terme « cadence » désigne plusieurs choses différentes, et notamment en harmonie :
  • une partie improvisée dans un opéra ou un concerto, sens utilisé ci-dessus ;
  • une progression d'accords pour ponctuer un morceau et en particulier pour le conclure, sens utilisé dans la section suivante.

Accords peu utilisés

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En mode mineur, l'accord de quinte augmentée III+5 est très peu utilisé. C'est un accord dissonant ; il intervient en général comme appogiature de l'accord de tonique (par exemple en la mineur : III+5 do - mi - sol♯ → I6 do - mi - la), ou de l'accord de dominante (III6+3 mi - sol♯ - doV5 mi - sol♯ - si). Il peut être aussi utilisé comme préparation à l'accord de sous-dominante (enchaînement IIIIV). Par ailleurs, il a une constitution symétrique — c'est l'empilement de deux tierces majeures — et ses renversements ont les mêmes intervalles à l'enharmonie près (quinte augmentée/sixte mineure, tierce majeure/quarte diminuée). De ce fait, un même accord est commun, par renversement et à l'enharmonie près, à trois tonalités : le premier renversement de l'accord do - mi - sol♯ (IIIe degré de la mineur) est enharmonique à mi - sol♯ - si♯ (IIIe degré de do♯ mineur) ; le second renversement est enharmonique à la♭ - do - mi (IIIe degré de fa mineur).

Accords très utilisés

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Les trois accords les plus utilisés sont les accords de tonique (degré I), de sous-dominante (IV) et de dominante (V). Ils interviennent en particulier en fin de phrase, dans les cadences. L'accord de dominante sert souvent à introduire une modulation : la modulation commence sur l'accord de dominante de la nouvelle tonalité. On note que l'accord de sous-dominante est situé une quinte juste en dessous de la tonique, les accords de dominante et de sous-dominante sont donc symétriques.

En jazz, on utilise également très fréquemment l'accord de la sus-tonique (degré II), souvent dans des progressions II - V (- I). Rappelons que l'accord de sus-tonique a la fonction de sous-dominante.

Cadences et turnaround

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Le terme « cadence » provient de l'italien cadenza et désigne la « chute », la fin d'un morceau ou d'une phrase musicale.

On distingue deux types de cadences :

  • les cadences conclusive, qui créent une sensation de complétude ;
  • les cadences suspensives, qui crèent une sensation d'attente.

Cadence parfaite

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Au clair de la lune, harmonisé avec une cadence parfaite (italienne).
Idem mais en mode mineur harmonique.

La cadence parfaite est l'enchaînement de l'accord de dominante suivi de l'accord parfait : V5 - I5, les deux accord étant à l'état fondamental. Elle donne une impression de stabilité et est donc très souvent utilisée pour conclure un morceau. C'est une cadence conclusive.

On peut aussi utiliser l'accord de septième de dominante, la dissonance introduisant une tension résolue par l'accord parfait : V7+ - I5.

Elle est souvent précédée de l'accord construit sur le IVe degré, appelé « accord de préparation », pour former la cadence italienne : IV5 - V5 (ou V7+) - I5.

Elle est également souvent précédée du second renversement de l'accord de tonique, qui est alors appelé « appoggiature de la cadence » : I64 - V5 (ou V7+) - I5 (on remarque que les accords I64 et V5 ont la basse en commun, et que l'on peut passer de l'un à l'autre par un mouvement conjoint sur les autres notes).

Demi-cadence

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Au clair de la lune, harmonisé avec une demi-cadence.

Une demi-cadence est une phrase ou un morceau se concluant sur l'accord construit sur le cinquième degré. Il provoque une sensation d'attente, de suspens. Il s'agit en général d'une succession II - V ou IV - V. C'est une cadence suspensive. On uilise rarement un accord de septième de dominante.

Cadence rompue ou évitée

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La cadence rompue, ou cadence évitée, est succession d'un accord de dominante et d'un accord de sus-dominante, V - VI. C'est une cadence suspensive.

Cadence imparfaite

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Une cadence imparfaite est une cadence V - I, comme la cadence parfaite, mais dont au moins un des deux accords est dans un état renversé.

Cadence plagale

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La cadence plagale — du grec plagios, oblique, en biais — est la succession de l'accord construit sur le quatrième degré, suivi de l'accord parfait : IV5 - I5. Elle est utilisée après une cadence parfaite (V5 - I5 - IV5 - I5) et donne un caractère solennel à la conclusion. C'est une cadence conclusive.

Turnaround

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Au clair de la lune, harmonisé en style jazz : accords de 7e, anatole suivie d'un turnaround ii-V-I.

Le terme turnaround signifie revirement, retournement. C'est une succession d'accords que fait la transition entre deux parties, en créant une tension-résolution. Le turnaround le plus courant est la succession II - V - I.

On utilise également fréquemment l'anatole : I - VI - II - V.

Progressions typiques d'accords dans une tonalité majeure
Tonalité Armure Cadence
parfaite
V - I
Cadence
italienne
IV - V - I
Demi-
cadence
ii - V ou IV - V
Cadence
plagale
IV - I
Turnaround
ii - V - I
Anatole
I - vi - ii - V
Do majeur G - C F - G - C Dm - G ou F - G F - C Dm - G - C C - Am - Dm - G
Sol majeur fa D - G C - D - G Am - D ou C - D C - G Am - D - G G - Em - Am - D
majeur fa♯, do A - D G - A - D Em - A ou G - A G - D Em - A - D D - Bm - Em - A
La majeur fa♯, do♯, sol E - A D - E - A Bm - E ou D - E D - A Bm - E - A A - F♯m - B - E
Fa majeur si C - F B♭ - C - F Gm - C ou B♭ - C B♭ - F Gm - C - F F - Dm - Gm - C
Si♭ majeur si♭, mi F - B♭ E♭ - F - B♭ Cm - F ou E♭ - F E♭ - B♭ Cm - F - B♭ B♭ - Gm - Cm - F
Mi♭ majeur si♭, mi♭, la B♭ - E♭ A♭ - B♭ - E♭ Fm - B♭ ou A♭ - B♭ A♭ - E♭ Fm - B♭ - E♭ Gm - Cm - Fm - B♭
Progressions typiques d'accords dans une tonalité mineure
Tonalité Armure Cadence
parfaite
V - i
Cadence
italienne
iv - V - i
Demi-
cadence
ii - V ou iv - V
Cadence
plagale
iv - i
Turnaround
ii - V - I
Anatole
i - VI - ii - V
La mineur
harmonique
E - Am Dm - E - Am B° - E ou Dm - E Dm - Am B° - E - Am Am - F - B° - E
Mi mineur
harmonique
fa B - Em Am - B - Em F♯° - B ou Am - B Am - Em F♯° - B - Em Em - C - F♯° - B
Si mineur
harmonique
fa♯, do F♯ - Bm Em - F♯ - Bm C♯° - F♯ ou Em - F♯ Em - Bm C♯° - F♯ - Bm Bm - G - C♯° - F♯
Fa♯ mineur
harmonique
fa♯, do♯, sol C♯ - F♯m Bm - C♯ - F♯m G♯° - C♯ ou Bm - C♯ Bm - F♯m G♯° - C♯ - F♯m A+ - D - G♯° - C♯
mineur
harmonique
si A - Dm Gm - A - Dm E° - A ou Gm - A Gm - Dm E° - A - Dm Dm - B♭ - E° - A
Sol mineur
harmonique
si♭, mi D - Gm Cm - D - Gm A° - D ou Cm - D Cm - Gm A° - D - Gm Gm - E♭ - A° - D
Do mineur
harmonique
si♭, mi♭, la G - Cm Fm - G - Cm D° - G ou Fm - G Fm - Dm D° - G - Cm Cm - A♭ - D° - G

Exemple : La Mer

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Charles Trenet, « Charles Trenet - La mer (Officiel) [Live Version] », sur YouTube (consulté le 24 décembre 2020)

Le début de La Mer (Charles Trenet, 1946) est en do majeur et est harmonisé par l'anatole I-vi-ii-V7 (C - Am - Dm - G7) sur deux mesures, jouée deux fois (|I-vi|ii-V7| × 2). Viennent des variations avec les progressions I-III-vi-V7 (C - E - Am - G7) puis la « progression ’50s » (voir plus bas) I-vi-IV-VI7 (C - Am - F - A7, on remarque que IV/F est le relatif majeur du ii/Dm de l'anatole), jouées chacune une fois sur deux mesure ; puis cette première partie se conclut par une demie cadence ii-V7 sur une mesure puis une dernière anatole sur trois mesures (|I-vi|ii|V7|). Cela constitue une première partie « A » sur douze mesures qui se termine par une demi-cadence (ii-V7) qui appelle une suite. Cette partie A est jouée une deuxième fois mais la fin est modifiée pour la transition : les deux dernières mesures |ii|V7| deviennent |ii-V7|I| (|Dm-G7|C|), cette partie « A’ » se conclut donc par une cadence parfaite (V7-I).

Le morceau passe ensuite en tonalité de mi majeur, donc une tierce au dessus de do majeur, sur six mesures. Cette partie utilise une progression ’50s I-vi-IV-V7 (E - C♯m - A - B7), qui est rappelons-le une variation de l'anatole, l'accord ii (Fm) étant remplacé par son relatif majeur IV (A). Cette anatole modifiée est jouée deux fois puis la partie en mi majeur se conclut par l'accord parfait I joué sur deux mesures (|E|E|), on a donc, avec la mesure précédente, avec une cadence parfaite (V7-I).

