« Introduction à la sociologie/L'évolution de la pensée sociologique/Les sociologies contemporaines » : différence entre les versions

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La sociologie européenne ressort très affaiblie de la seconde guerre mondiale. Elle va se reconstruire au cours des années 50 et 60 essentiellement autour de deux courants : le structuralisme et le marxisme. Cependant, d'autres courants joueront bien entendu un rôle important. Citons à titre d'exemple la sociologie du travail, la phénoménologie, la psychanalyse, l'existentialisme, la psychologie piagétienne, l'ethnologie, etc. Sur la base de cette prolifération de courants et de théories périphériques, de nombreux croisements verront le jour. Je mentionne à cet égard un ouvrage au titre qui me semble évocateur : « Marxisme et structuralisme », (Lucien Sebag, 1964). Parmi ces diverses synthèses, l'actionnalisme d'Alain Touraine occupe une place à part, puisqu'il conserve encore aujourd'hui une place très importante dans l'institution universitaire française.
==== Le structuralisme ====
Le structuralisme trouve ses origines dans l'analyse structurale en linguistique héritée des travaux de Ferdinand Saussure. Analysant les langues, ce dernier s'aperçoit qu'elles constituent un véritable système de relations : les règles ou les agencements ne varient pas lorsqu'on en change leurs formes. En outre, il constate que l'analyse d'une pièce unique n'a pas de sens, tout élément doit être rapporté à l'ensemble et à sa position par rapport à d'autres pièces. Lévi-Strauss, fortement impressionné par la linguistique sausurienne sera l'un des premiers à importer ses analyses dans les sciences humaines et sociales en les appliquant aux institutions. Pour lui la société est appréhendée comme un ensemble d'individus et de groupes qui communiquent entre eux, et l'anthropologue doit déterminer le code invariant qui se cache derrière le jeu des apparences sociales, c'est à dire la structure sociale et l'Esprit humain. Dans d'autres domaines, les penseurs stucturalistesstructuralistes viseront un objectif similaire : mettre à jour les structures cachées qui se cachent derrière la réalité.
Mais qu'entendent-ils par structure ? Jean Piaget en donne la définition suivante : « En première approximation, si on fait abstraction des synthèses entre le marxisme et le structuralisme que nous passerons en revue ultérieurement, une structure est un système de transformations (par opposition aux propriétés des éléments) et qui se conserve ou s'enrichit par le jeu même de ses transformations, sans que celles-ci aboutissent en dehors de ses frontières ou fasse appel à des éléments extérieurs. En un mot, une structure comprend ainsi les trois caractères de totalité, de transformation et d'auto-réglage », (Piaget, 1983, p 6-7). Et du point de vue épistémologique, la formalisation qui est faite de la structure dépend du théoricien, « tandis que la structure est indépendante de lui, (...) cette formalisation peut se traduire immédiatement en équations logico-mathématiques ou passer par l'intermédiaire d'un modèle cybernétique. Il existe donc différents paliers possibles de formalisation dépendant des décisions du théoricien, tandis que le mode d'existence de la structure qu'il découvre est à préciser en chaque domaine particulier de recherches. », (Piaget, 1983, p 7).
En sciences sociales, le structuralisme va donner lieu à divers développements. Dans le cadre de la philosophie de la connaissance, ou de manière plus restrictive dans la sociologie de la connaissance, Michel Foucault l'emploie pour fonder une théorie de la connaissance qui plonge dans une forme de relativisme historique (il contestera toutefois son statut de structuraliste, preuve que le courant n'avait pas de frontières très nettes). La problématique que développe Foucault est à peu de choses près la suivante : Comment un savoir peut-il se constituer ? Quels sont les rapports entre vérité, pensée, et histoire ? Pour lui, l'histoire des idées se fait à travers des ruptures, chaque époque possédant sa propre vérité. Pour l'étudier, il se propose d'aborder l'ensemble du discours et des connaissances qui unifient à une époque donnée, le savoir d'une communauté humaine. Il nomme épistémè les conditions de ce savoir. Il montre alors que diverses périodes se sont succédées dans la pensée occidentale. Chacune étant plus ou moins incapable de comprendre ses propres fondations, ce qui conduit à une position épistémologique relativiste.
