Renaissance et Réforme/À la veille du XVIeme siècle

La fin du XVIe siècle voit la fin d’une période et laisse supposer le début d’un autre monde en politique, religion, arts et lettres. En France, après la guerre de Cent-ans franco-anglaise, le fils de Louis XI, Charles VIII, épouse en 1491 la duchesse Anne de Bretagne. En Angleterre, la guerre civile des Deux-Roses a pris fin et Henri Tudor devient roi. En Italie, les États sont pacifiés, et en Espagne règnent les rois catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon. L'Allemagne façonne l’Empire avec l’Autriche et la Bohême, certains États de la Lotharingie (à l’ouest, les Pays- Bas, à l’est l’Alsace et la Lorraine, la Franche-Comté et la Savoie), des États suisses et une partie de l’Italie du nord. Et l’Europe nordique est constituée du Danemark, de la Norvège et de la Suède. Par ce premier regard l’Europe, qui compte environ quatre vingt millions d’habitants paraît apaisée, connaît un commerce florissant, notamment anglais et italien, et où tous les pays sont chrétiens. Cependant des failles existent qui vont progressivement apparaître, grandir, faire de plus en plus l’objet de réflexions, de contestations, voire de conflits dans les États et entre eux. Dans le domaine politique, les deux grands personnages que sont l’empereur du Saint - Empire et le pape connaissent des relations tendues dans la deuxième moitié du XVe siècle et les ambitions d’autres rois, comme François 1er, feront basculer le pouvoir papal, particulièrement lors du concordat de 1516. Par ailleurs, l’Europe souffre de la multiplicité de ses États et, en conséquence, des différents modes de gouvernement : monarchies héréditaires en France, en Angleterre, en Castille et Aragon ; monarchies de forme élective en Pologne, Bohême, et dans le Saint Empire ; oligarchies ou princes ecclésiastiques en Italie et en Allemagne. Ces diverses formes de pouvoir ne pourront engendrer, en cas de conflit, que des désaccords démultipliés, l’Europe n’ayant pas d’autorité unifiée, temporelle et spirituelle, d’un empereur (ou d’un roi) et d’un pape.

Dans un tout autre domaine, celui des grandes découvertes, le premier mobile est économique. Ont diminué les ressources de métaux précieux, de l’argent des mines d’Europe centrale, en même temps qu’augmente le besoin d’or et d’argent des États. Le commerce des épices se greffera aux découvertes et, alors qu’il deviendra plus tard important, il n’a pas constitué la première raison des départs. Vasco de Gama, Christophe Colomb, Amerigo Vespucci, Magellan : autant de noms, d’aventures, de rêves ; autant également de découvertes qui transforment la vision du monde, quand on apprend qu’il existe d’autres pays et d’autres continents ; autant de jalousies entre rois, notamment entre espagnols et français, qui pousseront François 1er à envoyer Giovanni de Verrazano dans ce qui sera la Caroline du sud, puis Jacques Cartier qui découvrira le Saint Laurent. Ces découvertes auront de nombreuses et importantes conséquences. Tout d’abord les routes traditionnelles du commerce de la méditerranée se trouvent déplacées vers l’Atlantique et l’océan indien, et dès lors des ports sur l’Atlantique, français ou des États comme les Pays-Bas, verront leur développement et leur économie profondément modifiés. L’arrivée de l’or enrichit des pays, comme l’Espagne , et les nouvelles richesses comme les épices, le tabac et plus tard le maïs et le cacao, influeront également sur le commerce. Une autre conséquence est l’esclavage, et le commerce négrier qui commence dés la fin du XVe siècle, dénoncé par Bartolomé de Las Casas, ne cessera de se développer au cours des siècles suivants. Ces grands voyages de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle ont induit des progrès et des perfectionnements dans la navigation, ont fait progresser la rédaction et la compréhension des cartes, grâce notamment à Mercator. Ils ont en outre pu faire découvrir des produits exotiques qui deviendront quotidiens, avec en conséquence un impact non négligeable en politique et en économie. Et une autre circulation intervient, celle de la pensée. L’humanisme, cette explosion de la réflexion et de l’esprit, qui veut dépasser le mode de pensée médiéval, retrouver la notion d’individu, l’étude et l’authenticité d’un texte, va être personnifié par les grands noms de Léonard de Vinci, Michel Ange, Boccace, Pétrarque, ou Ronsard. L’imprimerie, qui apparaît avec ses caractères mobiles en plomb en 1460 à Mayence, avec Gutenberg, se propage rapidement. Elle est présente dans tous les grands centres européens à la fin du XVe siècle. Désormais une autre étape est ouverte pour la diffusion des idées, la propagation de la pensée qui ne sera plus, progressivement, réservée à la seule élite ; et c’est dans cette Europe du XVe siècle que le premier livre imprimé sorti de la presse de Gutenberg est la Bible.

Carte de la diffusion de l'imprimerie en Europe de 1452 à 1500.

Ainsi l’Europe se présente-t-elle, à la veille du XVIe siècle, dans ses zones d’ombre et de lumière, entre Europe nordique, centrale et méditerranéenne, dans une économie transformée par les découvertes de nouveaux mondes ou de nouvelles techniques, dans des conflits latents entre temporel et spirituel. Dans un monde majoritairement rural les villes se développent, qui sont Paris, Lyon, Londres, Anvers, Venise, Florence, Rome, Bruxelles ou Madrid. Toutes auront un rôle déterminant en politique comme en économie, comme en religion. Dans ce dernier domaine toutes les « idées nouvelles » véhiculées par l’humanisme vivront et se diffuseront : l’exemplarité sera l’universalité d’une pensée qui ne se voudra pas « unique », mais « commune », malgré les aléas politiques qui marqueront ses étapes.

La fin du XVe siècle ouvre la voie à l’histoire moderne du XVIe siècle, tournant qui, en prenant racine dans les siècles précédents, donnera vie aux siècles suivants. Histoire moderne où rien ne se ressemblera plus, où les politiques se croisent, la géographie devient élastique, les certitudes vacillent. La religion va prendre une autre place, progressivement entre la politique et le social, la collectivité et l’individu, le savoir de l’élite et la foi des fidèles.

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