Suivent ensuite six mesures en sol majeur, donc à nouveau une tierce au dessus de mi majeur. Elle comporte une progression I-vi-IV-V7 (G - Em - C - D7), donc anatole avec substitution du ii/Am par son relatif majeur VI/C (progression ’50s), puis une anatole I-vi-ii-V7 (G - Em - Am - D7) et deux mesure sur la tonique I-I7 (G - G7), formant à nouveau une cadence parfaite. La fin sur un accord de septième, dissonant, appelle une suite.

Cette partie « B » de douze mesures comporte donc deux parties similaires « B1 » et « B2 » qui forment une marche harmonique (montée d'une tierce).

Le morceau se conclut par une reprise de la partie « A’ » et se termine donc par une cadence parfaite.

Nous avons une structure A-A’-B-A’ sur 48 mesures, proche la forme AABA étudiée plus loin.

Donc La Mer est un morceau structuré autour de l'anatole avec des variations (progression ’50s, substitution du ii par son relatif majeur IV) et comportant une marche harmonique dans sa troisième partie. Les parties se concluent par des turnarounds sous la forme d'une cadence parfaite ou, pour la partie A, par une demi-cadence.

Structure de La Mer
do majeur
A anatole // variation ’50s ½ c. anatole
| I-vi | ii-V7 | I-vi | ii-V7 | I-III | vi-V7 | I-vi | IV-VI7 | ii-V7 | I-vi | ii | V7 |
A’ anatole // variation ’50s ½ c. anatole c.p.
| I-vi | ii-V7 | I-vi | ii-V7 | I-III | vi-V7 | I-vi | IV-VI7 | ii-V7 | I-vi | ii-V7 | I |
B1 : mi majeur B2 : sol majeur
B ’50s // c.p. ’50s // c.p.
| I-vi | IV-V7 | I-vi | IV-V7 | I | I | I-vi | IV-V7 | I-vi | IV-V7 | I | I7 |
A’

Progression blues

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La musique blues est apparue dans les années 1860. Elle est en général bâtie sur une grille d'accords (changes) immuable de douze mesures (twelve-bar blues). C'est sur cet accompagnement qui se répète que s'ajoute la mélodie — chant et solo. Cette structure est typique du blues et se retrouve dans ses dérivés comme le rock 'n' roll.

Le rythme est toujours un rythme ternaire syncopé (shuffle, swing, groove, notes inégales) : la mesure est à quatre temps, mais la noire est divisée en noire-croche en triolet, ou encore triolet de croche en appuyant la première et la troisième.

La mélodie se construit en général sur une gamme blues de six degrés (gamme pentatonique mineure avec une quarte augmentée), mais bien que la gamme soit mineure, l'harmonie est construite sur la gamme majeure homonyme : un blues en fa a une mélodie sur la gamme de fa mineur, mais une harmonie sur la gamme de fa majeur. La grille d'accord comporte les accords construits sur les degrés I, IV et V de la gamme majeure homonyme. Les accords sont souvent des accords de septième (donc avec une tierce majeure et une septième mineure), il ne s'agit donc pas d'une harmonisation de gamme diatonique (puisque la septième est majeure sur l'accord de tonique).

Par exemple, pour un blues en do :

  • accord parfait de do majeur, C (Ier degré) ;
  • accord parfait de fa majeur, F (IVe degré) ;
  • accord parfait de sol majeur, G (Ve degré).

Il existe quelques morceaux harmonisés avec des accords mineurs, comme par exemple As the Years Go Passing By d'Albert King (Duje Records, 1959).

La progression blues est organisée en trois blocs de quatre mesures ayant les fonctions suivantes (voir ci-dessus Harmonie fonctionnelle) :

  • quatre mesures toniques ;
  • quatre mesures sous-dominantes ;
  • quatre mesures dominantes.

La forme la plus simple, que Jeff Gardner appelle « forme A », est la suivante :

Progression blues, forme A
Tonique I I I I
Sous-domminante IV IV I I
Dominante V IV I V

La progression I-V des deux dernières mesures forment le turnaround, la demie cadence qui lance le cycle suivant. Nous présentons ci-dessous un exemple typique de ligne de basse (walking bass) pour le turnaround d'un blues en la :

 

Blues en mi, harmonisé de manière élémentaire avec une walking bass.

Vous pouvez écouter ci-contre une harmonisation typique d'un blues en mi. Les accords sont exécutés par une basse marchante (walking bass), qui joue une arpège sur la triade avec l'ajout d'une sixte majeure et d'une septième mineure, et par une guitare qui joue un accord de puissance (power chord), qui n'est composé que de la fondamentale et de la quinte juste, avec une sixte en appoggiature.

La forme B s'obtient en changeant la deuxième mesure : on joue un degré IV au lieu d'un degré I. La progression I-IV sur les deux premières mesures est appelé quick change.

Progression blues, forme B
I IV I I
IV IV I I
V IV I V

Par exemple, Sweet Home Chicago (Robert Johnson, 1936) est un blues en fa ; sa grille d'accords, aux variations près, suit une forme B :

Progression de Sweet Home Chicago
F B♭ F F
B♭ B♭ F F
C7 B♭7 F7 C7
Écouter Michal Angel, « Robert Johnson "Sweet Home Chicago" », sur YouTube, (consulté le 17 décembre 2020)

Les formes C et D s'obtiennent à partir des formes A et B en changeant le dernier accord par un accord sur le degré I, ce qui forme une cadence plagale.

Progression blues, formes C et D
V IV I I

L'harmonie peut être enrichie, notamment en jazz. Voici par exemple une grille du blues souvent utilisés en bebop.

Exemple de progression de blues bebop sur une base de forme B
I7 IV7 I7 V–7 | I7
IV7 IV7 I7 VI7 ♯9 ♭13
II–7 V7 V7 | IV7 II–7 | V7

On peut aussi trouver des blues sur huit mesures, sur seize mesures comme Watermelon Man de Herbie Hancock (album Takin' Off, Blue Note, 1962) ou Let's Dance de Jim Lee (interprété par Chris Montez, Monogram, 1962)

À l'inverse, certains blues peuvent avoir une structure plus simple que les douze mesure ; par exemple Hoochie Coochie Man de Willie Dixon (interprété par Muddy Waters sous le titre Mannish Boy, Chicago Blues, 1954) est construit sur un seul accord répété tout le long de la chanson.

Cadence andalouse

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La cadence andalouse est une progression de quatre accords, descendant par mouvement conjoint :

  • en mode de mi (mode phrygien) : IV - III - II - I ;
    par exemple en mi phrygien : Am - G - F - E ; en do phrygien : Fm - E♭ - D♭ - C ;
    on notera que le degré III est diésé dans l'accord final (ou bécarre s'il est bémol dans la tonalité) ;
  • en mode mineur : I - VII - VI - V ;
    par exemple en la mineur : Am - G - F - E ; en do mineur : Cm - B♭ - A♭ - m ;
    comme précédemment, on notera que le degré VII est diésé dans l'accord final.

Progressions selon le cercle des quintes

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Cercle des quinte justes (parcouru dans le sens des aiguilles d'une montre) des degrés d'une tonalité majeure.

La progression V-I est la cadence parfaite, mais on peut aussi l'employer au milieu d'un morceau. Cette progression étant courte, sa répétition crée de la lassitude ; on peut la compléter par d'autres accords séparés d'une quinte juste, en suivant le « cercle des quintes » : I-V-IX, la neuvième étant enharmonique de la seconde, on obtient I-V-II. On peut continuer de décrire le cercle des quintes : I-V-II-VI, on obtient l'anatole dans le désordre ; on peut à l'inverse étendre les quintes vers la gauche, IV-I-V-II-VI.

En musique populaire, on trouve fréquemment une progression fondée sur les accord I, IV, V et VI, popularisée dans les années 1950. La « progression années 1950 », « progression fifties ('50) » ('50s progression) est dans l'ordre I-VI-IV-V. On trouve aussi cette progression en musique classique. Si la tonalité est majeure, la triade sur la sus-dominante est mineure, les autres sont majeures, on notera donc souvent I-vi-IV-V. On peut avoir des permutations circulaires (le dernier accord venant au début, ou vice-versa) : vi-IV-V-I, IV-V-I-vi et V-I-vi-IV.

Accords selon la tonalité
Tonalité Armure I IV V vi
Do majeur C F G Am
Sol majeur fa G C D Em
majeur fa♯, do D G A Bm
La majeur fa♯, do♯, sol A D E F♯m
Fa majeur si F B♭ C Dm
Si♭ majeur si♭, mi B♭ E♭ F Gm
Mi♭ majeur si♭, mi♭, la E♭ A♭ B♭ Cm

Par exemple, en tonalité de do majeur, la progression I-vi-IV-V sera C-Am-F-G.

Il existe d'autres progressions utilisant ces accords mais dans un autre ordre, typiquement I–IV–vi–V ou une de ses permutations circulaires : IV–vi–V-I, vi–V-I-IV ou V-I-IV-vi. Ou dans un autre ordre.

