Théorie quantique de l'observation/L'intrication

Selon la physique classique, l'état d'un système composé est toujours déterminé par la liste des états de ses composants. Formellement on définit l'espace d'états du composé comme le produit cartésien des espaces d'états des composants. Si l'état du composé est connu exactement, les états des composants sont donc nécessairement connus avec la même exactitude. Cela n'est plus vrai en physique quantique, parce que l'espace d'états du composé est le produit tensoriel des espaces d'états des composants. Par exemple, si un système à deux qubits est dans l'état on ne peut pas attribuer des vecteurs d'état aux qubits pris séparément. Chaque qubit est intriqué avec l'autre. Cet effet d'intrication est purement quantique. Il n'a pas d'équivalent en physique classique. Il est souvent considéré, depuis Schrödinger (1935), comme l'effet quantique par excellence. L'intrication est au cœur du grand mystère de la superposition quantique.

Ce chapitre est le plus important du livre parce que l'intrication quantique est fondamentale pour expliquer la réalité des observations.

Définition modifier

L'état d'un système composé AB...Z est dit séparable lorsqu'il est le produit des états de ses composants :

 

pour un état pur,

 

pour un état mixte.

Un état est intriqué lorsqu'il n'est pas séparable. On l'appelle parfois un état inséparable, ou enchevêtré.

Interaction, intrication et extrication modifier

Lorsque deux parties d'un système interagissent, un état initialement séparable peut devenir intriqué. Par exemple,  

Mais les interactions ne conduisent pas toujours à une intrication. CNOT n'intrique pas les états de la base de calcul (pour deux qubits la base de calcul est :  . SWAP est une interaction qui n'intrique jamais les états séparables sur lesquels elle agit :

 

Losqu'une interaction   transforme un état séparable en état intriqué, il est en principe possible de revenir à l'état séparable initial, pourvu que la dynamique de l'interaction soit réversible, parce qu'alors   représente une interaction possible. La quasi-totalité des interactions élémentaires autorisent une telle réversibilité temporelle.

Par exemple :

 

CNOT est son propre inverse :  . Tout état qui a été intriqué par CNOT redevient séparable si CNOT est appliqué une deuxième fois. Lorsque l'intrication est ainsi détruite, on peut parler d'extrication, de démêlage, ou de retour à la séparabilité.

La porte d'Hadamard est très utile pour modéliser l'intrication et l'extrication des qubits. À partir de la base de calcul, la combinaison de H sur le premier qubit suivie de CNOT produit la base des états de Bell :

 

 

 

 

Les états de Bell   sont les états intriqués les plus simples qu'on puisse concevoir.

Deux systèmes peuvent s'intriquer sans interagir directement, par l'intermédiaire d'un troisième système. Par exemple, si dans un système à trois qubits, le second et le troisième mesurent tous les deux le premier, on peut obtenir :

 

De même, si le second qubit mesure le premier avant d'être mesuré par le troisième, on peut obtenir :

   

Si deux qubits sont initialement intriqués et si le premier interagit par un SWAP avec un troisième, alors il y a transfert d'intrication :

 

 

Le troisième qubit devient ainsi intriqué avec le second sans avoir interagi directement avec lui. Le premier qubit est extriqué grâce au SWAP avec le troisième.

Les états relatifs d'Everett modifier

En général, une observation fait passer le système observé et l'appareil de mesure d'un état séparable à un état intriqué. Pour une mesure idéale :

 

Il n'y a pas d'intrication seulement si le système observé est dans un état propre de la mesure.

Après l'observation,   est l'état du système observé relatif, au sens d'Everett, à l'état   de l'appareil de mesure, et inversement.

Plus généralement, si   est l'état d'un système AB, où les   et les   sont deux bases orthonormées quelconques de A et B, alors   est l'état relatif de A par rapport à l'état   de B, et   est l'état relatif de B par rapport à l'état   de A (Everett 1957).

  est le poids de l'état   de B dans l'état   de AB. De même   est le poids de l'état   de A.

Par commodité mathématique on convient que si le poids de   dans   est nul, l'état de A relatif à   est le vecteur nul  . Il faut le distinguer de   dont la longueur est un, parce que la longueur de   est nulle. Le vecteur   n'est pas un vecteur d'état. C'est le seul élément de l'espace vectoriel des états d'un système qui ne peut pas être identifié à un état du système.

Un état pur   d'un système AB peut toujours être décomposé de la façon suivante :

 

où les   sont des vecteurs orthonormés, ainsi que les  . Elle est appelée une décomposition de Schmidt. Elle est unique lorsque les   sont tous différents. Elle contient au moins deux termes si et seulement si   est un état intriqué.

Pour chaque  ,   est l'état de A relatif à l'état   de B, et inversement. Ils ont le même poids   dans  .

  est une décomposition de Schmidt du système SA. Selon la règle de Born, le poids   de   et de   est la probabilité que la mesure fournisse le résultat  .

La réduction du vecteur d'état par l'observation est une extrication modifier

La plupart des livres d'enseignement de la physique quantique exposent les deux principes suivants :

L'évolution du vecteur d'état est décrite par un opérateur unitaire, ou par l'équation de Schrödinger, tant que le système étudié n'est pas observé.

Quand le système est observé, son état initial   avant l'observation devient l'un des états    est le projecteur sur le sous-espace des états propres   du résultat  . On dit alors qu'une réduction du vecteur d'état s'est produite, une sorte de saut quantique qui fait passer le système de l'état   à l'état  . On dit aussi que c'est une réduction de la fonction d'onde, wave function collapse, parce qu'une fonction d'onde représente les composantes d'un vecteur d'état dans une base d'états de position.

Après une mesure qui a fourni le résultat  , l'état relatif du système observé par rapport au système observateur est  . La réduction du vecteur d'état est donc le passage du vecteur d'état initial au vecteur d'état relatif, au sens d'Everett, au résultat de la mesure.

La réduction du vecteur d'état par l'observation est une extrication parce que le système observé passe dans un état propre de la mesure après l'observation. Si la mesure est exacte, c'est à dire s'il y a un seul état du système observé pointé par le résultat de mesure, l'extrication est complète. Si le système observé était intriqué avec son environnement, il ne l'est plus après la mesure. L'observation détruit ainsi toute intrication préalable du système observé avec son environnement.

L'extrication par l'observation explique pourquoi la physique quantique permet de faire d'excellentes prédictions à partir du calcul sur des états purs. Comme les interactions entre toutes les parties de l'Univers se produisent sans cesse, et comme les interactions sont souvent intriquantes, tout devrait être intriqué avec tout, ou presque. La matière ne cesse jamais d'interagir avec la matière. Tous les êtres matériels ont en général une longue histoire d'interactions, et donc d'intrications, avec tous les autres êtres matériels qu'ils ont rencontrés. Comment se fait-il alors qu'on puisse décrire leurs états par des états purs, séparés du reste de l'Univers, et faire des prédictions exactes à partir d'une telle description ?

Nous connaissons les états quantiques des êtres matériels seulement si nous nous donnons des conditions d'observation qui permettent de les connaître. Comme de nos points de vue nos observations sont extriquantes, nous pouvons ignorer toutes les intrications préalables à nos observations, et attribuer ainsi des vecteurs d'état aux systèmes que nous observons.

