Électronique/Les montages amplificateurs à transistors
On a vu dans les chapitres précédents que les transistors sont des amplificateurs un peu particuliers. Rien d'étonnant donc à ce qu'il existe des circuits amplificateurs qui soient fabriqués avec des transistors bipolaires ou FET. Précisons cependant qu'un amplificateur est un quadripôle, alors que le transistor n'a que trois broches. Pour l'utiliser comme un "quadripôle" en mettant une de ses broches à la masse. Pour un transistor bipolaire, cela donne trois possibilités différentes, selon qu'on place la masse sur le collecteur, l'émetteur ou la base : montage à collecteur commun, à émetteur commun ou à base commune. Pour un transistor MOS, les montages équivalents sont appelés à source commune, à drain commun et à grille commune.
Les chapitres précédents nous ont appris que la relation entre tension et courant aux bornes d'un transistor n'est pas linéaire, ce qui fait qu'on ne peut pas assimiler un MOSFET à une résistance commandée en tension. De plus, il n'est pas possible de corriger les non-linéarités du transistor pour en faire un amplificateur linéaire, du moins pas facilement et pas de manière effectivement exploitable. Par contre, les choses changent quand on étudie le fonctionnement en petits signaux du transistor. Pour ce faire, on polarise le transistor à une tension non-nulle, généralement la moitié de VCC. Les signaux amplifiés sont des déviations par rapport à cette tension de polarisation, qui sont amplifiés par l'intermédiaire des montages que nous allons voir dans ce qui suit.
Rappelons comment procéder à l'analyse d'un circuit en petits signaux, sans quoi nous ne pourrons pas analyser les montages qui vont suivre.
- Remplacer le transistor par son modèle équivalent en petits signaux.
- Remplacer les sources de tension par un court-circuit et les sources de courant par un circuit ouvert. La tension d'alimentation est remplacée par la masse.
Les montages à transistors bipolaires
modifierIl existe trois montages qui utilisent un BJT seul comme amplificateur. On les obtient en plaçant une des trois bornes du BJT à la masse, d'où l'existence de trois montages : un où la base est à la masse, un autre où c'est l'émetteur, et un dernier avec le collecteur. Ces trois montages sont appelés respectivement montage à base commune, à émetteur commun et à collecteur commun. Dans cette section, nous allons étudier ces trois montages. Précisons que ces trois montages doivent être polarisés pour fonctionner, vu qu'ils amplifient des petits signaux.
Pour vous en donner un aperçu, voici les trois montages illustrés ci-dessous pour un BJT de type NPN. Sur ces schémas, la tension ou le courant d'entrée est représenté par le générateur à gauche. La sortie est reliée à une charge, ici représentée par une résistance. Pour le reste, on voit que le montage contient des résistances et des condensateurs. Pour détailler, voici leurs fonctions :
- La plupart des résistances du montage et la source de tension forment un circuit de polarisation, dont le rôle est de mettre l'entrée et la sortie à une tension non-nulle. Le transistor est alors en régime de saturation et peut fonctionner comme amplificateur de petits signaux.
- Les condensateurs C1, C2 et C3 servent à filtrer les composantes continues, pour éviter toute interférences sur ou de la part du circuit de polarisation. C'est pourquoi on place des condensateurs, qui sont équivalents à des interrupteurs ouverts en continu, mais qui laissent passer les signaux alternatifs (au-delà d'une certaine fréquence, mais c'est un détail si la capacité des condensateurs est bien choisie). Ce faisant, on garantit que la polarisation du transistor n'est pas influencée par la conductance des circuits connectés sur l'entrée ou la sortie du montage. Sans eux, la polarisation du BJT influencerait le circuit d'entrée ou de sortie.
Pour étudier ces montages, nous allons éliminer les tensions continues des schémas électriques et remplacer le BJT par son modèle en petit signal (soit le modèle hybride-pi, soit le modèle en T).
Le montage à émetteur commun
modifierOn a vu dans les chapitres précédents que les transistors peuvent être vus comme des amplificateurs simples. Le courant qui les traverse dépend de la tension sur leur base/grille, ce qui fait qu'ils amplifient une tension d'entrée pour donner un courant de sortie analogue à la tension d'entrée. De tels convertisseurs tension-courant sont aussi appelés des amplificateurs en transconductance. Leur comportement est défini par la relation suivante :
- , avec le coefficient de transconductance.
Pour fabriquer un amplificateur de tension avec un amplificateur en transconductance, il suffit de transformer le courant de sortie en une tension proportionnelle, ce qui est fait en le faisant passer dans une simple résistance. On a alors :
En théorie, on devrait avoir :
On utilise alors la définition du gain de l'amplificateur en petit signal à savoir : :
Mais dans la réalité, les choses sont différentes. La résistance en question est placée en série avec le transistor. Si on omet le circuit de polarisation et les condensateurs du montage, le circuit obtenus sont illustrés ci-contre. De plus, la tension de sortie n'est pas prise aux bornes de la résistance R, mais au niveau du collecteur/drain, pour conserver une masse identique dans tout le circuit. La tension de sortie est donc inversée par rapport à la tension d'entrée : quand on augmente VBE, cela fait baisser VCE (et inversement). Dit autrement, le coefficient d'amplification est négatif.