PV Nova l'illustre dans plusieurs de ses « expériences » dans la version vi-V-IV-I, soit Am-G-F-C, ou encore vi-IV-I-V, soit Am-F-C-G :

PV Nova, « Expérience no 6 — La Happy Pop », sur YouTube, (consulté le 13 décembre 2020)

et cela devient un gag récurrent avec son « chapeau des accords magiques qu'on nous ressort à toutes les sauces »

PV Nova, « Expérience no 14 — La Soupe dou Brasil », sur YouTube, (consulté le 17 décembre 2020)

Cette récurrence est également parodiée par le groupe The Axis of Awesome avec ses « chansons à quatre accords » (four-chords song), dans une sketch où ils mêlent 47 chansons en utilisant l'ordre I-V-vi-IV :

The Axis of Awesome, « 4 Chords », sur YouTube, (consulté le 17 décembre 2020)

Vous pouvez par exemple jouer les accords C-G-Am-F (I-V-vi-IV) et chanter dessus Let It Be (Paul McCartney, The Beattles, 1970) ou Libérée, délivrée (Robert Lopez, La Reine des neiges, 2013).

La progression I-V-vi-IV est considérée comme « optimiste » tandis que sa variante iv-IV-I-V est considérée comme « pessimiste ».

On peut voir la progression I-vi-IV-V comme une variante de l'anatole I-vi-ii-V, obtenue en remplaçant l'accord de sustonique ii par l'accord de sous-dominante IV (son relatif majeur, et degré ayant la même fonction).

Exemples de progression selon le cercle des quintes en musique classique

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Dietrich Buxtehude, Psaume 42 Quemadmodum desiderat cervis, quatre premières mesures.

Cette progression selon la cercle des quintes, sous la forme I-vi-IV-V, apparaît déjà au xviie siècle dans le psaume 42 Quem ad modum desiderat cervis (BuxVW92) de Dietrich Buxtehude (1637-1707). Le morceau est en fa majeur, la progression d'accords est donc F-Dm-B♭-C.

Longobardo, « D. Buxtehude - Quemadmodum desiderat cervus, BuxWV 92 », sur YouTube,
 
Dietrich Buxtehude, psaume 42 Quemadmodum desiderat cervis, quatre premières mesures.
J.-S. Bach, cantate BWV140, quatre premières mesures.

On la trouve également dans l'ouverture de la cantate Wachet auf, ruft uns die Stimme de Jean-Sébastien Bach (BWV140, 1731). Le morceau est en mi♭ majeur, la progression d'accords est donc E♭-Cm-A♭6-B♭.

 
J.-S. Bach, cantate BWV140, quatre premières mesures.
Mozart, mesures 45 à 49 du premier mouvement de la sonate pour piano no 8 en la mineur (K310, 1778).

La même progression est utilisée par Mozart, par exemple dans le premier mouvement de la sonate pour piano no 8 en la mineur (K310, 1778), la progression d'accords est C-Am-F-G qui correspond à la progression III-i-VI-VII de la mineur, mais à la progression I-vi-IV-V de la gamme relative, do majeur .

 
Mozart, mesures 45 à 49 du premier mouvement de la sonate pour piano no 8 en la mineur (K310, 1778).

Substitution tritonique

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Un des accords les plus utilisés est donc l'accord de septième de dominante, V7+ qui contient les degrés V, VII, II (IX) et IV(XI) ; par exemple, en tonalité de do majeur, l'accord de sol septième (G7) contient les notes sol-si--fa. Si l'on prend l'accord dont la fondamentale est trois tons (triton) au-dessus ou en dessous — l'octave contenant six tons, on arrive sur la même note —, ♭II7, ici ♭ septième (D♭7), celui-ci contient les notes ♭-fa-la♭-do♭, cette dernière note étant l'enharmonique de si. Les deux accords G7 et D♭7 ont donc deux notes en commun : le fa et le si/do♭.

Il est donc fréquent en jazz de substituer l'accord V7+ par l'accord ♭II7. Par exemple, la progression ii7-V7-IΔ devient ii7-♭II7-IΔ. C'est un procédé courant de réharmonisation (le fait de remplacer un accord par un autre dans un morceau existant).

Les six substitutions possibles sont donc : C7↔F♯7 - D♭7↔G7 - D7↔A♭7 - E♭7↔A7 - E7↔B♭7 - F7↔B7.

 
Exemple de cadence parfaite en do majeur avec substitution tritonique (sixte française).

Dans l'accord D♭7, si l'on remplace le do♭ par son si enharmonique, on obtient un accord de sixte augmentée : ♭-fa-la♭-si. Cet accord est utilisé en musique classique depuis la Renaissance ; on distingue en fait trois accords de sixte augmentée :

  • sixte française ♭-fa-sol-si ;
  • sixte allemande : ♭-fa-la♭-si ;
  • sixte italienne : ♭-fa-si.

Par exemple, le Quintuor en ut majeur de Franz Schubert (1828) se termine par une cadence parfaite dont l'accord de dominante est remplacé par une sixte française ♭-fa-si-sol-si (♭ aux violoncelles, fa à l'alto, si-sol aux seconds violons et si au premier violon).

Sept dernières mesures du Quintuor en ut majeur de Franz Schubert.
 
Sept dernières mesures du Quintuor en ut majeur de Franz Schubert.

Forme AABA

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La forme AABA est composée de deux progressions de huit mesures, notées A et B ; cela représente trente-deux mesures au total, on parle donc souvent en anglais de la 32-bars form. C'est une forme que l'on retrouve dans de nombreuses chanson de comédies musicales de Broadway comme Have You Met Miss Jones (I'd Rather Be Right, 1937), Over the Rainbow (Le Magicien d'Oz, Harold Harlen, 1939), All the Things You Are (Very Warm for may, 1939).

Par exemple, la version de Over the Rainbow chantée par Judy Garland est en la♭ majeur et la progression d'accords est globalement :

  • A (couplet) : A♭-Fm | Cm-A♭ | D♭ | Cm-A♭ | D♭ | D♭-F | B♭-E♭ | A♭
  • B (pont) : A♭ | B♭m | Cm | D♭ | A♭ | B♭-G | Cm-G | B♭m-E♭

soit en degrés :

  • A : I-vi | iii-I | IV | iii-IV | IV | IV-vi | II-V | I
  • B : I | ii | iii | IV | I | II-VII | iii-VII | ii-V

Par rapport aux paroles de la chanson, on a

  • A : couplet 1 « Somewhere […] lullaby » ;
  • A : couplet 2 « Somewhere […] really do come true » ;
  • B : pont « Someday […] you'll find me » ;
  • A : couplet 3 « Somewhere […] oh why can't I? » ;
Overtherainbow, « Judy Garland - Over The Rainbow (Subtitles) », sur YouTube (consulté le 17 décembre 2020)

Une mise en œuvre de la forme AABA couramment utilisée en jazz est la forme anatole (à le pas confondre avec la succession d'accords du même nom), en anglais rythm changes car elle s'inspire du morceau I Got the Rythm de George Gerschwin (Girl Crazy, 1930) :

  • A : I–vi–ii–V (succession d'accords « anatole ») ;
  • B : III7–VI7–II7–V7 (les fondamentales forment une succession de quartes, donc parcourent le « cercle des quintes » à l'envers).

Par exemple, I Got the Rythm étant en ♭ majeur, la forme est :

  • A : D♭ - B♭m - E♭m - A♭
  • B : F7 - B♭7 - E♭7 - A♭7

Exemples

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Début du Largo de la symphonie du Nouveau Monde

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Partition avec les cinq premières mesures du Largo de la symphonie du Nouveau Monde.
Fichier son avec les cinq premières mesures du Largo de la symphonie du Nouveau Monde.

Nous avons reproduit ci-contre les cinq premières mesure du deuxième mouvement Largo de la symphonie « Du Nouveau Monde » (symphonie no 9 d'Antonín Dvořák, 1893). Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

Vous pouvez écouter cette partie jouée par un orchestre symphonique :

Cette partie fait intervenir onze instruments monodiques (ne jouant qu'une note à la fois) : des vents (trois bois, sept cuivres) et une percussion. Certains de ces instruments sont transpositeurs (les notes sur la partition ne sont pas les notes entendues). Jouées ensemble, ces onze lignes mélodiques forment des accords.

Pour étudier cette partition, nous réécrivons les parties des instruments transpositeurs en do et les parties en clef d’ut en clef de fa. Nous regroupons les parties en clef de fa d'un côté et les parties en clef de sol d'un autre.

Nous pouvons alors tout regrouper sous la forme d'un système de deux portées clef de fa et clef de sol, comme une partition de piano.

Début du Largo de la symphonie Du Nouveau Monde joué sous forme d'accords.

Ensuite, nous ne gardons que la basse et les notes médium. Nous changeons éventuellement certaines notes d'octave afin de n'avoir que des superpositions de tierce ou de quinte (état fondamental des accords, en faisant ressortir les notes manquantes).

Début du Largo de la symphonie Du Nouveau Monde joué sous forme d'accords simplifiés.

Vous pouvez écouter cette partie jouée par un quintuor de cuivres (trompette, bugle, cor, trombone, tuba), donc avec des accords de cinq notes :

« Largo from The New World Symphony by Dvorak », sur YouTube (The Chamberlain Brass) (consulté le 11 décembre 2020) : The American Academy of Arts & Letters in New York City (2017).

Nous allons maintenant chiffrer les accords.

Pour établir la basse chiffrée, il nous faut déterminer le parcours harmonique. Pour le premier accord, les tonalités les plus simples avec un sol dièse sont la majeur et fa dièse mineur ; comme le mi est bécarre, nous retenons la majeur, il s'agit donc d'un accord de quinte sur la dominante (les accords de dominante étant très utilisés, cela nous conforte dans notre choix). Puis nous avons un si bémol, nous pouvons être en fa majeur ou en mineur ; nous retenons fa majeur, c'est donc le renversement d'un accord sur le degré II.