L'extrication apparente résulte de l'intrication réelle entre le système observé et l'observateur modifier

La réduction du vecteur d'état par l'observation ne peut pas être décrite par un opérateur unitaire. On devrait donc admettre deux sortes d'évolution, l'une est unitaire et se produit en l'absence d'observation, l'autre n'est pas unitaire et se produit lors d'une mesure. Or une mesure est une évolution naturelle. Le postulat d'évolution unitaire est universel. On suppose qu'il décrit tous les processus naturels. On est donc confronté à une contradiction. Le saut quantique, la réduction du vecteur d'état, est une évolution naturelle, mais elle n'est pas unitaire.

La physique quantique est-elle contradictoire ? N'est-il pas possible de donner une théorie unifiée, qui décrit sans contradiction, avec les mêmes principes, tous les processus naturels, qu'il y ait ou non observation ?

On peut croire que la physique quantique est seulement une approximation, que le postulat d'évolution unitaire n'est pas universel, qu'une nouvelle physique expliquera dans quels cas l'évolution est unitaire, ou presque, et dans quels autres cas la réduction du vecteur d'état se produit. Mais jusqu'à présent, une telle nouvelle physique, qui dépasse et supplante la physique quantique n'existe pas. Les diverses spéculations sur ce sujet n'ont jamais porté de véritables fruits.

Le postulat de la réduction du vecteur d'état permet de nier le théorème d'existence des destinées multiples. Si une observation conduit vraiment à la réduction du vecteur d'état alors nous n'avons qu'une seule destinée. Le principe de la réduction du vecteur d'état nous permet de conserver notre préjugé, que les autres destinées n'existent pas. C'est sa seule justification. Il n'en a pas d'autres. On introduit une contradiction au cœur de la théorie quantique parce qu'on ne veut pas croire aux autres destinées, parce qu'on n'accepte pas que la réalité pourrait être davantage que ce que nous pouvons observer directement.

Pour expliquer nos résultats d'observation, le postulat de la réduction du vecteur d'état n'est pas nécessaire. Le principe d'évolution unitaire et l'intrication entre le système observé et l'observateur suffisent pour rendre compte des probabilités mesurées. Pour le comprendre il suffit de raisonner sur des probabilités conditionnelles : quelle est la probabilité qu'une observation fournisse un résultat sachant le résultat d'une observation antérieure?

Supposons que nous fassions deux mesures successives sur un même système (Everett 1957), préparé initialement dans l'état  . Après les deux mesures, le système global (système observé + appareils de mesure) se retrouve dans l'état suivant :

 

où les   et   sont les projecteurs associés aux deux mesures successives,   est l'opérateur d'évolution du système observé entre les deux mesures et   celui du premier appareil de mesure.

La probabilité d'obtenir le résultat   lors de la deuxième mesure sachant que   a été obtenu lors de la première est :

 

C'est la même probabilité que celle qu'on obtiendrait si juste après la première mesure le système avait été dans l'état  .

Une fois qu'on a obtenu le résultat   tout se passe comme si l'état du système observé était passé de l'état   à l'état  , comme s'il y avait eu une réduction du vecteur d'état. Les autres états du système observé, les   pour   différent de   n'ont aucune influence sur les mesures ultérieures. S'ils existent, ils sont obtenus dans d'autres destinées qui n'ont pas d'influence sur la nôtre, puisqu'elles n'ont pas d'influence sur nos observations.

Si on prend la physique quantique au sérieux, si on croit qu'elle décrit correctement la réalité, si donc on accepte le théorème d'existence des destinées multiples, on n'a pas besoin du postulat de la réduction du vecteur d'état. Le principe d'évolution unitaire suffit pour décrire la réalité.

Selon le point de vue choisi, on peut dire que les observations sont intriquantes ou extriquantes. Elles sont intriquantes parce qu'elles conduisent à une intrication entre le système observé et l'observateur. Elles sont extriquantes parce qu'elles conduisent à une réduction apparente du vecteur d'état du système observé.

L'extrication par l'observation est un effet seulement subjectif. L'observation est extricante seulement du point de vue de l'observateur. D'un point de vue extérieur, une observation est au contraire en général intricante. C'est justement l'intrication entre le système observé et l'observateur qui produit la réduction apparente du vecteur d'état, parce qu'après une observation un observateur ne peut connaître que l'état relatif, au sens d'Everett, du système observé. Tous les autres états ne peuvent plus avoir d'influence sur des observations ultérieures. Mais c'est seulement du point de vue de l'observateur que le vecteur d'état du système observé a été réduit à son état relatif à l'observateur. La réduction du vecteur d'état est seulement une sorte d'illusion, produite par notre point de vue d'observateur intriqué, qui ne connaît de la réalité qu'une infime partie, qui ne peut connaître qu'une destinée parmi des myriades d'autres, toutes aussi réelles.

L'erreur de Dirac modifier

Dirac croyait pouvoir prouver le principe de la réduction du vecteur d'état à partir des autres principes quantiques. Si sa preuve avait été bonne, il aurait prouvé que la physique quantique, avec ou sans le principe de la réduction du vecteur d'état comme axiome, serait contradictoire, parce que la réduction du vecteur d'état contredit l'équation de Schrödinger, et parce que des principes qui conduisent à une conséquence qui les contredit sont nécessairement contradictoires.

Voici son raisonnement :

« Quand nous mesurons une variable dynamique réelle  , la perturbation impliquée par l'acte de mesure cause un saut dans l'état du système dynamique. Par continuité physique, si nous faisons une deuxième mesure de la même variable dynamique   immédiatement après la première, le résultat de la seconde mesure doit être le même que celui de la première. Donc, après que la première mesure a été faite, il n'y a pas d'indétermination du résultat de la seconde. Par conséquent, après que la première mesure a été faite, le système est dans un état propre de la variable dynamique  , dont la valeur propre est égale au résultat de la première mesure. Cette conclusion doit toujours tenir si la deuxième mesure n'est pas actuellement effectuée. De cette façon on voit qu'une mesure oblige toujours le système à sauter dans un état propre de la variable dynamique qui est mesurée, la valeur propre de cet état propre étant égale au résultat de la mesure. » (Dirac 1958, §10, p.36)

L'erreur de Dirac est d'ignorer l'intrication entre le système de mesure et le système mesuré. Après la première mesure, le système mesuré est intriqué avec le système qui l'a mesuré. Pour prévoir le résultat de la seconde mesure, il faut tenir compte de cette intrication. L'intrication avec le premier système de mesure suffit pour expliquer la continuité physique, l'identité des résultats entre deux mesures immédiatement successives de la même variable dynamique. Le principe de réduction du vecteur d'état n'est donc pas une conséquence de la continuité physique. Everett est le premier qui a corrigé cette erreur fondamentale.

Peut-on voir des états macroscopiques non-localisés ? modifier

Si un système quantique peut être dans les états   et  , il peut aussi être dans l'état  . Par exemple   et   peuvent être deux états de la lune à des positions différentes. Or on ne voit jamais la lune à des positions différentes. Un état non-localisé de la lune tel que   n'est jamais observé. Il en va de même pour tous les objets macroscopiques (Schrödinger 1935) même s'ils sont très petits. (Du point de vue du biologiste, une bactérie est microscopique, mais du point de vue du physicien, elle est macroscopique, parce qu'elle est constituée de milliards d'atomes.)

