« Cristallographie géométrique/Introduction » : différence entre les versions

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[[File:Cristal ou amorphe.svg|vignette|upright=0.5|Cristal et solides amorphes.]]
 
Dans les grandes lignes, on peut opposer des solides relativement désorganisés aux solides parfaitement organisés. Les solides désorganisés sont appelés les '''solides amorphes'''. Dans ces solides, les atomes sont disposés presque aléatoirement dans l'espace, le presque signifiant que les atomes sont proches les uns des autres. Un bon exemple de ce genre de solide est le verre, qui est un solide amorphe composé uniquement de silice (mélange d'oxygène et de silicium). Le fait que les atomes soient proches signifie qu'il y a un ordre à courte distance, mais un désordre sur des distances plus longues. L'ordre se résume aux liaisons chimiques d'un atome avec ses voisins, mais guère plus. AÀ l'inverse, un '''cristal''' a une organisation très précise, que ce soit à courte ou longue distance. Les atomes y sont disposés suivant un plan très précis, basé sur un motif en trois dimensions qui est répété dans tout le cristal.
 
{{définition|définition=Un cristal est un solide dans lequel les atomes sont ordonnés de façon périodique dans les trois directions de l'espace.}}
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[[File:Perfect Crystal.jpg|vignette|upright=0.5|Exemple de cristal à la forme caractéristique.]]
 
L'agencement répétitif des atomes du cristal est parfois trahi par sa forme. AÀ l'état naturel, les roches contiennent souvent de nombreux cristaux aux formes assez caractéristiques. Les plus beaux exemples de cristaux ont une forme cubique, en forme de pavé, d'octaèdre, de pyramide, d'obélisque, ou autre. La forme de tels cristaux a souvent un lien direct avec l'agencement des atomes dans le cristal. Par exemple, les cristaux de sel ont une forme cubique et il se trouve que les atomes sont organisés comme tel dans le sel.
 
<div style="text-align: center;"><gallery caption="Forme et arrangement atomique des cristaux de sel">
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[[File:Crystal facet formation.svg|centre|vignette|upright=2|Croissance des faces d'un cristal d'arrangement cubique, qui montre que certaines faces grossissent plus vite que les autres et finissent par disparaitre. Dans cet exemple, les faces qui forment un angle de 45° grossissent plus vite que les autres et disparaissent, laissant une géométrie cubique.]]
 
[[File:Nodulo Pirita.JPG|vignette|Nodule de pyrite qui montre des cristaux qui s'interpénetrents’interpénètrent.|auteur=Jean-Baptiste Romé de L'Isle]]
 
Tout cela explique que les cristaux naturels n'ont pas toujours des formes parfaites à l'état naturel, c'est même peu fréquent. La plupart des cristaux trouvés à l'état naturel se sont formés sous l'action de processus géologiques ou biologique imparfaits, qui ne donnent pas forcément de beaux cristaux à la forme bien nette. La croissance de chaque face se fait à une vitesse très différente ce qui déforme le cristal, la croissance de certaines faces peut être bloquée par des obstacles mécaniques : les raisons sont nombreuses. Par exemple, les cristaux de pyrite se développent souvent dans les vides d'une roche, ce qui fait qu'ils prennent tout l'espace disponible lors de leur formation et ne peuvent pas prendre une belle forme cubique ou octaédrique. Il n'est aussi pas rare que des cristaux distincts s’interpénètrent, ce qui donne des ''macles'' assez jolies à regarder. Cela vient du fait que plusieurs cristaux ont grossi chacun dans leur coin avant de se cogner les uns aux autres, avant de fusionner ensemble.
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===La stabilité des cristaux et leur polymorphisme===
 
[[File:Diag phase glace.svg|vignette|DiaggrammeDiagramme de phase de la glace.]]
 