Dans la deuxième mesure, nous revenons en la majeur, puis, avec un la et un bémols, nous sommes en la bémol majeur ; nous avons donc un accord de neuvième incomplet sur la sensible, ou un accord de onzième incomplet sur la dominante.

Dans la troisième mesure, nous passons en majeur, avec un accord de dominante. Puis, nous arrivons dans la tonalité principale, avec le renversement d'un accord de dominante sans tierce suivi d'un accord de tonique. Nous avons donc une cadence parfaite, conclusion logique d'une phrase.

La progression des accords est donc :

Tonalité la M - fa M la M - la♭ M M - ♭ M ♭ M
Accords V5 - II64 V5 - “V”95 V5 - V+4 I5

Dans le chiffrage jazz, nous avons donc :

  • une triade de mi majeur, E ;
  • une triade de sol majeur avec un en basse : G/D ;
  • à nouveau un E ;
  • un accord de sol neuvième diminué incomplet, avec un bémol en basse : G dim9/D♭ ;
  • un accord de la majeur, A ;
  • un accord de la bémol septième avec une sol bémol à la basse : A♭7/G♭ ;
  • la partie se conclue par un accord parfait de ♭ majeur, D♭.

Soit une progression E - G/D | E - G dim9/D♭ | A - A♭7/G♭ | D♭.

 
Début du Largo de la symphonie Du Nouveau Monde en accords simplifiés.

Thème de Smoke on the Water

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Le morceau Smoke on the Water du groupe Deep Purple (album Machine Head, 1972) possède un célèbre thème, un riff (rythmic figure), joué à la guitare sous forme d'accords de puissance (power chords), c'est-à-dire des accords sans tierce. Le morceau est en tonalité de sol mineur naturel (donc avec un fa♮) avec ajout de la note bleue (blue note, quinte diminuée, ♭), et les accords composant le thème sont G5, B♭5, C5 et D♭5, ce dernier accord étant l'accord sur la note bleue et pouvant être considéré comme une appoggiature (indiqué entre parenthèse ci-après). On a donc a priori, sur les deux premières mesures, une progression I-III-IV puis I-III-(♭V)-IV. Durant la majeure partie du thème, la guitare basse tient la note sol en pédale.

 En jazz, la qualité « 5 » indique que l'on n'a que la quinte (et donc pas la tierce), contrairement à la notation de basse chiffrée.
Deep Purple, « Deep Purple — Smoke on the Water (Live at Montreux 2006) », sur Dailymotion, (consulté le 31 décembre 2020)

Cependant, cette progression forme une mélodie, on peut donc plus la voir comme un contrepoint, la superposition de deux voies ayant un mouvement conjoint, joué par un seul instrument, la guitare, la voie 2 étant jouée une quarte juste en dessous de la voie 1 (la quarte juste descendante étant le renversement de la quinte juste ascendante) :

  • voie 1 (aigu) : | sol - si♭ - do | sol - si♭ - (♭) - do | ;
  • voie 2 (grave) : | - fa - sol | - fa - (la♭) - sol |.

En se basant sur la basse (sol en pédale), nous pouvons considérer que ces deux mesures sont accompagnées d'un accord de Gm7 (sol-si♭--fa), chaque accord de la mélodie comprenant à chaque fois au moins une note de cet accord à l'exception de l'appogiature.

Mise en évidence des notes de l'accord Gm7
Accords G5 B♭5 C5
Voie 1 sol si do
Voie 2 fa sol
Basse sol sol sol

Sur les deux mesures suivantes, la basse varie et suit les accords de la guitare avec un retard sur le dernier accord :

Voies sur les mesure 3-4 du thème
Accords G5 B♭5 C5 B♭5 G5
Voie 1 sol si do si sol
Voie 2 fa sol fa
Basse sol sol do si si♭-sol

Le couplet de cette chanson est aussi organisé sur une progression de quatre mesures, la guitare faisant des arpèges sur les accords G5 (sol--sol) et F5 (fa-do-fa) :

| G5-G5 | G5-G5 | G5-F5 | G5-G5 |

soit une progression | I-I | I-I | I-VII | I-I |. Nous pouvons aussi harmoniser le riff du thème sur cette progression, avec un accord F (fa-la-do) ; nous pouvons aussi nous rappeler que l'accord sur le degré VII est plus volontiers considéré comme un accord de septième de dominante V7, soit ici un accord Dm7 (-fa-la-do). On peut donc considérer la progression harmonique sur le thème :

| Gm-Gm | Gm-Gm | Gm-F ou Dm7 | Gm-Gm |.

Cette analyse permet de proposer une harmonisation enrichie du morceau, tout en se rappelant qu'une des forces du morceau initial est justement la simplicité de sa structure, qui fait ressortir la virtuosité des musiciens. Nous pouvons ainsi comparer la version album à la version concert avec orchestre ou à la version latino de Pat Boone. À l'inverse, le groupe Psychostrip, dans une version grunge, a remplacé les accords par une ligne mélodique :

  • le thème ne contient plus qu'une seule voie (la guitare ne joue pas des accords de puissance) ;
  • dans les mesures 9 et 10, la deuxième guitare joue en contrepoint de type mouvement inverse, qui est en fait la voie 2 jouée en miroir ;
  • l'arpège sur le couplet est remplacé par une ligne mélodique en ostinato sur une gamme blues.
Contrepoint sur les mesures 9 et 10
Guitare 1 solsi♭ ↗ do
Guitare 2 solfa

Accords et improvisation

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Nous avons vu précédemment (chapitre Gammes et intervalles > Modes et improvisation) que le choix d'un mode adapté permet d'improviser sur un accord. L'harmonisation des gammes permet, en inversant le processus, d'étendre notre palette : il suffit de repérer l'accord sur une harmonisaiton de gamme, et d'utiliser cette gamme-là, dans le mode correspondant du degré de l'accord (voir ci-dessus Harmonisation par des accords de septième).

Par exemple, nous avons vu que l'accord sur le septième degré d'une gamme majeure était un accord demi-diminué ; nous savons donc que sur un accord demi-diminué, nous pouvons improviser sur le mode correspondant au septième degré, soit le mode de si (locrien).

Un accord de septième de dominante étant commun aux deux tonalités homonymes (par exemple fa majeur et fa mineur pour un do7+ / C7), nous pouvons utiliser le mode de sol de la gamme majeure (mixolydien) ou de la gamme mineure mineure (mode phrygien dominant, ou phrygien espagnol) pour improviser. Mais l'accord de septième de dominante est aussi l'accord au début d'une grille blues ; on peut donc improviser avec une gamme blues, même si la tierce est majeure dans l'accord et mineure dans la gamme.

 

Autres accords courants

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Agrégat do - ré - mi - fa - sol.

Nous avons vu précédemment l'harmonisation des tonalités majeures et mineures harmoniques par des triades et des accords de septième ; certains accords étant rarement utilisés (l'accord sur le degré III et, pour les tonalités mineures harmoniques, l'accord sur la tonique), certains accords étant utilisés comme des accords sur un autre degré (les accords sur la sensible étant considérés comme des accords de dominante sans fondamentale).

Dans l'absolu, on peut utiliser n'importe quelle combinaison de notes, jusqu'aux agrégats, ou clusters (mot anglais signifiant « amas », « grappe ») : un ensemble de notes contigües, séparées par des intervalles de seconde. Dans la pratique, on reste souvent sur des accords composés de superpositions de tierces, sauf dans le cas de transitions (voir la section Notes étrangère).

En musique classique

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On utilise parfois des accords dont les notes ne sont pas dans la tonalité (hors modulation). Il peut s'agir d'accords de passage, de notes étrangères, par exemple utilisant un chromatisme (mouvement conjoint par demi-tons).

Outre les accords de passage, les autres accords que l'on rencontre couramment en musique classique sont les accords de neuvième, et les accords de onzième et treizième sur tonique. Ces accords sont simplement obtenus en continuant à empiler les tierces. Il n'y a pas d'accord d'ordre supérieur car la quinzième est deux octaves au-dessus de la fondamentale.

Comme pour les accords de septième, on distingue les accords de neuvième de dominante et les accords de neuvième d'espèce. Dans le cas de la neuvième de dominante, il y a une différence entre les tonalités majeures et mineures : l'intervalle de neuvième est respectivement majeur et mineur. Les chiffrages des renversements peuvent donc différer. Comme pour les accords de septième de dominante, on considère que les accords de septième sur le degré VI sont en fait des accords de neuvième de dominante sans fondamentale.

Les accords de neuvième d'espèce sont en général préparés et résolus. Préparés : la neuvième étant une note dissonante (c'est à une octave près la seconde de la fondamentale), l'accord qui précède doit contenir cette note, mais dans un accord consonant ; la neuvième est donc commune avec l'accord précédent. Résolus : la dissonance est résolue en abaissant la neuvième par un mouvement conjoint. Par exemple, en tonalité de do majeur, si l'on veut utiliser un accord de neuvième d'espèce sur la tonique (do - mi - sol - si - ré), on peut utiliser avant un accord de dominante (sol - si - ré) en préparation puis un accord parfait sur le degré IV (fa - la - do) en résolution ; nous avons donc sur la voie la plus aigüe la succession (consonant) - (dissonant) - do (consonant).