La vision passe par la formation d'images. Chaque point de l'image représente un point d'un objet dans le champ visuel. Si l'objet est non-localisé, on ne peut pas en avoir une image nette et stable. Mais peut-être qu'on pourrait le voir tantôt à une position tantôt à une autre. La réduction apparente du vecteur d'état, lors d'une observation, prouve que ce n'est pas possible. Si l'objet vu est initialement non-localisé, il passe, de mon point de vue, dans un état localisé dès que je le vois à une position définie. Si je répète l'observation plusieurs fois, je le verrai à la même place. Les autres composantes du vecteur d'état initial ne peuvent plus être observées, dès qu'une des composantes a été sélectionnée par une observation. À cause de l'intrication par l'observation, le simple fait de voir un objet à une position définie suffit pour détruire son état non-localisé initial.

Mais cela ne prouve pas qu'il est impossible d'observer des états macroscopiques non-localisés (cf. 4.21), cela prouve seulement qu'il est impossible de les voir.

L'explication quantique de l'intersubjectivité modifier

Comme l'Univers est dans un état intriqué, on ne peut pas en général attribuer d'état réellement défini à chacune de ses parties. Le problème n'est pas que nous ne connaissons pas les états de ces parties, mais qu'ils ne sont pas définis, qu'ils n'existent tout simplement pas, du moins selon la théorie. Cependant nous connaissons l'Univers toujours en observant ses parties. Nous ne pouvons rien savoir de lui en dehors des parties que nous observons. Et lorsque nous les avons observées nous croyons savoir comment elles sont réellement. Pourquoi dire que nous connaissons leur état réel, alors que selon la théorie un tel état n'existe même pas ?

La réponse de la physique quantique est essentiellement relativiste, aus sens où la réalité observée est toujours relative aux observateurs. Les êtres réellement présents dans l'Univers n'ont pas un unique état défini de façon absolue, invariante, c'est à dire le même pour tous les observateurs. La théorie ne leur attribue pas un unique état mais de très nombreux états, parce que l'état réel d'un être est toujours relatif à l'état d'un autre être.

Si A, B et C sont trois êtres, l'état de A relatif à un état de B est en général différent de l'état de A relatif à un état de C. On en conclut que B et C ont chacun leur réalité. Les représentations du monde de tous les observateurs devraient donc être toujours différentes. Comment se fait-il alors que nous puissions nous mettre d'accord sur une même réalité que nous observons tous ?

Everett (1957) a montré que communication entre observateurs suffit pour observer la même réalité :

Supposons que A est observé par B qui est ensuite observé par C de telle façon que l'information possédée par B sur A soit transmise à C.

On raisonne sur un modèle simplifié : les états   de A sont les états propres associés aux états pointeurs   de B, qui sont eux-mêmes les états propres associés aux états pointeurs   de C.

À partir de l'état initial   de A, on obtient après l'observation de A par B, l'état   de AB. Après l'observation de B par C, on obtient l'état   de ABC. Avant la communication entre B et C, le vecteur d'état de A relatif à un état de C n'est pas défini, parce que A est intriqué avec B. Nous montrerons plus loin (cf. 4.15) qu'il peut être défini comme un état mixte, mais ce n'est pas un vecteur d'état. Après la communication entre B et C, l'état   de A relatif à un état   de C est le même que l'état de A relatif à l'état   de B relatif à l'état   de C. La réalité de A est donc la même pour B et C. La théorie quantique explique donc la possibilité de l'intersubjectivité dans un univers essentiellement relativiste.

Einstein, Bell, Aspect et la réalité de l'intrication quantique modifier

Supposons que deux qubits intriqués dans l'état   sont très éloignés l'un de l'autre. On peut donc faire une mesure sur l'un sans toucher à l'autre. Si on fait une mesure sur le premier qubit, si elle a   et   pour états propres, on peut déduire du résultat de la mesure l'état   ou   du second qubit, qui est très éloigné de l'instrument de mesure. Einstein en conclut que cet état doit représenter un élément de réalité qui existait avant la mesure (Einstein, Podolsky & Rosen 1935). Une action instantanée à distance du premier qubit, ou de l'instrument de mesure, sur le second qubit, est exclue. Elle est contraire aux principes de physique qu'il a grandement contribué à établir. Mais les équations quantiques n'attribuent pas d'état défini au second qubit avant la mesure. Selon Einstein elle ne décrivent donc pas complètement la réalité, il doit y avoir des variables cachées, c'est à dire des grandeurs réelles ignorées par la théorie quantique, qui doivent compléter la description quantique de la réalité, nécessairement incomplète.

Einstein ne pouvait pas croire que la physique quantique donne une description complète de la réalité parce qu'il ne voulait pas renoncer au principe de la séparabilité du réel. Toute la physique classique respecte le principe que l'état du système est toujours être identifié à la liste des états de ses parties. Parler d'un état intriqué, d'un état défini d'un système dans lequel les parties n'ont pas d'état défini, n'a pas de sens en physique classique.

L'existence de ces variables cachées, postulées par Einstein, est restée très hypothétique jusqu'à ce que Bell comprenne, en 1964, comment mettre cette hypothèse à l'épreuve de l'expérience (Bell 1988). L'expérience a été faite (Aspect, Grangier & Roger 1982, Gisin, Tittel, Brendel & Zbinden 1998, Gisin 2012) et le résultat est très clair: Einstein a eu tort de croire que la réalité est nécessairement séparable. Les états quantiques intriqués existent vraiment et ils décrivent complètement la réalité, autant que nous sachions.

On peut comprendre le raisonnement de Bell et les résulats obtenus par Aspect en étudiant un système à deux qubits intriqués et en considérant deux instruments de mesure pour chacun d'eux.

{ } et { } (cf. 2.7) sont les deux bases d'états propres des instruments de mesure du premier qubit.

{ } et { } sont les deux bases d'états propres des instruments de mesure du second qubit.

À chaque itération de l'expérience, Alice choisit un des deux instruments et l'applique à son qubit, Bob fait de même sur l'autre qubit. Il y a donc quatre expériences possibles, qui peuvent avoir pour résultats :

  •  
  •  
  •  
  •  

Il semble que l'état de Bell   privilégie la base { } mais c'est une illusion:

 

Si on choisit :

 

 

 

 

on arrive à corréler positivement les huit couples suivants :   avec   et  ,   avec   et   ,   avec   et  ,   avec   et  :

 

On trouve le même résultat pour les sept autres couples. Leur somme est plus grande que 3 :

 

Bell a compris qu'un tel résultat, prédit par la physique quantique et vérifiable empiriquement, est incompatible avec le principe de séparabilité du réel.