Certains composés chimiques peuvent cristalliser dans plusieurs arrangements atomiques différents. Un exemple du quotidien est le carbone, qui peut cristalliser dans deux phases cristallines différentes. Le carbone peut tout d'abord cristalliser en graphite, la substance qui compose les mines de crayon. Le cristal de graphite est composé de plusieurs feuillets empilés les uns sur les autres, chaque feuillet étant composé d'un arrangement hexagonal d'atomes de carbone semblable à une ruche d'abeilles. Notons dans les schémas ci-dessous que deux feuillets superposés sont légèrement décalés les uns des autres. L'autre forme cristalline du carbone n'est autre que le diamant, dont la structure cristalline ne contient pas de feuillet et est beaucoup plus compacte. Cela explique que le diamant soit plus dense et plus solide que le graphite. Là où les feuillets du graphite se désolidarisent facilement, la structure compacte du diamant résiste bien mieux.
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Typiquement, les fortes pressions tendent à rapprocher les atomes les uns des autres, ce qui favorise les arrangements compacts où les atomes sont collés les uns aux autres. Les fortes températures favorisent au contraire des arrangements plus espacés, moins compacts. Mais ces deux règles sont parfois mises en défaut. Prenons le cas du fer, par exemple. A pression ambiante, il cristallise dans deux arrangements cristallins distincts : un arrangement dit cubique centré à température ambiante, et un arrangement dit cubique à face centrées à haute température. Le premier est paradoxalement moins compact que le second. Ainsi, si on chauffe du fer au-delà de 910°c, le fer change d'arrangement atomique et passe à un arrangement plus dense.
 
Il existe aussi des composés chimiques qui existent sous forme cristalline et amorphe, et le dioxyde de silicium SiO{{ind|2}} en est encore une fois un bon exemple : il existe un verre de silice amorphe. L'arrangement périodique des atomes dans un cristal est celui pour lequel l'énergie libre totale du système est minimal. Un cristal est thermodynamiquement stable, au contraire des matériaux amorphes qui ne le sont pas. Les solides amorphes tendent donc à évoluer progressivement vers une forme cristalline, les atomes se déplaçant lentement mais surementsûrement vers leur position d'équilibre. Cependant, précisons que si les solides amorphes ne sont pas stables à proprement parler, leur évolution est tellement lente qu'on peut les considérer comme presque stables : ils sont dits métastables. Pour l'illustrer, reprenons l'exemple du quartz. Dans les conditions normales de température et de pression, la structure du quartz α est stable, alors que celle de la stishovite (son polymorphe de haute pression), n'est que métastable. La stishovite évolue donc en quartz α dans des conditions normales de température et de pression, mais cette transformation est très lente et peut durer quelques milliers d'années.
 
===Les cristaux réels ont des défauts dans leur organisation cristalline===
 
Les cristaux vu plus haut sont des '''cristaux parfaits''', où des atomes identiques sont ordonnés de façon périodique à l'infini dans les trois directions de l'espace. Un tel cristal n'existe pas dans le monde réel, car tous les cristaux réels ont des défauts qui perturbent la parfaite organisation périodique du cristal. Les défauts les plus simples sont les ''défauts ponctuels'', où des atomes manquants à un point bien précis du cristal, un atome étranger inséré quelque part, des atomes déplacés, etc. Mais il existe d'autres défauts plus complexes, dont la géométrie est est à une, deux ou trois dimensions. On fait ainsi la distinction entre :
* défauts ponctuels, de dimension 0 (lacunes, atomes intersticielsinterstitiels) ;
* défauts linéaires, de dimension 1 (dislocations) ;
* défauts de dimension 2 (joints de grains dans les polycristaux) ;
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[[Image:Tetrahedron in cube.png|vignette|upright=0.8|Tétraèdre obtenu en tronquant les sommets non voisins d'un cube.]]
 