On rencontre également parfois des accords de onzième et de treizième. On omet en général la tierce, car elle est dissonante avec la onzième. L'accord le plus fréquemment rencontré est l'accord sur la tonique : on considère alors que c'est un accord sur la dominante que l'on a enrichi « par le bas », en ajoutant une quinte inférieure. par exemple, dans la tonalité de do majeur, l'accord do - sol - si - ré - fa est considéré comme un accord de septième de dominante sur tonique, le degré étant noté « V/I ». De même pour l'accord do - sol - si - ré - fa - la qui est considéré comme un accord de neuvième de dominante sur tonique.

En jazz

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En jazz, on utilise fréquemment l'accord de sixte à la place de l'accord de septième majeure sur la tonique. Par exemple, en do majeur, on utilise l'accord C6 (do - mi - sol - la) à la place de CΔ (do - mi - sol - si). On peut noter que C6 est un renversement de Am7 et pourrait donc se noter Am7/C ; cependant, le fait de le noter C6 indique que l'on a bien un accord sur la tonique qui s'inscrit dans la tonalité de do majeur (et non, par exemple, de la mineur naturelle) — par rapport à l'harmonie fonctionnelle, on remarquera que Am7 a une fonction tonique, l'utilisation d'un renversement de Am7 à la place d'un accord de CΔ est donc logique.

Les accords de neuvième, onzième et treizième sont utilisés comme accords de septième enrichis. Le chiffrage suit les règles habituelles : on ajoute un « 9 », un « 11 » ou un « 13 » au chiffrage de l'accord de septième.

On utilise également des accords dits « suspendus » : ce sont des accords de transition qui sont obtenus en prenant une triade majeure ou mineure et en remplaçant la tierce par la quarte juste (cas le plus fréquent) ou la seconde majeure. Plus particulièrement, lorsque l'on parle simplement « d'accord suspendu » sans plus de précision, cela désigne l'accord de neuvième avec une quarte suspendue, noté « 9sus4 » ou simplement « sus ».

L'harmonie tonale

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L'harmonie tonale est un ensemble de règle assez strictes qui s'appliquent dans la musique savante européenne, de la période baroque à la période classique classique (xive-xviiie siècle). Certaines règles sont encore largement appliquées dans divers styles musicaux actuels, y compris populaire (rock, rap…), d'autres sont au contraire ignorées (par exemple, un enchaînement de plusieurs accords de même qualité forme un mouvement parallèle, ce qui est proscrit en harmonie tonale). De nos jours, on peut voir ces règles comme des règles « de bon goût », et leur application stricte comme une manière de composer « à la manière de ».

Précédemment, nous avons vu la progression des accords. Ci-après, nous abordons aussi la manière dont les notes de l'accord sont réparties entre plusieurs voix, et comment on construit chaque voix.

Concepts fondamentaux

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Consonance
Les intervalles sont considérés comme « plus ou moins consonants » :
  • consonance parfaite : unisson, quinte et octave ;
  • consonance mixte (parfaite dans certains contextes, imparfaite dans d'autres) : quarte ;
  • consonance imparfaite : tierce et sixte ;
  • dissonance : seconde et septième.
Degrés
Certains degrés sont considérés comme « forts », « meilleurs », ce sont les « notes tonales » : I (tonique), IV (sous-dominante) et V (dominante).
 
Mouvements harmoniques.
Mouvements
Le mouvement décrit la manière dont les voix évoluent les unes par rapport aux autres :
  1. Mouvement parallèle : les voix sont séparées par un intervalle constant.
  2. Mouvement oblique : une voix reste constante, c'est le bourdon ; l'autre monte ou descend.
  3. Mouvement contraire : une voix descend, l'autre monte.
  4. Échange de voix : les voix échangent de note ; les mélodies se croisent mais on a toujours le même intervalle harmonique.

Premières règles

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Règle du plus court chemin
Quand on passe d'un accord à l'autre, la répartition des notes se fait de sorte que chaque voix fait le plus petit mouvement possible. Notamment : si les deux accords ont des notes en commun, alors les voix concernées gardent la même note.
Les deux voix les plus importantes sont la voix aigüe — soprano — et la voix la plus grave — basse. Ces deux voix sont relativement libres : la voix de soprano a la mélodie, la voix de basse fonde l'harmonie. La règle du plus court chemin s'applique surtout aux voix intermédiaires ; si l'on a des mouvements conjoints, ou du moins de petits intervalles — c'est le sens de la règle du plus court chemin —, alors les voix sont plus faciles à interpréter. Cette règle évite également que les voix n'empiètent l'une sur l'autre (voir la règle « éviter le croisement des voix »).
Éviter les consonances parfaites consécutives
  • Lorsque deux voix sont à l'unisson ou à l'octave, elles ne doivent pas garder le même intervalle, l'effet serait trop plat.
  • Lorsque deux voix sont à la quarte ou à la quinte, elles ne doivent pas garder le même intervalle, car l'effet est trop dur.
Pour éviter cela, lorsque l'on part d'un intervalle juste, on a intérêt à pratiquer un mouvement contraire aux voix qui ne gardent pas la même note, ou au moins un mouvement direct : les voix vont dans le même sens, mais l'intervalle change.
Notez que même avec le mouvement contraire, on peut avoir des consonances parfaites consécutives, par exemple si une voix fait do aigu ↗ sol aigu et l'autre sol médium ↘ do grave.
L'interdiction des consonances parfaites consécutives n'a pas été toujours appliquée, le mouvement parallèle strict a d'ailleurs été le premier procédé utilisé dans la musique religieuse au xe siècle. On peut par exemple utiliser des quintes parallèles pour donner un style médiéval au morceau. On peut également utiliser des octaves parallèles sur plusieurs notes afin de créer un effet de renforcement de la mélodie.
Par ailleurs, les consonances parfaites consécutives sont acceptées lorsqu'il s'agit d'une cadence (transition entre deux parties ou bien conclusion du morceau).
Éviter le croisement des voix
Les voix sont organisées de la plus grave à la plus aigüe. Deux voix n'étant pas à l'unisson, celle qui est plus aigüe ne doit pas devenir la plus grave et vice versa.
Soigner la partie soprano
Comme c'est celle qu'on entend le mieux, c'est en général celle qui porte la mélodie principale. On lui applique des règles spécifiques :
  1. Si elle chante la sensible dans un accord de dominante (V), alors elle doit monter à la tonique, c'est-à-dire que la note suivante sera la tonique située un demi-ton au dessus.
  2. Si l'on arrive à une quinte ou une octave entre les parties basse et soprano par un mouvement direct, alors sur la partie soprano, le mouvement doit être conjoint. On doit donc arriver à cette situation par des notes voisines au soprano.
Préférer certains accords
Les deux degrés les plus importants sont la tonique (I) et la dominante (V), les accords correspondants ont donc une importance particulière.
À l'inverse, l'accord de sensible (VII) n'est pas considéré comme ayant une fonction harmonique forte. On le considère comme un accord de dominante affaibli. En tonalité mineure, on évite également l'accord de médiante (III).
Donc on utilise en priorité les accords de :
  1. I et V.
  2. Puis II, IV, VI ; et III en mode majeur.
  3. On évite VII ; et III en mode mineur.
Préférer certains enchaînements
Les enchaînements d'accord peuvent être classés par ordre de préférence. Par ordre de préférence décroissante (du « meilleur » au « moins bon ») :
  1. Meilleurs enchaînements : quarte ascendante ou descendante. Notons que la quarte est le renversement de la quinte, on a donc des enchaînements stables et naturels, mais avec un intervalle plus court qu'un enchaînement de quintes.
  2. Bons enchaînements : tierce ascendante ou descendante. Les accords consécutifs ont deux notes en commun.
  3. Enchaînements médiocres : seconde ascendante ou descendante. Les accords sont voisins, mais ils n'ont aucune note en commun. On les utilise de préférence en mouvement ascendant, et on utilise surtout les enchaînements IV-V, V-VI et éventuellement I-II.
  4. Les autres enchaînements sont à éviter.
On peut atténuer l'effet d'un enchaînement médiocre en plaçant le second accord sur un temps faible ou bien en passant par un accord intermédiaire.
 
Résolution d'un accord de triton (quarte sensible) vers l'accord de sixte de la tonique.
La septième descend par mouvement conjoint
Dans un accord de septième de dominante, la septième — qui est donc le degré IV — descend par mouvement conjoint — elle est donc suivie du degré III.
Corolaire : un accord V+4 se résout par un accord I6 : on a bien un enchaînement VI, et la 7e (degré IV), qui est la basse de l'accord V+4, descend d'un degré pour donner la basse de l'accord I6 (degré III).
 
Accord de sixte et de quarte cadentiel.
Un accord de sixte et quarte est un accord de passage
Le second renversement d'un accord parfait est soit une appoggiature, soit un accord de passage, soit un accord de broderie.
S'il s'agit de l'accord de tonique I64, c'est « accord de sixte et quarte de cadence », l'appoggiature de l'accord de dominante de la cadence parfaite.

Mais il faut appliquer ces règles avec discernement. Par exemple, la voix la plus aigüe est celle qui s'entend le mieux, c'est donc elle qui porte la mélodie principale. Il est important qu'elle reste la plus aigüe. La voix la plus grave porte l'harmonie, elle pose les accords, il est donc également important qu'elle reste la plus grave. Ceci a deux conséquences :

  1. Ces deux voix extrêmes peuvent avoir des intervalles mélodiques importants et donc déroger à la règle du plus court chemin : la voix aigüe parce que la mélodie prime, la voix de basse parce que la progression d'accords prime.
  2. Les croisements des voix intermédiaires sont moins critiques.