Comme on a :

 ,

si Alice mesurait sur le premier qubit les états   et   elle pourrait déduire de ses résultats ceux de Bob, s'il mesurait lui aussi   et   sur le second qubit. Il en va de même pour   et  . Selon le critère d'Einstein, il devrait donc y avoir des éléments de réalité qui déterminent les résultats de Bob. Comme les rôles d'Alice et Bob sont symétriques, il devrait aussi y avoir des éléments de réalité qui déterminent les résultats d'Alice. On devrait donc pouvoir répartir les expériences en seize groupes qui correspondent aux seize combinaisons possibles d'éléments de réalité. Si l'expérience est bien faite, ces seize groupes devraient se produire toujours avec les mêmes probabilités. On ne peut pas mesurer ces probabilités parce que la physique quantique interdit de mesurer simultanément les quatre éléments   ou  ,   ou  ,   ou  , et   ou  , d'une combinaison. Mais si on accepte le raisonnement d'Einstein fondé sur le postulat de séparabilité, on doit accepter l'existence de ces seize probabilités.

Les huit probabilités mesurables des couples corrélés peuvent être considérées comme les espérances de huit variables aléatoires. Par exemple   est l'espérance de la variable qui vaut 1 si   est observé et zéro sinon. La somme de ces huit variables est elle aussi une variable aléatoire dont l'espérance est la somme des huit espérances des variables sommées. On peut vérifier sur chacune des seize combinaisons que cette somme est toujours inférieure ou égale à trois. Par exemple elle vaut trois pour la combinaison  . Son espérance est donc nécessairement inférieure ou égale à trois. Le principe de séparabilité contredit donc la prédiction quantique qui a pourtant été confirmée empiriquement.

La coprésence sans rencontre possible modifier

Est-il possible de se trouver en un même lieu sans pouvoir se rencontrer ?

Soient deux êtres A et B qui sont capables d'interagir lorsqu'ils sont à proximité.   et   sont des états de A et B lorsqu'ils sont dans un lieu 0, et de même   et   pour un autre lieu 1. On suppose que s'ils sont dans des lieux différents, ils ne peuvent pas interagir. On a donc :

 

 

S'ils sont initialement dans l'état intriqué   alors ils n'interagiront pas.

Preuve :  . Fin de la preuve.

Cependant il y a une probabilité   de trouver A dans le lieu 0, de même pour B. Ils sont donc tous les deux présents dans le lieu 0, au moins partiellement, mais ils ne peuvent pas s'y rencontrer. De même pour le lieu 1.

Par exemple Alice et Bob ont convenu d'un rendez-vous, mais pour des raisons de sécurité ils n'ont pas défini le lieu par avance. Ils se servent d'une paire intriquée, supposée dans l'état  . Juste avant le rendez-vous, chacun doit observer sa partie de la paire et décider en conséquence du lieu où ils se retrouveront. Mais à l'insu d'Alice et Bob, Charles est jaloux et a remplacé la paire intriquée par une autre,  . Alors Alice et Bob iront à leur rendez-vous sans pouvoir s'y rencontrer tout en y étant présents tous les deux.

L'espace-temps enchevêtré modifier

Les parties d'un système quantique sont en général conçues comme des êtres matériels, des particules, des atomes, des molécules, ou de plus gros objets. Mais à un niveau plus fondamental, il semble qu'il faille considérer les particules élémentaires et leurs composés comme des formes d'excitation de l'espace, ou du vide quantique. Les parties du système sont alors conçues comme des régions de l'espace. L'espace des états de l'espace entier est le produit tensoriel des espaces d'états des régions en lesquelles on l'a décomposé. Le vecteur d'état de l'univers décrit ainsi l'intrication entre toutes les régions de l'espace (Wallace 2012). Or il décrit les destinées multiples de tous les êtres de l'univers. La plupart de ces destinées sont séparées et ne pourront jamais se rencontrer, alors qu'elles se produisent dans le même espace et parfois dans les mêmes lieux. Cela pose une difficulté de principe : pourquoi dire de deux destinées qu'elles passent par un même lieu si elles ne peuvent pas s'y rencontrer ?

Cela a du sens parce que même si A et B ne peuvent pas se rencontrer dans un certain lieu quand ils y passent tous les deux, ils peuvent tout de même rencontrer chacun un troisième être C présent en ce lieu. C ne rencontrera jamais A et B en même temps, seulement l'un ou l'autre, mais pas les deux. La destinée initiale de C bifurquera en deux destinées, l'une où il rencontre A, l'autre B.

La thèse d'Everett est parfois énoncée d'une façon qui semble un peu absurde : à chaque observation l'univers de l'observateur se séparerait en plusieurs univers indépendants qui correspondraient chacun à un résultat possible. On conçoit alors l'évolution de l'Univers comme une arborescence où chaque branche peut se diviser en plusieurs branches qui peuvent alors se diviser, et ainsi de suite. Cette image de l'arborescence est parfois utile (cf. chapitre 6) mais elle suggère à tort qu'il y aurait plusieurs espaces et plusieurs temps, plusieurs branches de l'écoulement du temps et plusieurs espaces où il s'écoule. La thèse d'Everett ne dit rien de tel. Elle prend la physique quantique telle qu'elle est, sans lui ajouter la moindre hypothèse. Elle admet donc qu'il y a un unique espace-temps. Elle constate seulement que la physique quantique attribue aux êtres matériels non une mais de nombreuses destinées qui sont toutes enchevêtrées dans un même espace-temps.

Action, réaction et pas de clonage modifier

Lors de l'interaction CNOT il semble que le qubit de contrôle agit sur le qubit cible mais pas l'inverse. Cette apparence est fausse. Si l'état initial du qubit de contrôle est  , l'état final après la mesure est :

 

Lorsque   et   sont tous les deux différents de zéro, le qubit de contrôle ne reste pas dans son état initial. Il s'intrique avec le qubit cible.

De fait, il y a une symétrie cachée dans la porte quantique CNOT. Avec un changement de base approprié, le premier qubit devient la cible et le second le contrôle (Nielsen & Chuang 2010) :

Avec la base { } (cf. 2.7), l'opérateur   est déterminé par :

 

 

 

 

Le calcul est très simple. Par exemple :

 

 

 

 

Une porte CNOT classique copie l'information portée par le bit de contrôle sur le bit cible. C'est un clonage d'information. À première vue il semble qu'une porte quantique CNOT fait la même chose avec des qubits. Mais cette apparence est fausse. L'information quantique portée par le qubit de contrôle n'est pas copiée sur le qubit cible. Le clonage de l'information quantique est en fait interdit par les principes quantiques (Dieks 1982, Wooters & Zurek 1982). Pour qu'il y ait clonage quantique, il faudrait une interaction U telle que :

 

pour tous les états   du système cloné. Il faudrait en particulier que pour deux états orthogonaux   et   on ait :

 

 

Mais on n'a pas   parce que l'interaction est nécessairement intricante :

 

L'intrication est responsable de l'impossibilité du clonage quantique.

La mesure idéale des états intriqués modifier

Si on observe séparément les parties d'un système intriqué, on détruit nécessairement leur intrication, puisqu'on est conduit à attribuer à chacune un état determiné. Comment alors observer des états intriqués sans les détruire ?

On souhaite faire une mesure idéale dont les états propres sont les états de Bell d'un système à deux qubits AB.

On se donne deux qubits observateurs C et D destinés à mesurer les états de Bell des deux premiers qubits A et B.