En 1784, [[:w:René Just Haüy|René Just Haüy]] montre que les cristaux sont constitués d'empilement d'unités de volume de matière, qu'il désigne par « molécules intégrantes ». Grâce à ce concept, obtenu par sa « loi des troncatures », il explique la forme des cristaux, démontre la loi de constance des angles de Romé de L'Isle et tente une classification des cristaux en fonction de leur morphologie. Ce faisant, il montre qu'il n'existe qu'un nombre fini de formes des molécules intégrantes permettant de reconstruire les différentes morphologies observées et que certaines formes, comme les prismes pentagonaux ou octagonauxoctogonaux, ne peuvent pas servir à construire un cristal (cette impossibilité est démontrée par le théorème de restriction cristallographique). Il montre aussi qu'il existe des cristaux dont la forme ne contient que la moitié des éléments de symétrie de la molécule intégrante : c'est l'« hémimorphisme ». Par exemple, un tétraèdre peut être obtenu à partir d'un cube en tronquant quatre de ses sommets non voisins (voir la figure ci-contre), et il existe deux façons d'obtenir un tétraèdre à partir d'un cube, en fonction des sommets tronqués : ces deux tétraèdres sont des images l'un de l'autre dans un miroir. Haüy nomme les deux formes obtenues par hémiédrie « plagièdre droit » et « plagièdre gauche », connus aujourd'hui sous le nom d'« énantiomères ». L'idée des molécules intégrantes de Haüy est reprise par son élève [[:w:Gabriel Delafosse|Gabriel Delafosse]] qui en déduit l'existence d'une « maille élémentaire », à la base de la cristallographie géométrique actuelle.
 
L'invention par [[:w:William Hyde Wollaston|William Hyde Wollaston]] en 1809 du goniomètre à réflexion, qui permet des mesures d'angles d'une bien meilleure précision, marque un nouveau pas dans l'histoire de la minéralogie et de la cristallographie. En 1815, Christian Samuel Weiss décrit les sept systèmes cristallins possibles. L'utilisation du goniomètre à réflexion amène en particulier [[:w:Eilhard Mitscherlich|Eilhard Mitscherlich]], assisté par [[:w:Gustav Rose|Gustav Rose]], à découvrir l'isomorphisme en 1819 et le polymorphisme en 1824. De ces découvertes s'inspirent pendant presque un siècle les travaux suivants sur la relation entre la forme des cristaux et leur composition chimique, du domaine de la cristallochimie. On peut noter entre autres la (re)découverte de la « dissymétrie moléculaire » (ou énantiomorphisme) par [[:w:Louis Pasteur|Louis Pasteur]] en 1848 ainsi que sa méthode expérimentale pour isoler les deux énantiomorphes du paratartrate, qui conduit à la naissance du domaine de la stéréochimie. [[:w:Hermann Franz Moritz Kopp|Hermann Kopp]] étudie les cristaux mixtes isomorphes, dans lesquels des molécules peuvent être substituées par d'autres, et montre en 1840 que la probabilité pour deux molécules de former des cristaux mixtes est plus grande si leurs tailles sont semblables. Ces résultats sont développés par [[:w:Paul Heinrich von Groth|Paul Heinrich von Groth]] qui met en évidence un changement graduel de la morphologie des cristaux mixtes lors d'une substitution isomorphe. En 1849, [[:w:Auguste Bravais|Auguste Bravais]] décrit les propriétés de la maille élémentaire et montre qu'il n'existe que 14 mailles élémentaires dans l'espace à trois dimensions. La deuxième moitié du {{s-|XIX|e}} voit également l'élaboration de classifications des minéraux en fonction de leurs compositions chimiques et/ou de leurs formes cristallines, comme la classification de Gustav Rose et celle de [[:w:James Dwight Dana|James Dana]]. À la fin du {{s-|XIX|e}}, les fondements mathématiques de la théorie sur la symétrie des cristaux, dont la liste des 230 groupes d'espace, sont développés de façon indépendante par [[:w:Arthur Moritz Schoenflies|Arthur Schoenflies]], William Barlow et [[:w:Evgraf Fedorov|Evgraf Fedorov]].