Par ailleurs, si l'on applique strictement toutes les règles « meilleurs accords, meilleurs enchaînements », on produit un effet conventionnel, stéréotypé. Il est donc important d'utiliser les solutions « moins bonnes », « médiocres » pour apporter de la variété.

Ajoutons que les renversements d'accords permettent d'avoir plus de souplesse : on reste sur le même accord, mais on enrichit la mélodie sur chaque voix.

Le Bolero de Maurice Ravel (1928) brise un certain nombre de ces règles. Par exemple, de la mesure 39 à la mesure 59, la harpe joue des secondes. De la mesure 149 à la mesure 165, les piccolo jouent à la sixte, dans des mouvement strictement parallèle, ce qui donne d'ailleurs une sonorité étrange. À partir de la mesure 239, de nombreux instruments jouent en mouvement parallèles (piccolos, flûtes, hautbois, cor, clarinettes et violons).

Application

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Exercice : harmoniser Frère Jacques.

Harmoniser Frère Jacques.

Nous considérons un morceau à quatre voix : basse, ténor, alto et soprano. La soprano chante la mélodie de Frère Jacques. L'exercice consiste à proposer l'écriture des trois autres voix en respectant les règles énoncées ci-dessus. Pour simplifier, nous ajoutons les contraintes suivantes :

  • toutes les voix chantent des blanches ;
  • nous nous limitons aux accords de quinte (accords de trois sons composés d'une tierce et d'une quinte) sans avoir recours à leurs renversements (accords de sixte, accords de sixte et de quarte).

Les notes à gauche de la portée indiquent la tessiture (ou ambitus), l'amplitude que peut chanter la voix.

Fichier son correspondant.

Accords en musique classique

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Un accord est un ensemble de notes jouées simultanément. Il peut s'agir :

  • de notes jouées par plusieurs instruments ;
  • de notes jouées par un même instrument : piano, clavecin, orgue, guitare, harpe (la plupart des instruments à clavier et des instruments à corde).

Pour deux notes jouées simultanément, on parle d'intervalle « harmonique » (par opposition à l'intervalle « mélodique » qui concerne les notes jouées successivement).

Les notes répétées à différentes octaves ne changent pas la nature de l'accord.

La musique classique considère en général des empilements de tierces ; un accord de trois notes sera constitué de deux tierces successives, un accord de quatre notes de trois tierces…

Lorsque tous les intervalles sont des intervalles impairs — tierces, quintes, septièmes, neuvièmes, onzièmes, treizièmes… — alors l'accord est dit « à l'état fondamental » (ou encore « primitif » ou « direct »). La note de la plus grave est appelée « fondamentale » de l'accord. Lorsque l'accord comporte un ou des intervalles pairs, l'accord est dit « renversé » ; la note la plus grave est appelée « basse ».

De manière plus générale, l'accord est dit à l'état fondamental lorsque la basse est aussi la fondamentale. On a donc un état idéal de l'accord (état canonique) — un empilement strict de tierces — et l'état réel de l'accord — l'empilement des notes réellement jouées, avec d'éventuels redoublements, omissions et inversions ; et seule la basse indique si l'accord est à l'état fondamental ou renversé.

Le chiffrage dit de « basse continue » (basso continuo) désigne la représentation d'un accord sous la forme d'un ou plusieurs chiffres arabes et éventuellement d'un chiffre romain.

Accords de trois notes

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En musique classique, les seuls accords considérés comme parfaitement consonants, c'est-à-dire sonnant agréablement à l'oreille, sont appelés « accords parfaits ». Si l'on prend une tonalité et un mode donné, alors l'accord construit par superposition es degrés I, III et V de cette gamme porte le nom de la gamme qui l'a généré.

 
Accord parfait de do majeur chiffré.

Par exemple :

  • « l'accord parfait de do majeur » est composé des notes do, mi et sol ;
  • « l'accord parfait de la mineur » est composé des notes la, do et mi.

Un accord parfait majeur est donc composé, en partant de la fondamentale, d'une tierce majeure et d'une quinte juste. Un accord parfait mineur est composé d'une tierce mineure et d'une quinte juste.

L'accord parfait à l'état fondamental est appelé « accord de quinte » et est simplement chiffré « 5 » pour indiquer la quinte.

On peut également commencer un accord sur sa deuxième ou sa troisième note, en faisant monter celle(s) qui précède(nt) à l'octave suivante. On parle alors de « renversement d'accord » ou d'accord « renversé ».

 
Accord parfait de do majeur et ses renversements, chiffrés.

Par exemple,

  • le premier renversement de l'accord parfait de do majeur est :
    mi, sol, do ;
  • le second renversement de l'accord parfait de do majeur est :
    sol, do, mi.

Les notes conservent leur nom de « fondamentale », « tierce » et « quinte » malgré le changement d'ordre. La note la plus grave est appelée « basse ».

Dans le cas du premier renversement, le deuxième note est la tierce de la basse (la note la plus grave) et la troisième note est la sixte ; le chiffrage en chiffres arabes est donc « 6 » (puisque l'on omet la tierce) et l'accord est appelé « accord de sixte ». Pour le deuxième renversement, les intervalles sont la quarte et la sixte, le chiffrage est donc « 6-4 » et l'accord est appelé « accord de sixte et de quarte ».

Dans tous les cas, on chiffre le degré on considérant la fondamentale, par exemple I si l'accord est construit sur la tonique de la gamme.

Les autres accords de trois notes que l'on rencontre sont :

  • l'accord de quinte diminuée, constitué d'une tierce mineure et d'une quinte diminuée ; lorsqu'il est construit sur le septième degré d'une gamme, on considère que c'est un accord de septième de dominante sans fondamentale (voir plus bas), le degré est donc indiqué « “V” » (cinq entre guillemets) et non « VII » ;
  • l'accord de quinte augmenté : il est composé d'une tierce majeure et qu'une quinte augmentée.

Dans le tableau ci-dessous,

  • « m » désigne un intervalle mineur ;
  • « M » un intervalle majeur ou le mode majeur ;
  • « J » un intervalle juste ;
  • « d » un intervalle diminué ;
  • « A » un intervalle augmenté ;
  • « mh » le mode mineur harmonique ;
  • « ma » le mode mineur ascendant ;
  • « md » le mode mineur descendant.
Accords de trois notes
Nom 3ce 5te État fondamental 1er renversement 2nd renversement Construit sur les degrés
M mh ma md
Accord parfait
majeur
M J accord de quinte accord de sixte accord de
sixte et de quarte
I, IV, V V, VI IV, V III, VI, VII
Accord parfait
mineur
m J accord de quinte accord de sixte accord de
sixte et de quarte
II, III, VI I, IV I, II I, IV, V
Accord de
quinte diminuée
m d accord de
quinte diminuée
accord de
sixte sensible
sans fondamentale
accord de triton
sans fondamentale
VII (“V”) II, VII (“V”) VI, VII (“V”) II
Accord de
quinte augmentée
M A accord de
quinte augmentée
accord de sixte
et de tierce sensible
accord de sixte et de quarte
sur sensible
  III III  

Accords de quatre notes

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Les accords de quatre notes sont des accord composés de trois tierces superposées. La dernière note étant le septième degré de la gamme, on parle aussi d'accords de septième.

Ces accords sont dissonants : ils contiennent un intervalle de septième (soit une octave montante suivie d'une seconde descendante). Ils laissent donc une impression de « tension ».

Il existe sept différents types d'accords, ou « espèces ». Citons l'accord de septième de dominante, l'accord de septième mineure et l'accord de septième majeure.

L'accord de septième de dominante
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Accord de septième de dominante de do majeur et ses renversements, chiffrés.

L'accord de septième de dominante est l'empilement de trois tierces à partir de la dominante de la gamme, c'est-à-dire du Ve degré. Par exemple, l'accord de septième de dominante de do majeur est l'accord sol-si--fa, et l'accord de septième de dominante de la mineur est mi-sol♯-si-. L'accord de septième de dominante dont la fondamentale est do (do-mi-sol-si♭) appartient à la gamme de fa majeur.

Que le mode soit majeur ou mineur, il est composé d'une tierce majeure, d'une quinte juste et d'une septième mineure (c'est un accord parfait majeur auquel on ajoute une septième mineure). C'est de loin l'accord de septième le plus utilisé ; il apparaît au xviie en musique classique.

Dans son état fondamental, son chiffrage est V 7/+ (ou V7+). Le signe plus indique la sensible.

Son premier renversement est appelé « accord de quinte diminuée et sixte » et est noté V 6/5 (ou V65).

Son deuxième renversement est appelé « accord de sixte sensible », puisque la sixte de l'accord est la sensible de la gamme, et est noté V +6 (ou V+6).

Son troisième renversement est appelé « accord de quarte sensible » et est noté V +4 (ou V+4).

 
Accord de septième de dominante sans fondamentale de do majeur et ses renversements, chiffrés.

On utilise aussi l'accord de septième de dominante sans fondamentale ; c'est alors un accord de trois notes.