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Les prolongements du marxisme ne se limitent cependant pas aux synthèses avec le structuralisme. Au cours du XXe siècle, la sociologie marxiste a connu des développements dans des directions très diverses ; de ce point de vue, il est vrai que l'étendue de l’œuvre de Marx autorise non seulement des interprétations diverses, mais également des lectures partielles qui amputent sciemment ou non certaines parties de sa pensée. Les thèmes marxistes qui seront creusés par les sociologues et les économistes vont ainsi donner lieu à de multiples ramifications. Karl Manheim par exemple approfondira la notion d'idéologie, Georg Luckàcs se penchera sur la réification et l'aliénation, Karl Korsch voudra conserver l'aspect révolutionnaire de la théorie marxiste et refusera de la scinder entre les disciplines économiques, sociologiques et politiques. Il faut d'ailleurs reconnaître avec lui que les diverses approches de la sociologie marxiste tendent à se concentrer autour de thèmes récurrents propre à la sociologie, comme les contradictions inhérentes de la société capitaliste, la réification et l'aliénation, les classes sociales, l'État, l'influence de l'infra-structure sur les modes de connaissance et représentations sociales, les systèmes de contrôles sociaux ... les thèmes de la valeur, de l'échange et du circuit, pourtant essentiels pour comprendre la dynamique capitaliste (Poulon, Braudel), son caractère auto-produit et inflationniste, étant en général laissés aux économistes ou aux historiens. Parmi ces diverses ramifications, l’œuvre de Manheim demande une attention particulière, car c'est l'un des premiers sociologues à défendre la thèse selon laquelle la pensée est un processus déterminé par des forces sociales réelles. Cette thèse lui fait donc rencontrer un problème de taille, celui du relativisme de la pensée et de la connaissance. Pour tenter de le dépasser il va proposer deux solutions particulièrement intéressantes : d'une part, il pense qu'on peut l'annihiler en synthétisant différentes points de vue partiels, d'autre part, il croit que la distance par rapport aux attaches sociales permet de dépasser le conditionnement du savoir. Manheim s'est également fait reconnaître par sa distinction entre idéologie et utopie. Pour lui, si toutes deux ont en commun de transcender la réalité, elles se différencient de la façon suivante : l'idéologie a pour objectif principal la justification de l'ordre social au nom de principes en décalage avec la réalité (par exemple, dans la société moyenâgeuse, l'amour prôné par l'église est incompatible avec le servage), tandis que l'utopie est une subversion qui tend à ébranler et à subvertir l'ordre actuel. À la suite de Manheim, les sociologues marxistes allemands, revenus dans leur pays après la seconde guerre mondiale, seront très critiques envers la société moderne. Ils dénonceront avec virulence les nouvelles techniques de propagande et de contrôle des masses issus des médias (Marcuse) et les antinomies de la Raison héritée des lumières (Adorno), ils défendent ainsi les vertus d'une pensée négative apte à envisager des alternatives à la réalité telle qu'elle est. Ils s'attaqueront également au positivisme logique.
Dans les pays anglo-saxons va aussi se profiler un courant marxiste particulier, le marxisme analytique. Les marxistes analytiques réinterprètent les propositions fondamentales de Marx en les éclairant à la lumière des théories individualistes (rationalité, intérêt ...), de la micro-économie et de la philosophie analytique. Dans cette optique, ils s'inspirent fortement des théories micro-économiques. Jon Elster est considéré comme l'un des auteurs les plus en vue de ce courant. Son oeuvreœuvre théorique compte plusieurs volets, mais il a été rendu célèbre en France par ses travaux sur les limites de la rationalité individuelle et sur la pluralité du Soi.
 
=== Le renouveau de la sociologie libérale. ===