Démonstration |
On peut le montrer avec le raisonnement suivant. D'après la loi des mailles, la tension de sortie est donc égale à : On injecte alors dans l'équation précédente. On décompose VBE en composante continue et alternative : On développe l'exponentielle. Par définition, on a : : , ce qui simplifie l'équation précédente en : Si , on peut approximer l'équation précédente en : On développe le terme de droite et on regroupe les termes continus : Cette forme sépare le terme de droite en une composante continue et le signal alternatif. On a donc :
Si on se rappelle que la tension VBE est la tension d'entrée, on voit bien que le gain en alternatif est de : |
Si on prend en compte le circuit de polarisation, le montage change quelque peu. Par exemple, prenons le montage illustré ci-contre. Pour analyser un tel montage, on doit remplacer le BJT par son circuit équivalent, et appliquer la méthode d'analyse en petits signaux. Le résultat est illustré dans le schéma ci-dessous.
On peut alors calculer la tension aux bornes de chaque résistance et étudier le circuit. On retrouve bien les résultats précédents, avec le même gain et la même tension de sortie, à peu de choses près. En faisant cela, on trouve les caractéristiques du tableau ci-dessous.
Caractéristique | Expression/Approximation |
---|---|
Impédance d'entrée | : si on prend un modèle comme modèle équivalent en petits signaux, la résistance d'entrée est celle du modèle équivalent. |
Impédance de sortie | |
Gain en courant | 1, pas d'amplification |
Gain en tension |
Le montage à émetteur commun avec résistance de dégénération d'émetteur
modifierIl est possible d'améliorer le montage précédent en ajoutant une résistance entre l'émetteur et la masse. Nous appelons celle-ci la résistance de dégénération d'émetteur, ce qui donne son nom à ce montage, et nous la noterons . Le circuit obtenu est illustré ci-contre, sans le circuit de polarisation.
Pour comprendre comment la résistance modifie le montage, il faut remplacer le transistor par son modèle équivalent en T. En faisant cela, on voit que la résistance d'émetteur du transistor est mise en série avec la résistance . On pourrait croire que cela augmente la résistance d'entrée de , mais il n'en est rien. Une analyse attentive du montage nous dit que la résistance d'entrée augmente de . Pour le prouver, faisons les calculs. La résistance d'entrée est par définition égale à :
On combine alors l'équation précédente avec l'équation :
On combine ensuite l'équation précédente avec l'équation :
L'équation précédente nous dit que la résistance d'entrée est égale à fois la résistance totale de l'émetteur. Par résistance totale, on veut dire la somme de la résistance d'émetteur du transistor et celle de la résistance .
Le rapport entre résistance d'entrée avec et sans résistance d'émetteur est donc égal à :
Le concepteur du montage peut donc contrôler la résistance d'entrée en choisissant bien la résistance de dégénération d'émetteur.
Le calcul du gain du montage montre que celui-ci est quelques peu réduit. Pour le montrer, partons de l'équation :
On injecte l'équation
On combine ensuite l'équation précédente avec l'équation :
On divise par pour obtenir le gain :
On factorise alors , ce qui donne :
On voit que le gain est réduit par rapport au gain de du montage à émetteur commun simple.
La résistance de sortie est inchangée.
Le montage à base commune
modifierLe montage à base commune est celui où la base d'un transistor bipolaire est reliée à la masse. Le signal d'entrée est envoyé sur l'émetteur et la sortie est sur le collecteur. Le schéma équivalent en petits signaux est illustré ci-dessous. La résistance RL est la résistance de la charge, branchée sur la sortie. La tension et le courant d'entrée sont représentées par la source de tension Vs et la résistance Rs. La résistance RC est la résistance de charge du montage, alors que le reste est le schéma équivalent du BJT, plus précisément le modèle hybride-pi.
Avec ce système, les courants d'entrée et de sortie sont égaux. En effet, le courant de base est nul, vu que la base est reliée à la masse. Combinez ce fait avec l'équation , et vous trouverez bien que : . Il n'y a donc pas d'amplification de courant, contrairement au montage précédent. L'amplification en tension est identique à celle obtenue avec le montage en émetteur commun, à quelques détails près. Mais surtout l'impédance d'entrée est extrêmement faible comparé aux montages précédents.
Caractéristique | Expression/Approximation |
---|---|
Gain en courant | 1, pas d'amplification |
Gain en tension | |
Impédance d'entrée | |
Impédance de sortie |
Le montage à collecteur commun
modifierLe montage à collecteur commun utilise un transistor bipolaire dont le collecteur est connecté au VCC, la base servant d'entrée et l'émetteur de sortie. Le circuit exact est illustré ci-dessous, à la fois pour un transistor NPN et un PNP.
Une analyse poussée du montage a un gain en tension très proche de l'unité, ce qui signifie que les signaux envoyés sur l'entrée sont quasiment reproduits à l'identique sur la sortie. Il ne s'agit donc pas d'un amplificateur de tension à proprement parler. Par contre, le gain en courant est le bêta du transistor, ce qui fait que ce montage sert d'amplificateur de courant !