Dans son état fondamental, c'est un « accord de quinte diminuée » placé sur le VIIe degré (mais c'est bien un accord construit sur le Ve degré), noté “V” 5 (ou “V”5). Notez les guillemets qui indiquent que la fondamentale V est absente.

Dans son premier renversement, c'est un « accord de sixte sensible sans fondamentale » noté “V” +6/3 (ou “V”+63).

Dans son second renversement, c'est un « accord de triton sans fondamentale » (puisque le premier intervalle est une quarte augmentée qui comporte trois tons) noté “V” 6/+4 (ou “V”6+4).

Notons qu'un accord de septième de dominante n'a pas toujours la dominante pour fondamentale : tout accord composé d'une tierce majeure, d'une quinte juste et d'une septième mineure est un accord de septième de dominante et est chiffré 7+, quel que soit le degré sur lequel il est bâti (certaines notes peuvent avoir une altération accidentelle).

Les accords de septième d'espèce
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Les autres accords de septièmes sont dits « d'espèce ».

L'accord de septième mineure est l'accord de septième formé sur la fondamentale d'une gamme mineure naturelle. Par exemple, l'accord de septième mineure de la est la-do-mi-sol. Il est composé d'une tierce mineure, d'une quinte juste et d'une septième mineure (c'est un accord parfait mineur auquel on ajoute une septième mineure).

L'accord de septième majeure est l'accord de septième formé sur la fondamentale d'une gamme majeure. Par exemple, L'accord de septième majeure de do est do-mi-sol-si. Il est composé d'une tierce majeure, d'une quinte juste et d'une septième majeure (c'est un accord parfait majeur auquel on ajoute une septième majeure).

Utilisation du chiffrage

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Le chiffrage est utilisé de deux manières.

La première manière, c'est la notation de la basse continue. La basse continue est une technique d'improvisation utilisée dans le baroque pour l'accompagnement d'instruments solistes. Sur la partition, on indique en général la note de basse de l'accord et le chiffrage en chiffres arabes.

La seconde manière, c'est pour l'analyse d'une partition. Le fait de chiffrer les accords permet de mieux en comprendre la structure.

De manière générale, on peut retenir que :

  • le chiffrage « 5 » indique un accord parfait, superposition d'une tierce (majeure ou mineure) et d'une quinte juste ;
  • le chiffrage « 6 » indique le premier renversement d'un accord parfait ;
  • le chiffrage « 6/4 » indique le second renversement d'un accord parfait ;
  • chiffrage « 7/+ » indique un accord de septième de dominante ;
  • le signe « + » indique en général que la note de l'intervalle est la sensible ;
  • un intervalle barré désigne un intervalle diminué.
 
Principaux accords construits sur les gammes de do majeur et de la mineur harmonique.

Notation « jazz »

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En jazz et de manière générale en musique rock et populaire, la base d'un accord est la triade composée d'une tierce (majeure ou mineure) et d'une quinte juste. Pour désigner un accord, on utilise la note fondamentale, éventuellement désigné par une lettre dans le système anglo-saxon (A pour la etc.), suivi d'une qualité (comme « m », « + »…).

Les renversements ne sont pas notés de manière particulière, ils sont notés comme les formes fondamentales.

Dans les deux tableaux suivants, la fondamentale est notée X (remplace le C pour un accord de do, le D pour un accord de …). La construction des accords est décrite par la suite.

 
Formation des triades présentée sous forme d'arbre.
Notation des principales triades
Tierce
mineure (3m)
Tierce
majeure (3M)
Quinte diminuée (5d) Xo, Xm♭5, X–♭5
Quinte juste (5J) Xm, X– X
Quinte augmentée (5A) X+, X♯5
 
Triades de do.
Notation des principaux accords de septième
Tierce
mineure (3m)
Tierce
majeure (3M)
Quinte
diminuée (5d)
Septième diminuée (7d) Xo7
Septième mineure (7m) Xm7(♭5), X–7(♭5), XØ
Quinte
juste (5J)
Sixte majeure (6M) Xm6 X6
Septième mineure (7m) Xm7, X–7 X7
Septième majeure (7M) Xmmaj7, X–maj7, XmΔ, X–Δ Xmaj7, XΔ
Quinte
augmentée (5A)
Septième mineure (7m) X+7
Septième majeure (7M) X+maj7
 
Formation des accords de septième présentée sous forme d'arbre.

   

 
Accord de do septième.

On notera que l'intervalle de sixte majeure est l'enharmonique de celui de septième diminuée (6M = 7d).

 
Principaux accords de do.

Triades

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Accords fondés sur une tierce majeure
  • accord parfait majeur : pas de notation
    p. ex. « do » ou « C » pour l'accord parfait de do majeur (do - mi - sol)
Accords fondés sur une tierce mineure
  • accord parfait mineur : « m », « min » ou « – »
    « do m », « do – », « Cm », « C– »… pour l'accord parfait de do mineur (do - mi♭ - sol)

Triades modifiées

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Accords fondés sur une tierce majeure
  • accord augmenté (la quinte est augmentée) : aug, +, ♯5
    « do aug », « do + », « do♯5 » « Caug », « C+ » ou « C♯5 » pour l'accord de do augmenté (do - mi - sol♯)
L'accord augmenté est un empilement de tierces majeures. Ainsi, un accord augmenté a deux notes communes avec deux autres accords augmentés : C+ (do - mi - sol♯) a deux notes communes avec A♭+ (la♭ - do - mi) et avec E+ (mi - sol♯ - si♯) ; et on remarque que ces trois accords sont en fait enharmoniques (avec les enharmonies la♭ = sol♯ et si♯ = do). En effet, l'octave comporte six tons (sous la forme de cinq tons et deux demi-tons), et une tierce majeure comporte deux tons, on arrive donc à l'octave en ajoutant une tierce majeure à la dernière note de l'accord.
Accords fondés sur une tierce mineure
  • accord diminué (la quinte est diminuée) : dim, o, ♭5
    « do dim », « doo », « do♭5 », « Cdim », « Co » ou « C♭5 » pour l'accord de do diminuné (do - mi♭ - sol♭)
On remarque que la quinte diminuée est l'enharmonique de la quarte augmentée et est l'intervalle appelé « triton » (car composé de trois tons).
Accords fondés sur une tierce majeure ou mineure
  • accord suspendu de seconde : la tierce est remplacée par une seconde majeure : sus2
    « dosus2 » ou « Csus2 » pour l'accord de do majeur suspendu de seconde (do--sol)
  • accord suspendu de quarte : la tierce est remplacée par une quarte juste : sus4
    « dosus4 » ou « Csus4 » pour l'accord de do majeur suspendu de quarte (do-fa-sol)

Triades appauvries

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Accords fondés sur une tierce majeure ou mineure
  • accord de puissance : la tierce est omise, l'accord n'est constitué que de la fondamentale et de la quinte juste : 5
    « do5 », « C5 » pour l'accord de puissance de do (do - la)
 Très utilisé dans les musiques rock, hard rock et heavy metal, il est souvent joué renversé (la - do) ou bien avec l'ajout de l'octave (do - la - do).

Triades enrichies

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Accords fondés sur une tierce majeure
  • accord de septième (la 7e est mineure) : 7
    « do7 », « C7 » pour l'accord de do septième, appelé « accord de septième de dominante de fa majeur » en musique classique (do - mi - sol - si♭)
  • accord de septième majeure : Δ, 7M ou maj7
    « do Δ », « do maj7 », « CΔ », « C7M »… pour l'accord de do septième majeure (do - mi - sol - si)
Accords fondés sur une tierce mineure
  • accord de mineur septième (la tierce et la 7e sont mineures) : m7, min7 ou –7
    « do m7 », « do7 », « Cm7 », « C–7 »… pour l'accord de do mineur septième, appelé « accord de septième de dominante de fa mineur » en musique classique (do - mi♭ - sol - si♭)
  • accord mineure septième majeure : m7M, m7maj, mΔ, –7M, –7maj, –Δ
    « do m7M », « do mmaj7 », « doΔ », « Cm7M », « Cmmaj7 », « C–Δ »… pour l'accord de do mineur septième majeure (do - mi♭ - sol - si)
  • accord de septième diminué (la quinte et la septième sont diminuée) : dim 7 ou o7
    « do dim7 », « doo7 », « Cdim7 » ou « Co7 » pour l'accord de do septième diminué (do - mi♭ - sol♭ - si♭)
  • accord demi-diminué (seule la quinte est diminuée, la septième est mineure) : Ø ou –7(♭5)
    « doØ », « do7(♭5) », « CØ » ou « C7♭5 » pour l'accord de do demi-diminué (do - mi♭ - sol♭ - si)

Construction pythagoricienne des accords

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Nous avons vu au débuts que lorsque l'on joue deux notes en même temps, leurs vibrations se superposent. Certaines superpositions créent un phénomène de battement désagréable, c'est le cas des secondes.

Dans le cas d'une tierce majeure, les fréquences des notes quadruple et quintuple d'une même base : les fréquences s'écrivent 4׃0 et 5׃0. Cette superposition de vibrations est agréable à l'oreille. Nous avons également vu que dans le cas d'une quinte juste, les fréquences sont le double et le triple d'une même base, ou encore le quadruple et sextuple si l'on considère la moitié de cette base.

Ainsi, dans un accord parfait majeur, les fréquences des fondamentales des notes sont dans un rapport 4, 5, 6. De même, dans le cas d'un accord parfait mineur, les proportions sont de 1/6, 1/5 et 1/4.

  pour en savoir plus : Caractéristiques et notation des sons musicaux > Construction pythagoricienne et gamme de sept tons

Un peu de physique : interférences

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Les sons sont des vibrations. Lorsque l'on émet deux sons ou plus simultanément, les vibrations se superposent, on parle en physique « d'interférences ».