Une première méthode de mesure consiste à faire interagir A et B de la façon suivante (Kaye & Laflamme 2007):

 

 

 

 ,

  et  

  consiste à faire opérer la porte CNOT sur AB puis la porte d'Hadamard H sur A :

 

  détruit l'intrication des états de Bell :

 

 

 

 

Ensuite C et D mesurent les états   et   de A et B :

 

Plus explicitement :

 

 

 

 

L'évolution   suivie de   donne donc sur les états de Bell de AB:

 

 

 

 

Ce n'est pas encore une mesure idéale, parce que A et B ont été perturbés. Pour qu'ils retrouvent leur état initial il faut faire opérer  

parce que CNOT et H sont leurs propres inverses.

La mesure idéale complète est donc définie par :

 

 

 

 

 

C'est donc bien une mesure idéale des états de Bell.

Cette méthode de mesure demande que A et B interagissent pour être extriqués (s'ils sont initialement intriqués), puis ils sont mesurés séparément, puis ils interagissent encore une fois pour s'intriquer à nouveau. Si A et B sont éloignés et qu'ils ne peuvent pas interagir directement, est-il quand même possible de faire une mesure idéale de leurs états intriqués ?

Le processus de mesure suivant permet d'obtenir un tel résultat. On se sert d'abord de C pour mesurer successivement A et B avec une interaction CNOT :

 

On se sert ensuite de D pour mesurer A et B avec une interaction W qui mesure les états   et   :

 

 

 

 

La mesure de A et B par D est définie par :

 

On peut vérifier (le calcul est simple mais un peu fastidieux) qu'on obtient ainsi une mesure idéale des états de Bell. Explicitement :

 

 

 

 

 

On a donc :

 

Pourquoi la mesure des états intriqués ne nous permet-elle pas d'observer nos autres destinées ? modifier

Si j'observe, par une mesure CNOT, un qubit préparé dans l'état  , l'observation conduit au vecteur d'état   où le second qubit enregistre le résultat de la mesure. On peut interpréter   comme une superposition de deux destinées, l'une où j'obtiens le résultat  , l'autre où j'obtiens le résultat  . Si on prend au sérieux la physique quantique ces deux destinées existent également. L'observation du qubit fait bifurquer ma destinée en deux destinées séparées, mais je n'en connais qu'une. Est-il cependant possible de vérifier l'existence de cette autre destinée ? Si elle existe, on aimerait bien la voir. Peut-on fabriquer une télévision qui nous montre d'autres destinées?

Il semble que la mesure idéale des états intriqués rend possible l'observation de ces autres destinées. Après avoir observé le premier qubit, je nous place, lui et moi, devant un appareil de mesure qui détecte notre état d'intrication. Afin d'être sûr qu'une telle expérience (observation d'un qubit préparé dans l'état   puis mesure idéale de notre état intriqué) nous met toujours dans un état intriqué, je la répète de nombreuses fois. Si l'appareil de mesure de l'intrication m'informe à chaque fois que nous sommes bien dans l'état intriqué prévu, j'aurai la confirmation que d'autres destinées existent.

Il y a cependant un problème. Quand je fais une observation, je suis capable de la mémoriser. Il y a donc une partie de moi qui conserve cette information. Au minimum il faut un qubit qui reste dans le même état. Or la mesure idéale de l'intrication des deux qubits peut les perturber. Une mesure idéale ne perturbe pas le système observé seulement s'il est dans un état propre de la mesure.

Supposons que le qubit observé est initialement dans l'état  , l'observation conduit cette fois au vecteur d'état  . Il n'y a qu'un seul résultat de mesure et donc pas de bifurcation en plusieurs destinées. Comme cet état n'est pas intriqué, il n'est pas un état propre de la mesure idéale des états intriqués. Si je me place en face d'un appareil qui effectue une telle mesure, je serai donc perturbé. Mon qubit qui a enregistré la première observation ne pourra pas conserver son information. Le protocole proposé, destiné à vérifier l'existence d'une autre destinée, ne peut donc pas fonctionner si j'ai mémorisé convenablement le résultat de ma première observation.

Cela montre que nous ne pouvons pas observer une destinée dans laquelle nous avons mémorisé des observations différentes de celles que nous avons mémorisé dans cette destinée.

La réduction apparente du vecteur d'état suffit pour prouver que nous ne pouvons pas observer nos autres destinées, puisqu'après une observation tout se passe comme si les composantes non-détectées du vecteur d'état n'existaient plus : elles ne peuvent plus avoir d'effet sur des observations ultérieures. Le raisonnement ci-dessus précise cette conclusion. C'est la mémorisation des résultats d'observation qui nous interdit d'observer des destinées dans lesquelles nous avons obtenu d'autres résultats.

Les opérateurs densité réduits modifier

Un opérateur densité réduit représente le maximum d'information sur une partie d'un système tant qu'on ignore l'état du reste.

Lorsque l'état   d'un système AB est donné sous la forme d'une décomposition de Schmidt :

 

où les   sont des vecteurs orthonormés, ainsi que les  , les opérateurs densité réduits de   sont :

 

et

 

De façon générale, les opérateurs densité réduits sont obtenus en attribuant aux états de base d'une partie d'un système des probabilités égales à leurs poids dans l'état du système :

Si AB est dans l'état   alors :

 

et

 

  suffit pour déterminer toutes les probabilités des résultats d'observation sur A seul, lorsqu'il est séparé de B. On peut donc considérer qu'il représente l'état, en général mixte, de A.


Les opérateurs densité réduits peuvent être définis avec l'opération de trace partielle :

 

et

 

  est la trace partielle sur   d'un opérateur  .

On peut la définir de la façon suivante :

Soit  

où les   sont une base de l'espace des états de A et les   une base de l'espace des états de B, alors :

 

et

 

En particulier :

 

et

 


Si un opérateur densité   est séparable ( ), alors   et   sont ses opérateurs densité réduits.

Qu'il soit séparable ou non,   suffit toujours pour déterminer les opérateurs réduits   et  . On peut en conclure que l'état de AB suffit pour déterminer les états de A et de B. Avec les opérateurs densité réduits les états des parties peuvent être déterminées à partir de l'état du tout. Mais cela ne suffit pas pour faire disparaître le mystère de l'intrication, parce que s'il représente un état intriqué,   n'est pas déterminé par   et  .

Par exemple, si   alors :

 

et

 

Mais   est intriqué tandis que   est séparable.

Les opérateurs densité relatifs modifier

Soit   l'opérateur densité du système AB.

Soit   un opérateur densité quelconque de B:

 

L'état   de A relatif à l'état   de B quand AB est dans l'état   est défini par :

 

où les   sont les états de A relatifs aux états   de B.

On peut alors définir les états relatifs, en général mixtes, de n'importe quelle partie de l'Univers par rapport à n'importe quel état, pur ou mixte de n'importe quelle autre.

Soient A et B deux parties de l'Univers et E leur environnement. L'état de l'Univers est un opérateur densité  . On peut alors définir l'état   de AE relatif à n'importe quel état   de B. Par trace partielle on obtient alors l'état   de A relatif à l'état   de B :

 

Pourquoi les paires intriquées ne permettent-elles pas de communiquer ? modifier

Soient A et B deux parties d'un système AB. On suppose qu'elles ont interagi dans le passé et que AB est maintenant dans un état intriqué   où elles sont très éloignées l'une de l'autre. Si on observe une seule des parties, et si on raisonne sur la réduction du vecteur d'état comme si elle était un effet réel, on conclut qu'il devrait y avoir une action instantanée à distance de la partie observée sur celle qui ne l'est pas, parce que l'état de B après la mesure est différent de son état avant. On est alors étonné de constater que cet effet, supposé réel, ne permet pas de communiquer instantanément à distance. S'il y avait vraiment action, il devrait y avoir une possibilité de communication.

