« Philosophie/Liberté » : différence entre les versions

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La néantisation permet de conclure au primat de l'[[Philosophie/Existence et temps|existence]] sur l'essence : la célèbre formule de Sartre selon laquelle "''l'existence précède l'essence''" signifie que l'individu n'est pas [[déterminisme|déterminé]] d'après un sens qui d'avance le définirait en le "chosifiant". Car si l'homme appartient à l'en-soi et à ce titre est une chose, il est aussi et avant tout un "existant", un être qui opère continuellement des ''choix''. La liberté est donc inhérente à l'existence humaine ; elle en est la condition. Être homme, c'est être "''condamné à être libre''", condamné à assumer son existence libre. Le "pour-soi" peut bien être facilement tenté par la ''mauvaise foi'', forme exemplaire de l'inauthenticité niant toute responsabilité : ''je n'y suis pour rien'', prétend-il alors ; c'est ''la faute'' des "autres", c'est ''à cause de'' telle ou telle passion qui s'est emparée de moi et à laquelle je n'ai pu résister, voire parce que Dieu ou "le destin" l'a ''voulu''... Mais l'homme n'est pas libre d'échapper à la liberté : refuser la liberté, c'est encore la refuser librement. Et s'abstenir de choisir, c'est encore faire un choix − le choix de s'abstenir. Ainsi, à travers le suivisme ou la lâcheté prétendons-nous nier notre propre liberté − comme par le fanatisme nous prétendons nier celle des autres. Mais la liberté nous colle pour ainsi dire à la peau :
 
:"''{{BlocCitation|Nous dirons donc que, pour le coupe-papier, l'essence — c'est-à-dire l'ensemble des recettes et des qualités qui permettent de le produire et de le définir — précède l'existence ; et ainsi la présence, en face de moi, de tel coupe-papier ou de tel livre est déterminée. Nous avons donc là une vision technique du monde, dans laquelle on peut dire que la production précède l'existence. ''[...]'' Nous voulons dire que l'homme existe d'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir. L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur ; rien n'existe préalablement à ce projet ; rien n'est au ciel intelligible, et l'homme sera d'abord ce qu'il aura projeté d'être.''"|
<p alignauteur="right">''L'existentialisme est un humanisme''</p>}}
 
Certes, un projet peut bien se réaliser, mais il n'est plus alors un projet ; il relève désormais de l'en-soi. C'est pourquoi "''l'être du pour-soi est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est''". La réalité humaine implique donc toujours un écart au réel (à l'en-soi), et c'est précisément en quoi consiste la liberté. La ''raison'' peut bien prétendre le contraire et se présenter comme l'instrument de la délibération volontaire, seule manifestation de la liberté : en réalité, dit Sartre, "''la délibération volontaire est toujours truquée''" (''L'Être et le Néant''), car "''quand je délibère, les jeux sont faits''" : délibérer c'est en effet choisir de délibérer, avant même toute délibération. Par conséquent, la délibération, quand elle a lieu, arrive toujours en dernier : "''il y a ''[...]'' un choix de la délibération comme procédé qui m'annoncera ce que je projette, et par suite ce que je suis''". La liberté est donc tout entière dans ce choix originel qui oriente tout choix, quelque forme qu'il prenne finalement. Et la vraie liberté, évitant les nombreux pièges de l'attitude inauthentique, suppose de reconnaître et d'assumer ce caractère originel de l'existence.