Le modèle le plus simple pour décrire une vibration est la fonction sinus : la pression de l'air P varie en fonction du temps t (en secondes, s), et l'on a pour un son « pur » :

P(t) ≈ sin(2π⋅ƒ⋅t)

où ƒ est la fréquence (en hertz, Hz) du son. Si l'on émet deux sons de fréquence respective ƒ1 et ƒ2, alors la pression vaut :

P(t) ≈ sin(2π⋅ƒ1t) + sin(2π⋅ƒ2t).

Nous avons ici une identité trigonométrique dite « antilinéarisation » :

 

On peut étudier simplement deux situations simples.

 
Deux sons de fréquences proches créent des battements : la superposition d'une fréquence et d'une enveloppe.

La première, c'est quand les fréquences ƒ1 et ƒ2 sont très proches. Alors, la moyenne (ƒ1 + ƒ2)/2 est très proche de ƒ1 et ƒ2 ; et la demie différence (ƒ1 – ƒ2)/2 est très proche de zéro. On a donc une enveloppe de fréquence très faible, (ƒ1 – ƒ2)/2, dans laquelle s'inscrit un son de fréquence moyenne, (ƒ1 + ƒ2)/2. C'est cette enveloppe de fréquence très faible qui crée les battements, désagréables à l'oreille.

Sur l'image ci-contre, le premier trait rouge montre un instant où les vibrations sont opposées ; elles s'annulent, le son s'éteint. Le second trait rouge montre un instant où les vibrations sont en phase : elle s'ajoutent, le son est au plus fort.

La seconde, c'est lorsque les deux fréquences sont des multiples entiers d'une même fréquence fondamentale ƒ0 : ƒ1 = n1⋅ƒ0 et ƒ0 = n0⋅ƒ0. On a alors :

 

On multiplie donc deux fonctions qui ont des fréquences multiples de ƒ0. La différence minimale entre n1 et n2 vaut 1 ; on a donc une enveloppe dont la fréquence est au minimum la moitié de ƒ0, c'est-à-dire un son une octave en dessous de ƒ0. Donc, cette enveloppe ne crée pas d'effet de battement, ou plutôt, le battement est trop rapide pour être perçu comme tel. Dans cette enveloppe, on a une fonction sinus dont la fréquence est également un multiple de ƒ0 ; l'enveloppe et la fonction qui y est inscrite ont donc de nombreux « points communs », d'où l'effet harmonieux.

Le tonnetz

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Euler, De harmoniæ veris principiis, 1774, p. 350.

En allemand, le terme Tonnetz (se prononce « tône-netz ») signifie « réseau tonal ». C'est une représentation graphique des notes qui a été imaginée par Leonhard Euler en 1739.

Cette représentation graphique peut aider à la mémorisation de certains concepts de l'harmonie. Cependant, son application est très limitée : elle ne concerne que l'intonation juste d'une part, et que les accords parfait des tonalités majeures et mineures naturelles d'autre part. La représentation contenant les douze notes de la musique savante occidentale, on peut bien sûr représenter d'autres objets, comme les accords de septième ou les accords diminués, mais la représentation graphique est alors compliquée et perd son intérêt pédagogique.

On part d'une note, par exemple le do. Si on progresse vers la droite, on monte d'une quinte juste, donc sol ; vers la gauche, on descend d'une quinte juste, donc fa. Si on va vers le bas, on monte d'une tierce majeure, donc mi ; si on va vers le haut, on descend d'une tierce majeure, donc la♭ ou sol

fa  — do   — sol — ré
|     |      |     |
la  — mi   — si  — fa♯
|     |      |     |
do♯ — sol♯ — ré♯ — si♭

La figure forme donc un filet, un réseau. On voit que ce réseau « boucle » : si on descend depuis le do♯, on monte d'une tierce majeure, on obtient un mi♯ qui est l'enharmonique du fa qui est en haut de la colonne. Si on va vers la droite à partir du , on obtient le la qui est au début de la ligne suivante.

Si on ajoute des diagonales allant vers la droite et le haut « / », on met en évidence des tierces mineures : la - do, mi - sol, si - , do♯ - mi

fa  — do   — sol — ré
|  /  |   /  |   / |
la  — mi   — si  — fa♯
|  /  |   /  |  /  |
do♯ — sol♯ — ré♯ — si♭

Donc les liens représentent :

  • | : tierce majeure ;
  • — : quinte juste ;
  • / : tierce mineure.
 
Tonnetz avec les accords parfaits. Les notes sont en notation italienne et les accords en notation jazz.

On met ainsi en évidence des triangles dont un côté est une quinte juste, un côté une tierce majeure et un côté une tierce mineure ; c'est-à-dire que les notes aux sommets du triangle forment un accord parfait majeur (par exemple do - mi - sol) :

fa  — do   — sol — ré
|  /  |   /  |   / |
la  — mi   — si  — fa♯
|  /  |   /  |  /  |
do♯ — sol♯ — ré♯ — si♭

ou un accord parfait mineur (la - do - mi).

fa  — do   — sol — ré
|  /  |   /  |   / |
la  — mi   — si  — fa♯
|  /  |   /  |  /  |
do♯ — sol♯ — ré♯ — si♭

Un triangle représente donc un accord, et un sommet représente une note. Si on passe d'un triangle à un triangle voisin, alors on passe d'un accord à un autre accord, les deux accords ayant deux notes en commun. Ceci illustre la notion de « plus court chemin » en harmonie : si on passe d'un accord à un autre en gardant un côté commun, alors on a un mouvement conjoint sur une seule des trois voix.

Par rapport à l'harmonie fonctionnelle : les accords sont contigus à leur fonction, par exemple en do majeur :

  • fonction de tonique (I) : C, A– et E– sont contigus ;
  • fonction de sous-dominante (IV) : F et D– sont contigus ;
  • fonction de dominante (V) : G et Bo sont contigus.

On notera que les triangles d'un schéma tonnetz ne représentent que des accords parfaits. Pour représenter un accord de quinte diminuée (si - - fa) ou les accords de septième, en particulier l'accord de septième de dominante, il faut étendre le tonnetz et l'on obtient des figures différentes. Par ailleurs, il est adapté à ce que l'on appelle « l'intonation juste », puisque tous les intervalles sont idéaux.

 
Tonnetz étendu.
 
Tonnetz de la tonalité de do majeur. La représentation de l'accord de quinte diminuée sur si (Bo) est une ligne et non un triangle.
 
Tonnetz des tonalités de do mineur naturel (haut) et do mineur harmonique (bas).

Si l'on étend un peu le réseau :

ré♭ — la♭ — mi♭  — si♭ — fa
|  /  |   /  |   / |   / |
fa  — do   — sol — ré  — la
|  /  |   /  |   / |   / |
la  — mi   — si  — fa♯ — do♯
|  /  |   /  |  /  |   / |
do♯ — sol♯ — ré♯ — la♯ — mi♯
|  /  |   /  |  /  |   / |
mi♯ — do   — sol — ré  — la

on peut donc trouver des chemins permettant de représenter les accords de septième de dominante (par exemple en do majeur, G7)

        fa
        /
sol — ré
|   /
si 

et des accords de quinte diminuée (en do majeur : Bo)

     fa
     /
   ré
  /  
si

Une gamme majeure ou mineure naturelle peut se représenter par un trapèze rectangle : do majeur

fa — do — sol — ré
|             /
la — mi — si

et do mineur

     la♭ — mi♭ — si♭
   /             |
fa — do  — sol — ré

En revanche, la représentation d'une tonalité nécessite d'étendre le réseau afin de pouvoir faire figurer tous les accords, deux notes sont représentées deux fois. La représentation des tonalités mineures harmoniques prend une forme biscornue, ce qui nuit à l'intérêt pédagogique de la représentation.

 
Tonnetz avec des triangles équilatéraux.

On peut réorganiser le schéma en décalant les lignes, afin d'avoir des triangles équilatéraux. Sur la figure ci-contre (en notation anglo-saxonne) :

  • si on monte en allant vers la droite « / », on a une tierce mineure ;
  • si on descend en allant vers la droite « \ », on a une tierce majeure ;
  • les liens horizontaux « — » représentent toujours des quintes justes
  • les triangles pointe en haut sont des accords parfaits mineurs ;
  • les triangles pointe en bas sont des accords parfaits majeurs.

On a alors les accords de septième de dominante

        F
       /
G  —  D
 \   /
   B

et de quinte diminuée

     F
    /
   D
  /
B

les tonalités majeures

F  —  C  —  G  —  D
 \               /
   A  —  E  —  B

et les tonalités mineures naturelles

   A♭ —  E♭ —  B♭
 /               \
F  —  C  —  G  —  D

Notes et références

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  1. Pour la notation des octaves, voir Représentation musicale > Désignation des octaves.
  2. quand on ne dispose pas de la notation en supérieur (exposant) et inférieur (indice), on utilise parfois une notation sous forme de fraction : sol 6/4 et do 5/.

Voir aussi

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Liens externes

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Wikipédia propose un article sur : « Consonance (harmonie tonale) ».

 

Wikipédia propose un article sur : « Disposition de l'accord ».


Mélodie < > Représentation musicale