En toute généralité, qu'il s'agisse d'action instantanée ou avec retard, les paires intriquées ne permettent jamais de communiquer de la façon suggérée par la réduction du vecteur d'état. De ce point de vue la physique quantique ne se distingue pas de la physique classique. Pour qu'il y ait communication, ou transport d'information, il faut qu'il y ait une action ou une interaction qui se propage à la vitesse de la lumière ou à une vitesse inférieure. Lorsqu'on observe une partie éloignée d'une paire intriquée, il n'y a pas d'interaction avec la partie inobservée. Aucun effet mesurable de celle-la sur celle-ci ne peut être détecté.

Formellement, cette absence de communication entre les parties se traduit par l'invariance de l'opérateur densité réduit de la partie inobservée à l'issue de l'observation. La partie inobservée ne change pas d'état, elle n'est pas perturbée par l'observation de l'autre partie. Il est entendu que l'état non-perturbé est un état mixte. Un opérateur densité réduit détermine toutes les probabilités des mesures effectuées sur une partie (cf. 2.8) tant qu'on n'a pas d'information sur les résultats des mesures effectuées sur les autres parties. Comme une observation ne change pas les opérateurs densité réduits des parties inobservées, elle ne peut avoir aucun effet mesurable sur celles-ci.

La décohérence par l'intrication modifier

Lorsqu'un système est dans un état pur, une superposition telle que   est dite cohérente. C'est presque un pléonasme. Une véritable superposition quantique est toujours cohérente. Mais un mélange d'états   avec des probabilités   est parfois appelé, improprement, une superposition incohérente.

Le formalisme des opérateurs densité précise cette différence. L'opérateur densité d'une superposition cohérente est :

 

tandis que pour une superposition incohérente, il est :

 

Les éléments non-diagonaux   de la matrice densité d'une superposition cohérente font donc toute la différence avec une superposition incohérente. Ils sont parfois appelés les cohérences de cette matrice densité.   est la cohérence entre les états   et  .

Lorsqu'une mesure est idéale, les états propres de la mesure ne sont pas perturbés par l'observation. En revanche toute superposition cohérente d'états propres associés à des valeurs propres distinctes est perturbée. Soit un système initialement dans l'état  , où l'on a supposé que les résultats de mesure ont chacun un seul état propre, afin de simplifier les écritures. Après l'observation il est intriqué avec l'appareil de mesure, parce que l'état final du système global est  .

Après la mesure, l'état du système observé peut être considéré un mélange des états associés à tous les résultats possibles. Pour une mesure idéale, nous connaissons déjà, avec la règle de Born, l'opérateur densité qui représente ce mélange, mais il vaut la peine de faire le calcul en détail pour le comparer à des interactions plus générales que les mesures idéales :

 

 

 

où la dernière égalité vient de ce que les   sont orthonormés.

Comme les éléments non-diagonaux de la matrice densité ont disparu, la cohérence de la superposition initiale a été détruite. On appelle décohérence cet effet de perturbation par la mesure (Zurek 2003). Dans le cas particulier d'une mesure idéale, la cohérence des superpositions d'états propres associés à des résultats distincts est complètement détruite par la mesure. Leur décohérence est complète. En revanche, la cohérence des superpositions d'états propres associés à un même résultat n'est pas détruite par une mesure idéale. Les sous-espaces de tels états propres sont libres de décohérence.

Si un système reste isolé, sans interactions avec son environnement, il n'y a pas de décohérence, parce que l'évolution d'un système isolé est unitaire :

 

Il en résulte que les cohérences   sont des quantités conservées, au sens suivant : si un système est isolé la cohérence entre les états finaux   et   est égale à la cohérence entre les états initiaux   et  .

Si un système S est perturbé par un environnement E, les cohérences ne sont plus nécessairement conservées. Elles dépendent de l'intrication de S avec son environnement. On croit parfois que les interactions ou les perturbations suffisent pour provoquer la décohérence, mais ce n'est tout à fait exact. La porte SWAP par exemple est une interaction sans intrication. Si les deux qubits qui interagissent par SWAP sont dans des états purs, ils restent dans des états purs. Il n'y a pas de perte de cohérence, parce qu'il n'y a pas d'intrication. La décohérence est mesurée par le degré d'intrication avec l'environnement.

Soit S un système soumis à l'influence d'un environnement E. Soient   et   deux états orthogonaux de S. Quel est le degré de cohérence   entre ces deux états ?

Les   sont une base orthonormée de S qui contient   et  . Les   sont une base orthonormée quelconque de E. Un état pur quelconque du système SE peut alors être déterminé par :

     

où l'on a posé  

L'opérateur densité réduit de S est :

 

 

On en déduit :    

  est donc égal  . C'est une mesure de la ressemblance quantique entre   et  . Plus   et   sont différents, plus la cohérence entre   et   est diminuée par l'influence de l'environnement. Si   est orthogonal à   la décohérence entre   et   est complète et l'intrication entre S et E est maximale. Si   est égal à   la cohérence entre   et   est maximale et il n'y a pas d'intrication entre S et E pour ces deux états de S. C'est donc bien l'intrication qui est responsable de la décohérence.

Les règles de Feynman modifier

Lorsqu'un système n'est pas dans un état propre d'une mesure idéale, l'observation produit un état intriqué entre le système observé et l'appareil de mesure :

 

où l'on a supposé que les résultats   n'ont qu'un seul état propre   pour simplifier les écritures.

L'opérateur densité réduit qui représente l'état mixte du système observé après la mesure est donc :

 

On en conclut qu'une observation fait passer le système observé d'un état pur à un état mixte lorsqu'il n'est pas un état propre de la mesure.

Cela permet d'expliquer les règles de Feynman de calcul des probabilités en physique quantique (Feynman 1966) :

Soit un système qui passe d'un état initial   à un état final   en passant par des états intermédiaires  .

Si les états intermédiaires   ne sont pas observés, il faut sommer les amplitudes de probabilité     de tous les chemins     puis prendre le module au carré de cette somme pour trouver la probabilité que le système aille de   à   :

    

Si les états intermédiaires   sont observés, il faut sommer les probabilités     de tous les chemins     pour trouver la probabilité que la système aille de   à   :

    

   

La première règle est typique de la physique quantique. Elle résulte du postulat d'évolution unitaire. La seconde règle est une règle classique d'addition des probabilités. Elle résulte de la décohérence par l'observation. Lorsque les états intermédiaires   sont observés, le système observé est représenté par un mélange d'états. Il faut alors appliquer la règle classique d'addition des probabilités. L'intrication par l'observation explique donc la seconde règle de Feynman.