Caractéristique | Expression/Approximation |
---|---|
Gain en courant | |
Gain en tension | Presque 1, pas d'amplification |
Impédance d'entrée |
On peut démontrer le gain en tension assez simplement, pour ce montage.
Démonstration |
Pour le premier montage, la démonstration néglige les résistances d'entrée du transistor, ainsi que les résistances de charge sur l'entrée et la sortie. On utilise la loi des mailles sur la maille avec , et le transistor. On a alors : Or, sachant que , on a : Sachant que VBE est une tension assez faible, on peut la négliger, ce qui donne : |
Pour l'amplification en courant, on peut démontrer assez facilement que le gain est assez proche du du transistor.
Démonstration |
Pour cela, on applique la loi des nœuds dans le circuit, ce qui nous permet de déduire que le courant de sortie est égal au courant qui circule dans la résistance . Or, ce courant n'est autre que le courant d'émetteur du transistor, qui est égal à : On peut alors calculer le gain en courant en divisant le courant de sortie par le courant d'entrée , ce qui donne : |
Le schéma équivalent de ce montage est le suivant. La source de tension et la résistance Rs représentent la tension d'entrée et le courant associé. La résistance Rl est la résistance reliée à l'émetteur du BJT. Le reste est le schéma équivalent du BJT, provenant du modèle hybride-pi.
Les montages à transistors à effet de champ
modifierLes trois montages des transistors bipolaires ont leur équivalent en transistors à effet de champ et réciproquement. Avec les FET, les trois montages sont appelés montage à source commune, à drain commun et à grille commune. Les amplificateurs à transistors à effet de champ ont des propriétés assez intéressantes. Par exemple, ils ont souvent des impédances d'entrée ou de sortie très fortes ou très faibles, ce qui provient de leur faible impédance d'entrée (qu'on peut considérer comme infinie).
Le montage à source commune (transistor à effet de champ)
modifierLe montage à source commune est illustré ci-contre.
On remarque rapidement que l'on envoie la tension d'entrée sur la grille, qui sert d'entrée au montage. En conséquence, la résistance d'entrée du montage est très importante, vu que la grille d'un FET a une résistance très forte (infinie en théorie, très importante en pratique). Il est raisonnable de supposer que le courant d'entrée est négligeable, approximativement nul. Par contre, le courant de sortie n'est pas nul, et encore moins négligeable : il dépend du courant qui circule dans le circuit, et de la résistance du circuit branché sur la sortie. En conséquence, l'amplification en courant du montage est très importante, mais ne peut pas être exploitée en pratique. Le montage a une forte amplification en courant, mais on ne peut pas l'utiliser comme amplificateur de courant. L'avantage de ce montage réside surtout dans le courant d'entrée nul, la forte résistance d'entrée, qui facilite son utilisation.
Pour ce qui est de son fonctionnement, ce montage suit la même logique que le montage à émetteur commun des transistors bipolaires. Le transistor convertit la tension d'entrée en courant, courant qui est envoyé dans une résistance pour être reconvertit en tension à la sortie. La tension de sortie pourrait être prise aux bornes de la résistance R, mais on préfère la prendre au niveau du collecteur/drain, pour conserver une masse identique dans tout le circuit. D'après la loi des mailles, la tension de sortie est donc égale à :
On peut décomposer le courant en ses composantes continue et alternative, et faire de même pour la tension de sortie :
On développe :
On voit rapidement, en analysant les termes, que : . En soustrayant de deux côtés, on a :
On injecte alors l'équation :
On a alors l'amplification en tension du montage, en se rappelant que : :
On peut résumer tout cela dans ce tableau.
Caractéristique | Expression/Approximation | |
---|---|---|
Gain en courant | (courant d'entrée nul, courant de sortie non-nul) | |
Gain en tension | ||
Impédance d'entrée | , pas de courant d'entrée | |
Impédance de sortie |
Le circuit équivalent en petits signaux de ce circuit est illustré ci-dessous. Le générateur de tension et la résistance à sa suite représentent la tension d'entrée. La résistance Rl est la résistance de la charge, le circuit placé sur la sortie. Le modèle utilisé pour le MOSFET est un modèle hybride-pi.
Le montage à grille commune
modifierLe montage à grille commune relie l'entrée à la source et la sortie sur le drain, la grille étant mise à la masse. Il est illustré ci-contre, dans sa version la plus simple, sans circuits de polarisation et condensateurs de découplage. Si on établit le circuit équivalent en petits signaux, on trouve le circuit illustré ci-dessous. Le générateur de courant et la résistance du bas représentent la tension d'entrée.
L'analyse détaillée de ce circuit permet d'obtenir les résultats présentés dans le tableau ci-dessous.
Caractéristique | Expression/Approximation | |
---|---|---|
Gain en courant | 1, pas d'amplification | |
Gain en tension | ||
Impédance d'entrée | ||
Impédance de sortie |
La version illustrée ci-dessous contient les condensateurs de découplage et les circuits de polarisation.