La reconstitution a posteriori des figures d'interférence modifier

La reconstitution a posteriori des figures d'interférence illustre de façon saisissante la relativité, au sens d'Everett, des états observés par rapport à l'observateur :

Dans un interféromètre de Mach-Zehnder, on place un qubit observateur sur l'une des trajectoires du photon. L'évolution du système peut alors être décrite par l'opérateur :

 

 

où le premier qubit représente le photon et le second, l'observateur.

L'opérateur densité réduit du photon à la sortie de la seconde lame séparatrice est :

 

Le photon a donc une chance sur deux d'être absorbé par chacun des détecteurs. L'observation du chemin suivi par le photon a donc détruit l'effet d'interférence entre les deux chemins.

Appliquons ensuite la porte d'Hadamard au qubit observateur :

 

 

Les états relatifs du premier qubit par rapport au second sont donc   par rapport à   et   par rapport à  . Si l'on observe le second qubit, on peut en déduire l'état du premier. De cette façon on peut reconstruire une figure d'interférence en reliant les observations des deux qubits. Une telle reconstruction peut être faite même si le second qubit est observé longtemps après le premier.

On dit parfois que les figures d'interférences sont détruites à cause de la perturbation par les sondes placées sur les chemins suivis. Ce n'est pas tout à fait exact puisque ces figures peuvent être reconstituées après que ces perturbations se sont produites. Les sondes ne détruisent pas forcément les figures d'interférence mais seulement les conditions de leur observation. L'intrication de l'objet observé avec les sondes change ces conditions parce que les états observés sont toujours des états relatifs, au sens d'Everett, à l'observateur.

La fragilité des états macroscopiques non-localisés modifier

Il suffit d'un seul photon pour détruire un état macroscopique non-localisé, à cause de la décohérence par l'intrication.

Soit par exemple   un état macroscopique non-localisé et un photon incident dans l'état  . Le photon peut être localisé ou non.

Supposons qu'il soit initialement localisé à proximité de  . Après l'interaction on obtient l'état suivant :

 

M étant macroscopique, son état localisé   est très peu affecté par l'impact du photon.   est presque égal à  , au sens où leur produit scalaire est peu différent de 1. Mais cela n'empêche pas la destruction de l'état non-localisé, parce que   est en général très différent de  . Si   est égal à zéro, la décohérence entre les états   et   est complète. L'état non-localisé est donc complètement détruit, à cause de l'intrication avec un seul photon.

Si le photon est initialement non-localisé, l'interaction conduit à l'état suivant :

 

  est en général très différent de  . Là encore, si   est égal à zéro, la décohérence est complète.

Tant que les objets macroscopiques ne sont pas dans un ultravide ultrafroid, ils sont en permanence percutés par de très nombreuses particules, photons et molécules de l'air ambiant. Il se peut qu'une seule de ces particules ne suffise pas pour provoquer une décohérence complète d'un état non-localisé, si   n'est pas suffisamment proche de zéro. Mais un petit nombre de particules incidentes suffit toujours pour que la décohérence soit complète. La décohérence des états macroscopiques non-localisés est donc un effet très puissant et très rapide. Il est presque impossible d'y échapper. Plus les objets sont gros, plus ils sont sensibles à cette destruction de leurs états non-localisés. Les êtres microscopiques en revanche, les particules et les petites molécules, sont beaucoup moins sensibles, parce qu'ils peuvent se propager sur de grandes distances sans interagir, ou en interagissant peu, avec d'autres particules ou molécules.

Même dans un ultravide ultrafroid, les états macroscopiques non-localisés subissent une décohérence très rapide s'ils ne sont pas eux-mêmes ultrafroids, parce qu'ils émettent des photons avec lesquels ils s'intriquent.

Les états macroscopiques non-localisés sont très fragiles, parce qu'en général les objets macroscopiques ne peuvent pas être isolés, ou pas très bien, et parce que leurs états non-localisés sont détruits par l'intrication avec l'environnement. Les états macroscopiques localisés ne sont pas aussi fragiles, parce que les interactions sont toujours locales. Tout se passe comme si les objets macroscopiques étaient observés en permanence par leur environnement. Comme les interactions sont locales, les états localisés peuvent être des états propres de cette observation. S'il s'agissait d'une mesure idéale, ils ne seraient alors pas perturbés. La localité des interactions sélectionne les états localisés parmi tous les états d'un objet macroscopique parce qu'ils sont les plus robustes, les moins perturbés par leur environnement (Joos, Zeh &... 2003, Zurek 2003, Schlosshauer 2007).

Les expériences du type "chat de Schrödinger" modifier

Les principes quantiques n'interdisent pas l'observation des superpositions quantiques d'états macroscopiques. Ils prédisent seulement que de telles observations sont très difficiles, parce qu'il faut isoler le système observé pour le protéger de la décohérence par son environnement.

Schrödinger a inventé une expérience de pensée, hélas un peu sinistre, pour illustrer le caractère très contre-intuitif du principe de superposition quantique, qu'il a contribué à découvrir, puisque ce principe accompagne nécessairement sa célèbre équation. Un chat est enfermé dans une boîte équipé d'un dispositif diabolique : un atome radioactif est couplé à une fiole de poison qui se répandra seulement si l'atome se désintègre. On suppose que la demi-vie de l'atome est de une heure et qu'au début de l'expérience on a vérifié qu'il ne s'est pas désintégré. L'expérience consiste à laisser le chat enfermé pendant une heure puis à ouvrir la boîte (Schrödinger 1935).

Si on la boîte est complètement isolée de son environnement, on peut décrire cette expérience avec un opérateur unitaire sur un système à un qubit et un qutrit. Le qubit représente l'atome, qui peut être dans l'état   s'il s'est désintégré, et   sinon. Le qutrit représente tout le reste de la boîte : le produit de désintégration, s'il existe, la fiole de poison, le chat et la boîte elle-même.   est l'état de la boîte et de son contenu, sauf l'atome, au début de l'expérience lorsque le chat est vivant,  , l'état de la boîte et de son contenu sauf l'atome à la fin de l'expérience si le chat est vivant,  , s'il est mort. L'expérience est alors décrite par :

 

L'état du système à l'issue de l'expérience est donc un état intriqué entre l'atome, le chat et le reste de la boîte, où le chat est simultanément mort et vivant.

On appelle expérience du type "chat de Schrödinger", toute expérience qui prépare et d'observe un état tel que   pour un système macroscopique. Évidemment il n'est pas nécessaire de tuer un chat.

L'expérience originale de Schrödinger ne prépare pas l'état   du chat, mais seulement un état intriqué entre le chat et son environnement. Pour préparer l'état   du chat, il faudrait isoler complètement le chat de son environnement et mettre le dispositif diabolique dans son ventre. Mais un être vivant ne peut pas survivre dans l'ultravide ultrafroid, il ne pourra donc jamais être dans un état tel que  .

L'expérience de pensée de Schrödinger montre qu'en principe rien n'empêche d'appliquer le principe de superposition quantique à un système macroscopique, pourvu qu'il puisse être parfaitement isolé.

Une expérience du type "chat de Schrödinger" n'a à ce jour jamais été réalisée avec un système vraiment macroscopique, parce qu'on ne sait pas les isoler suffisamment de leur environnement. En revanche on peut la réaliser de diverses façons avec des objets mésoscopiques, des petits systèmes de particules, d'atomes ou de molécules.

Les modes d'excitation d'une cavité électromagnétique sont les états quantiques des photons qu'elle contient. Haroche et ses collaborateurs sont capables de fabriquer une cavité où ils peuvent préparer, manipuler et observer assez librement les états quantiques qu'ils imaginent. Les états de la cavité sont préparés et observés à l'aide d'atomes géants qui fonctionnent comme des sondes microscopiques. Ils ont ainsi réalisé une expérience de type "chat de Schrödinger" avec une cavité ultrafroide qui contient plusieurs photons.

Certains états quantiques du champ électromagnétique ressemblent beaucoup à des états classiques, surtout s'ils contiennent en moyenne de nombreux photons. On les appelle des états de Glauber.

Un mode du champ électromagnétique est semblable, de façon mathématique, à un oscillateur harmonique, parce que le champ oscille périodiquement comme n'importe quel oscillateur. En physique quantique les énergies accessibles d'un oscillateur harmonique sont quantifiées. Elles correspondent au nombre de photons excités dans un mode d'une cavité électromagnétique. Lorsque l'énergie d'un oscillateur est très grande par rapport à la différence d'énergie entre deux états successifs, on peut construire des états quantiques qui ressemblent beaucoup aux états classiques d'un oscillateur. Ils peuvent avoir une position et une impulsion très précisément définie. Ce sont les états de Glauber. Ce ne sont pas des états à nombre de photons défini, les états de Fock, qui sont purement quantiques, qui n'ont pas d'équivalent en physique classique, même s'ils contiennent un très grand nombre de photons. Les états de Glauber sont aussi appelés "états cohérents".

On peut préparer un état de Glauber simplement en couplant brièvement la cavité initialement vide à une source classique de rayonnement électromagnétique. On peut s'arranger pour que l'atome géant perturbe le champ dans la cavité en provoquant un décalage de phase de l'état de Glauber, comme si on avait déplacé un oscillateur sans changer son énergie, un peu comme si l'atome avait donné un coup sur le champ. Selon son état initial   ou  , l'atome provoque un décalage de phase dans des directions opposées (Haroche & Raimond 2006, pp.377-378). L'interaction entre l'atome et la cavité est décrite par :

 

 

  est l'état de Glauber initial et   l'état de Glauber obtenu par un décalage de phase de  .

Si on prépare l'atome dans l'état   on obtient donc :

 

Comme les conditions de l'expérience permettent d'atteindre des valeurs de   supérieures à un radian, l'état obtenu peut être considéré comme un état du type "chat de Schrödinger" pour le système atome+champ. Pour préparer l'état   de la cavité il suffit de mettre initialement l'atome dans l'état   puis de l'observer à la sortie de la cavité dans l'un des états   ou  .

Si par exemple on l'a observé à la sortie dans l'état  

l'état de la cavité relatif à l'observation est :

 

puisque

 

 

Pour vérifier ensuite qu'on a bien préparé l'état "chat de Schrödinger" souhaité, le système d'observation se sert de la détection homodyne (Haroche & Raimond 2006, pp.374-375).

En procédant de cette façon Haroche et ses collaborateurs ont préparé de nombreux états "chat de Schrödinger" et ils ont observé leur fragilité. Ils ont ainsi pu vérifier empiriquement la théorie de la décohérence par l'intrication avec l'environnement. Les infimes perturbations par la cavité ultrafroide et très bien isolée suffisent pour détruire très rapidement les états "chat de Schrödinger" même s'ils contiennent un petit nombre de photons.

L'expérience de pensée suivante, calquée sur la précédente, montre comment préparer et observer un état macroscopique non-localisé d'un miroir. Faire l'expérience pose de grandes difficultés, parce que le miroir doit être parfaitement isolé de son environnement. Toute interaction entre le miroir et son environnement peut détruire l'état non-localisé que l'on souhaite observer.

On suppose qu'un état   d'un miroir est en équilibre instable. S'il est percuté par un photon dans l'état  , il tombe dans l'état  , tandis que le photon réfléchi passe dans l'état  . Si le miroir est initialement dans l'état  , il n'affecte pas le photon. On obtient ainsi le processus de mesure suivant :

 

 

Pour préparer l'état macroscopique non-localisé   on se sert d'un photon préparé (à l'aide d'une lame séparatrice par exemple) dans un état    est un état pour lequel le photon n'interagit pas avec le miroir. Ayant préparé le miroir dans l'état   on obtient :

 

 

Si on détecte ensuite (avec une lame séparatrice suivie d'un photodétecteur) le photon dans l'état   on a préparé l'état   du miroir. Avec cet état macroscopique non-localisé et un nouveau photon dans l'état   on obtient :

 

Si on répète de nombreuses fois l'expérience avec un détecteur capable de détecter le photon dans l'état   celui-ci sera toujours détecté. On peut en conclure que l'état non-localisé   du miroir a été observé, parce qu'un autre état qui interagit avec un photon   ne conduirait pas au même résultat.

Les expériences du type "chat de Schrödinger" sont donc en principe réalisables. Il est en principe possible d'observer des superpositions d'états macroscopiques différents.

Le théorème d'existence des destinées multiples est-il empiriquement vérifiable ? modifier

Dans l'expérience imaginée ci-dessus, le miroir en équilibre instable peut être considéré comme un système d'observation, conçu pour détecter et enregistrer la présence d'un photon. Cette expérience permet donc de vérifier l'existence des destinées multiples d'un système d'observation macroscopique. On en déduit que le théorème d'existence des destinées multiples est empiriquement vérifiable. Mais cette conclusion surprenante est accompagnée de sévères restrictions.

Le système observateur doit être complètement isolé de son environnement, donc dans l'ultravide ultrafroid. Si un tel isolement n'est pas parfait, la décohérence par l'environnement suffit pour détruire l'état de superposition des destinées dont on souhaite vérifier l'existence. On peut imaginer des caissons capables d'isoler parfaitement un être vivant, mais c'est en pratique irréalisable. Même l'isolation de très petits systèmes, beaucoup moins sensibles à leur environnement, est en général très difficile.

Une autre raison fondamentale empêche d'observer les destinées multiples d'un être vivant. Pour qu'une superposition de deux résultats d'observation soit observable, il faut que ces résultats soient enregistrés d'une façon réversible, qu'ils puissent être "oubliés" par le système observateur. Dans l'expérience ci-dessus, l'état final   du miroir n'a pas gardé la trace des états antérieurs   et   par lesquels il est simultanément passé. Ceci est général. Pour qu'un état   soit observable, il faut un détecteur et un état initial   tel que   conduise à  , où   est l'état du détecteur quand il a détecté  , et   est l'état final du système observé. Si   est une superposition de résultats d'observation,   par exemple, les résultats obtenus   et   ne peuvent pas être tous les deux mémorisés dans l'état  . Au moins un des deux résultats, et peut-être les deux, a été effacé. On peut en conclure que lorsque des observations sont enregistrées de façon irréversible, la superposition de destinées différentes n'est pas observable. Comme les destinées des êtres vivants sont des successions de processus et d'observations irréversibles, leurs superpositions ne sont pas observables. L'existence des destinées multiples des êtres vivants n'est donc pas empiriquement vérifiable, à cause de l'irréversibilité des processus vivants.